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Hadji Ali

Hadji Ali, né vers 1887-1892 et mort le 5 novembre 1937 à Wolverhampton, probablement originaire d’Égypte, est un artiste de spectacle célèbre pour ses régurgitations contrôlées. Ses exploits les plus connus sont l'ingurgitation d'eau, de fumée, de noisettes ou de mouchoirs, suivie par leur restitution dans un ordre choisi par le public. Le tour le plus célèbre d'Ali consistait à boire de grandes quantités d'eau, puis de kérosène, afin de jouer tour à tour le rôle d'un lance-flammes humain et d'un extincteur sur des accessoires de théâtre.

Hadji Ali
Biographie
Naissance
Décès
Nationalités
Activités
Vaudeville performer, regurgitation performer
Hadji Ali montrant ses capacités.

Pendant ces performances, des membres du public étaient invités à observer le spectacle de près pour vérifier qu'il n'était pas truqué.

Bien que n'ayant jamais atteint une grande cĂ©lĂ©britĂ©, Ali avait un public fidèle dans le domaine du spectacle aux États-Unis. Il se produisit pour des chefs d'État, dont le tsar Nicolas II de Russie. Judy Garland le considĂ©rait comme son artiste favori et David Blaine comme son magicien prĂ©fĂ©rĂ©. Des extraits de ses spectacles furent immortalisĂ©s dans le film court de 1930 Strange as It Seems (Aussi Ă©trange que cela puisse paraĂ®tre) et dans PolitiquerĂ­as (1931), la version hispanophone du Quand les poules rentrent au bercail de Laurel et Hardy. Deux documentaires contiennent des extraits des performances d'Ali prĂ©levĂ©s dans PolitiquerĂ­as : Gizmo ! (1977) et Vaudeville (1999). Étant donnĂ©es les capacitĂ©s gastriques inhabituelles d'Hadji Ali, la rumeur circula que l'Institut Rockefeller avait offert de verser une importante somme d'argent pour rĂ©cupĂ©rer son estomac post-mortem. Après sa mort en Angleterre, son corps fut donnĂ© pour Ă©tude Ă  l'UniversitĂ© Johns-Hopkins.

Origines

Hadji Ali est nĂ© dans une famille de classe ouvrière, en 1887 ou 1892 selon les sources, probablement en Égypte. Il fut cĂ©lèbre en tant que performeur d'une discipline des arts du spectacle connue sous le nom d'« actes de rĂ©gurgitation Â», consistant Ă  avaler des matĂ©riaux ou des objets puis Ă  les rĂ©gurgiter de diffĂ©rentes façons. C'est dès l'enfance que Hadji Ali prit conscience de ses capacitĂ©s gastriques inhabituelles. Lors d'une performance qui se tenait Ă  l'hĂ´pital St. Mary de Niagara Falls (État de New York) en , Ali rĂ©pondit aux interrogations du public et raconta l'anecdote suivante : alors qu'il nageait dans le Nil, âgĂ© d'Ă  peine 10 ans, il dĂ©couvrit naturellement qu'il Ă©tait capable d'avaler une Ă©norme quantitĂ© d'eau et de la recracher en l'air comme le jet d'une baleine. En grandissant, il dĂ©veloppa et travailla son don. Il existe Ă©galement une version plus Ă©pique de ces Ă©vĂ©nements, qui fut racontĂ©e par la fille d'Ali, Almina Ali, dans une interview rĂ©alisĂ©e en Angleterre après la mort de son père. Elle dĂ©clara qu'Ali prit connaissance de son don lors d'un incident prĂ©cis : alors qu'il se baignait dans le Nil, il avala par inadvertance un poisson suivi d'un grand volume d'eau. Au lieu de mourir, consĂ©quence attendue par les spectateurs de la scène, Ali rĂ©gurgita sans effort le liquide et le poisson.

C'est vers l'âge de quinze ans qu'Ali prit conscience que ses talents de rĂ©gurgitation avaient le potentiel pour amuser un public, et qu'il pourrait gagner de l'argent en donnant des spectacles :

« Avant toute chose, j'ai testĂ© mes tours dans la rue : j'avalais de nombreux verres d'eau, puis je projetais un long jet d'un bout Ă  l'autre de la rue... Un jour, un patron de cafĂ© m'a vu faire et m'a couru après dans la rue. Je pensais qu'il voulait me tabasser, mais non : il s'est contentĂ© de me mettre une pièce dans la main et m'a demandĂ© de recommencer mon tour. Finalement, il Ă©tait si enchantĂ© qu'il m'a demandĂ© de venir dans son cafĂ© pour distraire les clients. »

