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Hassan Jouad

Hassan Jouad est un linguiste et anthropologue franco-marocain, né en 1949, dans le Haut Atlas, (Infdwak ou Fetouaka), Province d'Azilal.

Hassan Jouad
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Biographie
Naissance
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Activités

Biographie

Carrière

Après avoir fini des études secondaires au lycée Mohammed V de Casablanca et obtenu son baccalauréat en 1968, une bourse Zellidja, obtenue la même année, lui donne l’opportunité de se rendre en Kabylie (Algérie). Durant ce voyage, sa rencontre avec Mouloud Mammeri à Alger le fait renoncer au projet de professorat d’anglais auquel il se destinait car, sur la recommandation de l’écrivain algérien, un poste de répétiteur lui est offert par Lionel Galand, professeur de berbère à l'Institut national des langues et civilisations orientales à Paris, INALCO, où il débarque fin 1968.

Parallèlement à son travail à l'INALCO, Hassan Jouad suit des études universitaires, principalement en linguistique, (Université de Paris V avec l’équipe d'André Martinet ; de Paris VIII avec l’équipe de Nicolas Ruwet ; de Paris III et à l’EPHE IV avec David Cohen, linguistique chamito-sémitique, et Lionel Galand). Il suit des séminaires en ethnologie du Maghreb, (EPHE VI avec Germaine Tillion) ; en ethnomusicologie au Musée de l'Homme, (avec l’équipe de Gilbert Rouget), pour ne mentionner que les enseignements réguliers. Il obtient le diplôme de l’École des hautes études en sciences sociales en 1977 et un doctorat de 3e cycle de linguistique de l’Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III et de l’École pratique des hautes études - IVe section en 1984.

Successivement chargé de recherche associé au Centre national de la recherche scientifique (CNRS/URA 1027), conseiller pour la programmation musicale à l’Institut du monde arabe (IMA), il est finalement recruté comme ingénieur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris ; d’abord au Centre de linguistique théorique (CELITH), puis Centre de recherche sur les arts et le langage :(CRAL-EHESS/CNRS-UMR 8566). Il a pris sa retraite en .

Domaines d'Ă©tude

Alors qu’il s’agit d’une famille de langues fondamentalement orales, à son arrivée aux Langues orientales, c’est l’absence totale de données orales concernant le berbère, dans l’institution où il est appelé à assurer un enseignement pratique du chleuh, qui frappe le nouveau répétiteur. Ce manque paradoxal le détermine à se consacrer en priorité à la collecte directe sur le terrain d’un corpus de traditions orales dès l’été 1969 en commençant par le territoire des aït M’goun. Ce sont les questionnements soulevés par ce corpus au fur et à mesure de son accumulation, qui lui serviront de guide pour orienter ses études universitaires.

Dès le départ, Hassan Jouad porte un intérêt spécial aux joutes versifiées, car celles-ci étant orales, sont improvisées par définition. Mais étant versifiées, donc puissamment structurées, le fait qu’elles soient en même temps improvisées, lui semblait constituer une antinomie a priori insurmontable. Cette intuition se révélera féconde.

Dès les premières sĂ©ances d’enregistrement, Hassan Jouad a la chance de ressusciter la mĂ©moire d’une forme versifiĂ©e inconnue car tombĂ©e en dĂ©suĂ©tude depuis deux gĂ©nĂ©rations. Cette forme met en lumière un phĂ©nomène totalement inconnu des sciences du langage, Ă  savoir, une « troisième articulation Â», laquelle se situe Ă  cheval sur les deux niveaux de la fameuse « double articulation » d’AndrĂ© Martinet, (Jouad : 2002). Dans la majoritĂ© de ses publications, jusqu’ici, notamment Le Calcul inconscient de l'improvisation, il consacre ses efforts Ă  dĂ©montrer, sur la base d’un large corpus de traditions orales, (en chleuh, en tamazight stricto sensu et en arabe dialectal), que la composante phonĂ©mique de l’énoncĂ© versifiĂ© est soumise, simultanĂ©ment, Ă  deux segmentations, (ou deux organisations linĂ©aires), distinctes et hĂ©tĂ©romorphes. Une segmentation morphĂ©matique d’une part et, de l’autre, une segmentation translexicale et hors sens (qu’il appelle aussi syllabation translexicale). Alors que la matière phonĂ©mique de chaque nouvel Ă©noncĂ© change et, avec elle, cela va de soi, la segmentation morphĂ©matique, en revanche, la segmentation translexicale de la mĂŞme matière phonĂ©mique demeure invariablement rĂ©pĂ©titive, (Jouad : 2011). Les deux segmentations se chevauchent articulatoirement de telle manière qu’elles se confondent auditivement. De ce fait, la segmentation morphĂ©matique occulte la segmentation translexicale. Or, c’est la rĂ©pĂ©tition (de l’organisation) de la segmentation translexicale qui confère Ă  l’énoncĂ© le statut d’énoncĂ© versifiĂ©.

