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Jean-Claude Michéa

Jean-Claude Michéa (né en 1950) est un philosophe français, auteur de plusieurs essais consacrés notamment à la pensée et à l'œuvre de George Orwell[1].

Jean-Claude Michéa
Jean-Claude Michéa en 2008.
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Ĺ’uvres principales

C'est un socialiste libertaire[2] connu pour ses positions engagées contre les courants dominants de la gauche qui, selon lui, a perdu tout esprit de lutte anticapitaliste pour laisser place à la « religion du progrès[3] ». Il a parfois refusé de se considérer comme auteur[4].

Parcours

Fils d'Abel Michéa, résistant communiste pendant la Seconde Guerre mondiale, après des études secondaires au lycée Paul-Valéry avec Alexandre Adler, Guy Konopnicki ou encore France Gall[5], il passe l'agrégation de philosophie en 1972. Engagé au Parti communiste français, il s'en écarte en 1976[6], dégoûté par le totalitarisme soviétique[7].

Professeur de philosophie au lycée Joffre à Montpellier à partir de la fin des années 1970, il prend sa retraite à la fin de l'année scolaire 2009-2010. Depuis, il vit avec sa femme Linda, fille de maraîchers vietnamiens, dans une ferme des Landes, où le couple tente de vivre en autosuffisance en produisant sa consommation alimentaire. Jean-Claude Michéa explique : « Nous ne sommes pas des calvinistes puritains, mais c'était une démarche politique de ma part. On ne peut pas prétendre défendre les classes populaires si l'on ne partage pas leurs conditions de vie[7]. »

Il gagne en notoriĂ©tĂ© du fait de ses travaux consacrĂ©s Ă  George Orwell qui font de lui « un auteur recherchĂ© Â»[6]. Son influence intellectuelle dĂ©passant les clivages politiques classiques s'Ă©tend aussi bien auprès des cercles de gauche anti-capitalistes qu'auprès de « cĂ©nacles identitaires Â»[6] - [8]. Il emprunte Ă  Orwell la notion d'« anarchiste conservateur » pour se dĂ©finir[7].

Idées

PrĂ´nant des valeurs morales proches du socialisme de George Orwell, Jean-Claude MichĂ©a fustige l'intelligentsia de gauche qui s'est selon lui Ă©loignĂ©e du monde prolĂ©tarien et populaire[9]. Il dĂ©fend l'idĂ©e que les valeurs morales collectives et traditionnelles s'opposent aux valeurs libĂ©rales et individualistes et cèdent de plus en plus face Ă  celle-ci Ă  notre Ă©poque, faisant principalement appel au droit et Ă  l'Ă©conomie pour se justifier. Il « considère que les idĂ©aux bourgeois libĂ©raux ont triomphĂ© du socialisme en le phagocytant Â» et « dĂ©plore que le socialisme ait acceptĂ© les thèses du libĂ©ralisme politique[10]. »

Participant depuis de nombreuses années à l'entraînement d'adolescents, il a publié un livre sur le football, tout à la fois éloge de ce sport populaire par excellence, et critique de l'industrie footballistique. Selon lui, le football est mis à mal par les doctrines comme le marchandisage et le supporter, qui en sont les conséquences les plus néfastes.

Dans L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes (1999), il développe la théorie selon laquelle l'enseignement serait passé d'un enseignement tourné vers la culture générale et l'émancipation intellectuelle du citoyen à une formation préparant l'individu à la compétition économique du XXIe siècle.

Dans Impasse Adam Smith (2010), il considère que la gauche est une alliance entre le socialisme et le progressisme formée lors de l'affaire Dreyfus, qui ne peut se faire qu'au détriment du socialisme, la gauche ne faisant ainsi que livrer un peu plus le monde à l'emprise économique du libéralisme économique. Pour lui, le libéralisme est structurellement une idéologie progressiste, opposée aux positions conservatrices ou réactionnaires comme l'avait souligné Marx. De la droite à l'extrême gauche, une idéologie libérale est selon lui à l'œuvre. L'essai qu'il publie en 2007, L'Empire du moindre mal, est consacré à cette question. Il y met en avant la vision très pessimiste de la nature humaine à la source du libéralisme. Son livre reçoit un accueil critique plutôt positif chez les partisans de la décroissance[11] ou la Revue du MAUSS[12] - [13]. Sa position est proche de celle du philosophe Dany-Robert Dufour dans son ouvrage Le Divin marché.

Dans les Mystères de la gauche (2013), Jean-Claude Michéa poursuit cette critique de la gauche, qui selon lui, « ne signifie plus que la seule aptitude à devancer fièrement tous les mouvements qui travaillent la société capitaliste moderne, qu'ils soient ou non conformes à l'intérêt du peuple, ou même au simple bon sens. » La gauche étant devenue identique à la droite, cherche à dissimuler cette proximité en mettant en avant les questions « sociétales »[14]. Pour retrouver les classes populaires, la gauche devrait « opérer un changement complet de paradigme »[2].

