Illectronisme
L’illectronisme, illettrisme numérique[1], ou encore illettrisme électronique[1], est la difficulté, voire l'incapacité, que rencontre une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques en raison d'un manque ou d'une absence totale de connaissances à propos de leur fonctionnement. Le terme « illectronisme » transpose le concept d’illettrisme dans le domaine de l’informatique.
Selon une étude de l'Insee en date du , ce phénomène touche 17 % de la population française, soit près de 13 millions de personnes.
DĂ©finition
On peut recenser trois types de difficultés éprouvées au niveau de la lecture et de l’accès aux ressources électroniques :
- l'accès aux outils numériques (acquisition d'un ordinateur, d'un smartphone) mais aussi à l'accès Internet[2] ;
- la pratique et la manipulation de ces nouveaux outils[3] ;
- la vérification des informations véhiculées[4].
Des difficultés complémentaires sont liées à l'illettrisme.
L’illectronisme résulte aussi de craintes ou d'aversions. Pour certains, Internet est une source d'instrumentalisation ou de complotisme. Pour d’autres, des choix de vie les empêchent de connaître les réseaux sociaux et les privent des usages du partage d’informations. Il faut également compter la crainte, en temps de crise, que fait planer sur les emplois les nouveaux usages de l’informatique et de l’Internet. Ces réticences dépassent la simple ignorance ou l'incapacité à accéder aux informations numériques.
Les croyances et cultures expliquent aussi l'acceptation ou pas des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC/TIC). L'illectronisme se différencie de l'e-exclusion car il provient d'un manque de savoir et non pas d'un manque de moyen ou de souhait pour accéder au domaine de l'information et des services numériques.
Le terme inverse, « lectronisme », est peu usité, sauf pour traduire information literacy. Il recouvre une notion proche de l'habileté numérique ou de l'inclusion numérique.
Recherches sur l’illectronisme
Partant du constat que sans une formation initiale, les nouvelles technologie de l'information deviennent une source d’exclusion majeures (profession, famille loisir alimentation, ...), la deuxième rencontre européenne de la presse sociale, destinée aux acteurs de l’économie sociale, aux journalistes, aux enseignants et aux experts avait pour titre « De l’illettrisme à l’illectronisme, une même exclusion ? ». Il s’agissait d’identifier la nature des fractures numériques[5].
Concernant la situation américaine, une étude du Gartner Group de 2000 a montré que l’illectronisme menaçait 50 millions d’Américains. Alors que les milieux favorisés compteraient 83 % d’internautes, seulement 35 % des personnes des couches défavorisées ont accès à Internet. L'illectronisme serait donc une nouvelle cause d’inégalité sociale, culturelle ou économique[6].
L'illectronisme touche également les jeunes. Selon l'Arcep, 29 % des 15-29 ans se déclarent peu ou pas compétents en matière d'administration numérique[7], ce qui peut causer des difficultés d'accès à l'emploi. La France est classée treizième en matière d'illectronisme chez les 16-29 ans au sein de l'Union Européenne, selon Eurostat. La Croatie et l'Islande, en tête de ce classement, ont entamé en 2014 une modification de leurs systèmes administratifs numériques pour les rendre plus accessibles et les intégrer à l'enseignement national[8].
Conséquences
La sociologue Anne-Marie Laulan dans un article d'Hermès en 2006 développe les conséquences sociales de l'illectronisme qui selon elle facilite la méfiance et la discrimination[9].
Par ailleurs, les États Généraux de l'Urgence Sociale 2016 opèrent une réflexion globale sur les outils numériques et l’action sociale ainsi que sur les évolutions des pratiques liées à la dématérialisation des démarches. L'absence de formation adéquate et le coût élevé de l'accès engendrent des inégalités d'accès à l'information. Face à la dématérialisation, les personnes âgées ou aux ressources financières limitées se retrouveraient discriminées.
