Jingpo
Le peuple Jingpo, Kachin ou Katchin (orthographe vieillie adoptĂ©e par les MEP[1], en chinois : æŻéąæ pinyin : JÇngpĆzĂș; ou Tsaiva ou Lechi), est un groupe ethnique vivant principalement dans le nord de la Birmanie (Ătat kachin). Leur population est estimĂ©e Ă 450 000 personnes.
Ils forment un des 56 groupes ethniques officiellement reconnues par la Chine, avec 132 143 représentants recensés en Chine en 2000[2].
En Birmanie
Les Kachins représentent 0,7 % de la population birmane[3]. Ils sont majoritairement chrétiens (baptistes et catholiques) mais sont également bouddhistes ou polythéistes. Leur organisation militaire, la Kachin Independence Army (KIA), créée en 1961 aprÚs le coup d'état du général Ne Win pour lutter contre le pouvoir central, a conclu un cessez-le-feu avec celui-ci en 1994. Celui-ci a été rompu de facto en 2010 et les combats ont repris en 2011 autour des sites des projets hydroélectriques de la région[3] (barrage de Myitsone).
En Chine
Les Jingpo vivent principalement dans la préfecture autonome dai et jingpo de Dehong, dans la province du Yunnan, avec les minorités De'ang, Lisu, Achang et les Han. On en trouve quelques-uns dans la préfecture autonome lisu de Nujiang.
Les Jingpos habitent principalement des montagnes couvertes de forĂȘts autour de 1 500 mĂštres d'altitude, lĂ oĂč le climat est chaud. De nombreux chemins relient les villages Jingpo qui sont faits de maisons Ă deux Ă©tages en bambou au sein de forĂȘts denses et de bosquets de bambou.
La zone est riche en bois rares et herbes mĂ©dicinales. Parmi les cultures principales, on trouve le caoutchouc, le thĂ©, le cafĂ©, et le coton. Les ressources minĂ©rales locales sont le fer, le cuivre le plomb, lâor, lâargent et les pierres prĂ©cieuses. Dans les forĂȘts de la rĂ©gion on trouve des tigres, des lĂ©opards, des ours, des pythons, des faisans et des perroquets.
Histoire
Selon les lĂ©gendes locales et les archives, les ancĂȘtres des Jingpo habitaient dans la partie mĂ©ridionale de la rĂ©gion autonome du Tibet (plateau tibĂ©tain). Ils ont Ă©migrĂ© progressivement vers le sud dans la partie nord ouest du Yunnan, Ă lâouest de la riviĂšre Nujiang.
Pendant la dynastie Yuan, la cour impériale établit un bureau provincial administratif dans le Yunnan qui supervisait la zone de Xunchuan. Avec le développement, divers groupes Jingpo fusionnÚrent en deux grandes alliances tribales : les Chashan et les Lima. Elles étaient dirigées par des nobles héréditaires appelés «shanguan». Les hommes libres et les esclaves formaient deux autres classes. Dépourvus de toute liberté, les esclaves portaient le nom de leurs maßtres et faisaient un travail forcé.
Durant la premiÚre partie du XVe siÚcle, la dynastie Ming, qui institua un systÚme de nomination de chef héréditaire local dans les zones de minorité, mis en place des bureaux administratifs et nomma des nobles Jingpo comme administrateurs. Durant la dynastie Qing les zones habitées par les Jingpos furent placées sous la juridiction de préfectures et districts organisés par la cour Qing.
Au commencement du XVIe siĂšcle de nombreux Jingpo se dĂ©placĂšrent dans la zone de Dehong. Sous lâinfluence des Han et des Dai qui avaient des techniques plus avancĂ©es, les Jingpos commencĂšrent Ă utiliser des outils en acier comme la charrue et plus tard apprirent Ă cultiver le riz en paddy. Cette Ă©volution sâaccompagna dâune transition vers un rĂ©gime fĂ©odal. Les esclaves se rĂ©voltĂšrent et sâenfuirent. Lâesclavagisme disparut au XIXe siĂšcle.
