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Incident sous-marin au large de l'île Kildine

L’incident sous-marin au large de l'île Kildine fait référence à une collision entre le sous-marin nucléaire USS Baton Rouge de l’United States Navy et le sous-marin nucléaire K-276 Kostroma de la Marine russe près de la base navale russe de Severomorsk, le . L'incident a eu lieu alors que le USS Baton Rouge était engagé dans une mission secrète, apparemment destinée à intercepter les communications militaires russes. Bien que la majorité des sources affirment que le sous-marin américain avait pris la fuite, il est estimé que ni le Kostroma, ni le Baton Rouge n'étaient en mesure de se localiser l'un et l'autre avant la collision.

Incident sous-marin au large de l'île Kildine
Description de cette image, également commentée ci-après
Un sous-marin de classe Sierra, similaire au K-276 Kostroma impliqué dans l'incident.
Informations générales
Date
Lieu au large de l'île Kildine, au nord de Mourmansk, Russie
Issue Mise hors-service de l'USS Baton Rouge, détérioration des relations entre la Russie et les États-Unis[1]
Belligérants
Drapeau des États-Unis États-UnisDrapeau de la Russie Russie
Commandants
Drapeau des États-Unis Capitaine Gordon Kremer Commandant Vladimir Sokolov[2]
Forces en présence
1 sous-marin de classe Los Angeles1 sous-marin de classe Sierra
Pertes
1 sous-marin nucléaire (USS Baton Rouge) fortement endommagé1 sous-marin nucléaire (K-276 Kostroma) endommagé
Coordonnées 69° 38′ 42″ nord, 33° 46′ 54″ est
Géolocalisation sur la carte : oblast de Mourmansk
(Voir situation sur carte : oblast de Mourmansk)
Incident sous-marin au large de l'île Kildine
Géolocalisation sur la carte : Russie
(Voir situation sur carte : Russie)
Incident sous-marin au large de l'île Kildine

Contexte historique

Juste après l'effondrement de l'URSS à l'automne 1991, l'incertitude régnait parmi les services de renseignement américains sur l'attitude des forces de l'ex-URSS, en particulier des forces des missiles stratégiques restées sous commandement russe. Du point de vue de la marine américaine, l'opération avait pour but de garder un œil sur les principales bases de sous-marins nucléaires russes afin de savoir sous le contrôle de qui elles se trouvaient[3]. Au cours de la guerre froide, ce type d'espionnage était connu sous le nom de code opération Holy Stone (Pierre sacrée). Les sous-mariniers surnommaient ces missions opération Pinnacle ou Bollard[4]. L'auteur Jeffrey T. Richelson soutient que les opérations d'espionnage avaient continué malgré la chute de l'URSS et que l'incident de 1992 faisait partie de l'opération[5]. Cette collecte de renseignements visait à mettre sur écoute des câbles de communication sous-marins soviétiques, enregistrer les mouvements des sous-marins soviétiques et observer les manœuvres de la flotte soviétique par crainte d'essais nucléaires balistiques[6].

Déroulement de l'incident

La collision entre les deux sous-marins eut lieu à 20 h 16 heure locale[7] le à un peu plus de 19,3 km des côtes russes de Mourmansk, dans les eaux considérées par les États-Unis comme internationales et par la Russie comme km à l'intérieur de ses eaux territoriales.

La mission du USS Baton Rouge aurait été d'acquérir des données sur les dispositifs de surveillance anti sous-marins[6]. La presse américaine de l'époque affirmait que le sous-marin contrôlait le trafic sans-fil entre les bases russes[8], tandis que leurs homologues russes affirmaient que les deux sous-marins s'étaient engagés dans une chasse mutuelle[9] - [10], une opinion soutenue également par un certain nombre de sources occidentales[11] - [12]. Selon l'analyste naval Eugène Miasnikov, les dispositifs de surveillance anti sous-marine déployés par la Russie le long de ses côtes rendent la première possibilité invraisemblable. Il affirme également que la seconde possibilité est improbable et que la collision ne serait due qu'au hasard. Les vagues qui se brisent et les eaux peu profondes de cette région de la mer de Barents pourraient en effet, en créant trop de « bruit » autour d'eux[13], avoir empêché la détection précoce des deux sous-marins, qui au moment de l'incident utilisaient seulement leurs sonars passifs.