L'adoption de systèmes numériques dans un nombre croissant de domaines fait craindre à certains l'exclusion des populations à la maîtrise limitée de ces outils. Par exemple, le déploiement de caisses automatiques dans les supermarchés ou dans les gares pourrait rendre plus difficile le fait de faire ses achats pour les personnes les plus fragiles sur le plan numérique[10].
L'illectronisme est aujourd'hui encore un tabou[11].
Projets mis en place
En Belgique et en France, les « Espaces publics numériques » ont été créés pour lutter contre la fracture numérique et développer les usages des TIC auprès de tous ; il faut que chacun y trouve du sens et de l’utilité. Ils concluent qu’il faudra, par équité sociale, aller à la rencontre des publics prioritaires : personnes âgées, illettrés, professionnels exclus des TIC, enfants, personnes vulnérables et précaires[12].
Les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre confrontent les différentes approches visant à réduire la fracture numérique mondiale autant qu'à combattre l’illettrisme ; on peut noter que de plus en plus d'associationsdéveloppent à travers le monde des solutions « Web2.0 » permettant de réduire l’analphabétisme tout autant que l’illectronisme pour aller jusqu’aux enseignements les plus poussés de l’informatique. Le projet OLPC visant à équiper tous les enfants du monde d’ordinateurs robustes, à bas coût, à basse consommation et pouvant communiquer en réseau sans infrastructure (c.-à -d. « Wi-Fi mesh ») est une approche complémentaire des projets de partage « Web2.0 » dans la mesure où toutes ces machines peuvent accéder à Internet[13].
Notes et références
- « inhabileté numérique », Grand Dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française (consulté le )
- « Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base - Insee Première - 1780 », sur www.insee.fr (consulté le )
- « Illectronisme : ces Français fâchés avec le Net » (article payant), Madeleine Vatel, Le Figaro.fr, 26 juin 2018.
- « Les Bibliothèques contre l'"illectronisme" », Élisabeth Noël, enssib.fr (Enssib), 21 mars 2000.
- « De l'illétrisme à l'illectronisme », sur informer-autrement.fr.
- « Illectronisme », sur 01net.com.
- « Baromètre du Numérique - data.gouv.fr », sur www.data.gouv.fr (consulté le )
- « Les jeunes Français, victimes insoupçonnées de la précarité numérique », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
- Anne-Marie Laulan, « Machines à communiquer et lien social », Hermès, La Revue 2006/2 (n° 45),‎ , p. 204 (ISBN 9782271064493).
- Fabien Benoît, « Caisses automatiques, la nouvelle fabrique de l’exclusion? », sur Libération (consulté le )
- Guillaume Grallet, « L’illectronisme, ce handicap qui ne doit plus être tabou », sur Le Point, (consulté le )
- @ Brest.
- 11es RMLL du 6 au 11 juillet 2010 Ă Bordeaux.
Voir aussi
Bibliographie et liens extérieurs
- [PDF] Régis Bogot, « Le fossé numérique en France », Cahier de Recherche no 177, CREDOC, , 87 p. [lire en ligne]
- [PDF] Alain Giffard, « De L’illettrisme à l'illectronisme : une même exclusion ? », [lire en ligne]
- Nicolas Raffin, « Un «livre blanc» veut en finir avec l’illectronisme, la difficulté à faire des démarches en ligne », 20 minutes,‎ (lire en ligne)
- Julien Brygo, « Peut-on encore vivre sans Internet ? : Les millions d’oubliés du « tout numérique » », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
- Sonia Kronlund, « L’illectronisme : ceux qui ne s’y font pas », émission Les pieds sur terre France Culture (28 minutes),‎ (lire en ligne)
- Maxime Tellier, « L’illectronisme : La fracture numérique n'épargne pas les jeunes », France Culture,‎ (lire en ligne)
- Julien Brygo et Thibaut Soulcié, « Sur la touche : Fracture numérique Les débranchés », La Revue dessinée n° 30,‎ hiver 2020-2021 (lire en ligne)