Jean-Baptiste Senderens
Jean Baptiste Senderens, chimiste et prĂȘtre français, nĂ© et mort Ă Barbachen (Hautes-PyrĂ©nĂ©es), dans le canton de Rabastens-de-Bigorre (, ). Docteur en sciences, il fut le collaborateur de Paul Sabatier, lors de ses Ă©tudes dĂ©terminantes sur la catalyse. Professeur Ă l'Institut catholique de Toulouse et directeur de l'Ăcole supĂ©rieure des sciences, il Ă©tait docteur en philosophie. Il Ă©crivit deux ouvrages sur l'apologie chrĂ©tienne. Il participa activement au dialogue science-foi (fides et ratio).
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(Ă 81 ans) Barbachen |
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Enfance et jeunesse
Lors de sa scolaritĂ© au collĂšge des Missionnaires de l'ImmaculĂ©e Conception Ă Garaison, il se passionne pour l'Ă©tude des sciences Ă partir de la classe de 4e. Le PĂšre Lahaille, professeur de mathĂ©matiques, discerne ses qualitĂ©s scientifiques, il entre alors dans la communautĂ© des PĂšres. Mais il doit interrompre ses Ă©tudes pour retourner Ă sa maison familiale et subvenir Ă l'Ă©ducation de ses frĂšres et sĆurs Ă cause de la pauvretĂ© de ses parents. Plus tard, les PĂšres l'envoient Ă Sabart, prĂšs de Tarascon-sur-AriĂšge enseigner les sciences dans l'Ă©cole de la congrĂ©gation tenue par les mĂȘmes PĂšres de Garaison.
DĂ©buts de chimiste et de philosophe
Pour complĂ©ter sa formation scientifique, il va Ă Toulouse oĂč il sera remarquĂ© par Ădouard Filhol, professeur Ă la facultĂ© d'Ătat. Il commence une collaboration avec lui et publiera sa premiĂšre publication conjointe en 1881 (« Action du soufre sur diverses solutions mĂ©talliques », Comptes-rendus hebdomadaires de l'AcadĂ©mie des sciences, 1881, 93, 152).
Il s'ensuit une collaboration jusqu'Ă la mort de Filhol en 1883 oĂč Senderens finit de rĂ©Ă©crire un ouvrage sur « l'analyse des nouvelles sources minĂ©rales de BagnĂšres de Bigorre ». Senderens, ayant connu les ravages du phylloxera, aimait aussi travailler sur la chimie de la vigne et du vin. Il rĂ©alisa un nouveau procĂ©dĂ© de chauffage des vins, analysa et proposa des traitements contre le mildiou et le phylloxera, etc.
En 1883, l'Institut catholique de Toulouse a crĂ©Ă© une formation scientifique pour former des professeurs ayant une licence de sciences. Cette Ăcole supĂ©rieure des Sciences, fut confiĂ©e Ă l'abbĂ© Senderens. Il crĂ©a une salle de travaux pratiques de physique et de chimie et un enseignement de chimie. En 1888, Ă PĂąques il soutint une thĂšse de doctorat de philosophie Ă l'universitĂ© GrĂ©gorienne de Rome, il l'obtint « plenis suffragiis favorabilibus ».
Paul Sabatier le convainquit qu'il devait faire un doctorat dâĂtat en chimie et ne pas se contenter de travailler sur la chimie du vin et il soutint son doctorat Ăšs sciences en 1892 sur l'action du soufre sur les oxydes et les sels en prĂ©sence de l'eau. Il rĂ©ussit sa soutenance, mĂȘme si sa seconde thĂšse sur les actions chimiques de l'Ă©lectricitĂ© fĂ»t plus difficile. Cependant, il obtint son doctorat avec les fĂ©licitations de Paul Sabatier. Prosper Marie BillĂšre le fait chanoine honoraire de son chapitre cathĂ©drale Ă cette occasion.
