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Induction embryonnaire

L'induction embryonnaire est un phĂ©nomĂšne d’interaction qui fait intervenir des cellules et en particulier des tissus : un tissu va induire un signal qui va ĂȘtre reçu par un autre tissu, provoquant ainsi un changement dans sa diffĂ©renciation. Ces signaux d’induction sont de natures chimiques et gĂ©nĂ©ralement sous forme de gradient et parviennent Ă  changer l’expression des gĂšnes des cellules du tissu rĂ©cepteur induisant leur diffĂ©renciation[1] - [2].

Explications

La compĂ©tence d’une cellule ou d’un tissu, qui correspond Ă  sa capacitĂ© Ă  recevoir un signal inducteur et Ă  y rĂ©pondre, joue Ă©videmment un rĂŽle essentiel dans ce mĂ©canisme dans la mesure oĂč ce tissu ne sera compĂ©tent que pendant une pĂ©riode de temps trĂšs limitĂ©e et que ses rĂ©gions ne sont pas toujours toutes compĂ©tentes. Ainsi, l’induction embryonnaire est un phĂ©nomĂšne Ă  la fois complexe et prĂ©cis oĂč les notions de temps et de localisation sont essentielles[3].

Chez les invertĂ©brĂ©s, l’induction embryonnaire est un mĂ©canisme qui a trĂšs peu Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© mais qui participe probablement Ă  leur dĂ©veloppement comme cela a pu ĂȘtre illustrĂ© par les expĂ©riences de HĂŽrstadius en 1973 oĂč il a dĂ©couvert chez les oursins que les micromĂšres, qui reprĂ©sentent un centre qui induit des signaux inducteurs, sont capables d’induire la diffĂ©renciation de cellules en endomĂ©soderme (tissu qui n’est pas diffĂ©renciĂ© encore en endoderme et mĂ©soderme) notamment lorsqu’il transplantait ce centre dans le pĂŽle animal d’un autre embryon, entrainant la formation d’un autre endomĂ©soderme[4].

Chez les vertĂ©brĂ©s, il semblerait que l'interaction entre cellules qui participent Ă  l’induction embryonnaire soit le mĂ©canisme le plus rĂ©pandu dans leur dĂ©veloppement mais l’analyse la plus complĂšte de l’induction embryonnaire a Ă©tĂ© faite chez les amphibiens, et ceci peut s’expliquer par la grande taille et la facilitĂ© de manipulation de leurs Ɠufs et embryons[1].

DĂ©couverte

Hans Spemann (1869-1941) reçoit le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1935

L’induction embryonnaire aurait Ă©tĂ© dĂ©couverte par Hans Spemann en 1901 et par la suite par Lewis en 1904 lors d’expĂ©riences sur des espĂšces appartenant au groupe rana concernant la formation du cristallin de l’Ɠil qui proviendrait d’une induction provenant du lobe optique sur l’ectoderme[5] - [1].

Par la suite, en 1924, Hans Spemann et Hilde Pröscholdt Mangold vont faire des expĂ©riences de transplantation de lĂšvre blastoporale entre espĂšces d’amphibien Triturus, menant Ă  la formation d’une seconde plaque neurale Ă  l’endroit de la greffe, d’un axe bilatĂ©ral et montrant la participation des cellules hĂŽtes qui ont subi une induction Ă  la formation de nouvelles structures induites par la greffe. En outre, en greffant une partie d’un embryon, ils ont dĂ©couvert qu’ils pouvaient induire sur l’embryon receveur la formation non complĂšte d’un autre embryon[6].

En 1935, Hans Spemann a reçu le prix Nobel de physiologie ou mĂ©decine pour sa dĂ©couverte de l’organisateur embryonnaire (ou organisateur de Spemann). C’est cet organisateur qui est Ă  l’origine de l’organisation du dĂ©veloppement du corps de l’embryon et notamment chez les amphibiens de la formation du tube neural par induction[7]. Il publiera en 1938 « Embryonic Development and Induction » oĂč il relatera ses expĂ©riences[6].

Types d'induction embryonnaire

À travers la littĂ©rature, on pourra constater que diffĂ©rentes catĂ©gories ont Ă©tĂ© nommĂ©es afin de classifier les inductions embryonnaires selon leurs caractĂ©ristiques de base.

Inductions embryonnaires primaire et secondaire

On distinguera les inductions primaires des inductions secondaires : les premiÚres résultant de l'interaction entre les feuillets embryonnaires (ectoderme, mésoderme et endoderme) et la seconde résultant de l'interaction entre des tissus qui ont déjà subi une différenciation[8].

