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Intel 4004

Le 4004 d'Intel est le premier microprocesseur commercialisé, c'est-à-dire la premiÚre intégration réussie d'une grande partie des fonctions d'un processeur sur un seul et unique circuit intégré.

Intel 4004
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
La version céramique C4004 avec traces grises
Informations générales
Production De 1971 Ă  1981
Fabricant Intel
Performances
FrĂ©quence 740-750 kHz
Largeur bus données 4 bits
Largeur bus adresse 12 bits (multiplexé)
Spécifications physiques
BoĂźtier DIP Ă  16 broches
Finesse de gravure 10 ”m
Socket(s) DIP16
Architecture et classification
Architecture 4 bits BCD
Historique

Il est d'abord produit en exclusivité pour l'industriel qui a commandité son développement, Busicom, en . AprÚs avoir fait lever la clause d'exclusivité, Intel annonce sa commercialisation le [1] - [2].

Sa rĂ©alisation est rendue possible par la toute nouvelle technologie des self-aligned gates, qui permet Ă  son concepteur, Federico Faggin, d'intĂ©grer sur un mĂȘme circuit intĂ©grĂ© 2 300 transistors.

Avec une puissance d'exĂ©cution de 92 600 opĂ©rations par seconde Ă  une frĂ©quence maximale de 740 kHz[3], il est d'une puissance comparable Ă  l'ENIAC, le premier ordinateur moderne dĂ©voilĂ© en 1946, qui occupait 167 m2 pour un poids total de 30 t.

Le 4004 reste nettement moins performant que les processeurs des mini-ordinateurs de la mĂȘme Ă©poque. Par contre, il permet d'imaginer de construire des ordinateurs nettement moins chers que ceux‑ci : des micro-ordinateurs. Le 4004 et les puces de support qu'il utilise sont ainsi commercialisĂ©s par Intel en tant que « Micro Computer Set » (« Ensemble pour Micro-ordinateur ») MCS-4.

Le 4004 et le chipset MCS‑4 ont cependant de nombreuses limitations qui font qu'ils ne seront pas utilisĂ©s pour construire des microordinateurs mais plutĂŽt des contrĂŽleurs embarquĂ©s.

Le 4004 est par contre suivi l'année suivante par le premier microprocesseur 8 bits, le 8008 (et par le 4040, un 4004 révisé), puis en 1974 par le microprocesseur qui commence effectivement la révolution des micro-ordinateurs, le 8080.

Concepteurs

Le 4004 a été conçu par deux ingénieurs d'Intel : Marcian Hoff, qui mit son architecture au point en 1969, et Federico Faggin, l'unique designer de puce du projet MCS-4. Faggin avait une expérience de la conception de transistor MOSFET sur silicium, et notamment de la nouvelle technique dite de « self-aligned gates », qu'il avait mise au point à Fairchild Semiconductor en 1968. Ce dernier a dirigé avec succÚs le projet MCS-4 en 1970-1971.

Au moment de l’invention du microprocesseur, les ingĂ©nieurs savaient concevoir l'architecture d'un microprocesseur et en dĂ©finir la logique, mais personne n’était encore en mesure d'en rĂ©aliser un sur une puce unique de silicium[4].

Historique

En 1969, la sociĂ©tĂ© japonaise Busicom, premier gros client d'Intel (fondĂ© la mĂȘme annĂ©e, en 1968) se rapprocha d'Intel afin de discuter du dĂ©veloppement de circuits intĂ©grĂ©s dont elle avait conçu l'architecture logique. Ceux-ci leur Ă©taient nĂ©cessaires pour rĂ©aliser un type de calculatrices. L'architecture utilisĂ©e par Busicom Ă©tait rĂ©partie en sept puces : un CPU Ă  but spĂ©cifique lui-mĂȘme divisĂ© en trois puces avec une mĂ©moire en lecture seule (ROM) destinĂ©e au stockage des programmes ; un registre Ă  dĂ©calage ayant pour but de stocker l'information; et deux puces d'entrĂ©e et sortie (I/O).

Marcian Hoff (surnommĂ© Ted Hoff), assistĂ© par Stan Mazor (en) d'Intel, proposa une architecture plus simple employant quatre puces : une architecture de CPU d'utilitĂ© gĂ©nĂ©rale utilisant la mĂ©moire vive pour stocker l'information qui pouvait potentiellement ĂȘtre intĂ©grĂ©e dans une puce, une puce de mĂ©moire en lecture seule (ROM), une puce de mĂ©moire Ă  accĂšs alĂ©atoire (RAM) et une puce entrĂ©e et sortie (I/O). Les ingĂ©nieurs de Busicom Ă©valuĂšrent la proposition de Hoff et l'acceptĂšrent en .

