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HĂ©morragie du post-partum

Les hémorragies du post-partum (HPP) se divisent en HPP précoce (ou hémorragie de la délivrance) survenant lors des 24 premières heures, et HPP tardive. La très grande majorité des HPP sont des HPP précoces.

Hémorragie de la délivrance
Classification et ressources externes
CISP-2 W17
CIM-10 O72
CIM-9 666
eMedicine 275038
MeSH D006473
Patient UK Postpartum-haemorrhage

Wikipédia ne donne pas de conseils médicaux Mise en garde médicale

Une hĂ©morragie de la dĂ©livrance est dĂ©finie par l'OMS comme une hĂ©morragie d'origine utĂ©rine, survenant dans les 24 heures suivant l'accouchement, et responsable d'une perte sanguine estimĂ©e Ă  au moins 500 millilitres. C'est une complication redoutable de l'accouchement qui concerne 5 % des femmes et est la première cause de mortalitĂ© maternelle liĂ©e Ă  la grossesse en France[1] et dans le monde.

Description générale

L'hĂ©morragie du post-partum est dĂ©finie par une perte sanguine de plus de 500 ml lorsque l'accouchement se fait par voie naturelle, et de plus de 1 000 ml lorsqu'il se fait par cĂ©sarienne[2]. Cette quantification est très souvent approximative et visuelle, subjective sans qu'il soit prouvĂ© que cela soit dĂ©lĂ©tère[3].

La surveillance du saignement après l’accouchement par la sage-femme est fondamentale.

Dès l'expulsion, la sage-femme met un sachet destiné à recueillir le saignement. D'une façon générale, les pertes sanguines sont sous évaluées en l'absence de sachet entraînant un retard de la prise en charge des hémorragies. Un volume de saignement supérieur à 500 ml doit déclencher un protocole par l'équipe obstétricale responsable de l'accouchement. Tout retard de prise en charge ou de non respect du protocole peut aboutir à l’apparition de trouble important de la coagulation et/ou d'une hypovolémie avec possible arrêt cardiaque.

Physiopathologie

L'expulsion du placenta au cours de la délivrance est une étape obligatoire pour assurer une bonne rétraction de l'utérus. Cette rétraction utérine collabe mécaniquement les petites artères intramyométriales qui alimentaient le placenta. Cette hémostase mécanique est connue sous le nom de ligature vivante de Pinard. La délivrance physiologique doit respecter quatre points :

  • dĂ©livrance complète du placenta et de ses membranes ;
  • utĂ©rus vide ;
  • rĂ©traction utĂ©rine satisfaisante ;
  • absence de troubles de la coagulation.

Causes

Atonie utérine

Elle constitue 70 % des hémorragies du post-partum[4].

Un utérus atone est un utérus qui ne se rétracte pas bien après l'accouchement : à la palpation abdominale, on retrouve un gros utérus mou au lieu d'un globe utérin ferme. L'atonie entraîne une mauvaise hémostase mécanique et un saignement prolongé des vaisseaux utérins. Elle peut être causée par un travail trop prolongé ayant épuisé le myomètre (ou au contraire un travail très rapide), une distension utérine pendant la grossesse (grossesse multiple, hydramnios, macrosomie, volumineux fibromes ), un nombre de grossesse élevé (multiparité), l'âge maternel avancé, une anesthésie profonde par halogénés.

Lésions utérines et vaginales

Elles constituent 20 % des hémorragies du post-partum[4].

Les saignements provenant des lésions des parties molles (vagin et col de l'utérus) peuvent perturber le diagnostic de l'hémorragie du post-partum. Il convient donc de vérifier devant tout saignement anormal l'absence de lésions à l'aide d'un examen sous valves et le cas échéant de procéder à la suture des lésions.

Causes placentaire

La rétention placentaire constitue 10 % des hémorragies du post-partum[4].

L'utérus ne peut se rétracter s’il n'est pas totalement vide. C'est le cas lorsque la délivrance naturelle ne s'est pas faite, ou lorsque la délivrance est incomplète (présence de fragments de placenta ou de membranes dans l'utérus malgré la délivrance). Celle-ci est diagnostiquée par l'examen systématique du délivre par la sage-femme ou l'obstétricien à la recherche d'un cotylédon manquant ou de membranes non intègres. Au moindre doute, on effectue une révision utérine (la main est introduite dans l'utérus et l'explore intégralement, sous asepsie stricte et parfois anesthésie générale s'il n'existe pas d'analgésie avant la naissance). Elle peut être aidée par une échographie pelvienne[5]. Si la délivrance ne s'est pas effectuée, on procède à une délivrance artificielle de la même façon que la révision utérine dans le but de décoller manuellement le placenta et de l'extraire de l'utérus.