Collaboration avec Paul Sabatier
Ă la suite de sa thĂšse avec Sabatier, ils suivirent mĂ©thodiquement lâaction des oxydes de lâazote sur les mĂ©taux et leurs oxydes, partant du fait connu de la rĂ©duction lente de lâacide azotique [nitrique] par le zinc ou le fer humide, ils montrĂšrent que lâoxyde azoteux lui-mĂȘme, quoique bien plus stable, Ă©tait rĂ©duit dans les mĂȘmes conditions.
Ils examinĂšrent dâautres mĂ©taux moins oxydables : le cuivre, le nickel, le cobalt et en soumettant Ă leur action le peroxyde dâazote, ils dĂ©couvrirent un fait nouveau : un phĂ©nomĂšne dâaddition, produisant des corps dĂ©composables par lâeau et auxquels ils donnĂšrent le nom de mĂ©taux nitrĂ©s. Il leur apparaissait ainsi peu Ă peu que le mĂ©tal agissait dâautant plus activement sur les corps oxygĂ©nĂ©s quâil Ă©tait lui-mĂȘme sous une forme plus divisĂ©e.
Ils voyaient Ă©galement que lâhydrogĂšne enlevĂ© Ă lâeau se fixait, sous lâinfluence du mĂ©tal divisĂ©, sur lâoxyde dâazote pour le rĂ©duire. Et enfin, il leur semblait que parmi les mĂ©taux employĂ©s, le nickel jouissait dâune activitĂ© particuliĂšre. Pour rĂ©aliser le meilleur Ă©tat de division du mĂ©tal, ils avaient pris lâhabitude de le prĂ©parer aprĂšs rĂ©duction, Ă chaud, de son oxyde, dans un courant dâhydrogĂšne.
Ă la suite de ces travaux, Moissan et Moureu (Comptes-rendus hebdomadaires de lâAcadĂ©mie des sciences, 1896, 122, 1241) constatĂšrent que sous lâaction des mĂ©taux divisĂ©s (Ni, Fe, Pt) lâacĂ©tylĂšne Ă©tait dĂ©truit avec incandescence et quâon obtenait un mĂ©lange de charbon, dâhydrogĂšne et de benzĂšne. Pensant Ă lâaction condensatrice bien connue du noir de platine sur les gaz, ils crurent que le fait fondamental Ă©tait le dĂ©gagement de chaleur, dâoĂč rĂ©sultait une destruction partielle de lâacĂ©tylĂšne par pyrogĂ©nation et une polymĂ©risation partielle en benzĂšne, comme dans la cĂ©lĂšbre expĂ©rience de Berthelot.
Avec leur nickel rĂ©duit, Sabatier et Senderens firent lâannĂ©e suivante, une expĂ©rience analogue sur lâĂ©thylĂšne, quâil faisait passer sur du nickel chauffĂ© Ă 300 °C. Ils obtinrent le mĂȘme foisonnement charbonneux que Moissan et Moureu. Mais le gaz dĂ©gagĂ© au lieu dâĂȘtre de lâhydrogĂšne pur, comme ils sây attendaient, contenait une forte proportion dâĂ©thane. La lumiĂšre allait jaillir car il paraissait bien que lâhydrogĂšne libre, produit par la pyrogĂ©nation, sâĂ©tait fixĂ©, sous lâinfluence du nickel divisĂ©, sur lâexcĂšs dâĂ©thylĂšne. » (M Palfray, Bull. Soc. Chim. Fr., MĂ©moire, 1939, 3-29). La catalyse Ă©tait inventĂ©e, il ne restait plus quâĂ sonder ses applications. Sabatier et Senderens dĂ©veloppĂšrent jusquâen 1907 leur collaboration sur cette catalyse.
Le prix Jecker, l'antichambre du prix Nobel de Paul Sabatier
En 1905, ils reçurent de lâAcadĂ©mie des sciences le prix Jecker (dotĂ© de 10 000 francs-or). Voici la prĂ©sentation du rapport d'Albin Haller (CRHAS 1905, 1087-1088).
