Hiyya bar Ashi
Rav Hiyya bar Ashi (hĂ©breu : ŚšŚ ŚŚŚŚ ŚŚš ŚŚ©Ś) est un docteur du Talmud babylonien de la seconde gĂ©nĂ©ration.
ĂlĂ©ments de biographie
La vie de Hiyya bar Ashi nâest connue que par des bribes dissĂ©minĂ©es Ă travers le Talmud de Babylone, oĂč ces dĂ©tails et anecdotes sont avant tout prĂ©textes Ă divers enseignements.
Il Ă©tudie dans sa jeunesse auprĂšs de Rav et Shmouel, se faisant le serviteur du premier. Les rabbins tirent de son tĂ©moignage, selon lequel il lessivait les habits de cuir de Rav le sabbat, que lâinterdit de lessiver ne sâapplique pas au cuir (TB Zevahim 94a) ou du rituel de Rav Ă son lever que la bĂ©nĂ©diction sur la Torah se dit avant toute forme dâĂ©tude de la Torah plutĂŽt que la seule lecture du Pentateuque (TB Berakhot 11b), et que la pose des tefillin a prĂ©sĂ©ance sur la lecture du shema quand bien mĂȘme son moment serait arrivĂ© (TB Berakhot 14b).
Rav Hiyya bar Ashi et sa femme
Selon les Ă©ditions courantes du traitĂ© Qiddoushin 81b dans le Talmud de Babylone, Rav Hiyya bar Ashi se prosterne quotidiennement pour supplier le misĂ©ricordieux de le prĂ©server de sa mauvaise nature (he). Sa femme, quâil nâa plus connue depuis des annĂ©es, sâĂ©tonne de cette insistance et se pare, sĂ©duisant le rabbin en faisant des va-et-vient autour de lui, un jour quâil Ă©tudie dans le jardin. AguichĂ©, il lui demande son nom et lorsquâelle se prĂ©sente comme Harouta, revenue de son travail, il abandonne toute retenue et se hĂąte de grimper Ă lâarbre pour y cueillir la plus haute grenade quâelle a demandĂ©e en salaire. RentrĂ© chez lui, il entre dans le four que sa femme est en train dâattiser, afin dâexpier ses mĂ©faits quâil confesse ; elle lui rĂ©vĂšle la supercherie mais ne parvient pas Ă le convaincre avant de lui montrer des signes. Cette dĂ©monstration demeure sans effet car le rabbin entend racheter son envie de transgresser, et passera le reste de sa vie Ă jeĂ»ner en raison de cette faute jusquâĂ ce quâil en meure.
Selon Rachi, Rav Hiyya bar Ashi nâest plus en mesure dâavoir des rapports avec sa femme du fait de son vieil Ăąge ; sa femme, ne comprenant pas quâil puisse encore craindre son dĂ©sir sexuel, sâorne de bijoux, dâĂ©pices et de kaki, passant devant lui et repassant une nouvelle fois. Le nom de Harouta par lequel elle se prĂ©sente, serait celui dâune prostituĂ©e bien connue, et elle est revenue de son travail ; aprĂšs quâil a bondi Ă la branche la plus Ă©levĂ©e et par consĂ©quent la plus frĂȘle pour lui donner ce quâelle demande, il dĂ©cide en rentrant au foyer dâentrer dans le four afin de se tuer â lâhistoire est donc celle dâun saint qui sâapplique avec rigueur les punitions pour ses fautes les plus graves comme les plus menues, comme lorsque sa femme sâamuse par curiositĂ© Ă jouer la prostituĂ©e.