Certaines anomalies placentaires sont à hauts risques de complication hémorragique : placenta praevia, placenta accreta...

Troubles de la coagulation

Ils sont dominés par la coagulation intra vasculaire disséminée et la fibrinolyse. Ils peuvent entraîner à eux seuls une hémorragie de la délivrance.

Facteurs de risque

Il existe une prédisposition génétique[6].

La présence d'un trouble de la coagulation ou la prise d'un médicament jouant sur la coagulation peut augmenter les saignements.

La prise d'un antidépresseur peu avant l'accouchement peut majorer le risque d'hémorragie du post-partum[7].

Un accouchement prolongé semble augmenter le risque hémorragique[8].

Prise en charge et traitement

Traitement de première intention

L'hémorragie de la délivrance est une urgence thérapeutique, la rapidité de la mise en place d'un traitement efficace conditionne le pronostic vital. Dans tous les cas, la mise en place de deux voies veineuses doit être faite.

  • Si la dĂ©livrance est faite, il faut faire une rĂ©vision utĂ©rine Ă  la recherche d'un cotylĂ©don (rĂ©sidu placentaire) aberrant. Cette rĂ©vision utĂ©rine permet aussi d'enlever les caillots sanguins qui peuvent entraver une bonne rĂ©traction utĂ©rine.
  • Si la dĂ©livrance n'a pas eu lieu, il faut procĂ©der Ă  une dĂ©livrance artificielle puis une rĂ©vision utĂ©rine avec ou sans anesthĂ©sie[9]. Dans le cas d'une dĂ©livrance naturelle, la vĂ©rification de l'intĂ©gralitĂ© du placenta ainsi qu'une rĂ©vision utĂ©rine systĂ©matique, toujours sous anesthĂ©sie, doit ĂŞtre effectuĂ©e.
  • Examen de la filière gĂ©nitale sous valves Ă  la recherche d'une plaie cervicale, vaginale, ou pĂ©rinĂ©ale. Suture de toute plaie, mĂŞme minime.
  • Perfusion d'ocytocine afin de favoriser la rĂ©traction utĂ©rine, associĂ©e Ă  un massage utĂ©rin.
  • Mesures de rĂ©animation :
  • Surveillance du saignement, du globe utĂ©rin, de la tolĂ©rance maternelle.

Un massage utérin peut être fait à titre préventif, permettant, en théorie, de favoriser la contraction utérine. Son efficacité n'est cependant pas démontrée[10].

D'autres médicaments (ou combinaison de médicaments) que l'ocytocine peuvent être utilisés, comme l'ergométrine avec l'oxytocine, la carbétocine, ou l'association misoprostol-oxytocine[11].

En cas d'Ă©chec

Après 30 minutes on peut proposer une perfusion de prostaglandines, molécules vasoconstrictrices, ou une injection d' acide tranexamique, permettant une diminution de la perte sanguine et des complications résultantes[12]. Une autre possibililité est l'ulisation de maléate de méthylergonovine[13].

La recherche d'une anomalie de la coagulation est nécessaire afin de mettre en route un traitement spécifique.

Un tamponnement utérin par ballonnet peut éviter parfois le recours à une chirurgie ou à une radiologie interventionnelle[14]. Il consiste à introduire un ballon dans la cavité utérine et de le gonfler avec un liquide et de le laisser en place une journée, ce qui va comprimer les artérioles et stopper théoriquement l'hémorragie[15]. Son efficacité réelle reste discuté[16].

En dernière intention

Dans les hémorragies cataclysmiques résistantes au traitement, une sanction chirurgicale ou radio-interventionnelle doit être envisagée : ligature chirurgicale des artères utérines (voire ligature des artères hypogastriques), capitonnage utérin[17] consistant en une suture large de l'utérus permettant sa compression, avec, cependant un risque d'adhérence (synéchie) pouvant rendre une grossese ultérieure plus compliquée[4].

Une embolisation des artères utérines par micro-particules pendant une artériographie peut être proposé dans les centres disposants du matériel et des compétences.

L'hystérectomie d'hémostase (ablation de l'utérus) n'est proposée qu'en ultime intention, lorsque toutes les autres méthodes possibles ont échoué.

En France

Chaque maternité de France doit élaborer un protocole de prise en charge. Ce protocole doit être discuté avec toute l'équipe médicale. Il prend en compte les disponibilités techniques et les compétences professionnelles du réseau de périnatalité. Le protocole fera l'objet d'un document écrit disponible pour tout le monde et dans toutes les salles d’accouchement. Il sera fortement encouragé d’apprendre par cœur les doses et les modalités thérapeutiques d'administration des différents substances utilisées.