Le : Commissaires : MM Troost, Gautier, Moissan, Lemoine, Berthelot, Schloesing, Carnot, Haller, rapporteur :
« LâĂ©tude des effets catalytiques dâun certain nombre de mĂ©taux Ă lâĂ©tat divisĂ© a Ă©tĂ© abordĂ©e Ă plusieurs reprises par les auteurs les plus divers. Mais aucun dâeux ne lâa poursuivie avec autant de sagacitĂ© et de persĂ©vĂ©rance que MM Sabatier et Senderens. Aucun dâeux nâa su tirer, des faits observĂ©s, une mĂ©thode pratique et sĂ»re qui permit de rĂ©aliser avec Ă©conomie soit des synthĂšses, soit des dĂ©doublements, soit des transformations de fonctions. En Ă©tudiant lâaction catalytique spĂ©ciale quâexerce sur les composĂ©s volatils, en prĂ©sence de lâhydrogĂšne, le nickel trĂšs divisĂ© par exemple, MM Sabatier et Senderens ont dotĂ© la Chimie dâune mĂ©thode dâhydrogĂ©nation aussi simple quâĂ©lĂ©gante, des carbures non saturĂ©s, des carbures aromatiques, des cĂ©tones, des aldĂ©hydes, des phĂ©nols, des composĂ©s nitrĂ©s, etc. GrĂące Ă cette mĂ©thode, ils nous ont mĂȘme fait entrevoir la possibilitĂ© de transformer industriellement lâoxyde de carbone et de lâacide carbonique en un gaz de combustible, le mĂ©thane. En poursuivant leurs recherches avec le cuivre divisĂ©, ils ont, dâautre part, mis Ă notre portĂ©e un procĂ©dĂ© tout aussi simple et tout aussi Ă©lĂ©gant de dĂ©shydrogĂ©nation qui appliquĂ© aux alcools primaires et secondaires nous permet de retourner aux aldĂ©hydes et aux cĂ©tones. La mise au point de leurs mĂ©thodes, leurs vĂ©rifications sur les corps les plus variĂ©s, lâanalyse rigoureuse et la caractĂ©risation des produits obtenus ont nĂ©cessitĂ© un labeur soutenu et ininterrompu de prĂšs de huit ans. Aussi, en raison des trĂšs beaux rĂ©sultats obtenus, et par suite du caractĂšre de gĂ©nĂ©ralitĂ© et de la fĂ©conditĂ© que prĂ©sentent les procĂ©dĂ©s quâils ont mis gĂ©nĂ©reusement Ă la portĂ©e des chimistes, la Commission a-t-elle dĂ©cidĂ© Ă lâunanimitĂ©, dâaccorder le prix Jecker Ă MM Sabatier et Senderens. »
LâacadĂ©mie adopte les conclusions de ce rapport et dĂ©cerne Ă Senderens la mĂ©daille Berthelot Ă cette occasion. La situation est cocasse : Marcelin Berthelot, le pape de la libre pensĂ©e qui avait eu son couronnement au congrĂšs de Rome en 1903 (sans pouvoir y participer) honore lâabbĂ© Senderens dâun prix et on dĂ©cerne Ă Senderens la mĂ©daille Berthelot.
SĂ©paration et rupture avec Sabatier
Le , la loi de sĂ©paration des Ăglises et de l'Ătat est votĂ©e, Senderens perd son traitement de professeur prĂȘtre.
En 1907, la collaboration sâarrĂȘte, quoique Senderens continue dâutiliser la catalyse mais avec des oxydes et des sels, thorine, alumine, sulfate dâaluminium, etc.
