Incident de Jinan
L'incident de Jinan (æžćäș件), aussi appelĂ© tragĂ©die du (äșäžæšæĄ), est un affrontement qui opposa l'ArmĂ©e impĂ©riale japonaise, alliĂ©e aux seigneurs de guerre du Nord de la Chine, Ă l'armĂ©e du Sud du Kuomintang Ă Jinan, la capitale du Shandong, en 1928 durant l'expĂ©dition du Nord.
Contexte
Durant l'expĂ©dition du Nord, les troupes de l'ArmĂ©e nationale rĂ©volutionnaire chinoise attaquent plusieurs consulats Ă©trangers en mars 1927 dans un Ă©lan anti-impĂ©rialisme (ce qu'on appelle maintenant l'incident de Nankin). Tchang KaĂŻ-chek cherche alors Ă Ă©viter que de tels incidents se reproduisent et, en , il rencontre Tanaka Giichi, devenu Premier ministre du Japon en avril de la mĂȘme annĂ©e (et aussi ministre des Affaires Ă©trangĂšres), pour discuter des promesses de son prĂ©dĂ©cesseur de prendre des mesures plus agressives pour protĂ©ger les citoyens, les biens et les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques japonais en Chine. Tchang ne tient alors qu'une partie de la Chine mais sâappuie sur sa promesse d'en finir avec la domination Ă©trangĂšre et de rĂ©unifier la Chine pour affirmer sa lĂ©gitimitĂ© sur le pouvoir[1].
Tanaka rĂ©alise que l'usage de la force n'est pas le moyen le plus efficace pour protĂ©ger les intĂ©rĂȘts japonais en Chine, et veut, comme Tchang, garder les troupes japonaises loin de Jinan et d'un coĂ»teux et inutile affrontement. En l'absence de la garantie que l'ArmĂ©e nationale rĂ©volutionnaire chinoise contournerait Jinan, du fait des engagements politiques pris antĂ©rieurement et sur l'insistance de l'ArmĂ©e impĂ©riale japonaise, Tanaka renforce les troupes japonaises dans le territoire du Shandong. Entre mai et , 4 000 hommes supplĂ©mentaires sont dĂ©ployĂ©s Ă Qingdao et Jinan durant ce qui est aujourd'hui appelĂ© au Japon la premiĂšre expĂ©dition du Shandong (珏äžć±±æ±ćșć ”, Dai-ichi Santo Shuppei). Le gouvernement de Beiyang de PĂ©kin et le gouvernement du Kuomintang de Nankin protestent vigoureusement contre cette violation de la souverainetĂ© chinoise et les troupes japonaises se replient lorsque Tchang les arrĂȘte temporairement dans leur route vers le nord[2].
Hostilités
Lorsque l'expĂ©dition du Nord reprend le , le commandant japonais Fukuda Hikosuke (en), contrairement aux ordres reçus de Tokyo, dĂ©place ses troupes de Tianjin Ă Jinan et Qingdao le long de la voie ferrĂ©e Jiaoji (en). Cela est appelĂ© au Japon la seconde expĂ©dition du Shandong (珏äșć±±æ±ćșć ”, Dai-ni Santo Shuppei). Les troupes de la Chine du nord commandĂ©es par Zhang Zongchang quittent les deux villes le et les troupes du Kuomintang, agissant aussi contrairement aux ordres de Tchang KaĂŻ-chek, prennent alors la route de ces citĂ©s. Les troupes japonaises prennent position au consulat japonais et dans plusieurs entreprises et Ă©coles contrĂŽlĂ©es par des ressortissants japonais et ne s'inquiĂštent pas de la situation jusqu'au oĂč a lieu un petit affrontement prĂšs de la maison d'une famille japonaise causant la mort de 12 Japonais. Le consul britannique rapporte avoir vu les corps des victimes masculines qui avaient Ă©tĂ© castrĂ©es. Les Japonais accusent les troupes du gĂ©nĂ©ral He Yaozu (èłèç„) de leur avoir tirĂ© dessus tandis que les Chinois accusent les Japonais de les avoir attaquĂ©s. Les commandants des deux cĂŽtĂ©s acceptent alors une trĂȘve et un cessez-le-feu, et le consul japonais de la ville travailla pour signer une paix. Le gĂ©nĂ©ral Fukuda et ses officiers, voulant agir, annoncent cependant qu'ils ne laisseront pas impunie l'"insulte" faite Ă l'honneur japonais mais qu'ils ne bougeront pas tant que leurs rĂ©serves de nourriture et de munitions ne sont pas restaurĂ©es[3].