Parti sur les routes, Ali rencontra au Caire un Italien qui lui fit signer un contrat de performeur pour le music hall. Sous ce contrat, Ali donna des spectacles Ă  travers l'Europe, parfois pour des chefs d’État. Selon Ali, vers 1914, il fut demandĂ© par le Tsar Nicolas II de Russie pour se produire au Palais d'Hiver de Saint-PĂ©tersbourg. Il dĂ©clara que le Tsar « devait avoir apprĂ©ciĂ© mon spectacle car il me dĂ©cerna une dĂ©coration spĂ©ciale, qui est l'une de mes plus prĂ©cieuses possessions Â». Après la Première Guerre mondiale, Ali se mit Ă  gĂ©rer lui-mĂŞme ses affaires et partit en tournĂ©e Ă  travers le monde, Ă©laborant chaque fois de nouveaux tours.

Ali arriva aux États-Unis avec sa fille Almina vers le milieu des annĂ©es 1920. Ils se produisaient ensemble lors de foires, carnavals et spectacles, parfois promus sous le nom collectif de « Hadji Ali & Co. Â». Almina tenait le rĂ´le d'assistante dans le spectacle de son père, oĂą elle Ă©tait surnommĂ©e « La Princesse Â». Ali lui-mĂŞme avait de nombreux noms de scène : « Le Grand Homme Miracle d’Égypte Â», « L'Extraordinaire RĂ©gurgitateur Â», « L’énigme Ă©gyptienne Â», « L'Aquarium humain Â», « Le Volcan humain Â» ou encore « La 9ème merveille du monde scientifique Â». Des portraits d'Ali le dĂ©crivent comme « un homme grand et barbu, au torse large... une figure imposante dans son costume arabe Â».

Bien qu'Ali parlât plusieurs langues et fut naturalisĂ© citoyen amĂ©ricain, on rapporta que sa fille Almina lui servait d'interprète aux États-Unis et ailleurs car il ne parlait pas Anglais, et Ă©tait illettrĂ©. Après avoir acquis quelque notoriĂ©tĂ©, Ali engagea comme manager Hubert Julian, un ancien colonel de l'ArmĂ©e de l'Air d'Abyssinie. Bien qu'il parvint Ă  rassembler par une audience fidèle significative, jusqu'Ă  ĂŞtre citĂ© par Judy Garland comme son artiste de spectacle favori, Ali « resta davantage une curiositĂ© de seconde zone qu'une vĂ©ritable tĂŞte d'affiche du monde du spectacle Â» selon Bruce Felton. Quoi qu'il en soit, au moment de sa mort en 1937, son manager Julian remarqua qu'Ali avait « gagnĂ© beaucoup d'argent en AmĂ©rique : parfois 1000$ par semaine. J'Ă©tais en train de lui construire une rĂ©putation ici [en Europe] et une tournĂ©e Ă©tait prĂ©vue sur le continent. Â»

Performances

Le pilier du spectacle d'Ali Ă©tait le numĂ©ro dit du « jet d'eau Â». Après avoir avalĂ© de grandes quantitĂ©s de liquide, entre 60 et 100 verres d'affilĂ©e, il recrachait l'eau en un jet continu pendant un long moment, parfois près d'une minute. Un autre de ses numĂ©ros favoris Ă©tait d'avaler entre 30 et 50 noisettes non-cassĂ©es (bien que l'une de ses affiches parle de 40 noix de pĂ©can), puis un fruit Ă  coque d'une autre variĂ©tĂ©, par exemple une amande. Ensuite, Ali rĂ©gurgitait les noisettes une Ă  une, ne faisant reparaĂ®tre la « noix-bizarre Â» (par exemple l'amande) qu'au moment choisi par le public. Dans un autre numĂ©ro, Ali avalait trois Ă  six mouchoirs de diffĂ©rentes couleurs, puis les restituait dans l'ordre choisi par un membre du public.

Dans un article de 1929 publiĂ© dans le Lowell Sun, le mĂ©decin Morris Fishbein Ă©mit l'hypothèse que, dans le numĂ©ro des noisettes, Ali gardait en bouche le fruit qui Ă©tait d'une variĂ©tĂ© diffĂ©rente plutĂ´t que de l'avaler, ce qui lui permettait de le ressortir sur demande. Le Dr. Fishbein dĂ©clara aussi que des « enquĂŞteurs Â» anonymes Ă©taient convaincus que, pour son numĂ©ro des foulards, Ali parfumait les tissus, et pouvait donc les identifier au goĂ»t en les faisant remonter.

