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Incendies (pièce de théâtre)

Le paradoxe réside dans le fait que le personnage principal de la pièce n’est plus en vie. Nawal, la mère, est l’élément clef de la pièce puisque toute l’histoire est centrée autour d’elle. On la découvre à la fois comme une étrangère avec Jeanne et Simon, ses deux enfants, mais aussi comme une jeune femme persuasive et téméraire qui partage l’intimité de ses sentiments avec divers protagonistes comme son amant Wahab, Nazira ou encore Sawda. Ces derniers apparaissent comme des personnages secondaires interagissant avec Nawal. De l’autre côté, plusieurs personnages épaulent les jumeaux dans leur quête, soit le notaire Hermile Lebel qui sert d’intermédiaire entre les vœux de la mère et ses enfants. C’est d’ailleurs par un monologue du notaire que débute la pièce. Il joue le rôle du chœur et donne à la pièce des accents à la fois comique et tragique.

Incendies
Projet marron
La mère de Jeanne et Simon dans une représentation au théâtre montréalais de Lise-Guèvremont, en 2012.
La mère de Jeanne et Simon dans une représentation au théâtre montréalais de Lise-Guèvremont, en 2012.

Auteur Wajdi Mouawad
Genre tragédie
Dates d'écriture 2003
Lieu de parution Arles / Montréal
Éditeur Actes Sud / Leméac
Date de parution 2003
Nombre de pages 118
ISBN 2742783369
Lieu de création en français
Compagnie théâtrale L'Hexagone - Scène nationale de Meylan
Metteur en scène Wajdi Mouawad
Personnages principaux
Jeanne/ Jannaane
Simon/ Sarwane
Le notaire Hermile Lebel
Nawal
Sawda
Nihad Harmanni / Abou Tarek
Antoine Ducharme

Selon Esther Pelletier et Irène Roy

L’œuvre réalisée par le comédien, dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad appartient à une nouvelle dramaturgie, qui privilégie la quête de soi et abandonne la quête de l’identité collective, à la suite de l’échec du référendum pour l’indépendance au Québec en 1980, qui ouvre la voie à une génération de nouveaux auteurs privilégiant l’exploration des territoires intimes[1]. Dans ce contexte se développe ce qu’on appelle le « théâtre migrant »[2], au sein duquel Mouawad fait entendre sa voix. Il s’agit en effet d’un migrant, venu du Liban, qui s’est installé d’abord en France, puis au Québec, où la pièce apparaîtra en 2003. Cette écriture migrante naît dans les années 1980 et ces auteurs sont caractérisés par la capacité de poser un regard critique sur la culture québécoise, tout en y intégrant la leur.

Selon Mouawad, le but fondamental de la création théâtrale est celui de retrouver son identité : cependant, son imagination et sa créativité ne sont pas liées à l’immigration. « Si j’en tirais quelque chose, je devrais reconnaître la pertinence de l’exil, de la guerre. Je refuse. Je ne suis pas un auteur ‘sur’ l’immigration », il affirme dans un entretien avec Jean-François Côté[3]. Toutefois on ne peut éviter les souvenirs d’enfance, cette dernière définie par Mouawad dans Incendies « un couteau planté dans la gorge »[4]. Effectivement, l’auteur tire son inspiration d’un de ces souvenirs pour écrire le récit de Nawal : il se souvient avoir assisté quand il avait 7 ans à un attentat contre un autobus rempli de civils palestiniens perpétré par les milices chrétiennes. Cela montre, comme le remarque Pierre L’Hérault, que l’œuvre « ancre le plus précisément et le plus explicitement sa dramaturgie dans l’origine libanaise »[5].

Du point de vue formel, les procédés analysés seront le cadre spatio-temporel et l’écriture scénique de l’artiste, qui fait appel dans cette œuvre à l’imagination du spectateur, sous le biais de l’expérimentation en direct du phénomène théâtral[1]. La caractéristique fondamentale de l’esthétique théâtrale de Mouawad est que la quête de soi s’incarne dans une mise en scène qui suscite la créativité du spectateur. La diégèse alterne le présent au passé, elle est marquée par la présence d’indices comme des cahiers, des lettres, des photos, qui font revivre dans le présent ce qui est absent, appartenant au passé. En effet, lors de la mort de leur mère Nawal, Jeanne et Simon découvrent ses ultimes volontés et pour parvenir à les respecter ils doivent revenir sur son passé. Nawal découvre en Nihad son fils, qu’elle avait été obligée d’abandonner pour ne pas déshonorer sa famille, qui est aussi le père des jumeaux, nés d’un viol qu’elle avait subi en prison pendant la guerre. Ceci constitue le nœud tragique central de la pièce, faite de naissances, de violence et de guerre. Dans ce contexte les temps verbaux se chevauchent, en créant un effet de simultanéité. La coexistence de deux ou trois situations éloignées dans le temps prend signification en rattachant tous les fils les uns aux autres, et donne les réponses qui fermeront le cercle.

