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Jacob Little

Jacob Little (1794-1865) était un des plus célèbres investisseurs de Wall Street au XIXe siècle, réputé pour son pessimisme et la qualité de ses informations.

Jacob Little
Portrait, vers 1898.

Biographie

Né à Newburyport, dans le Massachusetts dans la famille d'un constructeur naval[1], il s'installe à l'âge de 21 ans à New York en 1817, où il l'employé de Jacob Barker, puis crée sa propre société de courtage en 1822, en s'inspirant des méthodes de son ex-patron[2]. En 1837, il fonde une société d'investissement à son nom[3].

Grâce Ă  sa capacitĂ© Ă  vendre Ă  dĂ©couvert mais aussi provoquer des retournements de marchĂ© contre ceux qui suivaient la mĂŞme tactique, il a amassĂ© une fortune considĂ©rable, qui en a fait l'un des principaux financiers Ă  Wall Street dans les annĂ©es 1830 et 1840. Il est alors surnommĂ© « le roi des spĂ©culateurs de New-York Â», au point d'irriter les dĂ©nonciateurs de la spĂ©culation[4]. Il a Ă©tĂ© exclu du New York Stock Exchange Ă  plusieurs reprises avant de regagner le droit d'admission Ă  la Bourse amĂ©ricaine.

Les plus rĂ©ussies de ses manipulations de marchĂ©, en misant sur la vente Ă  dĂ©couvert puis en rachetant la totalitĂ© des obligations d'une entreprise ou d'un secteur particulier ont Ă©tĂ© dĂ©crites dans la presse de l'Ă©poque. Il a en particulier Ă©tĂ© capable de prĂ©dire la campagne du prĂ©sident amĂ©ricain Andrew Jackson contre la Banque des États-Unis et son rĂ©sultat, la Panique de 1837[3]. Peu après, certains États votent des lois restreignant la vente Ă  dĂ©couvert[2]. Il a en particulier pris avantage du fait que son ex-employeur Jacob Barker participait Ă  la liquidation de plusieurs banques lors de la Panique de 1837[1]. Il est vendeur des actions de banques du sud des États-Unis, notamment la Vicksburg Bank, de Vicksburg (Mississippi)[1]. Trente ans après, les faits, un Ă©ditorial du Harper's Weekly, fait de ses spĂ©culations le symbole de la Panique de 1837, Jacob Little ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de ses « informations en avance Â» et du « recours Ă  des Pony Express et de navires de courriers Â», alors que la « poste Ă©tait très lente et qu'il n'y avait pas de tĂ©lĂ©graphe Â», pour gagner des « millions de dollars au dĂ©triment des nĂ©gociants (en coton) du sud Â»[5]. De fait, l'action de la Vicksburg Bank passe d'un plus haut de 89 dollar en 1837 Ă  seulement 5 dollars en 1841[6].

Il s'est aussi habilement tirĂ© d'affaire en 1846 lors du risque causĂ© par le montant trop important de ses participations dans la « Norwich and Worcester Railroad Â»[7], en trompant la confiance d'un groupe de marchands de Boston[2] Ă  qui il avait promis de ne pas se positionner vendeur[8]. L'affaire lui a coĂ»tĂ© environ un million de dollars, alors qu'il en risquait beaucoup plus[8]. Elle a marquĂ© la fin de sa meilleure pĂ©riode Ă  Wall Street, qui s'est Ă©talĂ©e sur les annĂ©es 1838 Ă  1846[1]. Il a aussi Ă©tĂ© battu sur l'Erie Railroad Company en 1857, ayant Ă©tĂ© pessimiste trop tĂ´t[3]. Mais dans un premier temps, il gagnĂ© des montants importants sur cette action, qu'il a vendu Ă  dĂ©couvert au moment oĂą son cours a chutĂ© d'environ 20%[8] après avoir souscrit les obligations convertibles du chemin de fer du Canal EriĂ©, sans que les spĂ©culateurs croyant Ă  la hausse ne soient au courant[8]. Dès le premier jour de convertibilitĂ©, il en a fait des actions[9].

Toujours bien informé, il rémunérait des spécialistes comme Daniel H. Craig pour se procurer les dernières nouvelles de la capitale américaine ou d'Europe avant tout le monde[10], via des pigeons voyageurs. Dans un entretien de 1846 avec un journaliste, il indique sa défiance envers le télégraphe électrique, jugé pas assez fiable, en termes de confidentialité et de sécurité, et refuse de souscrire à l'introduction en Bourse de la New York and Boston Magnetic Telegraph[11].

Le , Jacob Little est pourtant le destinataire des tĂ©lĂ©grammes envoyĂ©s par Helena Craig, la femme de Daniel H. Craig, comme celui-ci l'admettra dans ses mĂ©moires. Elle insiste pour rester dans le bureau de Boston de la New York and Boston Magnetic Telegraph, jusqu'Ă  ĂŞtre certaine que le message a bien Ă©tĂ© reçu, ce qui attire l'attention du prĂ©sident de la compagnie Francis Ormand Jonathan Smith, prĂ©sent lui aussi dans le bureau[12]. Tout le monde attend alors des nouvelles de l'Europe via le paquebot Ă  vapeur Acadia, qui doit arriver le jour mĂŞme, car le Krach des chemins de fer, attendu par beaucoup de spĂ©culateurs est prĂ©cĂ©dĂ© d'une flambĂ©e des prix des cĂ©rĂ©ales[13]: la crue de la Loire les 21, 22 et se produit alors que la LevĂ©e de la Loire apparaissait indestructible : Ă  OrlĂ©ans, l’eau monte de 3,10 m en 14 heures et la levĂ©e de Sandillon se rompt sur 400 mètres. Le New York Herald, dans son Ă©ditorial du , avait soulignĂ© que les « spĂ©culateurs Â» sont sur les dents[14] et deux jours plus tard, avec l'arrivĂ©e du paquebot Britannia Ă  Boston, les Ă©ditorialistes du New York Herald et du New York Tribune s'Ă©taient plaints d'ĂŞtre privĂ© de nouvelles europĂ©ennes Ă  cause de la coupure du câble par des spĂ©culateurs qui profitent de la dĂ©tresse de « millions d'europĂ©ens affamĂ©s Â»[10].