En 1911, se produit un Ă©vĂšnement que Senderens eut du mal Ă supporter. Dans une confĂ©rence devant lâAcadĂ©mie de chimie de Berlin oĂč Sabatier est invitĂ© le , celui-ci indique : « Je vais vous entretenir de la mĂ©thode gĂ©nĂ©rale dâhydrogĂ©nation directe par les mĂ©taux divisĂ©s, que jâai instituĂ©e depuis une dizaine dâannĂ©es avec la collaboration de mes Ă©lĂšves, M Senderens dâabord, puis M Mailhe⊠». En lisant ce texte dans la revue scientifique, le chanoine Senderens est furieux, il Ă©crit : « M Sabatier a une tendance assez prononcĂ©e Ă se faire le seul auteur de ces mĂ©thodes ». Sabatier rĂ©agit dans le journal allemand oĂč est initialement paru le texte de sa confĂ©rence (Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft 1911, 3180) en indiquant « Certains passages de mon exposĂ© concernant la participation de Monsieur Senderens aux mĂ©thodes tracĂ©es par moi, pourraient recevoir une interprĂ©tation qui est totalement opposĂ©e au sens voulu par moi. Je tiens Ă prĂ©ciser quâil Ă©tait absolument loin de moi de minimiser les mĂ©rites de Monsieur Senderens, bien connus, dans la dĂ©couverte en mon laboratoire des mĂ©thodes des hydrogĂ©nations et dĂ©shydrogĂ©nations par catalyse. Ces mĂ©thodes, comme cela est communĂ©ment exprimĂ© par la formulation habituelle « procĂ©dĂ© Sabatier-Senderens », sont Ă©laborĂ©es par un travail qui nous est commun ». Ă partir de ce moment, peut-ĂȘtre parce que le bruit court que Paul Sabatier va avoir le prix Nobel, Senderens se lance dans la rĂ©daction de trois volumineux articles de revue sur la catalyse, Ă lâimage de celui que Sabatier a fait Ă Berlin : un article paru en (Revue des questions scientifiques) et deux articles de 1912 et 1913 (Annales de physique et de chimie). Dans ces articles, il met en valeur le procĂ©dĂ© Sabatier Senderens et la part importante et originale de Senderens.
En , par voie de presse, Paul Sabatier apprend quâil partageait le prix Nobel de chimie avec Victor Grignard. VoilĂ ce quâĂ©crit Mary Jo Nie[1], Ă ce sujet : « Alors que Sabatier attribuait son Ă©lection Ă lâinfluence des chimistes allemands avec lesquels il avait parlĂ© Ă Berlin, il devait son prix en fait Ă Gaston Darboux, secrĂ©taire perpĂ©tuel de lâAcadĂ©mie des sciences (qui avait nommĂ© Sabatier et Georges Urbain) et aussi Ă O. Widman un membre de lâAcadĂ©mie royale des sciences de SuĂšde (qui avait nommĂ© Sabatier et Grignard). Des propositions de Sabatier avait Ă©tĂ© faites en 1907 et ClĂ©ment Georges (membre de lâAcadĂ©mie des sciences) proposa Sabatier et Senderens pour un prix commun. Le prix Nobel de chimie Ernst BĂŒchner fut le seul Allemand Ă proposer Sabatier en 1911. La rĂ©compense de Sabatier a Ă©tĂ© la seule occasion dans la pĂ©riode 1901-15 pour une protestation Ă lâacadĂ©mie, selon Mary Jo Nie. En fait, cette opinion est erronĂ©e. Senderens avait envoyĂ© un mĂ©moire oĂč il montrait toute l'importance de son travail Ă divers chimistes en 1911. Par exemple, on retrouve trace de ce mĂ©moire dans la bibliothĂšque universitaire de l'universitĂ© RenĂ©-Descartes Ă Paris[2], mĂ©moire identique Ă ceux conservĂ©s dans ses archives[3]. Ce mĂ©moire est datĂ© de 1911, avant le prix Nobel. Ce dossier Ă©voque sa longue collaboration avec Sabatier et note « M. Sabatier parait marquer une tendance assez prononcĂ©e Ă se faire le seul auteur de ces mĂ©thodes ». Ainsi Senderens ne contesta pas le prix Nobel, il voulut y ĂȘtre associĂ©. Vu ses dĂ©clarations Ă la communautĂ© scientifique, il y eut donc un froid entre les deux hommes. « Mais un jour vint oĂč ils se rencontrĂšrent face Ă face, Ă lâAcadĂ©mie croyons nous, Sabatier tendit la main, que Senderens reçut avec son large sourire. ». Sabatier cita six fois le nom de Jean-Baptiste Senderens dans son discours Ă lâAcadĂ©mie royale des sciences de Stockholm lors de la rĂ©ception du prix Nobel quâil partagea avec Victor Grignard, le .
