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Intervention ergonomique

L'intervention ergonomique est le nom donné communément à l'intervention d'un ergonome dans une organisation (entreprise, association...). Elle a pour objectif de contribuer à répondre à diverses questions liées à la sécurité des salariés et du public, aux conditions de travail et aux performances du système. L'ensemble est toujours lié à la conception d'outils et d'appareils, aux procédures, aux locaux, à l'organisation du travail, à la formation, au système de management de la sécurité, au management en général.

  • la sĂ©curitĂ© est la première prĂ©occupation des ergonomes, surtout dans les mĂ©tiers Ă  risque (construction, police, chimie, nuclĂ©aire, aĂ©ronautique...) dans lesquels les aspects Facteurs Humains prennent de plus en plus d'importance
  • des aspects de santĂ© au travail :
    • Sur la santĂ© physique, avec les troubles musculosquelettiques (TMS) qui touchent en France 12 Ă  14 % des salariĂ©s
    • Sur la santĂ© psychique, notamment dans le cadre de situations psychosociales (stress) pouvant engendrer des syndromes anxio-dĂ©pressifs (environ 8 % des salariĂ©s)
    • des aspects de performance du système productif lui-mĂŞme, un poste de travail qui n'apporterait pas de plus value Ă  la chaĂ®ne de la valeur de l'entreprise Ă©tant forcĂ©ment appelĂ© Ă  disparaĂ®tre assez rapidement :
    • amĂ©lioration de la productivitĂ©
    • amĂ©lioration de la qualitĂ©
    • amĂ©lioration de la fiabilitĂ©
    • amĂ©lioration de la formation (qui peut Ă©videmment aussi amĂ©liorer les conditions de travail, la sĂ©curitĂ©, la santĂ©).

L'intervention en ergonomie vise à transformer le travail par ses déterminants, pour atteindre ce double objectif de santé et de performance. La simple application de recommandations ergonomiques générales ne donne jamais des résultats satisfaisants d'un point de vue ergonomique (c'est valable pour les situations de travail, les sites web ou la conception d'objets du quotidien par exemple).

Les éléments fondamentaux

La démarche ergonomique repose sur trois appuis qui lui permettent un méthodologie industrielle, c'est-à-dire à la fois rigoureuse, pragmatique et reproductible :

Approche systémique

L'homme, le poste de travail, l'entreprise, sont des systèmes. Dans la situation de travail, l'ergonome intervient en prenant en compte l'ensemble du système (les hommes, la technique, le social...) pour appréhender avec un maximum de précision l'ensemble des interactions entre variables ayant une influence sur la sécurité, la santé des salariés, la production et la pérennité de l'entreprise.

Pour simplifier, on peut dire que l'ergonome lors de son intervention prend en compte plusieurs dimensions de l'activité humaine :

  • La dimension instrumentale : c'est-Ă -dire les choix techniques et Ă©conomiques, la stabilitĂ© du processus, les variabilitĂ©s, etc.
  • La dimension opĂ©rationnelle : cela recouvre l'ensemble des opĂ©rations mises en place par le salariĂ© pour son activitĂ© (en rĂ©ponse notamment aux choix techniques et aux rĂ©sultats attendus). Cela concerne Ă  la fois les Ă©lĂ©ments observables et les Ă©lĂ©ments inobservables de son comportement au travail (mise en place des savoir-faire - capacitĂ©s opĂ©rationnelles, compĂ©tences), des schĂ©mas stratĂ©giques de planification des activitĂ©s, etc …).
  • La dimension temporelle : L â€™activitĂ© est le reflet de la construction d’une « histoire »[1]. Cela demande la prise en compte Ă  la fois des Ă©lĂ©ments micro temporels (les histoires personnelle, collective, d’entreprise) et les Ă©lĂ©ments macro-temporels (Ă©volutions des mĂ©tiers, des compĂ©tences, des collectifs, des contenus du travail et de ses contraintes, l’état de santĂ© passĂ©, actuel et futur, la dĂ©mographie, …).
  • La dimension existentielle : la nĂ©cessitĂ© fondamentale de reconnaissance dans son travail puisque dans nos sociĂ©tĂ©s le travail est le point central de construction de l'identitĂ© sociale. L â€™activitĂ© est le reflet de la construction d â€™une histoire, elle construit la compĂ©tence, la santĂ©, l â€™identitĂ©. L â€™activitĂ© qui cherche un passage peut devenir soit une occasion de se dĂ©passer soit une souffrance de plus. Une activitĂ© sans conflit est une activitĂ© sans possibilitĂ©, elle provoque des moments d â€™ouverture vers des zones de dĂ©veloppements potentiels[2]

L'utilisation de modèles

Chaque acteur de la situation de travail a son propre « modèle » du rĂ©el, sa propre vision. L'ergonome doit dans un premier temps ĂŞtre en mesure de repĂ©rer ces diffĂ©rents modèles, d'en repĂ©rer les diffĂ©rences, notamment la distinction entre :

  • la tâche, c'est-Ă -dire ce que l'on demande Ă  l'opĂ©rateur de faire, avec quels moyens, en suivant quelles procĂ©dures, et en respectant quelles contraintes...
  • l'activitĂ©, compromis fait par l'opĂ©rateur entre règles de sĂ©curitĂ© et nĂ©cessitĂ©s de la performance...) pour atteindre les buts fixĂ©s par la tâche.