Federico Faggin, qui Ă©tait alors employĂ© chez Fairchild Semiconductor, fut engagĂ© chez Intel en pour y diriger le projet et rĂ©aliser le 4004. Durant son passage chez Fairchild, Faggin crĂ©a en 1968 la technologie originale du silicon gate avec grille auto-alignĂ©e (« self-aligned gate »), appelĂ©e « Silicon Gate Technology (SGT) », une technologie qui permit de rĂ©aliser le microprocesseur, et rĂ©alisa le premier circuit intĂ©grĂ© MOS du monde utilisant la SGT (le Fairchild 3708), prouvant la viabilitĂ© de la nouvelle technologie. Alors qu'il travaillait chez Olivetti Ă  Borgolombardo en Italie en 1961, Faggin avait acquis l'expĂ©rience sur la conception et la rĂ©alisation d'un petit ordinateur Ă©lectronique et Ă©tait trĂšs familier avec son architecture. À Intel, Federico Faggin crĂ©a une nouvelle mĂ©thodologie de projet, inexistante jusque-lĂ , employant la technologie SGT pour la logique du processeur, qui permit d'intĂ©grer le microprocesseur dans une seule puce. Il fut impliquĂ© aussi dans tous les aspects du dĂ©veloppement avec l'assistance de Masatoshi Shima de Busicom. Shima, par la suite, Ă©crivit le logiciel pour la calculatrice imprimante de bureau pour Busicom, le premier produit final Ă  utiliser le microprocesseur.

Étant donnĂ© que Busicom avait les droits exclusifs sur le 4004, Intel ne pouvait le vendre Ă  aucun autre client. Faggin, voyant le potentiel que le 4004 pouvait avoir sur des applications gĂ©nĂ©rales, exhorta la direction d'Intel Ă  renĂ©gocier le contrat avec Busicom pour permettre d'Ă©largir le marchĂ© du microprocesseur. Ed Gelbach, issu de la sociĂ©tĂ© Texas Instruments, qui venait juste d'ĂȘtre nommĂ© vice-prĂ©sident de la section marketing et ventes d'Intel, comprit rapidement le potentiel du microprocesseur et dĂ©cida de le commercialiser. Le 4004 fut enfin introduit sur le marchĂ© gĂ©nĂ©ral en , ouvrant ainsi un nouveau chapitre dans l'histoire de la microĂ©lectronique.

Prédécesseur

Bien que le 4004 soit largement considéré comme le premier microprocesseur, un autre modÚle a été développé un an avant en 1970 par Ray Holt de la société américaine Central Air Data Computer pour équiper l'avion de chasse F-14 Tomcat de l'avionneur Grumman. Toutefois, l'unité centrale de traitement (CPU) de Holt, ainsi que les autres CPU antérieurs à 1970, était composée d'au moins trois puces (chips) LSI et n'était donc pas intégrée dans un chip unique : il ne s'agissait pas d'un microprocesseur. L'existence de ce modÚle beaucoup plus performant que le 4004 est révélée en 1998[5].

Caractéristiques techniques

Les 4004 sont sortis dans un boßtier DIP à seize broches en céramique le . C'est la premiÚre fois que toutes les fonctions d'un processeur sont réunies sur un seul et unique circuit intégré, ce qui en fait le premier microprocesseur de l'histoire et de l'industrie. Le tarif industriel à sa sortie est de deux cents dollars.

Les dimensions du circuit intĂ©grĂ© sont de 3,81 mm de long sur 2,79 mm de large, soit environ 10,63 mm2. Il offre ainsi des performances Ă©quivalentes aux 66 m3 de l'ENIAC concentrĂ©es sur seulement 10 mm2.

Il comporte 2 300 transistors pMOS (Metal-Oxide Semiconductor Ă  canal P) en technologie 10 ”m, alimentĂ©s en −15 V.

Conçu pour du calcul décimal codé binaire, il a une architecture de traitement 4 bits, c'est-à-dire qu'il manipule des « caractÚres » de 4 bits (des quartets), suffisant pour représenter des chiffres entre 0 et 9.

Le 4004 dispose d'une unité arithmétique et logique (UAL), d'un accumulateur et de seize registres de données, tous sur 4 bits. L'UAL permet d'effectuer quelques calculs simples : incrémentation et décrémentation, addition et soustraction, décalages, ajustement décimal et propagation de la retenue.

L'adressage, la taille des mots et le stockage sont complÚtement différents pour le programme et pour les données :

  • le programme est constituĂ© de mots de 8 bits (des octets) et doit ĂȘtre stockĂ© dans une mĂ©moire ROM sĂ©parĂ©e. L'adressage est sur 12 bits, soit un espace d'adressage de 4 096 octets d'instructions machines ;
  • les donnĂ©es sont constituĂ©es de mots de 4 bits (des quartets) stockĂ©es en mĂ©moire vive. L'adressage suit un schĂ©ma segmentĂ© sur 8 bits qui permet d'adresser 1 280 quartets (4 « lignes » de mĂ©moire vive, avec 256 quartets de « mĂ©moire principale » et 64 quartets de « statut » par ligne).

En raison du petit nombre de broches, le bus de données et le bus d'adresse ne sont pas séparés mais sont multiplexés sur un unique bus externe à 4 bits.

