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Guy Poitevin

Guy Poitevin, né le à Bierné dans la Mayenne et mort le à Pune en Inde[1], est un docteur en sociologie, chercheur spécialiste des processus endogÚnes de développement, de la mémoire sociale des communautés marginalisées, et fondateur de la démarche « coopérative » de recherche-action en sciences sociales. Il a consacré sa vie au service des plus défavorisés dans le milieu rural du Maharashtra (Inde).

Guy Poitevin
Guy Poitevin en 2002 lors d'une représentation de théùtre rural dans l'ouest du Maharashtra en Drapeau de l'Inde Inde.
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  69 ans)
Puna, Inde
Nom de naissance
Guy Joseph Jules Antonin Poitevin
Nationalité
Formation
Activité
Famille
Hema Rairkar, sa conjointe

Biographie

(Voir la biographie en anglais)

NĂ© Ă  BiernĂ© dans la Mayenne, Guy Poitevin a d’abord suivi un cursus Ă  Laval et Ă  Rome pour devenir prĂȘtre. AprĂšs une licence en philosophie Ă  la Sorbonne (Paris) et en thĂ©ologie Ă  l'universitĂ© grĂ©gorienne de Rome, il a enseignĂ© la philosophie pendant 12 ans, de 1958 Ă  1970, dans un sĂ©minaire de l’ouest de la France.

Son premier contact avec l’Inde a Ă©tĂ© (selon ses termes) « de nature intellectuelle, visant Ă  intĂ©grer Ă  son enseignement des fragments des traditions religieuses et philosophiques de l’Inde, notamment les Upanishads ». Toutefois, il a Ă©tĂ© aussi l’occasion d’une prise de contact avec la sociĂ©tĂ©, la culture et l’histoire indiennes, en 1967, lors d’un sĂ©jour d’un mois dans une famille de Pune (Maharashtra). Guy Poitevin a Ă©tĂ© encouragĂ© Ă  faire une autre visite en 1969, aprĂšs avoir commencĂ© Ă  Ă©tudier le sanskrit Ă  Paris. C’est aussi en 1969 qu'il a commencĂ© Ă  apprendre le marathi, ayant l'intention de revenir Ă  Pune pour une longue durĂ©e, ses amis l’ayant convaincu qu’il pourrait ainsi garder le contact avec les Ă©tudiants. Il a rĂ©alisĂ© ce projet, en 1972, lorsque ses amis ont obtenu pour lui un visa rĂ©sidentiel.

Les premiĂšres annĂ©es Ă  Pune ont Ă©tĂ© principalement pour Guy Poitevin l’occasion de travailler avec les Ă©tudiants dans le cadre de leur association d’entraide, tout en offrant occasionnellement ses services Ă  l’Alliance française comme enseignant et membre du comitĂ© directeur. Au-delĂ  des objectifs pĂ©dagogiques, ce contact s’est dĂ©veloppĂ© sous la forme d’un travail de recherche acadĂ©mique systĂ©matique en anthropologie culturelle. Une Ă©tude de terrain a Ă©tĂ© conduite Ă  grande Ă©chelle pour dĂ©crire les attitudes et les attentes des Ă©tudiants provenant de milieux dĂ©favorisĂ©s. Les rĂ©sultats de cette Ă©tude ont fait l’objet d’une thĂšse en sciences sociales du dĂ©veloppement qu’il a soutenue en 1978 Ă  l'EHESS, ainsi que d’un ouvrage centrĂ© sur le thĂšme de l'idĂ©ologie de la pauvretĂ©.

Plusieurs terrains de recherche ont par la suite fait l’objet d’études : processus endogĂšnes de dĂ©veloppement, action sociale, migrations, programmes d’action sur la santĂ©, Ă©tudes fĂ©ministes, recherche participative, autobiographies de dalits en marathi, femmes portefaix, etc. Guy Poitevin Ă©tait alors associĂ© Ă  un groupe international de chercheurs animĂ© par le Professeur Paul-Henry Chombart de Lauwe (ARCI). Les rĂ©sultats de ces Ă©tudes ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s par Guy Poitevin Ă  ce groupe et publiĂ©s dans divers journaux, des rapports de l’UNESCO, ainsi que des ouvrages. Sa connaissance du marathi lui a permis de traduire en français et publier des documents sur l’histoire sociale marathe, la littĂ©rature dalit et les traditions orales. Son centre intĂ©rĂȘt s’est peu Ă  peu focalisĂ© sur les traditions orales populaires, comme la tradition fĂ©minine des chants de la mouture, les mythes qui circulent oralement dans les basses couches sociales, la mĂ©moire sociale des communautĂ©s marginalisĂ©es, le savoir indigĂšne des sages-femmes traditionnelles et, sur un plan mĂ©thodologique, l’expĂ©rimentation de l'approche coopĂ©rative en sciences sociales.