Cette différence entre tâche et activité (dans le sens ci-dessus) est fondamentale dans l'intervention ergonomique. Alors que les entreprises connaissent bien leurs référentiels, c'est-à-dire ce qui normalement doit être réalisé, parce que c'est dans la bible de l'entreprise, . L'ergonome peut alors construire son propre modèle de l'activité qui lui permet entre autres de :

  • RĂ©duire le nombre d'informations et le champ d'intervention
  • DĂ©crire : le modèle peut ĂŞtre un moyen d'avoir des donnĂ©es chiffrĂ©es
  • Expliquer les Ă©lĂ©ments difficilement comprĂ©hensibles pour les non spĂ©cialistes
  • Simuler : le modèle peut ĂŞtre un moyen de faire des simulations notamment pour prĂ©parer les futures transformations du travail.

Les représentations mentales

Tous les acteurs, des situations dans lesquels l'ergonome peut être amené à travailler, ont une représentation de la situation, de la problématique voire des solutions. Les représentations mentales déforment la réalité, l'intérêt pour l'intervenant est donc de voir ces déformations, de les analyser et de les comprendre. Elles servent souvent aux acteurs à se construire une image opérative (c'est-à-dire une image des actions à mener), il est donc important de les prendre en compte lors de la transformation du travail. Elles font partie des éléments du changement.

Les Ă©tapes de l'intervention ergonomique

Il s'agit ici d'une description idéale et simplifié, chaque situation étant originale, les interventions sont systématiquement adaptées.

Analyse et reformulation de la demande

Lors de cette étape initiale, l'ergonome cherche à préparer l'intervention à travers un ensemble de prise de renseignements. Il analyse la demande dans ses motivations et ses buts, il précise son positionnement et prépare avec le ou les demandeurs les éléments constitutifs de son intervention, notamment les règles de fonctionnement : anonymat des sources, restitution aux opérateurs ayant participé aux observations, accès libre aux sites, aux personnes, aux documents. Il construit en même temps sa crédibilité aux yeux du demandeur, et l'aide à réfléchir à sa propre demande (à quel moment a-t-il commencé à s'inquiéter pour le problème pour lequel il appelle, à quoi peut il le relier, etc.).

Analyse des tâches

L'ergonome réalise une série d'entretiens avec les responsables (du site, du projet, de l'atelier, des équipes…) pour connaître leur point de vue sur la question en débat, leur rôle, les solutions qu'ils ont tentées et qui n'ont pas marché, ou les solutions qui leur ont été refusées. Il collecte généralement un ensemble de données sociales (indicateurs absentéisme, sinistralité, formation, emploi, temps de travail, rapport de CHSCT, etc.). Ces premières investigations de terrain sont souvent complétées par une revue de la littérature. À la suite de cette première série d'entretiens, il dispose d'une meilleure connaissance des acteurs et de leurs enjeux, des représentations qu'ils ont de leurs collaborateurs, du travail produit dans l'entreprise.

Analyse de l'activité

Cette troisième étape est la plus facile. Au cours de celle-ci, l'ergonome isole dans l'activité des opérateurs, les situations particulières les plus difficiles à ses yeux ou aux dires des opérateurs, celles où se produisent le plus d'erreurs ou d'accidents… Dans chacune de ces situations l'intervenant va chercher à infirmer ou confirmer ses hypothèses pour mettre à jour avec certitudes les variables de situation ayant des conséquences négatives sur le travail. Il pourra dans cette phase mettre en place des outils d'observation et de relevé extrêmement variés en fonction des besoins et des hypothèses. À l'issue de ce travail, un document de restitution pourra être remis aux demandeurs après avoir été visé par l'ensemble des acteurs ayant participé à l'intervention. Ce document servira de base pour entamer la transformation du travail conduisant à l'amélioration des conditions de travail ou du produit.

Recherche de solutions

La recherche de solution se fait en coconception (l'expression est de Jacques Christol) avec les responsables et les ingénieurs de l'entreprise : il est hors de question pour l'ergonome de se substituer au bureau d'étude; au contraire, l'ergonome est là pour l'aider à mieux comprendre les besoins réels derrière la diversité des besoins exprimés, d'anticiper avec eux les conséquences des choix…

La méthode des scénarios (correspondant à des situations observées lors de l'analyse de l'activité), la simulation, le maquettage sont des méthodes largement utilisées aujourd'hui, où les investissements doivent être rentables au plus tôt. Ces méthodes ne sont vraiment utiles que si un spécialiste des facteurs humains est là pour assurer la conception des scénarios, la passation des tests, et l'interprétation des résultats.

Accompagnement de la transformation

Cette ultime phase est la plus spécifique, elle peut être très différente d'une intervention à l'autre en fonction de la problématique et de la situation. Elle doit être coconstruite avec les acteurs clés.

Notes et références

  1. P. Falzon, C. Teiger; (1995), « Construire l’activité » in Performances humaines & techniques, N° Hors Série, 1995. (ISSN 1247-7575)
  2. Yves CLOT, « Le travail sans l’homme ». Paris, La Découverte Ed. ,1995

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • François GuĂ©rin, Antoine Laville, François Daniellou, Jacques Duraffourg, Alain Kerguelen, (1991), Comprendre le travail pour le transformer, Lyon : ANACT.
  • Yves Clot, La fonction psychologique du travail.
  • Eric Brangier, Alain Lancry, Claude Louche, Les dimensions humaines du travail : thĂ©ories et pratiques de la psychologie du travail et des organisations.
  • Jean-François Nogier (2008), Ergonomie du logiciel et design web : Le manuel des interfaces utilisateur, 4e Ă©dition, Dunod.
  • Thierry Baccino et al (2005). Mesure de l'UtilisabilitĂ© des Interfaces, Paris: Hermes.
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