Les spĂ©culateurs amĂ©ricains prĂ©voient que la flambĂ©e des prix des cĂ©rĂ©ales va affaiblir la capacitĂ© de l'Europe Ă  importer du coton amĂ©ricain, et peser sur son prix[15]. Une demi-heure après le passage d'Helena Craig, accompagnĂ©e d'une femme et d'un homme, et juste après l'arrivĂ©e Ă  Boston du paquebot Acadia et ses prĂ©cieuses nouvelles d'Europe, la ligne tĂ©lĂ©graphique entre New York et Boston est coupĂ©e, Ă  seulement 6 kilomètres des bureaux de Boston[13]. Deux incidents similaires s'Ă©taient produit dĂ©but aoĂ»t puis le , juste au moment de l'arrivĂ©e de paquebots europĂ©ens, le Caledonia et le Great Eastern[14], peu après l'ouverture de la ligne de Francis Ormand Jonathan Smith.

Helena Craig est identifiĂ©e Ă  nouveau dans les bureaux de la New York and Boston Magnetic Telegraph en [16]. Peu avant, les 14 et , les taux d'escompte français et anglais ont Ă©tĂ© relevĂ©s, poussant la Compagnie des chemins de fer de Bordeaux Ă  Cette Ă  demander sa liquidation, ce qui dĂ©clenche le Krach de 1847, qui aura des consĂ©quences sur les chemins de fer, encore balbutiants en AmĂ©rique. En France, les compagnies ferroviaires abaissent leurs tarifs de 60 % pour les grains, et l'État doit acheter Ă  la Russie pour 120 millions de francs de blĂ© d’Odessa, une crise qui va prĂ©cipiter l'abolition des Corn Laws Ă  Londres. Le New York Herald accuse les « spĂ©culateurs Â» d'ĂŞtre Ă  l'origine du sabotage, dans son Ă©ditorial[10].

Devenu l'un des hommes les plus riches d'AmĂ©rique, possĂ©dant des millions de dollars, Jacob Little est baptisĂ© le « NapolĂ©on de la Commission Â». Mais il a fini sa vie sans un sou, ruinĂ©. Il a notamment perdu de l'argent quand il a essayĂ©, sans rĂ©ussir, d'accaparer la plus grande partie du flottant de l'action Norwich et Worcester Railroad et a Ă©tĂ© obligĂ© de payer un montant trop Ă©levĂ© pour des milliers d'actions, qu'il avait lui-mĂŞme fait monter, essuyant une perte d'environ un million de dollars. Quelques mois avant sa mort, il retrouve le journaliste Ă  qui il avait donnĂ© un entretien de 1846 au contenu très critique envers le tĂ©lĂ©graphe Ă©lectrique et lui confie regretter cette dĂ©fiance de l'Ă©poque, qui a Ă©tĂ© « la grande erreur Â» de sa vie[11]. Il lui dĂ©signe un passant Ă  qui il avait autrefois prĂŞtĂ© 70 000 dollars et qui refuserait aujourd'hui de lui en prĂŞter cinq[11].

Notes et références

  1. Fowler, 1971, p. 93
  2. A Financial History of the United States: From Christopher Columbus to the Robber Barons (1492-1900), par Jerry W. Markham M.E. Sharpe, 2002, page 161
  3. The Stock Market, par Richard J. Teweles et Edward S. Bradley, page 113
  4. Throes of Democracy, page 7, par Walter A. McDougall
  5. éditorial du Harper's Weekly du 11 août 1866 publié juste après l'ouverture du câble transatlantique
  6. Sobel, 2000, p. 50
  7. Fowler, 1971, p. 94
  8. Fowler, 1971, p. 95
  9. Fowler, 1971, p. 96
  10. Blondeim, 1994, p. 74
  11. Hudson, 1997, p. 604
  12. Phalen, 2014, p. 134
  13. Phalen, 2014, p. 135
  14. Blondeim, 1994, p. 73
  15. Phalen, 2014, p. 136
  16. Phalen, 2014, p. 137

Bibliographie

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  • (en) Robert Sobel, The Big Board: A History of the New York Stock Market, Beard Books, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • (en) Frederic Hudson, Journalism in the United States, from 1690-1872, Oxford University Press, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) Menahem Blondeim, News Over the Wires: The Telegraph and the Flow of Public Information in America, 1844-1897, Harvard University Press, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (en) William Phalen, How the Telegraph Changed the World, McFarland, (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • "Answer of Daniel H. Craig: Organizer and Manager of the New York Associated Press, 1850-1867", to the Interrogatories of the U.S. Senate Committee on Education and Labor, at the City of New York, 1883
  • (en) Worthington Fowler, Ten years in Wall Street or, Revelations of inside life and experience on change (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
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