L'architecture externe est intermédiaire entre une architecture Harvard et une architecture de von Neumann :

  • comme une architecture Harvard, le programme et les donnĂ©es ont un stockage sĂ©parĂ©, permettant d'avoir des adressages et des tailles de mots diffĂ©rents ;
  • contrairement aux architectures Harvard dites pures, l'utilisation d'un bus commun pour les transferts interdit l'accĂšs simultanĂ© au programme et aux donnĂ©es.

Outre un compteur ordinal, le 4004 intÚgre également une pile d'exécution interne profonde de trois niveaux.

Le jeu d'instructions comporte 46 instructions machines, dont 41 instructions sur 1 octet et 5 instructions sur 2 octets.

Le 4004 est cadencĂ© par une horloge externe Ă  740 kHz. Chaque instruction nĂ©cessite un cycle d'instruction d'une durĂ©e fixe de huit cycles d'horloge (ou Ă©ventuellement seize cycles pour les instructions sur 2 octets) :

  • les trois premiers cycles servent Ă  envoyer Ă  la mĂ©moire ROM une adresse sur 12 bits ;
  • les deux cycles suivants servent Ă  lire depuis la ROM l'instruction sur 1 octet Ă  cette adresse ;
  • les trois derniers cycles sont alors utilisĂ©s pour dĂ©coder et exĂ©cuter cette instruction.

Pour une horloge externe Ă  740 kHz, chaque cycle d'instruction dure 10,8 ÎŒs, ce qui permet au 4004 d'effectuer jusqu'Ă  92 600 instructions par seconde.

Famille de composants complémentaires

Le 4004 est fourni avec une famille de composants d'appui compatibles avec son fonctionnement : synchronisation sur le cycle d'instruction, multiplexage du bus, adressage segmenté de la mémoire vive, etc. L'ensemble du 4001 et de ces composants d'appui est commercialisé sous le nom de « MCS-4 » :

  • 4001 : mĂ©moire morte de 256 octets (programme de 256 instructions de 8 bits), et port intĂ©grĂ© d'entrĂ©e/sortie sur 4 bits ;
  • 4002 : mĂ©moire vive de 80 mots de 4 bits, et port intĂ©grĂ© d'entrĂ©e/sortie sur 4 bits. La partie mĂ©moire de la puce est organisĂ©e en quatre registres de vingt mots de 4 bits :
    • 16 mots de donnĂ©es (utilisĂ©s pour les chiffres de la mantisse dans la calculatrice d'origine),
    • 4 mots de statut (utilisĂ©s pour les exposants et les signes dans la calculatrice d'origine) ;
  • 4003 : sortie registre Ă  dĂ©calage de 10 bits pour scanner les claviers, affichages, imprimantes, etc.

À peu prĂšs un an et demi aprĂšs l'avĂšnement du MCS-4, son concepteur (designer) Federico Faggin, ajouta les chips 4008 et 4009 pour permettre la connexion directe du 4004 aux mĂ©moires standard, augmentant ainsi le nombre de composantes mĂ©morielles qui pouvaient ĂȘtre utilisĂ©es ;

  • 4008 : adresse verrouillĂ©e de 8 bits pour l'accĂšs aux puces de mĂ©moires standards, et port intĂ©grĂ© d'entrĂ©e/sortie sur 4 bits ;
  • 4009 : convertisseur d'entrĂ©e/sortie et de programmes pour les mĂ©moires standards et les puces d'entrĂ©es/sorties.

Note : dans la série MCS-4 originale, le 4004 ne nécessitait pas les chips optionnels 4008/4009 pour fonctionner en tant que systÚme parce qu'il se connectait directement avec jusqu'à seize 4001 (mémoire morte) et seize 4002 (mémoire vive).

Objet de collection

L'Intel 4004 est naturellement une des puces collectionnĂ©es les plus recherchĂ©es au monde. Les 4004 de trĂšs grande valeur sont ceux qui sont en or et blanc, avec ce qu'on appelle « des traces grises » sur la partie blanche. En 2007, de telles puces ont atteint environ 1 500 $ sur eBay. Celles en blanc et or sans traces grises sont de valeurs lĂ©gĂšrement infĂ©rieures et atteignent typiquement 600 Ă  800 $. Les puces sans « code de date » en dessous, sont des versions plus anciennes, et valent lĂ©gĂšrement plus, de l'ordre de 1 200 $. À noter d'autres puces de valeur telles que les Intel 4040.

Notes et références

  1. « Le premier micro-processeur commercialisé », sur ACONIT (consulté le ).
  2. « Le premier microprocesseur: le 4004 d'Intel », sur Histoire de l'informatique (consulté le ).
  3. (en) « Intel MCS-4 datasheet » [PDF], sur chipdb (consulté le ).
  4. (en) « The Crucial Role Of Silicon Design In The Invention Of The Microprocessor », sur intel4004 (consulté le ).
  5. Yohan Demeure, « Le premier microprocesseur de l’histoire est celui d’un avion de chasse de l’US Navy », Sciencepost,‎ (lire en ligne).

Voir aussi

Liens externes

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