Suite de la carriĂšre scientifique
En 1913, Senderens fut approchĂ© par les Ă©tablissements Poulenc frĂšres, et il y eut une rĂ©elle amitiĂ© entre les membres de cette famille et le chanoine bigourdan. Senderens vint travailler à « Vitry sur Seine et on lui installa un laboratoire personnel oĂč il continua ses recherches de catalyse en les Ă©tendant Ă lâhydrogĂ©nation sous pression des sucres et des polyphĂ©nols ainsi quâĂ la synthĂšse des cĂ©tones les plus diverses » (CRHAS 1937, 633-635). Pendant la PremiĂšre Guerre mondiale comme tous les chimistes français, il travailla sur les efforts de guerre chimique. Mais il Ă©tait fort discret lĂ -dessus, nâavait-il pas Ă©crit que les scientifiques ne devaient pas utiliser leurs talents pour faire des armes et tuer son prochain ?
Depuis le , il avait Ă©tĂ© fait membre d'honneur de la sociĂ©tĂ© royale de chimie de Londres. Il mena ces travaux avec un ami fidĂšle Jean Aboulenc, pendant 23 ans. Il maria le , Pierre Poulenc et Eliane Ferrand. Cette amitiĂ© se continua jusquâĂ la fin de sa vie, puisque lâĂąge aidant il se retira Ă Barbachen, oĂč les Poulenc lui firent construire dans sa petite maison-ferme un laboratoire de chimie afin quâil y continua ses recherches « avec une soutane qui avait virĂ© au vert ! » comme le mentionna un journaliste de La Petite Gironde venu le visiter. Il Ă©crivit 170 publications et fut reçu, « sur la proposition [presque] unanime de la section chimie », membre correspondant de lâAcadĂ©mie des sciences en 1922, il sây produisait rĂ©guliĂšrement avec sa « silhouette un peu campagnarde qui se dĂ©tachait sur le tableau noir avec de grands gestes ». Il fut un des premiers directeurs de recherche de la caisse nationale des sciences. Il fut aussi lâami de Charles Moureu, Joseph Achille Le Bel et Georges Urbain. Celui-ci en le visitant Ă Barbachen dans sa maison quâil appelait sa Chartreuse indiquait « Jâai conservĂ© un souvenir lumineux de mon sĂ©jour chez lui et je lâai quittĂ© en pensant que nul nâavait su mieux organiser sa vie conformĂ©ment Ă ses croyances et Ă ses goĂ»ts, vie calme et transparente oĂč il nây avait dâautres soucis que de bien faire et de faire du bien » (Palfray). En 1923, il fut fait chevalier de la lĂ©gion dâhonneur. Il fonda des bourses dâĂ©tude pour de futurs prĂȘtres. Le dernier Ă en avoir bĂ©nĂ©ficiĂ© fut le PĂšre RenĂ© Point, ils se portaient lâun lâautre une affection filiale et paternelle. En 1927, il se brouillait avec lâInstitut Catholique de Toulouse, dâoĂč il dĂ©missionna sans que sa dĂ©mission fĂ»t acceptĂ©e.