Les deux questions dont l’élucidation a très longuement occupé H. Jouad sont :

  1. : Comment la segmentation morphématique, (la segmentation sensée d’un énoncé), peut-elle être synchronisée avec une segmentation translexicale, donc hors sens, de la matière segmentale du même énoncé ?
  2. : Comment la segmentation translexicale, ce calcul phonémique hors sens, peut-elle se reproduire rigoureusement à l'identique dans tous les énoncés d'un même texte ?

La réponse à ces deux questions se résume dans une même formule : l’anticipation respiratoire de la phonation, (Jouad 2011). La découverte des izlan des aït M’goun apporte la preuve que la production de la voix, donc du discours, consiste fondamentalement dans l’exploitation phonatoire de la durée de l’expiration. Contrairement à ce que nous garantie notre perception auditive, l’énoncé ne s’élabore pas pendant qu’il s’exécute. L’élaboration et l’exécution sont temporellement décalées. Les deux opérations sont étroitement subordonnées à la temporalité de la respiration. Autrement dit, l’élaboration est temporellement anticipée.

L’anticipation respiratoire de la phonation, c'est-à-dire l’antériorité temporelle de l’élaboration à l’exécution, est telle que l’émetteur ne peut avoir accès au sens de son propre énoncé qu’une fois qu’il l’a prononcé. En d’autres termes, l’émetteur ne peut entendre son propre énoncé qu’en même temps que le récepteur. Il ne peut donc jamais se reprendre et corriger une méprise en cours d’élaboration. C’est ce que prouve le lapsus, indéniablement : le propre du lapsus étant justement que son auteur ne peut jamais rattraper une bévue.

En plaçant l’anticipation respiratoire, c'est-à-dire, en fin de compte, une donnée somatique à la source de la phonation, donc au fondement de l’exercice concret de la parole, la découverte, avec les izlan des aït M’goun, de la troisième articulation, appelle une refonte complète des concepts théoriques de la linguistique et de leur hiérarchie. Le même constat soulève à nouveau la question de la création du langage humain lui-même, de sa reproduction et, par conséquent, de la pérennisation de sa transmission.