Guy a dĂ©cidĂ© de s’établir en Inde pour entreprendre un projet de conscientisation dans les zones rurales Ă©loignĂ©es. Il a obtenu la nationalitĂ© indienne par naturalisation en 1978 et s’est mariĂ© la mĂȘme annĂ©e avec Hema Rairkar[2].

Par la suite, il s’est engagĂ© dans deux formes d’action, articulĂ©es thĂ©oriquement, dans le cadre de deux associations fondĂ©es avec des collaborateurs et amis : Village Community Development Association (VCDA, Association pour le dĂ©veloppement de communautĂ©s rurales) en 1978, pour l’action sociale et culturelle dans les zones rurales Ă©loignĂ©es, et le Centre for Cooperative Research in Social Sciences (CCRSS, Centre de recherches cooperatives en sciences sociales) en 1980, avec le soutien local de chercheurs confirmĂ©s. L'association VCDA assurait le soutien logistique et financier du rĂ©seau informel d'animateurs sociaux dĂ©signĂ© comme « Collectif des pauvres de la montagne » (GarÄ«b DhongarÄ« Sangatnā, à€—à€°à„€à€Ź à€Ąà„‹à€‚à€—à€°à„€ à€žà€‚à€˜à€Ÿà€šà€Ÿ, GDS).

Guy Poitevin s’est consacrĂ© entiĂšrement Ă  l’animation et Ă  la coordination de ces activitĂ©s : organisation de sĂ©minaires nationaux ou internationaux, recherche, publication d’articles et d’ouvrages en français et en anglais.

Les objectifs scientifiques du CCRSS Ă©taient liĂ©s aux domaines mentionnĂ©s ci-dessus, plus particuliĂšrement le droit de produire un savoir sociologique pertinent, la pertinence du discours des sans-voix, les traditions orales populaires en tant que rĂ©servoirs du savoir indigĂšne et des formes cognitives qui lui sont associĂ©es, les processus de communication des gens de terrain, et la recherche coopĂ©rative envisagĂ©e comme un mode d’auto-investigation Ă  travers la communication. Le Centre a organisĂ© des sĂ©minaires internationaux sur les thĂšmes de la culture populaire, du pouvoir face Ă  la culture et Ă  la communication, de la culture populaire dans le champ de l’action culturelle, des processus de communication, de la tradition et de la modernitĂ©. Une prĂ©sentation de ces activitĂ©s a Ă©tĂ© publiĂ©e en 1996 par Jean Pacquement et Pierre Lachaier : « À propos et autour du sĂ©minaire “Communication Processes and Social Transformation” (Poona, 8-13 /1/1996) » dans le Bulletin de l’EFEO, tome 83, p. 336-346.

En , Guy Poitevin avait pris une part trĂšs active dans l’animation d’un atelier de jeunes chercheurs en sciences sociales, lieu de rencontre et de rĂ©flexion de doctorants, ou Ă©tudiants en DEA ou maĂźtrise, travaillant sur le sous-continent indien, Ă  l’initiative de l’Association des Jeunes Etudes Indiennes (AJEI).

Plusieurs projets du CCRSS et de VCDA ont bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien de la Fondation Charles-LĂ©opold Mayer pour le ProgrĂšs de l’Homme (FPH). Dans ce contexte, Guy Poitevin a Ă©tĂ© l’auteur, le traducteur ou le coordinateur de plusieurs ouvrages, dont Ma vie d’intouchable, Parole de femmes intouchables, Femmes coolie en Inde. Il a coĂ©ditĂ©, avec Vibodh Parthasarathi, la version anglaise d’un ouvrage trilingue sur la communication intitulĂ© L’idiot du Village Mondial - les citoyens de la planĂšte face Ă  l’explosion de la communication[3]. Il a aussi participĂ© Ă  un programme d’échanges entre l’Inde et de la Chine, soutenu par la FPH, qui l’avait conduit Ă  recevoir, du 9 au , une dĂ©lĂ©gation chinoise et vietnamienne pour une premiĂšre approche de l’Inde rurale et urbaine. En il est intervenu, avec une dĂ©lĂ©gation de GDS, au Forum social mondial de Mumbai.