Ali avalait également des poissons rouges vivants, des montres, des pièces de monnaie, des bijoux fantaisie, des billets de banque, des noyaux de pêche, des souris vivantes, des boutons, des balles et autres objets. Dans une autre de ses performances, il plaçait au minimum huit cigarettes allumées dans sa bouche et, au lieu d'inhaler, avalait la fumée. Après un bon moment, il la recrachait en un flux continu comme un volcan en éruption.

« Ali [Ă©tait] l'homme qui pouvait avaler n'importe quoi : des cigarettes, des poissons rouges vivants, des mouchoirs, de l'essence... Â»

— Hubert Julian, manager d'Ali

Le numĂ©ro final qui conclut longtemps le spectacle d'Ali consistait Ă  avaler Ă  nouveau de copieuses quantitĂ©s d'eau, mais cette fois suivies par une pinte de kĂ©rosène. On amenait alors un accessoire, gĂ©nĂ©ralement une maquette de château ou de maison en mĂ©tal posĂ©e sur une table, dans laquelle brĂ»lait une flamme. Le kĂ©rosène, plus lĂ©ger que l'eau et non-miscible avec elle, flottait par-dessus l'eau dans la gorge d'Ali, lui permettant de le recracher en premier. Le dĂ©cor ainsi posĂ©, on entendait des roulements de tambour ou une imitation de cloches Ă  incendie, et Ali devenait un « lance-flammes humain Â», crachant le combustible en un long flux inondant l'accessoire sacrifiĂ©, qui s'enflammait de toutes parts. Une fois le kĂ©rosène Ă©puisĂ©, l'eau suivait, jaillissait de sa bouche en un long jet qui atteignait parfois deux mètres et qui Ă©teignait le feu.

« On peut certes aller Ă©couter un Orchestre Symphonique Philharmonique. On peut admirer Walter Hampter et Ethel Barrymore nous livrant leur brillante interprĂ©tation de Shakespeare, ou, si l'on se prend de passion pour la boxe, ou la lutte, aller visiter le nouveau Madison Square Garden... [mais], avec tout le respect dĂ» Ă  l'art de John McCormick, d'Harold Lloyd ou de Jack Dempsey, aucun d'eux ne peut avaler douze litres d'eau, ou cinquante noisettes et une amande, puis rĂ©gurgiter l'amande en n'importe quelle position entre 1 et 50. Aucun d'eux ne peut avaler trois mouchoirs diffĂ©rents, puis faire ressortir celui des trois que le public demande. Et je doute qu'ils soient capables de boire de l'essence de kĂ©rosène. M. Hadji Ali peut faire toutes ces choses. Â»

— The Fredonia Censor, 2 mai 1928

Pendant certaines performances, un panel ou « jury Â» de membres du public Ă©tait invitĂ© sur scène pour vĂ©rifier qu'aucun mĂ©canisme de trucage n'Ă©tait utilisĂ©, et qu'Ali Ă©tait bel et bien en train d'avaler les objets puis de restituer par rĂ©gurgitation les objets concernĂ©s. Parfois, Ali dĂ©ambulait parmi le public pendant son numĂ©ro d'avalage de noisettes et, son costume de scène laissant son estomac apparent, il invitait des spectateurs Ă  tâter son ventre pour entendre les noisettes cliqueter Ă  l'intĂ©rieur. Un journal rapporta que les numĂ©ros d'Ali, qui consistaient essentiellement en un vomissement contrĂ´lĂ©, Ă©taient rĂ©alisĂ©s d'une « façon qui n'avait strictement rien de dĂ©sagrĂ©able, ni mĂŞme de lointainement rĂ©pugnant Â». Mais tout le monde n'Ă©tait pas du mĂŞme avis : au moins l'un des contrats d'Ali fut coupĂ© court quand le commanditaire rĂ©alisa que la nature de l'acte « gâchait leurs dĂ®ners-spectacles Â». Houdini, le cĂ©lèbre prestidigitateur spĂ©cialiste de l'Ă©vasion, remarqua dans son texte de 1920 Miracle Mongers and their Methods que le cracher de l'eau Ă©tait « une performance qui ne pouvait pas manquer de dĂ©goĂ»ter un public moderne Â».

