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John Jay report

Le John Jay report est le nom couramment donnĂ© Ă  une Ă©tude de 2004 rĂ©alisĂ©e par le John Jay College of Criminal Justice. Son vĂ©ritable titre est La nature et l'ampleur du problĂšme des abus sexuels sur mineurs par les prĂȘtres et les diacres catholiques aux États-Unis. Étant l'Ă©tude la plus fournie concernant les abus sexuels sur mineurs dans l'Église catholique aux États-Unis, c'est la source de statistiques la plus couramment employĂ©e sur ce sujet.

Contexte

En , Ă  la suite des scandales d'abus sexuels au sein de l'Église catholique aux États-Unis, la confĂ©rence des Ă©vĂȘques se rĂ©unit Ă  Dallas et adopte une Charte de protection des enfants et des jeunes. Cette charte met sur pied une commission d'Ă©tude nationale qui se voit confier la responsabilitĂ© de commander une Ă©tude, avec la pleine collaboration des diocĂšses et Ă©parchies, sur la nature et l'ampleur du problĂšme des abus sexuels sur mineurs par des membres du clergĂ©. La commission charge le John Jay College of Criminal Justice de l'UniversitĂ© de la Ville de New York d'Ă©tudier et d'analyser les allĂ©gations d'abus sexuels dans les diocĂšses catholiques des États-Unis. La pĂ©riode couverte par cette Ă©tude s'Ă©tend de 1950 Ă  2002. Son rĂ©sultat fut un rapport remis Ă  la commission d'Ă©tude nationale, intitulĂ© La nature et l'ampleur du problĂšme des abus sexuels sur mineurs par les prĂȘtres et les diacres catholiques aux États-Unis, et couramment dĂ©nommĂ© le John Jay report.

Résumé du rapport

Le John Jay report Ă©tablit que, pour la pĂ©riode 1950-2002, un total de 10 667 personnes ont allĂ©guĂ© avoir subi des abus sexuels. Ces accusations concernent 4 392 prĂȘtres, soit 4 % des 109 694 prĂȘtres qui ont exercĂ© leur ministĂšre aux États-Unis dans la pĂ©riode couverte par l'Ă©tude[1]. Sur ce nombre, 3 300 n'ont pas fait l'objet d'enquĂȘte, le prĂȘtre concernĂ© Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ© avant qu'une plainte ne soit portĂ©e contre lui. Parmi les plaintes restantes, les diocĂšses ont trouvĂ© matiĂšre Ă  donner suite dans 6 700 cas, tandis que 1 000 autres Ă©taient trop peu Ă©tayĂ©s.

Le nombre de plaintes pour de tels abus a augmenté dans les années 1960, connu un maximum dans les années 1970, avant de décliner dans les années 1980 et de revenir durant les années 1990 aux niveaux observés dans les années 1950[2].

Parmi les 4 392 prĂȘtres accusĂ©s, 1 021 ont fait l'objet d'une enquĂȘte de police, et parmi eux, 384 ont Ă©tĂ© mis en examen, ce qui aboutira Ă  252 condamnations dont 100 Ă  des peines de prison.

Ainsi, jusque-lĂ , 6 % de tous les prĂȘtres contre lesquels des accusations ont Ă©tĂ© portĂ©es ont Ă©tĂ© condamnĂ©s et 2 % ont reçu des peines de prison[3] - [4]. Selon le John Jay report, un tiers des accusations ont Ă©tĂ© portĂ©es au cours des annĂ©es 2002 et 2003, un autre tiers l'ayant Ă©tĂ© entre 1993 et 2001[2].

MĂ©thodologie

L'Ă©tude s'est basĂ©e sur des enquĂȘtes compilĂ©es par 97 % des diocĂšses catholiques des États-Unis. Dans les enquĂȘtes transmises Ă  l'Ă©quipe de recherche, les informations contenues dans les archives diocĂ©saines sur chaque prĂȘtre accusĂ© ainsi que sur chaque plainte Ă©taient filtrĂ©es, de sorte que l'Ă©quipe de recherche n'ait accĂšs ni au nom des prĂȘtres accusĂ©s ni au nom du diocĂšse qui les emploie. Le John Jay report prĂ©sente les rĂ©sultats globaux, mais les diocĂšses ont Ă©tĂ© encouragĂ©s Ă  produire leurs propres rapports d'Ă©tude Ă  partir des enquĂȘtes qu'ils avaient compilĂ©es.

Nature du problĂšme

Analyse des abus allégués

Le rapport dĂ©finit les abus sexuels comme "les contacts ou les interactions entre un mineur et un adulte, quand le mineur est utilisĂ© comme objet de gratification sexuelle par l'adulte". Ainsi, le rapport considĂšre notamment comme des allĂ©gations d'abus sexuels les cas oĂč les contacts physiques ou sexuels ont Ă©tĂ© faits sans contrainte physique[5].