Plusieurs sĂ©minaires sur le thĂšme de la communication, la culture et le pouvoir, organisĂ©s Ă  Pune et New Delhi avec le soutien de la FPH et du Centre de Sciences Humaines de New Delhi, ont donnĂ© lieu Ă  la publication d’un ouvrage en trois volumes, Communication Processes, qu’il a coĂ©ditĂ© avec Bernard Bel, Jan Brouwer, Biswajit Das et Vibodh Parthasarathi :

Guy Poitevin est dĂ©cĂ©dĂ© Ă  Pune le . Il venait de mettre la derniĂšre touche au manuscrit de son ouvrage Le chant d’Ambedkar, mĂ©moire de soi de paysannes intouchables, Ă©ditĂ© par Bernard Bel Ă  titre posthume et publiĂ© sous le titre Ambedkar ! Des intouchables chantent leur libĂ©rateur.

Approche coopérative en sciences sociales

La mĂ©thodologie de « recherche-action coopĂ©rative », dĂ©signĂ©e aussi comme « dĂ©mocratisation active » par les animateurs sociaux de GDS, rĂ©habilite la notion d’expertise en s'appuyant sur une dĂ©marche (auto-)Ă©ducationnelle de production d'un savoir endogĂšne[4]. En cela, elle s’oppose radicalement au populisme consensuel de la dĂ©mocratie participative. Il ne suffit pas de faire le choix entre une participation « descendante » (top-down) et « ascendante » (bottom-up) selon que les initiatives proviennent des « experts » ou des « bĂ©nĂ©ficiaires » ; l’approche coopĂ©rative est plutĂŽt un processus dynamique d’acquisition de pouvoir (empowerment) que l’on peut qualifier de « chaotiquement constructif », alors que l'approche participative ne fait qu’ordonnancer la rĂ©partition et la dĂ©lĂ©gation des pouvoirs.

Il ne s’agit pas seulement, pour l’individu, de s’adapter Ă  des conditions nouvelles qui lui ont Ă©tĂ© imposĂ©es, mais « d’intĂ©grer » les niveaux de rĂ©alitĂ©, au sens de Paolo Freire (2002 [1973], p. 4) : L’intĂ©gration rĂ©sulte de la capacitĂ© de s’adapter Ă  la rĂ©alitĂ© plus la capacitĂ© critique de faire des choix et de transformer cette rĂ©alitĂ©[5].

Notes et références

  1. Relevé des fichiers de l'Insee
  2. Biographie de Hema Rairkar
  3. Collectif Michel Sauquet (2004). L’idiot du village mondial - Les citoyens de la planĂšte face Ă  l'explosion des outils de communication : subir ou maĂźtriser. Charles LĂ©opold Mayer/ECLM. (EAN 9782843770944).
  4. Voir Approche participative, approche coopérative (Bernard Bel)
  5. Freire, Paolo. Education for Critical Consciousness. New York : Continuum, 2002. (1re Ă©dition 1973) (ISBN 0-8264-1276-9)

Ouvrages de référence

  • Bibliographie complĂšte
  • Ambedkar ! Des Intouchables chantent leur libĂ©rateur. ÉditĂ© Ă  titre posthume par Bernard Bel. Paris, Karthala, 2009. (ISBN 978-2-8111-0216-6)
  • Sortir de la sujĂ©tion. Essai sur la dĂ©subordination des parias de l'Inde, PrĂ©face de Thierry Paquot. Paris, L'Harmattan, 2002. (ISBN 2-7475-2428-0)
  • Le chant des meules : De la piĂ©tĂ© de paysannes Ă  la philosophie de swamis, Paris, Kailash Editions, 1997. (ISBN 2-84268-009-X)
  • (avec Hema Rairkar) Femmes coolie en Inde – salariat, culture et survie en ville. Paris, Syros-FPH, 1994. (ISBN 2-86738-980-1)
  • Kamble Shanta et Kamble Baby. Parole de femme intouchable, traduction du marathi et prĂ©face de Guy Poitevin. Paris, CĂŽtĂ©-femmes, 1991. (ISBN 2-907883-35-6)
  • Pawar, Daya. Ma vie d'intouchable, traduction du marathi et avant-propos de Guy Poitevin, Paris, La DĂ©couverte, 1990.
  • (avec Hema Rairkar) Inde : Village au FĂ©minin - la Peine d'Exister. Paris, L'Harmattan, 1985. (ISBN 2-85802-580-0)

Documents sonores

Liens externes

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