Prise en charge et traitement fondés sur les références de la Haute Autorité de santé de 2004 (HAS)[18] :

Prévention

Mesures de prévention en cas d'accouchement par césarienne

En cas de césarienne, l’ocytocine (par voie IV ou IM) est l’utérotonique recommandée en prévention de l’HPP[19]. La traction contrôlée du cordon est la méthode recommandée pour l’extraction du placenta[19].

Mesures de prévention en France

Mesures de prévention, selon le Collège national des gynécologues et obstétriciens français[20] :

  • dĂ©livrance dirigĂ©e par injection intraveineuse d'ocytocique soit au dĂ©gagement de l'Ă©paule antĂ©rieure de l'enfant, soit après l'expulsion du placenta. (5 voire 10 UI selon les protocoles) ;
  • dĂ©livrance artificielle si la dĂ©livrance n'a pas eu lieu 30 minutes après l'accouchement ;
  • vĂ©rification de l'intĂ©gritĂ© du placenta et des membranes.

Mesures de prévention dans les pays à ressources limitées

  • Dans les milieux oĂą l’ocytocine n’est pas disponible, l’utilisation d’autres utĂ©rotoniques injectables (l’ergomĂ©trine/la mĂ©thylergomĂ©trine) ou du misoprostol par voie orale (600 µg) est recommandĂ©e[19].
  • Dans les milieux oĂą il n’y a pas d’accoucheuse qualifiĂ©e ni d’ocytocine, l’administration de misoprostol (600 µg par voie orale) par les agents de santĂ© communautaires et le personnel non mĂ©dical est recommandĂ©e en prĂ©vention de l’HPP[19].
  • Dans les milieux oĂą des accoucheuses qualifiĂ©es sont disponibles, la traction contrĂ´lĂ©e du cordon est recommandĂ©e dans les accouchements par voie basse si le prestataire de soins et la parturiente considèrent une lĂ©gère rĂ©duction de la perte sanguine et de la durĂ©e de la dĂ©livrance comme importantes[19].
  • Dans les milieux ne disposant pas d’accoucheuses qualifiĂ©es, la traction contrĂ´lĂ©e du cordon n’est pas recommandĂ©e[19].

Statistiques

L'hémorragie du postpartum est en France la principale cause de mortalité maternelle, avec un taux significativement plus élevé que la moyenne européenne[21].

Sur les 24 femmes décédées en France entre 2010 et 2012 d'une hémorragie de la délivrance, 12 sont des décès évitables c'est-à-dire qu'une meilleure prise en charge aurait pu éviter la mort maternelle.

L'hémorragie se produit dans moins de 3 % des accouchements[22] mais la proportion a tendance à croître[23]. Dans la moitié des hémorragies détectées, c’est « l’atonie utérine (en) » qui serait en cause. La principale technique de prévention consiste donc à administrer à la mère de l'ocytocine artificielle (ou du misoprostol) après la naissance du bébé, dans la mesure où elle n'est plus en mesure de produire spontanément assez d'ocytocine pour relancer les contractions de l'utérus. Quelques études épidémiologiques ont montré que le déclenchement du travail (amniotomie/ocytocines) et l'utilisation de forceps constituaient des facteurs de risque pour l'hémorragie du postpartum[24], mais la plupart des travaux n'ont pas inclus la mesure de ces variables à leur protocole expérimental[25].

Complications Ă  long terme

Une hypovolémie, si elle dure trop longtemps, peut entraîner un nécrose de la glande hypophysaire qui apparaît plusieurs mois après, c'est le syndrome de Sheehan.

