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Henri Chamaulte

Henri Paul Marie Chamaulte, né le 6 novembre 1897[1] à Évreux (Eure)[2] et mort le 31 décembre 1957[3] à Dizangué, est un planteur d'hévéas et directeur d'exploitations français, actif dans les colonies, d'abord en Asie, puis en Afrique centrale, principalement au Cameroun[4]. Ancien combattant de la Première Guerre mondiale, il est élu au Conseil de la République, dans la première section du Cameroun, en 1955[3].

Biographie

Enfance, éducation et débuts

Fils d'officier, Henri Chamaulte s'engage, durant la Première Guerre mondiale, au 6e régiment de dragons, et participe aux combats, tant à Amiens qu'au Chemin des Dames[5].

Il a bâti une réputation de force, de vigueur, d'autorité, de dynamisme et de vive intelligence[6]. Il est chasseur, collecteur de poissons[7] et de coléoptères[8].

Combattant

Il part, en 1919, en Malaisie britannique, pour y travailler dans une compagnie d'exploitation d'hévéas. Ses qualités d'organisateur y sont appréciées.

Après l'Indochine, il prend, en 1924, la direction d'une exploitation d'hévéas à Dizangué.

Hostile à l'armistice de 1940, il rallie la France libre, et accueille le capitaine Leclerc au Cameroun. Il soutient l'effort de guerre allié en poursuivant son œuvre de planteur. La création en Oubangui d'une vaste plantation portera plus tard son nom[9].

Administrateur de sociétés

Il est inspecteur général et administrateur de la SAFA en 1925[10]. Directeur de plantation[11] qu'il développera, il sera président du syndicat des Planteurs de caoutchouc, vice-président de l'Union des syndicats patronaux et artisanaux du Cameroun, et administrateur de la société d'énergie électrique du Cameroun.

Contexte colonial

Au Cameroun occidental, réuni avec le reste du Cameroun en 1961, les anciennes plantations allemandes ont été nationalisées en 1946, formant la Cameroon Development Corporation. Les hévéas étaient en assez mauvais état, à cause de leur surexploitation pendant la guerre, mais la CDC a pris la décision d’aller de l’avant avec cette denrée. La surface plantée en hévéas a plus que doublé entre 1955 et 1975[12]. Pour la Socfin, groupe privé, la période a été plus houleuse au Cameroun, quoique sans conséquences dramatiques à long terme.

L’importance du caoutchouc de DizanguĂ© Ă©tait rehaussĂ©e par la guerre d’Indochine aux yeux de la France, et en 1954 la SAFA produisait 3 100 tonnes. Mais les nationalistes camerounais, très militants dans la rĂ©gion, voyaient la SociĂ©tĂ© agricole et forestière agricole (SAFA)[10], la plus grande entreprise agricole du Cameroun sous mandat français[13], comme une enclave colonialiste et capitaliste[12].

Malgré l’abolition du travail forcé après la guerre, les rapports sociaux sur la plantation sont très tendus au début des années 1950, et les grèves sont constantes[12].

Une fois l’insurrection de l’UPC matée, la Socfin a pu consolider ses affaires sous un gouvernement de Ahmadou Ahidjo stable et conservateur après 1960[12].

En 1975, quelque 20 000 hectares Ă©taient plantĂ©s en hĂ©vĂ©as Ă  DizanguĂ©[12]. D'une superficie de 95 ha en 1914, elle passe Ă  2 042 ha en 1929 après l’arrivĂ©e d'Henri Chamaulte en 1922, elle couvre aujourd'hui 15 528 ha[14].

La situation difficile au Cameroun a encouragé la Socfin à étendre ses activités à l’Oubangui-Chari, actuelle RCA.

En 1946, la SAFA a acquis une concession de 3 000 hectares dans la forĂŞt de la Lobaye, près de MbaĂŻki. Elle a appelĂ© sa nouvelle plantation Henri Chamaulte, en l'honneur du dirigeant de DizanguĂ©[12].

RĂ©putation

Il la transforme en une exploitation coloniale modèle; en porte la superficie Ă  près de 7 000 hectares et en fait un Ă©tat dans l'Ă©tat caractĂ©risĂ© par un système concentrationnaire[15].