L'Ă©tude du John Jay College Ă©tablit que "de mĂȘme que dans la population gĂ©nĂ©rale, les abus sexuels sur mineurs au sein de l'Église catholique semblent ĂȘtre commis par des hommes proches des enfants qu'ils auraient agressĂ©". De plus, "de nombreux [agresseurs] semblent utiliser des tactiques de grooming pour amener les enfants Ă  se laisser faire, et l'agression se produit au domicile de l'agresseur ou de sa victime". L'Ă©tude dĂ©crit des exemples de procĂ©dĂ©s employĂ©s pour acquĂ©rir la confiance des enfants : achat de petits cadeaux, laisser la victime conduire une voiture, l'amener Ă  un Ă©vĂ©nement sportif. Le contexte le plus frĂ©quent Ă  la suite duquel les abus se sont produits est celui d'une fĂȘte ou d'un Ă©vĂ©nement au cours de laquelle le prĂȘtre fait la connaissance de la famille de la victime[5].

Le John Jay report dresse l'inventaire de plus de vingt types d'abus sexuels, depuis le harcĂšlement verbal jusqu'Ă  la pĂ©nĂ©tration sexuelle. Il indique que la plupart des agresseurs ont recours Ă  plusieurs types d'agressions. Selon le rapport, seuls 9 % des accusĂ©s se seraient contentĂ©s d'actes limitĂ©s Ă  des attouchements par-dessus les vĂȘtements de la victime. LĂ©gĂšrement plus de 27 % des allĂ©gations portaient sur des rapports sexuels oraux et 25 % concernaient une pĂ©nĂ©tration ou tentative de pĂ©nĂ©tration. La plupart des allĂ©gations concernent les attouchements au-dessus ou au-dessous des vĂȘtements.

Profil des victimes

Une Ă©crasante majoritĂ© des victimes (81 %) sont de sexe masculin. Une majoritĂ© des victimes sont des adolescents pubĂšres et seule une petite proportion des prĂȘtres ont Ă©tĂ© accusĂ©s d'abus contre des enfants n'ayant pas atteint la pubertĂ©[5].

Le John Jay Report a montré que moins de 6 % des victimes avaient 7 ans ou moins. 16 % des victimes avaient entre 8 et 10 ans.

La plupart des victimes relÚvent donc de l'éphébophilie plutÎt que de la pédophilie.

Profil des agresseurs

Au moment de la premiĂšre occurrence de l'abus sexuel allĂ©guĂ©, la moitiĂ© des prĂȘtres concernĂ©s avaient 35 ans ou moins. Dans moins de 7 % des cas, il a Ă©tĂ© indiquĂ© que les prĂȘtres accusĂ©s avaient eux-mĂȘmes subi des abus physiques, sexuels ou Ă©motionnels dans leur enfance. MĂȘme si 19 % des prĂȘtres accusĂ©s avaient des problĂšmes d'alcoolisme ou d'usage de stupĂ©fiants, seuls 9 % Ă©taient sous l'emprise de la drogue ou de l'alcool durant l'agression. Presque 70 % des prĂȘtres agresseurs avaient Ă©tĂ© ordonnĂ©s avant 1970, et avaient Ă©tĂ© formĂ©s dans des sĂ©minaires prĂ©-Vatican II ou des sĂ©minaires qui n'avaient guĂšre eu le temps de s'adapter aux rĂ©formes de Vatican II[2].

Parmi les prĂȘtres accusĂ©s d'abus sexuels, 59 % n'Ă©taient mis en cause que pour une seule allĂ©gation, contre 41 % qui l'Ă©taient plusieurs fois. Un peu moins de 3 % des prĂȘtres, soit 149 prĂȘtres, ont eu Ă  faire face Ă  plus de 10 accusations. Ces 149 prĂȘtres reprĂ©sentaient Ă  eux seuls un total de 2 960 allĂ©gations, soit le quart des incidents reportĂ©s par l'Ă©tude[2].

Analyse des réactions au niveau diocésain

Le problĂšme des prĂȘtres rĂ©affectĂ©s

Certains Ă©vĂȘques ont Ă©tĂ© fortement critiquĂ©s pour avoir dĂ©placĂ© des prĂȘtres de paroisse en paroisse, oĂč ils pouvaient toujours avoir des contacts avec des mineurs, plutĂŽt que de chercher Ă  les exclure dĂ©finitivement de la prĂȘtrise[6] - [7]. Pour tempĂ©rer ces critiques, on a pu faire remarquer que les administrateurs des Ă©coles publiques suivaient une dĂ©marche analogue face aux accusations visant des enseignants[8], et de mĂȘme pour les Boy Scouts of America[9] - [10].

