Haute Cour de justice de Versailles
Après avoir siégé une première fois à Bourges du au (Haute Cour de justice de Bourges) pour juger les responsables de la manifestation du 15 mai 1848, la Haute Cour de justice instituée par la constitution de 1848, réunie à Versailles, eut à connaître d'une nouvelle affaire, du au .
Affaire du 13 juin 1849
La Haute Cour de justice de Versailles fut convoquée pour juger les auteurs des faits en relation avec la tentative de prise du pouvoir par l’extrême gauche par Ledru-Rollin et quelques députés de la Montagne lors de la journée du 13 juin 1849. Il s’agissait à l’origine d’une manifestation de protestation populaire contre l’envoi d’un corps expéditionnaire français à Rome (expédition de Rome) afin d’y restaurer le pouvoir temporel du Pape. Le préambule de la constitution interdisant toute action gouvernementale « contre la liberté d’aucun peuple », il était initialement prévu de porter à l’Assemblée une proclamation rappelant les termes de la constitution, mais l’affaire dégénéra bientôt en une tentative de prise du pouvoir avec la formation d’un gouvernement imposé par la rue. L’échec total de cette « journée » révolutionnaire – la dernière de la Seconde république - largement improvisée, entraîna la fuite de la plupart des « meneurs » (Ledru-Rollin, Félix Pyat, Victor Considerant) et l’arrestation de députés compromis, la plupart sans envergure et inconnus du public.
Procès
Procédure de renvoi
Après une ordonnance de prise de corps du tribunal de première instance de la Seine, le , la Chambre des mises en accusation renvoya le les accusés devant la Cour d’assises de la Seine. Cependant, considérant que l’affaire présentait un caractère politique et impliquait de nombreux députés, l’Assemblée nationale décida le renvoi des accusés devant la Haute Cour de justice instituée par la constitution du . Conformément à la procédure prévue par cette constitution, l’Assemblée vota le la convocation de la Haute Cour et désigna Versailles pour la tenue du procès.
Procès
Le procès s’ouvrit le , et s’acheva le . Les accusés étaient poursuivis pour "avoir participé à un complot ayant pour but 1° de détruire ou de changer la forme du gouvernement ; 2° d'exciter à la guerre civile, en armant ou portant les citoyens à s'armer les uns contre les autres ;"
Sur 67 accusés, 36 (dont 16 députés) étaient en fuite :
- les députés Ledru-Rollin, Victor Considerant, Boichot[1], Rattier, Beyer, Pflieger, Rougeot, Menand, Landolphe, Hofer, Kopp, Anstett, Rolland, Cantagrel, Heitzmann, Jannot ;
- les citoyens Servient, Songeon, Morel, Madier de Montjau le jeune, Teissier-Dumothay, Pardigon, Duverdier, Cœur-de-Roy, Thoré, Jules le Chevalier, Charles Delescluze, Charles Ribeyrolles, Kersausie, Villain, Etienne Arago et Périer[2].
Selon la ligne de conduite définie par Michel de Bourges[3], les avocats (Jules Favre, Crémieux, Théodore Bac, Madier de Montjau aîné, Combier, Thourel, Laissac, etc., défenseurs habituels des républicains) entendaient plaider le droit à l’insurrection en cas de violation de la constitution. Juridiquement, l’application de ce droit était contestable en la matière, car la formule « la République n’emploie jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple » figurait dans le préambule, et non pas dans la constitution proprement dite. De ce fait, il y avait manquement à l’esprit de la constitution plutôt que forfaiture caractérisée. Devant le refus de la cour de se laisser entraîner sur ce terrain, les avocats refusèrent alors de plaider. Selon certains contemporains, cette stratégie s'avéra désastreuse pour les accusés[4].
Verdict
Le , la cour condamna à la déportation les 36 contumaces. Parmi les accusés présents, 11 furent acquittés (Forestier, Achintre, Lemaître, Maillard, Vernon, Merliot dit Mérillo, Angelot, Baune aîné et Alyre Bureau), 3 condamnés à 5 ans de prison (Montbet, Suchet et Fraboulet de Chalandard) et 17 à la déportation (Chiron, Dufélix, Fargin-Fayolle, Deville, Gambon, Langlois, Payat, Schmitz, André Pasquet, Napoléon Lebon, Sébastien Commissaire, Maigne, Daniel-Lamazière, Vauthier, Victor Pilhes, Boch et Guinard).
Notes et références
- Jean-Baptiste Boichot, député républicain socialiste élu en mai 1849 se réfugia en Angleterre. A Londres il fonda avec Félix Pyat « La commune révolutionnaire », association de proscrits. Il fut arrêté par la police en 1854 alors qu'il venait tenir une réunion clandestine à Plaisance.
- D'après l'acte d'accusation dressé par le procureur général Baroche reproduit par Sébastien Commissaire, dans ses mémoires
- Louis-Chrysostome Michel, dit Michel de Bourges (1797-1853) commença par être avocat à Bourges. Républicain ardent, il fréquenta Emmanuel Arago, Ledru-Rollin, Barbès, etc. Sous la monarchie de Juillet, puis sous la Seconde république, il plaida dans divers procès politiques.
- Sur ce point voir les souvenirs de Sébastien Commissaire, l'un des accusés
Liens externes
- Mémoires de Sébastien Commissaire (un des députés condamnés), IIIe partie, chapitre IV, Procès de Versailles.
- Dictionnaire des parlementaires français (biographie des parlementaires cités dans cet article)