Miasnikov soutient que les sous-marins de la classe Los Angeles sont incapables de détecter des signaux acoustiques provenant de cibles situées à l'intérieur d'un cône de 60 degrés vers l'arrière. Le scénario le plus probable serait ainsi que le Kostroma se serait approché du Baton Rouge par derrière. Le sonar de classe Sierra est également « sourd » aux directions arrières, son schéma habituel de la recherche acoustique se déplaçant le long d'une course en boucle. L'incident, cependant, a laissé supposer que les sous-marins d'attaque russes sont capables d'éviter la détection acoustique passive, du moins sous certaines conditions, telles que par exemple selon l'environnement[6].

L'USS Baton Rouge démantelé au chantier naval de Mare Island (1995).

Les deux sous-marins ont subi des dommages, mais aucune victime ne fut signalée. Des rapports russes et américains de surveillance aérienne s'accordent en revanche pour dire que la partie avant du Kostroma a été endommagée. Les sources de la Marine russe déclarent avoir trouvé des morceaux de matériau composite des tuiles anti-sonar du Baton Rouge[6] - [14]. L’United States Navy affirme que, outre quelques égratignures, des bosses, et deux coupures mineures sur son réservoir[15], le Baton Rouge n'a pas subi de dommages importants, mais précise toutefois que ce type d'incident était dans tous les cas considéré comme grave, toute rupture de la coque de l'USS Baton Rouge compromettant sa résistance à la pression[14]. Le sous-marin sera mis hors service le [16], bien que certaines sources affirment qu'il avait déjà été mis hors service moins d'un an après l'incident[17], en [18]. Selon Gregory Stitz, conservateur de l’Arkansas Inland maritime Museum[1] et certaines sources européennes[19], l'United States Navy n'avait pas souhaité réparer la coque, étant donné le coût prévu. Les officiers de la Marine russe affirment que le sous-marin américain était irréparable après la collision[20]. En ce qui concerne le Kostroma, il est retiré du service le pour effectuer des réparations, terminées le 29 juin dans les chantiers navals de Nerpa à Snejnogorsk. Il est par la suite rebaptisé Krab, avant de reprendre son nom d'origine en . Après une refonte considérable à nouveau, le sous-marin russe retourne en service en 2005[21].

Conséquences politiques

L'incident produit un embarras intense à Washington[13]. La diplomatie russe s'est plainte de la collision, et le Pentagone a rapidement reconnu que cette dernière avait eu lieu (contrairement à la politique officielle menée jusque-là). Une réunion entre le secrétaire d'État James Baker et le président russe Boris Eltsine a été organisée immédiatement après l'incident. La Marine russe a accusé les États-Unis de continuer ses opérations de renseignement dans les eaux territoriales russes, malgré la fin de la guerre froide. Cet enchaînement de réactions force l'United States Navy à arrêter certaines de ses activités sous-marines au large des bases russes, telles que les mises sur écoute des câbles sous-marins ou l'interception des communications sans fil[22]. Cette mesure, cependant, n'a pas empêché un incident plus tard en , lorsque l'USS Grayling est entré en collision avec un sous-marin de classe Delta, le K-407 Novomoskovsk au large de la péninsule de Kola[23].