De plus, à la coprésence de présent et passé s’ajoutent ‘l’ici’ et ‘l’ailleurs’ qui correspondent à la quotidienneté de la vie québécoise qui est décrite dans la pièce de la même façon que la lointaine période de guerre. La compréhension du spectateur de la présence des deux réalités dans la pièce est facilitée par une langue familière, le joual québécois qui s’entremêlent à un Français recherché et à la musicalité de la langue arabe.

En ce qui concerne l’espace scénique, celui-ci est vide. Les objets de scène sont rares et ont une fonction métaphorique (le nez rouge que Nawal donne à Nihad, par exemple)[1] : dans cette création la parole poétique s’incarne dans des images percutantes grâce à un recours à des objets familiers.

L’immense succès de ce spectacle semble tenir à l’originalité des procédés de mise en scène qui ont entraîné les spectateurs sur les chemins de leur imaginaire, les invitant à représenter à travers la force évocatrice des images, les lieux de l’intrigue et les situations rapportées[1].

Citations

« Il y a des vérités qui ne peuvent être révélées qu’à condition d’être découvertes. »

Tableau 38[6]. Nawal explique la raison de ses actions.

« Jeanne, fais-moi encore écouter son silence. »

— Tableau 38[6]. La dernière phrase de la pièce, prononcée par Simon qui accepte le destin.

Éditions

  • Incendies, 2003 ; Montréal : Leméac (ISBN 2-7609-2345-2) ; Arles, Actes Sud-Papiers, coll. « Théâtre » (ISBN 2-7427-4373-1)
  • Incendies, 2e éd. revue et corrigée par l'auteur, Arles, Actes Sud-Papiers, coll. « Théâtre », 2009 (ISBN 978-2-7427-8336-6)
  • Incendies, postface de Charlotte Farcet ; titre d'ensemble : Le Sang des promesses ; nouvelle éd., 2010 ; Arles, Actes Sud, coll. « Babel » 1027 (ISBN 978-2-7427-9312-9) ; Montréal : Leméac (ISBN 978-2-7609-2997-5)

Mise en scènes notables

Adaptations

Notes et références

  1. Esther Pelletier et Irène Roy, « Incendies : Évoquer pour susciter l’imaginaire et montrer plutôt que dire », Nouvelles Études Francophones, University of Nebraska Press, vol. 30, no 2, , p. 111-128.
  2. Simon Harel, Les passages obligés de l’écriture migrante. Montréal : XYZ Éditeur, 2005.
  3. Jean-François Coté, Architecture d’un marcheur. Entretiens avec Wajdi Mouawad, L’écritoire. Montréal : Leméac, 2005, p. 81.
  4. Ivi, p. 145.
  5. Pierre L’Hérault, “De Wajdi… à Wahab” Cahiers de théâtre Jeu 111.2 (2004) : 100.
  6. P. 132, Actes Sud, coll. « Babel ».
  7. « Théâtre en acte – Œuvre : "Incendies", Auteur : "Wajdi Mouawad", Mise en scène : "Wajdi Mouawad" », sur www.reseau-canope.fr (consulté le )
  8. « Incendies », sur @lacollinetheatrenational (consulté le )
  9. « Littoral, Incendies, Forêts », sur Festival d'Avignon (consulté le )
  10. « Théâtre en acte – Œuvre : "Incendies", Auteur : "Wajdi Mouawad", Mise en scène : "Stanislas Nordey" », sur www.reseau-canope.fr (consulté le )
  11. Brice Parent, « Incendies de Wajdi Mouawad », sur ATEA - Atelier théâtre de l’École alsacienne, (consulté le )
  12. « festival Off Avignon - Du 7 au 30 juillet 2022 », sur www.festivaloffavignon.com (consulté le )
  13. Voir sur youtube.com.

Voir aussi

Bibliographie

Radio

Liens externes

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