Une induction primaire largement Ă©tudiĂ©e est celle que l’on voit durant la gastrulation oĂč une interaction entre l’ectoderme et le mĂ©soderme dorsaux donne naissance au tube neural (on a donc ici une diffĂ©renciation du systĂšme nerveux)[8].

Une induction secondaire connue est celle de la diffĂ©renciation du cristallin que l’on retrouve chez les vertĂ©brĂ©s. Cette diffĂ©renciation se fait Ă  partir l’ectoderme de surface et par l’intermĂ©diaire d’un signal Ă©mis par l’ectoderme neural plus bas[8].

Inductions embryonnaires permissive et instructive

Par ailleurs, on distingue deux autres termes pour dĂ©finir des inductions spĂ©cifiques : les inductions permissives au cours desquelles le tissu cible ou la cellule cible sous l’influence du signal se diffĂ©rencie mais ne change en rien si le signal n’est pas reçu; et les inductions instructives durant lesquelles le tissu cible ou cellule cible se diffĂ©rencie de façon spĂ©cifique lorsqu’il reçoit le signal, mais Ă©galement d’une autre façon s’il ne reçoit pas le signal[9]. C'est Wessells en 1977 qui disait que les inductions instructives devaient obĂ©ir Ă  trois rĂšgles pour ĂȘtre considĂ©rĂ©es instructives :

  1. « En présence du tissu A, le tissu B se développe d'une certaine maniÚre,
  2. En l'absence du tissu A, le tissu B ne se développe pas de cette maniÚre,
  3. En l'absence du tissu A, mais en la présence du tissu C le tissu B ne se développe pas de la maniÚre considérée »[3].

Inductions embryonnaires endogĂšne et exogĂšne

D’autre part, Lovtrup en 1974 a nommĂ© induction embryonnaire endogĂšne (« endogenous induction ») et exogĂšne (« exogenous induction ») comme Ă©tant les deux catĂ©gories de base pour classer les diffĂ©rentes types d’induction embryonnaire. Ainsi, l’induction embryonnaire endogĂšne est caractĂ©risĂ©e par le fait que des cellules embryonnaires produisent de façon endogĂšne et graduelle des inducteurs qui vont venir les influencer elles-mĂȘmes, crĂ©ant ainsi un nouveau modĂšle de diversification. La rĂ©sultante est que ces cellules vont s’auto-transformer ou s’auto-diffĂ©rencier[10]. Lovtrup avait donnĂ© comme exemple notamment les cellules mĂ©senchymateuses du pĂŽle ventral des Ă©chinides et les cellules de la lĂšvre dorsale du blastopore des amphibiens (« yolk laden cells ») dans lesquelles l’induction endogĂšne se produisait. L’induction embryonnaire exogĂšne quant Ă  elle, a lieu lorsqu’une cellule ou un tissu est mis dans un embryon et qu’il, par un contact inductif, exprime un processus de diversification sur les cellules environnantes[10]. Il a Ă©tĂ© dĂ©crit par Grobstein en 1964, qu’il existe deux sous-types d’induction embryonnaire exogĂšne nommĂ©s homotypique et hĂ©tĂ©rotypique selon que l’induction induit justement la formation d’un tissu qui va ĂȘtre similaire (induction homotypique) ou diffĂ©rent (induction hĂ©tĂ©rotypique) au tissu inducteur. Ainsi, dans l’induction embryonnaire exogĂšne homotypique, on aura par exemple une cellule diffĂ©renciĂ©e qui va produire un signal inducteur qui va lui permettre de maintenir ses caractĂ©ristiques mais Ă©galement d’envoyer le signal et d’induire la diffĂ©renciation des cellules voisines en cellules similaires Ă  la cellule inductrice. Pour l’induction embryonnaire exogĂšne hĂ©tĂ©rotypique, il semblerait, selon Lovtrup, que le meilleur exemple se trouve chez les amphibiens et soit celui de la notochorde implantĂ©e dans un embryon qui donne lieu Ă  un second axe embryonnaire[10].