Shlomo Naeh suggĂšre cependant que le nom que se donne la femme, Harouta (« LibertĂ© »), nâest peut-ĂȘtre pas seulement celui dâune « prostituĂ©e bien connue » : il aurait Ă©tĂ© choisi pour la charge quâil comporte dans le dialecte des chrĂ©tiens aramĂ©ophones qui vivent aux cĂŽtĂ©s des Juifs â harouta y dĂ©signe certes la licence sexuelle mais aussi, et paradoxalement, lâĂ©tat quâatteint lâindividu « libĂ©rĂ© » de ses pulsions. Le rĂ©cit reprendrait alors les motifs littĂ©raires de deux rĂ©cits bibliques de tentation sexuelle, GenĂšse 3 et GenĂšse 38, pour accentuer la satire dâun ascĂ©tisme qui, venu des chrĂ©tiens, aurait sĂ©duit un rabbin de quelque envergure. Ruth KI Kaniel, effectuant le rapprochement entre la femme du rabbin et son modĂšle biblique, Tamar, situe lâhistoire sur le terrain de lâaveira lishma (« transgression dans une bonne intention »), expliquant â Ă lâencontre de Rachi â que la supposĂ©e Harouta nâest pas pĂ©nalisĂ©e pour son acte car il a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© dans une bonne intention (le rapprochement conjugal) tandis que son mari, conscient que les transgressions sexuelles des hommes ne sont jamais faites dans une bonne intention, sâimpose dâen payer le prix. Michal BA Siegal reprend lâintuition de Shlomo Naeh et lâĂ©largit au-delĂ du seul terme harouta : les prosternations quotidiennes de Rav Hiyya bar Ashi alors quâelles ne sont plus en usage parmi les Juifs de lâĂ©poque en raison de leur adoption dans le christianisme, sa priĂšre composĂ©e dâune seule phrase formulant une seule requĂȘte, son retrait dans un jardin pour se consacrer Ă lâĂ©tude au lieu de se mĂȘler aux dĂ©bats de ses collĂšgues â comme le prĂ©conisent les sages dâIsraĂ«l pour lutter contre la mauvaise nature dont le rabbin demande Ă ĂȘtre dĂ©barrassĂ©, suggĂšrent sa description sous les traits dâun moine qui voit son daimĂŽn sous les traits de sa femme, sans reconnaĂźtre que câest elle-mĂȘme qui se tient devant lui (cette erreur dans la reconnaissance dâun sujet de dĂ©sir est un trait commun aux histoires de Qiddoushin 81). Sa dĂ©cision de se « purifier » par le feu pour avoir succombĂ© Ă son dĂ©sir, quâil soit charnel ou spirituel, est aussi un comportement en vogue parmi les moines du dĂ©sert Ă©gyptien. LâinterprĂ©tation de Rachi selon laquelle Rav Hiyya bar Ashi nâaurait pas reconnu sa femme car parĂ©e comme une prostituĂ©e, aurait crĂ©Ă© le parallĂšle avec GenĂšse 38, apparemment renforcĂ© par la demande dâune grenade alors que ce fruit, dont les anciens connaissaient les vertus contraceptives, nâest pas un signe permettant dâidentifier aussi sĂ»rement son mari que les gages ont permis de dĂ©signer Juda â la prĂ©sentation des signes nâapparaĂźt dâailleurs dans aucun manuscrit du Talmud, et son ajout dans les Ă©ditions courantes, aurait Ă©tĂ© effectuĂ© du fait de lâinterprĂ©tation de Rachi.
Enseignements
Rav Hiya bar Ashi parle rarement en son nom propre, et cite plus souvent les enseignements de Rav que ceux de Shmouel :
- Rav Hiyya bar Ashi a dit au nom de Rav : qui est le dernier à se laver les mains [aprÚs le repas] (he), est le premier à convier [les convives] à [réciter] la bénédiction [aprÚs le repas] (TB Berakhot 46b)
- Comment rendre [le sabbat] dĂ©licieux ? Rav Hiyya bar Ashi dit au nom de Rav : mĂȘme une petite chose quâon aurait fait en lâhonneur du sabbat, câest un dĂ©lice (TB Shabbat 119b)
Le Talmud comporte plusieurs désaccords entre Rav Hiyya bar Ashi, son serviteur intime, et Rav Houna, son disciple principal et successeur (p.e. TB Houllin 111b). Il lui arrive toutefois de contredire son maßtre (p.e. TB Houllin 51b). Rav Hiyya bar Ashi cite également Zeïri et Rav Hisda.
Notes et références
Annexes
Liens externes
- (he) « Râ Hiya bar Ashi veÊŸishto » (consultĂ© le )
Bibliographie
- (he) Aaron Hyman, Toldot TannaĂŻm veAmoraĂŻm, t. 2, Londres, (lire en ligne), p. 442-443
- (en) Shlomo Naeh, « Freedom and celibacy: A talmudic variation on tales of temptation and fall in Genesis and its Syrian background », dans The Book of Genesis in Jewish and Oriental Christian Interpretation: A Collection of Essays, Peeters Publishers, (ISBN 978-9068319200), p. 73-90
- (en) Ruth Kara-Ivanov Kaniel, « "Gedolah Aveirah Lishmah" : Mothers of the Davidic Dynasty, Feminine Seduction and the Development of Messianic Thought, from Rabbinic Literature to R. Moshe Haim Luzzatto », Nashim, no 24,â , p. 27-52
- (en) Michal Bar-Asher Siegal, « Syriac Monastic Motifs in the Babylonian Talmud: The Heruta Story Reconsidered (b. Qiddushin 81b) », dans Aaron Butts & Simcha Gross, Jews and Syriac Christians: Intersections across the First Millennium, TĂŒbingen, Mohr Siebeck, , p. 27-46