La notion de zomia permet de mieux appréhender une partie des conflits, pré-coloniaux, coloniaux et post-coloniaux, d'antagonismes et de complémentarités entre des zones (basses terres) sous contrÎle gouvernemental à économie de riziculture irriguée et zones (hautes terres) hors contrÎle gouvernemental : Zomia (2009).
Culture et mode de vie
LâunitĂ© de base de la sociĂ©tĂ© Jingpo Ă©tait composĂ©e du mari et de sa femme. Quelques «shanguans» pratiquaient la polygamie. La famille Ă©tait dirigĂ©e par le pĂšre. Une famille avec seulement des filles pouvait avoir un gendre qui vivait avec elle, mais le gendre ne changeait pas de nom et ses enfants prenaient son nom au lieu de celui de son beau-pĂšre. Une famille sans enfant pouvait adopter un fils, qui Ă©tait obligĂ© de nourrir ses parents adoptifs mais qui pouvait hĂ©riter de leur propriĂ©tĂ©. Les personnes ĂągĂ©es sans enfant Ă©taient prises en charge par leurs parents. Le systĂšme dâhĂ©ritage parmi les Jingpo favorisait le plus jeune fils. Alors que le fils aĂźnĂ© formait une famille, le puĂźnĂ© sâoccupait de ses parents et hĂ©ritait de la plus grande partie de la propriĂ©tĂ©. Le puĂźnĂ© avait dĂ©finitivement un statut supĂ©rieur Ă celui de ses frĂšres. Le statut de la femme dans la sociĂ©tĂ© Jingpo Ă©tait un statut infĂ©rieur.
Les Jingpo pratiquaient un systĂšme de mariage mixte hiĂ©rarchique, câest-Ă -dire des mariages entre des familles «shanguans» et entre des familles de paysans. Alors que les jeunes pouvaient librement rencontrer des gens, leur mariage, impliquant souvent des cadeaux de fiançailles, Ă©tait arrangĂ© par leurs parents. LâenlĂšvement des Ă©pouses Ă©tait frĂ©quent. Lorsque les gens mouraient ils Ă©taient enterrĂ©s, hormis ceux qui mouraient pour des causes non naturelles et qui Ă©taient alors incinĂ©rĂ©s.
Le peuple Jingpo vivait dans des maisons de bambou et de bois Ă lâexception de quelques «shanguans» ou chefs qui avaient des maisons en briques et tuiles. Leurs maisonnettes de forme oblongue avaient deux Ă©tages. Le rez-de-chaussĂ©e, environ un mĂštre au-dessus du sol, permettait de garder les animaux, tandis quâau premier Ă©tage, divisĂ© en quatre Ă dix piĂšces avec des murs de bambou, vivait la famille. Tous les sept ou huit ans les maisonnettes devaient ĂȘtre reconstruites. La reconstruction se faisait avec lâaide des villageois en plusieurs jours.
Le riz est la nourriture de base, bien que le maïs soit important dans certains endroits. Les légumes, les haricots et les pommes de terre sont cultivées dans les jardins Jingpos. Les Jingpos ramassent aussi des herbes sauvages et des fruits comme aliments.
Religion
Bien quâil existe quelques groupes chrĂ©tiens et bouddhistes, la majoritĂ© des Jingpo est polythĂ©iste. Ils adorent diffĂ©rents dieux ainsi que lâesprit des ancĂȘtres.
Ils croient que les esprits sont partout, de la terre aux animaux et quâils communiquent la bonne ou mauvaise fortune aux hommes. Pour les Jingpo, toutes les crĂ©atures vivantes ont une Ăąme. Ils font des rituels pour se protĂ©ger de toutes les activitĂ©s quotidiennes, des rĂ©coltes Ă la guerre.
Langues
Les personnes recensées sous la nationalité Jingpo en Chine parlent au moins deux langues différentes, le Jinghpo et le Tsaiva.