Michéa est l'un des principaux introducteurs en France de l'œuvre de l'historien américain Christopher Lasch, dont il a préfacé plusieurs ouvrages dans leur traduction française[15].

Dans Notre ennemi, le capital (2017), issu d'un grand entretien accordĂ© Ă  la revue Le Comptoir, il rĂ©affirme le lien entre l'impasse libĂ©rale (cette recherche illimitĂ©e du profit qui dĂ©truit les liens sociaux) et la gauche « sociĂ©tale » (qui dĂ©fend la lutte contre les discriminations sans remettre en cause le système capitaliste d’exploitation). Il avance ainsi que le libĂ©ralisme Ă©conomique de la « droite » moderne, dĂ©fini selon la formule de Friedrich Hayek, comme le droit absolu « de produire, de vendre et d’acheter tout ce qui peut ĂŞtre produit ou vendu Â» ne peut « se dĂ©velopper de façon intĂ©gralement cohĂ©rente sans prendre tĂ´t ou tard appui sur le libĂ©ralisme culturel de la “gauche”[16]. » Pour lui, la « gauche », qu’elle soit rĂ©formiste ou radicale, est l’idiote utile de l’individualisme consumĂ©riste. Il rappelle aussi que le socialisme a une gĂ©nĂ©alogie radicalement opposĂ©e Ă  la gauche ; qu'alors que le socialisme primitif affichait son scepticisme vis-Ă -vis du machinisme et du modernisme, la gauche rĂ©publicaine vouait un culte Ă  l’idĂ©e de progrès, et que c'est autant la droite rĂ©actionnaire que la « gauche versaillaise » qui Ă©crasa la Commune de Paris, en 1871, avec Ă  sa tĂŞte Adolphe Thiers[17].

Critiques

Ses positions sont contestées par des intellectuels de gauche comme Frédéric Lordon, qui jugent les idées de Michéa réactionnaires[18]. Isabelle Garo, philosophe spécialiste de Marx, considère, elle, que « Michéa est un produit de la crise de la gauche et participe à son tour au brouillage des repères. ». Selon elle, « s'il est aussi lu à l'extrême droite, il s'adresse avant tout à des lecteurs de gauche pour les tirer sur le terrain des valeurs réactionnaires. »[19].

Ă€ ces critiques, MichĂ©a prĂ©cise ce qu'il considère ĂŞtre leur manque de rigueur respectif. Ă€ FrĂ©dĂ©ric Lordon : « Il  est vrai que FrĂ©dĂ©ric Lordon a rĂ©ussi le tour de force de dĂ©noncer la « faiblesse conceptuelle » de ma thĂ©orie de la common decency tout en dissimulant constamment Ă  ses lecteurs (et cela, pendant onze pages !) ce qui en constituait justement le pilier central, Ă  savoir l’usage que je fais de l’œuvre de Marcel Mauss et de ses hĂ©ritiers (Serge Latouche, Alain CaillĂ©, Philippe Chanial, Paul Jorion, Jacques Godbout, etc.) afin d’en dĂ©duire une interprĂ©tation moderne et socialiste »[20].

À propos des critiques d'Isabelle Garo, il relevait sur France Culture que son attaque commençait par évoquer ses passages à la télévision alors qu'il n'y était jamais passé[21].

Publications

  • Orwell, anarchiste tory, Castelnau-le-Lez, Climats, (ISBN 978-2-84158-000-2), rĂ©Ă©dition 2020 suivie d’une postface, « Orwell, la gauche et la double pensĂ©e »
  • Les Intellectuels, le peuple et le ballon rond, Castelnau-le-Lez, Climats, (ISBN 978-2-84158-093-4)
  • L'Enseignement de l'ignorance et ses conditions modernes, Castelnau-le-Lez, Climats, (ISBN 978-2-84158-121-4)
  • Les Valeurs de l'homme contemporain (avec Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner), Genève, Éditions du Tricorne, , 63 p. (ISBN 978-2-8293-0223-7, lire en ligne)
  • Impasse Adam Smith : brèves remarques sur l'impossibilitĂ© de dĂ©passer le capitalisme sur sa gauche, Castelnau-le-Lez, Climats, , rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs-Flammarion, 2006[22]
  • Orwell Ă©ducateur, Castelnau-le-Lez, Climats, , 167 p. (ISBN 978-2-84158-233-4)
  • L'Empire du moindre mal : essai sur la civilisation libĂ©rale, Paris, Climats, , 205 p. (ISBN 978-2-08-122043-0), rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs-Flammarion, 2010, rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs Essais, 2021
  • La Double PensĂ©e : retour sur la question libĂ©rale, Paris, Flammarion, coll. « Champs-Flammarion », , 274 p. (ISBN 978-2-08-121839-0),
  • Le Complexe d'OrphĂ©e : la gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Paris, Climats, (ISBN 978-2-08-126047-4 et 2-08-126047-6)[23] - [24] - [25], rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs Essais, 2014
  • « L’Âme de l’homme sous le capitalisme », postface Ă  La Culture de l’égoĂŻsme - Discussion entre C. Lasch et C.Castoriadis, Paris, Climats, 2012 (ISBN 2081284634)
  • Les Mystères de la gauche : de l'idĂ©al des Lumières au triomphe du capitalisme absolu, Paris, Climats, (ISBN 978-2-08-129789-0 et 2-08-129789-2)[26]
  • Le plus beau but Ă©tait une passe, Paris, Climats, , 147 p. (ISBN 978-2-08-131314-9), rĂ©Ă©dition 2018
  • La Gauche et le Peuple : lettres croisĂ©es, Paris, Flammarion, , 320 p. (ISBN 978-2-08-131313-2) ; avec Jacques Julliard, rĂ©Ă©dition, Paris, Flammarion, coll. Champs Essais, 2017
  • Notre ennemi, le capital, Paris, Climats, , 320 p. (ISBN 978-2-08-139560-2), rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs Essais, 2018
  • Le Loup dans la bergerie, Paris, Climats, , 163 p. (ISBN 978-2-08-143334-2) rĂ©Ă©dition : Paris, Flammarion, coll. Champs Essais, 2019