Notes et références

  1. USS Baton Rouge (SSN-689), consulté le 19 avril 2012.
  2. На Костроме я побывал, будучи в Видяево. По случайному стечению обстоятельств она входит в состав той же 7-й дивизии, что и Курск . На боевой рубке Костромы нарисована красная пятиконечная звезда с цифрой 1 в центре. Так в годы Великой Отечественной войны наши подводники вели счет своим победам. Что ж, цифра на рубке нашего атомохода появилась тоже не случайно. На мой вопрос, а не ругается ли начальство на такую символику, командир Костромы Владимир Соколов ответил так: "Сначала, конечно, морщились - мол, американцы нам теперь друзья. Затем вроде попривыкли, ну а после Курска кто и что может мне сказать на этот счет! Разве только то, что цифра уж очень невелика!. Шигин, Владимир: АПРК «Курск». Послесловие к трагедии. Олма-Пресс, 2002, page 401 (ISBN 522403308X).
  3. Sontag et Drew 2004, p. 364.
  4. Reed 2003, p. 1.
  5. (en) Jeffrey T. Richelson, The US intelligence community, Boulder, Colo, Westview Press, , 592 p. (ISBN 978-0-8133-4362-4 et 0-813-34362-3, OCLC 86038244), p. 234.
  6. Eugene Miasnikov, « Submarine Collision off Murmansk : A Look from Afar » (consulté le ), consulté le
  7. RFE/RL rapport de recherche : analyses quotidiennes du RFE/RL Research Institute, vol. 1, p. 52. Radio Free Europe/Radio Liberty, Inc., 1992.
  8. (en) « Two subs collide off Russian port », The New York Times, 19 février 2012.
  9. (en) Artur Blinov et Nikolay Burbyga, Underwater Incident in the Kola Gulf, Izvestia, 20 février 1992 p. 1.
  10. (en) Nikolay Burbyga et Viktor Litovkin, Americans Not Only Helping Us, But Spying on Us. Details of Submarine Collision in Barents Sea, Izvestia, 21 février 1992, p. 2.
  11. (en) Jane's defence weekly, vol. 17, p. 352. Jane's Pub. Co., 1992.
  12. (en) Stephen I. Schwartz, Atomic audit : the costs and consequences of U.S. nuclear weapons since 1940. Brookings Institution Press, 1998, p. 306, note 89 (ISBN 0815777744).
  13. (en) Robert Moore, A Time to Die : The Untold Story of the Kursk Tragedy, New York, Three Rivers Press, , 271 p. (ISBN 1-4000-5124-X et 978-0-307-41969-9, OCLC 70772959), p. 116.
  14. Stern 2007, p. 184.
  15. Reed 2003, p. 153.
  16. « Navy to decommission Los Angeles-class attack sub », Defense Daily, 17 septembre 1993.
  17. (en) Bruce Linder, Tidewater's navy : an illustrated history, Annapolis, Md, Naval Institute Press, , 343 p. (ISBN 978-1-59114-465-6 et 1-591-14465-5, OCLC 60931416), p. 248.
  18. (en) Norman Polmar et Kenneth J. Moore, Cold War submarines : the design and construction of U.S. and Soviet submarines, Washington, D.C., Potomac Books, , 407 p. (ISBN 978-1-57488-530-9 et 978-1-574-88594-1, OCLC 144547931), chap. 17, note 57.
  19. http://www.forecastinternational.com/Archive/ws/ws0281.doc.
  20. (ru) Американцы тогда, правда, сумели доползти до своих берегов, но повреждения были столь впечатляющими, что новейший атомоход восстановлению не подлежал и был немедленно списан на металлолом. Шигин, Владимир: АПРК «Курск». Послесловие к трагедии, Olma-Press, 2002, page 401 (ISBN 522403308X).
  21. 945 Sierra class, warfare.ru, consulté le 19 avril 2012.
  22. Sontag et Drew 2004, p. 365.
  23. Stern 2007, p. 185.

Annexes

Article connexe

Bibliographie

  • Sherry Sontag et Christopher Drew (trad. de l'anglais par Pierrick Roullet), Guerre froide sous les mers : l'histoire méconnue des sous-marins espions américainsBlind Man's Bluff : The Untold Story of American Submarine Espionage »], Rennes, Marines éditions, , 487 p. (ISBN 2-915379-15-7 et 978-2-915-37915-0, OCLC 469463967).
  • (en) Robert Stern, The hunter hunted : submarine versus submarine : encounters from World War I to the present, Annapolis, MD, Naval Institute Press, , 248 p. (ISBN 978-1-59114-379-6 et 1-59114-379-9, OCLC 123127537).
  • (en) Innes McCartney (préf. Jak Mallmann-Showell), Lost patrols : submarine wrecks of the English Channel, Penzance, Periscope, , 183 p. (ISBN 978-1-904381-04-4 et 1-904-38104-9, OCLC 224045134, lire en ligne).
  • (en) Williams Reed, Crazy Ivan : Based on a True Story of Submarine Espionage, IUniverse, (ISBN 0-595-26506-5)


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