Une analyse des contes traditionnels Kachin permet d'en connaitre davantage sur ce peuple[4].
Jinghpo
Le jinghpo est parlé par 900 000 locuteurs en Birmanie et par 40 000 locuteurs en Chine. Il est classé comme langue sino-tibétaine, appartenant à la sous-famille jinghpo-bodo-konyak. Les locuteurs de Jinghpo sont compris par les locuteurs de Tsaiva.
Tsaiva
Le tsaiva (aussi Ă©pelĂ© tsaiwa ; atsi en Jinghpo ; chinois simplifiĂ© : 蜜çŠèŻ ; pinyin : ; zi en birman) est parlĂ© par 80 000 locuteurs en Chine et environ 30 000 locuteurs au Myanmar. Il est classĂ© comme langue sino-tibĂ©taine, appartenant Ă la sous-famille des langues tibĂ©to-birmanes. AprĂšs lâĂ©tablissement de la RĂ©publique populaire de Chine, un langage Ă©crit basĂ© sur le dialecte du village de Longzhun (district de Xishan dans le district de Luxi) et utilisant un alphabet latin a Ă©tĂ© crĂ©Ă© et introduit officiellement en 1957.
Notes et références
- Biographie de Mgr Simon
- (en)(zh) China Statistical Yearbook 2003, p. 48
- L'Ethnie des Kachin se soulÚve contre le régime birman, par Antoine Clapik, Le Monde du 21 juin 2011, p. 10
- Charles Gilhodes et Maurice, ... Coyaud, Contes des Kachin : peuple du nord de la fédération birmane, P.A.F., pour l'analyse du folklore, (ISBN 2-902684-46-0 et 978-2-902684-46-5, OCLC 421860007, lire en ligne)
Voir aussi
Bibliographie
- Charles Gilhodes (collecteur), Contes des Kachin : peuple du nord de la fédération birmane (trad. de l'anglais et annotés par Maurice Coyaud), PAF, Paris, 2001, 111 p. (ISBN 2-902684-46-0)
- Les Structures élémentaires de la parenté, de Claude Lévi-Strauss, consacre un chapitre à l'étude de la parenté de l'ethnie Jingpo.
- LiĂș LĂč, JÇngpĆzĂș yÇyĂĄn jiÇnzhĂŹ - JÇngpĆyÇ ćçæŻéąæèŻèšçźćżââæŻéąèŻ (Introduction Ă une langue de la minoritĂ© Jingpo - Jingpo; BÄijÄ«ng ćäșŹ, MĂnzĂș chĆ«bÇnshĂš æ°æćșç瀟 1984).
- Zhusheng Wang, The Jingpo : Kachin of the Yunnan Plateau, Program for Southeast Asian Studies, Tempe, Ariz., 1997, 360 p.
- XĂș XÄ«jiÄn ćŸæè°, XĂș GuĂŹzhÄn ćŸæĄç, JÇngpĆzĂș yÇyĂĄn jiÇnzhĂŹ - ZÇiwÇyÇ æŻéąæèŻèšçźćżââ蜜çŠèŻ (Introduction Ă une langue de la minoritĂ© Jingpo - Tsaiva; BÄijÄ«ng ćäșŹ, MĂnzĂș chĆ«bÇnshĂš æ°æćșç瀟 1984).
Discographie
- (en) Laurent Jeanneau et Shi Tanding, collecteurs, Jingpaw Shaman Yunnan China, Kink Gong, Dali, 2011, 50 min (CD)
Filmographie
- (en) The Jingpo : the Chinese historical ethnographic film series, 1957-1966, film de Karsten KrĂŒger, IWF Wissen und Medien gGmbH, Göttingen, 2007, 48 min (DVD), tournĂ© dans la province du Yunnan entre, 1960 et 1962)
Liens externes
- (fr) Les Jingpo (Chine informations)
- (en) The Jingpo ethnic minority (Site gouvernemental chinois, en anglais)
- (en) Information sur les Kachins