Induction embryonnaire du mésoderme

Expériences de Pieter Nieuwkoop

Les expĂ©riences d’un embryologiste de nationalitĂ© hollandaise nommĂ© Pieter Nieuwkoop en 1969 ont Ă©tĂ© faites au stade blastula d’un Ɠuf de xĂ©nope. Pour former cette blastula, il y a dans un premier temps une division de cellules qui donneront lieu Ă  une sphĂšre creuse ayant un pĂŽle de cellules animales plus grosses vers le haut (pigmentĂ©es et petites qui formeront l’ectoderme) et un pĂŽle de cellules vĂ©gĂ©tatives qui sera localisĂ© vers le bas de l’Ɠuf (elles seront plus grosses car chargĂ©es en composĂ©s nutritifs, nommĂ©s plaquettes vitellines, et formeront le futur endoderme)[11]. Ainsi, le but de ces expĂ©riences Ă©tait de comprendre comment se formait le mĂ©soderme. Pour cela, il avait isolĂ© en culture des cellules du pĂŽle animal, et d’autre part des cellules du pĂŽle vĂ©gĂ©tatif afin de voir si elles pouvaient induire la formation du mĂ©soderme. Aucune cellule des deux pĂŽles ne le pouvait, mais lorsqu’il gardait l’Ɠuf avec les deux pĂŽles, il y avait alors formation d’un embryon entier avec un mĂ©soderme complet (constituĂ© de structures telles que les somites, la notochorde, le tube nerveux et le tube digestif). Il dĂ©couvrit alors que le pĂŽle vĂ©gĂ©tatif au niveau dorsal, et plus prĂ©cisĂ©ment ce qu’il appellera le centre de Nieuwkoop, Ă©tait le lieu responsable de l’induction du mĂ©soderme. On parle d’induction embryonnaire[11] - [3].

Expériences de Dale et Slack

Ce sont des expĂ©riences faites en 1987 par Dale et Slack (qui sont des chercheurs anglais) qui viennent ajouter des prĂ©cisions sur l’origine de cette induction pour former le mĂ©soderme. Ils utilisĂšrent pour ces expĂ©riences des embryons plus prĂ©coces constituĂ©s seulement de trente-deux blastomĂšres qui sont classĂ©s en quatre rangĂ©es avec un nombre Ă©gal de cellules (donc huit)[11]. Ils ont isolĂ© chaque rangĂ©e et fait un certain nombre de tests afin de dĂ©terminer lesquelles Ă©taient Ă  l’origine de cette induction. Il ressortit de ces expĂ©riences que les rangĂ©es des deux pĂŽles si elles sont isolĂ©es les unes des autres ne peuvent induire la formation d’un mĂ©soderme seules, mais associĂ©es en sont capables (comme l’avait dĂ©jĂ  dĂ©couvert Nieuwkoop)[11]. Ainsi, ils dĂ©couvrirent que les cellules du pĂŽle vĂ©gĂ©tatif faisaient une induction ayant pour cible les cellules du pĂŽle animal ce qui leur permettait de dĂ©tenir de nouvelles dispositions pour se diffĂ©rencier : les blastomĂšres D1 (contenant le centre de Nieuwkoop) sont les seuls Ă  l’origine de l‘induction de la formation du mĂ©soderme dorsal et de l’organisateur de Spemann tandis que les autres vont induire la formation du mĂ©soderme ventral et intermĂ©diaire. On peut donc comprendre que selon la polaritĂ© des cellules du pĂŽle vĂ©gĂ©tatif cela va conduire Ă  l’induction d’un mĂ©soderme dorsal (notochorde, etc) si ces cellules sont situĂ©es du cĂŽtĂ© dorsal, et Ă  l’induction d’un mĂ©soderme ventral (qui donnera lieu au mĂ©senchyme et au sang) voire intermĂ©diaire (qui donnera lieu aux muscles et reins) si les cellules sont situĂ©es du cĂŽtĂ© ventral ou latĂ©ral (ce sont elles que l’on retrouve les plus proches du site d’entrĂ©e du spermatozoĂŻde)[11].

Biologie moléculaire

C’est un mĂ©canisme qui reste encore Ă  comprendre, certaines dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© faites, et on a dĂ©jĂ  la certitude que certains facteurs de transcription ou protĂ©ines sont impliquĂ©s.

D’aprĂšs de nombreuses expĂ©riences, il semblerait que pour que des cellules deviennent mĂ©sodermiques celles-ci doivent avoir leur gĂšne Xbra (« Xenopus brachyury ») activĂ©. Ce gĂšne semble ĂȘtre activĂ© par des facteurs qui appartiennent Ă  la famille des activines comme Vg1 ou encore des protĂ©ines comme Nodal et sont donc d’origine endodermique. On peut donner l’exemple de Derriere qui est un facteur de croissance de la famille des TGFÎČ qui agit sur de longues distances et qui va induire la diffĂ©renciation des cellules du pĂŽle animal afin qu’elles forment le mĂ©soderme et ceci grĂące Ă  l’influence initiale de VegT sur Derriere. Cependant, les protĂ©ines activatrices n’étant pas en quantitĂ©s indĂ©finies, le facteur Xbra lorsqu’il est activĂ© va alors produire un FGF (qui est un facteur paracrine qui donc agit sur les cellules voisines) qui va jouer le rĂŽle de facteur de transcription et rĂ©guler positivement le gĂšne Xbra afin d’induire et donc de prolonger son activation[3].