En rĂ©ponse aux critiques sur la rapiditĂ© et l'efficacitĂ© de l'action de la hiĂ©rarchie catholique pour retirer les prĂȘtres accusĂ©s d'abus sexuels, les Ă©vĂȘques actuels ont rĂ©pondu que la hiĂ©rarchie n'avait pris que rĂ©cemment la mesure du danger qu'il y avait Ă  dĂ©placer les prĂȘtres d'un paroisse Ă  une autre et de ne pas aviser leurs ouailles des problĂšmes rencontrĂ©s dans leur ministĂšre prĂ©cĂ©dent. Ainsi le cardinal Roger Mahony, archevĂȘque de Los Angeles, reconnaĂźt : "Nous avons dit plusieurs fois que... notre comprĂ©hension du problĂšme et de la façon dont il se traite a Ă©voluĂ©, et que les gens ne rĂ©alisaient pas Ă  quel point ce problĂšme Ă©tait sĂ©rieux ; et ainsi, plutĂŽt que de retirer les gens de leur ministĂšre directement et entiĂšrement, ils Ă©taient dĂ©placĂ©s."[11].

Du point de vue légal, la critique la plus grave a été portée contre les diocÚses qui n'ont pas reporté les faits allégués à la police. En réponse, les législateurs de différents états ont changé la loi pour rendre la dénonciation de tels abus à la police obligatoire. Ainsi, en 2002, le Massachusetts a passé une telle loi[12].

Le recours aux thérapies

Au lieu de contacter la police, de nombreux diocĂšses ont enjoint aux prĂȘtres agresseurs de suivre un traitement et une Ă©valuation psychologiques. Selon le John Jay report, environ 40 % des prĂȘtres concernĂ©s par une accusation d'abus sexuel ont participĂ© Ă  un tel programme de traitement. Plus un prĂȘtre Ă©tait visĂ© par des allĂ©gations, plus souvent on l'envoyait suivre un traitement[2] - [4] - [13].

En rĂ©ponse Ă  ces attaques, les diocĂšses ont rĂ©pondu qu'en rĂ©assignant les prĂȘtres aprĂšs traitement, les Ă©vĂȘques avaient agi en se basant sur les meilleurs avis mĂ©dicaux de l'Ă©poque, suivant en cela une politique analogue Ă  celle du systĂšme d'Ă©ducation publique des États-unis confrontĂ© au problĂšme des enseignants accusĂ©s. Ainsi certains Ă©vĂȘques et psychiatres ont affirmĂ© que les connaissances psychologiques de l'Ă©poque laissaient entendre que les coupables pouvaient ĂȘtre guĂ©ris de leurs penchants par une thĂ©rapie[7] - [14].

Facteurs ayant contribué au problÚme des abus

Le John Jay report a mis en avant un certain nombre de facteurs expliquant l'ampleur du problĂšme des abus sexuels sur mineurs[15]:

  • la hiĂ©rarchie n'a pas saisi la gravitĂ© du problĂšme ;
  • une trop forte crainte du scandale ;
  • l'utilisation de centres de traitement non qualifiĂ©s ;
  • une volontĂ© mal avisĂ©e de pardonner ;
  • une prise de responsabilitĂ© insuffisante.

Notes et références

  1. (en) A Report on the Crisis in the Catholic Church in the United States National Review Board, 27 février 2004 2004
  2. (en) Thomas J. Reese, « Facts, Myths and Questions », America, New York City,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  3. (en) Richard Owen, « Pope calls for continuous prayer to rid priesthood of paedophilia », Times Online UK edition, London, Times Newspapers Ltd, (consulté le )
  4. (en) - (en) Terry, Karen et al., « John Jay Report », John Jay College of Criminal Justice, (consulté le )
  5. (en) Agostino Bono, « John Jay Study Reveals Extent of Abuse Problem »
  6. (en) Bruni, A Gospel of Shame (2002), p. 336
  7. (en) Steinfels, A People Adrift (2003). pp. 40–6
  8. (en) Martha Irvine, Tanner, Robert, « Sexual Misconduct Plagues US Schools », The Washington Post, (consulté le )
  9. (en) Scout's Honor: Sexual Abuse in America's Most Trusted Institution, Patrick Boyle, 1995
  10. (en) The John Jay College Research Team : Child Sexual Abuse : A Review of the Literature,2004, p.8-9
  11. (en) Tom Roberts, « Bishops were warned of abusive priests », (consulté le )
  12. (en) « Chapter 107 of the Acts of 2002: An Act Requiring Certain Religious Officials to Report Abuse of Children » (consulté le )
  13. Frawley-ODea, Perversion of Power: Sexual Abuse in the Catholic Church (2007), p. 4
  14. (en) Jerry Filteau, « Report says clergy sexual abuse brought 'smoke of Satan' into church », Catholic News Service, (consulté le )
  15. (en) B.A. Robinson, « Independent survey of sexually abusive Roman Catholic priests », Kingston, Ontario, Ontario Consultants on Religious Tolerance,

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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