  • Selon LĂ©opold MoumĂ© Etia, le nom Henri Chamaulte fait frĂ©mir ceux qui firent un sĂ©jour au bagne de DizanguĂ© en aval d'EdĂ©a sur la Sanaga[15]. La plantation d'hĂ©vĂ©as de DizanguĂ© avaient Ă©tĂ© crĂ©Ă© par les Allemands. C'Ă©tait encore une petite affaire quand Henri Chamaulte en pris la direction en 1925. LĂ©opold MoumĂ© Etia rapporte aussi dans son ouvrage Cameroun : Les annĂ©es ardentes que, pour offrir un spectacle Ă  des amis, il fit jeter des travailleurs aux crocodiles. Que, pour faire un exemple, il fit enfermer un ouvrier fautif dans un sac avec un chat et qu'il abandonna le colis au bord du fleuve[15]. Il affirme aussi avoir vu les longues files d'hommes enchaĂ®nĂ©s conduits de Bafia Ă  la plantation de DizanguĂ©, organisant une traite d'ĂŞtres humains avec l'aide de l'administrateur antillais Tine, chef de la rĂ©gion du Mbam[16], et malgrĂ© les objections de l'adjoint de Tine, l'antillais Lelong[15].
  • Kamerun ! Ă©crit au sujet de Chamaulte : Dans son livre autobiographique, le syndicaliste Gaston Donnat expose les conditions dans lesquelles sont recrutĂ©s, en 1944, les ouvriers employĂ©s par la SAFA de DizanguĂ© : « [L'administrateur colonial de la zone de recrutement] convoquait un certain nombre de chefs de village et les chargeait de dĂ©signer, chacun, un contingent d'hommes valides. Il n'est pas besoin de prĂ©ciser les critères servant au choix, il suffit de savoir que les chefs pouvaient par prĂ©fĂ©rence choisir n'importe qui. Au jour dit, les malheureux Ă©taient rassemblĂ©s. On les reliait les uns aux autres par une corde attachĂ©e au cou et, encadrĂ©s par des miliciens armĂ©s, la file lamentable gagnait [...] le lieu de leur dĂ©portation. »
  • Non content de disposer d'une main-d'Ĺ“uvre gratuite recrutĂ©e par les soins de l'administration ou raflĂ©e par les siens Ă  la sortie de la messe, Henri Chamaulte, le responsable de la plantation, avait trouvĂ© une solution pratique pour amĂ©liorer la productivitĂ©. « Quand les gars ne portaient pas suffisamment de latex, nous a expliquĂ© l'administrateur AndrĂ© Bovar, Chamaulte prenait les femmes, les enfermait dans un enclos et ne les libĂ©rait que quand les gars avaient portĂ© le latex. » En rĂ©alitĂ©, les plantations de DizanguĂ© Ă©taient en elles-mĂŞmes une immense prison faite de baraquements, ceinturĂ©e par une solide clĂ´ture et patrouillĂ© en permanence par des gardes armĂ©s. Lesquels n'hĂ©sitaient pas Ă  enfermer les forçats dans une geĂ´le privĂ©e et Ă  bastonner jusqu'au sang les travailleurs les plus rĂ©calcitrants. Ni les conditions de vie ni la mort, frĂ©quente dans cet enfer, ne semblent pourtant dĂ©ranger les hommes de Dieu de la rĂ©gion, « les prĂŞtres et les pasteurs se contentant de dire la messe Ă  4 heures du matin pour se rendre Ă  l'apĂ©ritif chez l'omnipotent Chamaulte Ă  10 heures»[17].
  • Mintoogue Joseph Yves dĂ©crit dans sa thèse de Master : Henri Chamaulte, le directeur de la SAFA, semble bien avoir longtemps rĂ©gnĂ© en vĂ©ritable tyran omnipotent : « il traitait ses nègres Ă  coups de trique et de bottes […]. RĂ©gnant comme un patriarche bourru sur un domaine immense, interpellant fonctionnaires et Haut-Commissaire Ă  coups de gueule, il avait jadis Ă©tĂ© le roi du Cameroun». Jusqu’en 1946, les ouvriers de la SAFA n’avaient droit Ă  aucun jour de repos et travaillaient tous les 365 jours de l’annĂ©e. C’est Ă  la suite de « grèves historiques » organisĂ©es par les travailleurs, en aoĂ»t 1946, qu’ils avaient obtenu de pouvoir se reposer le dimanche[18]. Georges Chaffard, dans Les carnets secrets de la dĂ©colonisation, T.II, Paris, Calman-LĂ©vy, 1967, p. 305-306 affirme avoir des tĂ©moignages recueillis dans la contrĂ©e font Ă©tat de ce qu’Henri Chamaulte aurait longtemps appliquĂ© des châtiments et des mutilations corporelles – parfois de sa propre main – aux ouvriers, allant quelques fois jusqu’à l’homicide (entretien avec Jacques Bikindeg, ancien ouvrier de la SAFA et ancien maquisard, Ngambe, le 29 novembre 2007)[18].

Politique

En 1947, il est élu conseiller de l'Assemblée territoriale du Cameroun ; réélu en 1952, il abandonne son mandat en 1956.