En 2000, Agius et ses collaborateurs publient un article dans lequel ils expliquent les rĂ©sultats de leurs expĂ©riences faites sur l’Ɠuf de Xenopus au stade de la fin de formation de la blastula. Trois protĂ©ines Xnr1 Xnr2 et Xnr3 apparentĂ©es Ă  Nodal sont exprimĂ©es selon un gradient de concentration dorso-ventral dans l’endoderme grĂące Ă  l’activitĂ© regroupĂ©e de Vg1 et VegT (facteurs de la famille des TGFÎČ localisĂ©s dans le pĂŽle vĂ©gĂ©tatif) et la ÎČ-catĂ©nine (localisĂ©e sur le cĂŽtĂ© dorsal du pĂŽle vĂ©gĂ©tatif) qui vont activer les « Nodal related-genes » (Xnr)[12]. La ÎČ-catĂ©nine Ă©tant une protĂ©ine pouvant jouer le rĂŽle de facteur de transcription et qui se retrouve dans le noyau des cellules situĂ©es du cĂŽtĂ© dorsal de l’Ɠuf chez le XĂ©nope aprĂšs sa rotation due Ă  la fĂ©condation. C’est ce gradient de concentration qui va diriger la formation du mĂ©soderme et sa spĂ©cificitĂ©. Ainsi, les rĂ©gions oĂč ce gradient en Xnr sera le plus faible voire nul, donneront lieu au mĂ©soderme ventral[12]. À l’inverse, lĂ  oĂč le gradient sera fort et oĂč il y aura l’expression de certains gĂšnes participant Ă  la formation du mĂ©soderme dorsal et Goosecoid, il y aura formation de l’organisateur (organisateur de Spemann). Par ailleurs, lĂ  oĂč le gradient sera intermĂ©diaire au niveau de sa concentration, il y aura formation du mĂ©soderme latĂ©ral[12].

Par ailleurs, d’autres chercheurs ont dĂ©couvert l’importance des gĂšnes Xnr5 et Xnr6 appartenant Ă  la famille des « Xenopus Nodal-related genes ». Ce sont des gĂšnes qui sont exprimĂ©s exclusivement dans le pĂŽle vĂ©gĂ©tatif au niveau dorsal avant d’ĂȘtre exprimĂ©s plus tard exclusivement encore dans l’endoderme et notamment le centre de Nieuwkoop[13]. Ce sont des gĂšnes qui vont induire l’expression de Xnr1 et Xnr2 dans les cellules du pĂŽle animal et qui sont rĂ©gulĂ©s par VegT et la ÎČ-catĂ©nine. Ils font partie de ceux qui induisent la formation du mĂ©soderme axial. Comparativement Ă  Xnr1 et Xnr2, Xnr5 et Xnr6 ne peuvent pas ĂȘtre inhibĂ©s par Cerberus-short (« Cer-s »)[13].

Notes et références

  1. (en) J. B. Gurdon, « Embryonic induction - molecular prospects », Development,‎ (lire en ligne)
  2. (en) Slack JM, « Embryonic induction », Mechanisms of development,‎ (lire en ligne)
  3. Scott F. Gilbert, Biologie du développement, Bruxelles, De Boeck, , 845 p., p. 143 à 147 et 321 à 325
  4. (en) Gary M. Wessel, « The Biology of the Germ line in Echinoderms », Molecular Reproduction and Development,‎ (lire en ligne)
  5. (en) Horst Grunz, The Vertebrate Organizer, Berlin/Heidelberg/New York, Springer, , 431 p. (ISBN 3-540-14032-8, lire en ligne), p 257
  6. (en) Domenico Ribatti, « The chemical nature of the factor responsible for embryonic induction », Organogenesis,‎ (lire en ligne)
  7. (en) « The Official Website of the Nobel Prize »
  8. Georges B. Johnson, Biologie, De Boeck, , p. 1124 et 1125
  9. Harvey Lodish (trad. de l'anglais), Biologie moléculaire de la cellule, Bruxelles, De Boeck, , 1344 p. (ISBN 2-7445-0001-1), p. 1159
  10. (en) K. V. Sastry, Developmental Biology, , 456 p. (ISBN 978-81-7133-900-6, lire en ligne), p. 314 Ă  317
  11. Nicole Le Douarin, Des chimĂšres, des clones et des gĂšnes, Paris, Odile Jacob, , 480 p. (ISBN 2-7381-0739-7, lire en ligne), p. 155 Ă  158
  12. (en) E. Agius, « Endodermal Nodal-related signals and mesoderm induction in Xenopus », Development,‎ (lire en ligne)
  13. (en) Shuji Takahashi, « Two novel nodal-related genes initiate early inductive events in Xenopus Nieuwkoop center », Development,‎ (lire en ligne)

Voir aussi

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