Les capacitĂ©s d'Ali fascinaient le public, mais aussi les experts mĂ©dicaux. Un article de 1928 paru dans le Sheboygan Press rapporta que plusieurs mĂ©decins avaient assistĂ© Ă  l'un des spectacles d'Ali, examinant attentivement ses performances. Ils en conclurent qu'il ingurgitait et rĂ©gurgitait effectivement les liquides et objets qu'il affirmait avaler, mais restèrent « abasourdis par ses extraordinaires performances Â». Selon un article paru dans le Naugatuck Daily News, « Des mĂ©decins venus de trois continents se sont acharnĂ©s Ă  comprendre le mĂ©canisme gastronomique de cette autruche humaine, en vain. Des expĂ©riences aux rayons X ont Ă©tĂ© menĂ©es pendant sa dĂ©monstration, mais n'ont apportĂ© aucune explication plausible qui satisfasse un esprit critique, d'ailleurs, la profession des chirurgiens a baissĂ© les bras, sidĂ©rĂ©e par cette autruche humaine Â».

Apparitions filmiques

Aucune description littéraire ne peut réellement englober la riche absurdité de l'acte, sans parler de la virtuosité du contrôle d'Hadji Ali sur son œsophage.

—The Speed of Sound: Hollywood and the Talkie Revolution (1997)

Ali fut immortalisĂ© dans deux films : Strange as It Seems, un film court de 1930, et PolitiquerĂ­as, version hispanophone du Quand les poules rentrent au bercail de Laurel et Hardy sorti en 1931. Ali eut aussi un petit rĂ´le en tant que « seigneur turc Â» dans un film de la Warner de 1932, Scarlet Dawn, avec Ă  l'affiche Douglas Fairbanks Jr. et Nancy Carroll. Deux documentaires contiennent des extraits des performances d'Ali prĂ©levĂ©s dans PolitiquerĂ­as : Gizmo ! (1977) et Vaudeville (1999), un documentaire produit par KCTS-TV qui rassemble une sĂ©rie de 90 performances de scène sur deux heures de film. Depuis, ce documentaire a Ă©tĂ© diffusĂ© de nombreuses fois dans l'Ă©mission American Masters de la chaĂ®ne publique amĂ©ricaine PBS.

Le scĂ©nariste et producteur exĂ©cutif de Vaudeville, s'exprimant au sujet de la nature dĂ©mocratique et populaire du monde des arts du spectacle, fit une brève allusion Ă  Ali en disant que le film « englobait tout, depuis Caruso jusqu'Ă  un type qui vomit Â». En comparaison, dans l'Ă©pisode 30 de l'Ă©mission de tĂ©lĂ©vision Iconoclasts diffusĂ©e sur la chaĂ®ne Sundance Channel, le magicien David Blaine parle avec enthousiasme d'Ali. Pendant l'Ă©pisode, Blaine montre au peintre Chuck Close le dernier numĂ©ro d'Ali enregistrĂ© dans PolitiquerĂ­as, celui oĂą il expulse tour Ă  tour du kĂ©rosène et de l'eau, et commente en disant que Ali est son « magicien prĂ©fĂ©rĂ©... c'est rĂ©el, mais personne n'a rĂ©ussi Ă  refaire ça depuis... Il s'appelle Hadji Ali... C'est mon prĂ©fĂ©rĂ© de tous les temps Â».

Mort

Hadji Ali meurt le Ă  Wolverhampton en Angleterre, d'une insuffisance cardiaque pendant une crise de bronchite. Avant mĂŞme sa mort, une rumeur disait que l'Institut Rockefeller souhaitait se procurer l'estomac d'Ali quand il mourrait, et serait prĂŞt Ă  payer 50 000$. Cette allĂ©gation figurait sur une affiche de promotion de l'un des spectacles d'Ali, de son vivant. Après l'annonce de sa mort, la rumeur refit surface, Ă©voquant une offre active de 10 000$. Quand un responsable de l'Institut Rockefeller fut interrogĂ© au sujet de cette histoire, il expliqua qu'il n'y avait eu aucune offre de faite mais que, nĂ©anmoins, « ils seraient très intĂ©ressĂ©s de voir le corps Â». Almina Ali et Herbert Julian rapatrièrent le corps aux États-Unis Ă  bord du Queen Mary. Selon un article du New York Post paru le , Ă  leur arrivĂ©e, Almina donna le corps de son père Ă  l'UniversitĂ© Johns-Hopkins du Maryland pour qu'il soit Ă©tudiĂ© par des chirurgiens, après quoi il fut transportĂ© en Égypte pour ĂŞtre inhumĂ© dans un mausolĂ©e. Cependant, le journal The Afro-American rapporta le que les reprĂ©sentants de Johns-Hopkins avaient dĂ©clinĂ© l'offre.

Notes et références

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