Tchang KaĂŻ-chek juge plus important pour ses troupes de rejoindre PĂ©kin que de combattre Ă Jinan et envoie une Ă©quipe d'officiers pour nĂ©gocier. Le 7 mai, le gĂ©nĂ©ral Fukuda transmet cinq revendications de rĂ©paration aux Chinois, avec un dĂ©lai de rĂ©flexion de douze heures, si onĂ©reuses qu'ils n'ont d'autres choix que de refuser. Il refuse de relĂącher les 17 nĂ©gociateurs, dont un certain Cai Gongshi (èĄć Źæ). Lorsque Cai demanda que les demandes soient officiellement annoncĂ©es pour les prĂ©senter Ă ses supĂ©rieurs et que les nĂ©gociateurs soient publiquement libĂ©rĂ©s, les Japonais lui cassĂšrent sa jambe, brisĂšrent ses dents, coupĂšrent sa langue et lâabattirent. Ayant reçu des renforts et du ravitaillement le , les Japonais, aprĂšs un combat intense, forcĂšrent les Chinois Ă s'enfuir et leur infligĂšrent des milliers de morts[4].
Tchang s'excuse alors publiquement aux Japonais et limoge le commandant chinois ; dans son journal intime, il déclare que le Japon est maintenant pour lui le plus grand ennemi de la Chine, devant les puissances occidentales. Mais « avant de régler les comptes » écrit-il, « il faut devenir fort »[5].
Suites
Si l'incident avait Ă©tĂ© un exemple isolĂ© de l'agressivitĂ© japonaise et de la rĂ©sistance chinoise, il aurait pu ĂȘtre gĂ©nĂ©ralement compris. Cependant, les troupes de Tchang Ă©tendirent leur contrĂŽle sur tout le nord de la Chine et l'armĂ©e japonaise continua de se mĂ©fier des forces nationalistes chinoises[6]. Les chefs de l'armĂ©e japonaise avaient peur que Tchang rĂ©ponde au climat patriotique et menace leurs intĂ©rĂȘts en Mandchourie du sud. Le 4 juin, Zhang Zuolin, le chef militaire de la Mandchourie qui parlait de rejoindre les forces de Tchang, fut tuĂ© dans le dynamitage de son train personnel par des officiers de l'armĂ©e japonaise au cours de I'« incident » de Huanggutun, utilisant une sĂ©rie d'Ă©vĂ©nements qui menĂšrent Ă la prise de contrĂŽle total de la Mandchourie et Ă la crĂ©ation du Mandchoukouo. Quand Tchang enseigna Ă un groupe de cadets de l'armĂ©e chinoise, il les encouragea Ă venger la honte de l'incident de Jinan mais Ă cacher leur haine le plus longtemps possible[7]. Le gouvernement du Kuomintang dĂ©crĂ©ta plus tard que le 3 mai serait « journĂ©e nationale en mĂ©moire de l'humiliation ».
Notes et références
- Iriye, After Imperialism, 193-195.
- Iriye, After Imperialism, 195-200.
- Iriye, After Imperialism, 199-201.
- C. Martin Wilbur, "The Nationalist Revolution: from Canton to Nanking, 1923-1928," Cambridge History of China, Volume 12 Republican China, 1912-1949 Pt I (Cambridge: Cambridge University Press, 1983), 702-706.
- Jay Taylor, The Generalissimo: Chiang Kai-Shek and the Struggle for Modern China (Cambridge, MA: Belknap Press of Harvard University Press, 2009), 82-83.
- Iriye, After Imperialism, 205.
- Taylor, The Generalissimo, p. 83.
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