Notes et références

  1. Hémorragies du post-partum immédiat, Haute Autorité de Santé
  2. Dahlke JD, Mendez-Figueroa H, Maggio L et al. Prevention and management of postpartum hemorrhage: a comparison of 4 national guidelines, Am J Obstet Gynecol, 2015;213:76.e1–10
  3. Quantitative blood loss in obstetric hemorrhage: ACOG committee opinion, Obstet Gynecol, 2019;134(6):e150-e156
  4. Bienstock JL, Eke AC, Hueppchen A, Postpartum hemorrhage, N Engl J Med, 2021;384:1635-1645
  5. Carlan SJ, Scott WT, Pollack R, Harris K, Appearance of the uterus by ultrasound immediately after placental delivery with pathologic correlation, J Clin Ultrasound, 1997;25:301-308
  6. Oberg AS, Hernandez-Diaz S, Frisell T, Greene MF, Almqvist C, Bateman BT, Genetic contribution to postpartum haemorrhage in Swedish population: cohort study of 466 686 births, BMJ, 2014;349:g4984
  7. (en) Palmsten K, Hernández-Díaz, Huybrechts KF. et al. « Use of antidepressants near delivery and risk of postpartum hemorrhage: cohort study of low income women in the United States » BMJ 2013;347:f4877.
  8. Nyfløt LT, Stray-Pedersen B, Forsén L, Vangen S, Duration of labor and the risk of severe postpartum hemorrhage: a case-control study, PLoS One 2017;12:e0175306-e0175306
  9. « Hémorragies du post-partum : recommandations du CNGOF pour la pratique clinique (décembre 2004) », Gynécologie Obstétrique & Fertilité, no 33,‎ , p. 268–274 (lire en ligne).
  10. Hofmeyr GJ, Abdel-Aleem H, Abdel-Aleem MA, Uterine massage for preventing postpartum haemorrhage, Cochrane Database Syst Rev, 2013;7:CD006431-CD006431
  11. Gallos ID, Papadopoulou A, Man R et al. Uterotonic agents for preventing postpartum haemorrhage: a network meta-analysis, Cochrane Database Syst Rev, 2018;12:CD011689-CD011689
  12. WOMAN Trial Collaborators, Effect of early tranexamic acid administration on mortality, hysterectomy, and other morbidities in women with post-partum haemorrhage (WOMAN): an international, randomised, double-blind, placebo-controlled trial, Lancet, 2017;389:2105-2116
  13. Butwick AJ, Carvalho B, Blumenfeld YJ, El-Sayed YY, Nelson LM, Bateman BT, Second-line uterotonics and the risk of hemorrhage-related morbidity, Am J Obstet Gynecol, 2015;212:642.e1-642.e7
  14. CNGOF, « Recommandations pour la pratique clinique : Les hémorragies du post-partum (texte court) », sur cngof.asso.fr,
  15. Bakri YN, Amri A, Abdul Jabbar F, Tamponade-balloon for obstetrical bleeding, Int J Gynaecol Obstet, 2001;74:139-142
  16. Suarez S, Conde-Agudelo A, Borovac-Pinheiro A et al. Uterine balloon tamponade for the treatment of postpartum hemorrhage: a systematic review and meta-analysis, Am J Obstet Gynecol, 2020;222:293.e1-293.e52
  17. Matsubara S, Yano H, Ohkuchi A, Kuwata T, Usui R, Suzuki M, Uterine compression sutures for postpartum hemorrhage: an overview, Acta Obstet Gynecol Scand, 2013;92:378-385
  18. Recommandations de la HAS pour la pratique clinique, Haute Autorité de Santé
  19. Organisation mondiale de la Santé 2014, Recommandations de l’OMS pour la prévention et le traitement de l’hémorragie du post-partum., Genève, OMS, 48 p. (ISBN 978 92 4 254850 1)
  20. Recommandations pour la pratique clinique, Collège national des gynécologues et obstétriciens français
  21. Une femme sur 11 000 meurt pendant la grossesse, l’accouchement, ou les 6 semaines suivantes. Cette statistique est basĂ©e sur la classification des maladies numĂ©ro 9 (CIM 9) de l'Organisation mondiale de la santĂ©. Dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, la mortalitĂ© maternelle est mesurĂ©e sur la base de la CIM 10 qui prend en compte les morts maternelles (autres qu'accidentelles) survenues dans les 12 mois qui suivent la naissance. Sur cette base, la principale cause de mortalitĂ© au Royaume-Uni est le suicide maternel. Source : (en) Lewis G (ed). Why Mothers Die 2000-2002. Sixth Report of the Confidential Enquiries into Maternal Deaths in the United Kingdom. Londres, RCOG Press, 2004. Voir le commentaire de l'AIMS Ă  ce sujet.
  22. (en) Callaghan WM, Kuklina EV, Berg CJ, « Trends in postpartum hemorrhage: United States, 1994-2006 » Am J Obstet Gynecol, 2010;202:353. PMID 20350642
  23. (en) Knight M, Callaghan WM, Berg C et al. « Trends in postpartum hemorrhage in high resource countries: a review and recommendations from the International Postpartum Hemorrhage Collaborative Group » BMC Pregnancy Childbirth, 2009;9:55. PMID 19943928
  24. (en) Gilbert L, Porter W, Brown VA. « Postpartum haemorrhage - a continuing problem » Br J Obstet Gynaecol. 1987 Jan;94(1):67-71. PMID 3493028
  25. Voir la base de données de l'AFAR.

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