Bibliographie

Ouvrages
    • 1978 : H. Jouad (avec B. Lortat-Jacob), La saison des fĂŞtes dans une vallĂ©e du Haut-Atlas, coll. Les jours de l’Homme, Paris, Seuil. (ISBN 2-02-00-4967-8) (Ă©dition brochĂ©e), (ISBN 2-02-00-4975-9) (Ă©dition reliĂ©e)
  • 1993 : La mĂ©lodie de l’attaque syllabique et l’intonation, in A la croisĂ©e des Ă©tudes libyco-berbères, mĂ©langes offerts Ă  P. Galand-Pernet et L. Galand, Paris Geuthner, pp. 429-436. (ISBN 2-7053-1310-9).
  • 1995 : Le calcul inconscient de l’improvisation, poĂ©sie berbère - rythme, nombre et sens, Paris-Louvain, Éditions Peeters, 347 pages. Études chamito-sĂ©mitiques, collection dirigĂ©e par David Cohen, ouvrage publiĂ© avec le concours du CNRS. (ISBN 2-87723-275-1) (ISBN 90-6831-750-4)
  • 1996 : Savoir du cĹ“ur, savoir du ventre, in Civilisation marocaine, Ă©ditions Actes Sud/Sindbad, pp. 110-116. (ISBN 978-2-7427-0987-8)
  • 2002 : La terza articolazione : il calcolo della durata di enunciazione in : Sul verso cantato, la poesia orale in una perspettiva etnomusicologica, Maurizio Agamemnon & Francesco Giannattasio (eds), Ricerche collana della FacoltĂ  di Lettere e Filosofia dell'UniversitĂ  di Venezia, Ă©ditions Il Poligafo, Padova, pp. 89-125. (ISBN 88-7115-306-5)
  • 2007 : (avec Elzbieta), Marrakech, culture populaire de la mĂ©dina, Rodez, Ă©ditions du Rouergue. (ISBN 978-2-8415-6865-9)
  • 2011 : Un angle mort des sciences du langage : l’anticipation respiratoire de la phonation, in Parcours berbères, MĂ©langes offerts Ă  Paulette Galand - Pernet et Lionel Galand pour leur 90e anniversaire. Amina Mettouchi (ed.), RĂĽdiger Köppe Verlag, Köln. (ISBN 978-3-89645-933-6) ISSN 1618-1425
Articles
  • 1977 : Règles mĂ©triques dans la poĂ©sie orale berbère (tamazight et tachelhiyt), Cahiers de poĂ©tique comparĂ©e, III/1, Presses Orientalistes de France, pp. 25-59.
  • 1982 : (avec B. Lortat-Jacob), Les modèles mĂ©triques dans la poĂ©sie de tradition orale et leur traitement musical, Revue de Musicologie, numĂ©ro spĂ©cial AndrĂ© Schaeffner, LXVIII (1 - 2), pp. 174-197.
  • 1986 : Mètres et rythmes de la poĂ©sie orale en berbère marocain : la composante rythmique, Cahiers de poĂ©tique comparĂ©e, no 12, Publications de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, pp. 103-127.
  • 1987 : Les tribulations d’un lettrĂ© en pays chleuh, Études et documents berbères no 2, pp. 27-41.
  • 1987 : La matrice rythmique, fondement cachĂ© du vers, Études et documents berbères no 3, pp. 47-59.
  • 1988 : Les formules rythmiques spontanĂ©es, Communication et Langages no 78, pp. 5-14.
  • 1989 : Les imdyazen, une voix de l’intellectualitĂ© rurale, Revue du Monde Musulman et de la MĂ©diterranĂ©e, no 51, (n° spĂ©cial : Les prĂ©dicateurs profanes au Maghreb), Edisud, pp. 100-110.
  • 1989 : Chroniques familiales du Haut-Atlas, Études et documents berbères no 5, p. 22-31.
  • 1989 : Le langage lm’na : EsthĂ©tique de l’implicite, Études et documents berbères no 6, p. 158-168.
  • 1990 : La mĂ©trique matricielle : nombre perception et sens, Bulletin de la SociĂ©tĂ© de Linguistique de Paris, T. LXXXV, fasc. 1, p. 267-310.
  • 1994 : L’ordre translexical de la parole : anticipation et contrĂ´le mnĂ©monique du dĂ©filement sonore, Cahiers Ferdinand de Saussure, pp. 61-82.
  • 1998 : Matrices rythmiques et calcul phonatoire de la poĂ©sie orale : l’exemple du malhĂ»n, Comptes rendus du GLECS, Tome XXXII (1988-1994), Publications Langues’O, Paris INALCO, 1998, pp. 8-32.
  • 1999 : Le chant du monde : Le malhĂ»n marocain, PoĂ©sie 99 no 79 / octobre, Paris Maison de la poĂ©sie 1999, pp. 96-107.
  • 2000 : Le chant malhĂ»n, Horizons maghrĂ©bins no 43, pp. 32-45 ; 186-187, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse.
  • 2001 : Grandeurs et misères d’un jouteur du Haut-Atlas, Awal no 23, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, p. 133-148.

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