Notes et références

  1. (en) Michael C. Behrent, « France’s Anti-Liberal Left », Dissent,‎ (ISSN 0012-3846, lire en ligne).
  2. « Jean-Claude Michéa : “La gauche doit opérer un changement complet de paradigme” », sur Le Comptoir, .
  3. Dans un entretien qu'il a accordé à la revue A Contretemps, J.-C. Michéa revient longuement sur son milieu familial, son parcours politique et sa formation intellectuelle (A Contretemps, n° 31, juillet 2008).
  4. « Jean-Claude Michéa - Entretiens (A Voix nue) » (consulté le )
  5. Mc Gil, « Jean-Claude Michéa dans "A VOIX NUE" Janvier 2019 (2/5) Paris avant les bobos », (consulté le ).
  6. Nicolas Truong, Jean-Claude Michéa, penseur iconoclaste, lemonde.fr, 10 janvier 2017
  7. Alexandre Devecchio, « Jean-Claude MichĂ©a : rencontre avec le penseur de la France des "gilets jaunes" Â», Le Figaro Magazine, semaine du 30 novembre 2018, p. 62-66.
  8. Jean-Claude Leroy, « “Michéa l’inactuel”, sur la (dis)qualification d’un philosophe politique », mediapart.fr, 23 janvier 2018.
  9. P. Ansay, « Jean-Claude MichĂ©a, philosophe communautarien socialiste Â», in Politique, revue de dĂ©bats, Bruxelles, n° 73, janv.-fĂ©v. 2012, pp. 86-92.
  10. Revue française de science politique, vol. 55 2005/3, p. 558.
  11. Recension du livre sur decroissance.info.
  12. Recension du livre sur journaldumauss.net.
  13. Compte-rendu de la réunion du MAUSS du 16 février 2008 avec Jean-Claude Michéa autour de son livre.
  14. « Jean-Claude MichĂ©a : "Pourquoi j'ai rompu avec la gauche" Â», entretien avec Aude Lancelin, marianne.net, 12 mars 2013.
  15. Revue du MAUSS, n° 22, 2003/2, p. 429.
  16. Entretien-fleuve avec Jean-Claude Michéa, le philosophe qui secoue la gauche, lesinrocks.com, 11 janvier 2017
  17. « Michéa poursuit sa critique obstinée du progressisme », sur Le Comptoir, (consulté le ).
  18. Gildas Le Dem, « Michéa, faux-prophète de la gauche radicale », sur regards.fr (consulté le )
  19. Sonya Faure et Dominique Albertini, « Michéa, c’était tellement mieux avant », sur Libération (consulté le )
  20. « En réponse à Corcuff », sur Mediapart (consulté le ).
  21. « Jean-Claude Michéa : un podcast à écouter en ligne », sur France Culture, (consulté le ).
  22. « Un vĂ©ritable ouvrage d’analyse Â» selon Jean-Louis Perrault, maĂ®tre de confĂ©rences en sciences Ă©conomiques Ă  l’universitĂ© de Rennes 1.
  23. « "Le Complexe d'Orphée", de Jean-Claude Michéa : Michéa, c'est tout bête », critique du livre par Luc Boltanski pour Le Monde des livres du 6 octobre 2011.
  24. Paul Gilbert, « Jean-Claude Michéa, Les blancs et les rouges », La Revue Critique, (consulté le ).
  25. Le magazine Causeur lui consacre un dossier spécial en octobre 2011.
  26. Benjamin Caraco, De quoi la gauche est-elle devenue le nom ?, Nonfiction, (lire en ligne).

Voir aussi

Liens externes

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