Il fut président de commission à l'assemblée territoriale et à la fin de sa vie de 1955 à 1957 sénateur du Cameroun au Parlement français[5]. Il sera remplacé au poste de sénateur du Cameroun en février 1958 par Pierre Ngayewang[19].

Membre du groupe des Républicains indépendants, il siège à la Commission du suffrage universel, et à celle de la France d'outre-mer. Dès son élection, il est chargé par cette dernière Commission du rapport sur une convention phytosanitaire pour l'Afrique au sud du Sahara.

Il intervient l'année suivante dans la discussion du projet de loi-cadre relatif aux territoires d'outre-mer, mais sa carrière parlementaire est interrompue par la maladie. Il rentre au Cameroun au printemps de 1957.

Publications

Il est auteur de l'article « L'HĂ©vĂ©aculture au Cameroun Â», publiĂ© en 1942[20].

DĂ©corations

Il est décoré de la Croix de guerre[5].

À la Libération, il est médaillé de la Résistance, et de la croix d'officier de la Légion d'honneur[5].

Mort

Il meurt[19] le 31 décembre 1957 au Cameroun et est enterré à Dizangué.

Notes et références

  1. (en) Christian Fouelefack Tsamo et Ibrahim Ndo'o, « Henri Chamaulte et la SAFA: histoire d'un oublié de la colonisation française au Cameroun (1897-1957) », Outre-mers: revue d'histoire, vol. 404-405,‎ , p. 233–248 (ISSN 1631-0438, lire en ligne, consulté le )
  2. « Marcel Jean Gaston Lagarde - Les Français Libres », sur www.francaislibres.net (consulté le )
  3. « Anciens sénateurs IVe République : CHAMAULTE Henri », sur www.senat.fr (consulté le )
  4. « Entreprises coloniales »
  5. « LA VIE DE CHAMAULTE, L'HOMME CONTROVERSE QUI REPOSE A DIZANGUE!(rediffusion du 6/12/10) - ILIMBE-ILIMBE », sur ilimbeilimbe.canalblog.com, (consulté le )
  6. Jean de Beaumont, Au hasard de la chance: L'amour de vivre, Julliard (réédition numérique FeniXX), (ISBN 978-2-260-02708-9, lire en ligne)
  7. « Chamaulte Henri », sur Alienor.org (consulté le )
  8. Yves Cambefort, Des coléoptères, des collections et des hommes, Publications scientifiques du Muséum, (ISBN 978-2-85653-857-9, lire en ligne)
  9. https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers16-02/10939.pdf
  10. http://entreprises-coloniales.fr/afrique-equatoriale/SAFA-Cameroun.pdf
  11. « Un directeur de plantation dans le Cameroun français : Henri Chamaulte et la Société africaine forestière et agricole (1924-1957) Fouelefack Tsamo, Denis Christian », sur Bibliothèques spécialisées de la Ville de Paris (consulté le )
  12. (en) « [PDF] Grands et petits planteurs dans la production de caoutchouc en - Free Download PDF », sur nanopdf.com (consulté le )
  13. Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE et Jacob TATSITSA, Kamerun !: Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, La Découverte, (ISBN 978-2-348-04238-6, lire en ligne), p.49
  14. https://www.ammco.org/img/Ngafack%20Msc%20thesis%20on%20african%20manatee%20in%20Lake%20Ossa.pdf page 34
  15. Léopold Moumé-Etia, Cameroun : Les années ardentes, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-05699-1, lire en ligne)
  16. Crécence Memoli-Aubry, « Le Mbam dans la Seconde Guerre Mondiale : contribution d'une région administrative du Cameroun à l'effort de guerre français », Outre-Mers. Revue d'histoire, vol. 96, no 362,‎ , p. 241–266 (DOI 10.3406/outre.2009.4392, lire en ligne, consulté le )
  17. Thomas DELTOMBE, Manuel DOMERGUE et Jacob TATSITSA, Kamerun !: Une guerre cachée aux origines de la Françafrique, 1948-1971, La Découverte, (ISBN 978-2-348-04238-6, lire en ligne), p.54
  18. https://www.pantheonsorbonne.fr/fileadmin/Centre_doc_ufr11/Mintoogue-Joseph-Yves_EA.pdf
  19. « M. NGAYEWANG ÉLU SÉNATEUR DU CAMEROUN », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  20. « L'HĂ©vĂ©aculture au Cameroun Â», in Revue de botanique appliquĂ©e et d'agriculture coloniale, 22e annĂ©e, bulletin no 249-250, mai-juin 1942, p. 251-258, [lire en ligne].

Voir aussi

Bibliographie

  • Henri Chamaulte (mĂ©langes), Imprimerie Valeur, Paris, 1958 ?, 59 p.

Liens externes

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