Son activité d'apologétique
Son Ă©poque fut troublĂ©e. En effet, congrĂ©ganiste il vit lâinterdiction dâenseignement des congrĂ©gations et leur expulsion, ainsi que la loi de sĂ©paration des Ăglises et de l'Ătat en 1905, il en souffrit. PrĂȘtre catholique, il eut maille Ă partir contre la libre-pensĂ©e, il vĂ©cut dans la douleur la sĂ©paration des Ăglises et de l'Ătat en 1905, ses modestes archives gardent des sermons enflammĂ©s et douloureux sur ces moments. CâĂ©tait aussi le temps du darwinisme et de la remise en cause du texte de la crĂ©ation dans la GenĂšse. Homme de son temps, il Ă©tait concordiste, toujours cherchant un parallĂšle entre rĂ©cit biblique et science. AprĂšs avoir eu des positions dures sur le transformisme de Lamarck et les thĂ©ories de lâĂ©volution de Darwin, il sâassagit et trouva des voies mĂ©dianes. Il remania lâapologie scientifique de la foi chrĂ©tienne de Mgr DuilhĂ© de Saint Projet et il Ă©crivit, sous « dâamicales contraintes » en 1928 et 1934 « CrĂ©ation et Ăvolution ». Dans ces deux ouvrages, il aime Ă citer les grands savants chrĂ©tiens de Pascal Ă Pasteur et Ă dĂ©montrer que les tenants de la lutte antichrĂ©tienne du courant de pensĂ©e dâAuguste Comte, ne sont pas fondĂ©s dans leur critique exacerbĂ©e de la religion. Ainsi les ouvrages sont construits de la maniĂšre suivante : quelles sont les difficultĂ©s soulevĂ©es par les libres-penseurs, quelles sont les donnĂ©es de la foi (du catĂ©chisme) et les vrais donnĂ©es de la science qui ne contredisent pas les donnĂ©es de la foi. Lâapologie scientifique de la foi chrĂ©tienne remaniĂ©e par Senderens connue un rĂ©el succĂšs (comme dâailleurs les Ă©ditions entiĂšrement dues Ă DuilhĂ© de Saint Projet) puisquâelle eut trois rĂ©Ă©ditions en 1903, 1908 et 1921.
Comment comprendre sa rĂ©action au sujet du prix Nobel ? Elle sâinscrit dans la droite ligne de ces Ă©crits apologĂ©tiques. En effet, elle nâest pas celui du chimiste qui voue de lâamitiĂ© au pieux Sabatier. Mais plutĂŽt celui de lâapologiste qui veut montrer tant dans ses Ă©crits que la foi nâexclut pas lâapproche rationnelle des sciences. Sa rĂ©action est celui du directeur de lâĂcole supĂ©rieure des sciences de lâinstitut catholique de Toulouse, qui veut que soit aussi reconnue la qualitĂ© de la recherche scientifique catholique quâil a menĂ©e avec Paul Sabatier.
Sources
- M.A. Duilhé de Saint Projet et Senderens, Apologie Scientifique de la foi Chrétienne, 1921, Privat.
- J.B. Senderens, Création et Evolution, 1928, Bloud et Gay.
- L. Palfray, Bull. Soc. Chim. Fr., MĂ©moires, 1939, 3-29.
- Mary Jo Nye, Science in the Provinces: Scientific Communities and Provincial Leadership in France, 1860-1930, University of California Press, 1986.
- F. Couderc, L'abbé Jean Baptiste Senderens, chimiste, collaborateur de Paul Sabatier, fondateur de l'école supérieure des sciences de l'Institut Catholique de Toulouse, Bulletin de littérature ecclésiastique, CX (2), avril-, 133-178.
- F. Couderc et V. OngâMeang, Paul Sabatier et lâabbĂ© Jean Baptiste Senderens, tĂ©moins lointains dâune « laĂŻcitĂ© positive » (Paul Sabatier and Father Jean Baptiste Senderens, distant witnesses of a French positive secularism), C. R. Chimie, 14 (2011) 516â523.
Notes et références
- Science in the Provinces: Scientific Communities and Provincial Leadership in France, 1860-1930, University of California Press, 1986.
- Paris-BIU Santé Pharmacie, cote 160592.
- MIC, Garaison, Hautes-Pyrénées.