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Grand-Saint-Antoine (navire)

Le Grand Saint Antoine est le navire qui apporta la peste à Marseille en 1720, épidémie qui se propagea à toute la Provence, le Languedoc et le Comtat Venaissin, faisant entre 90 000 et 120 000 morts en Provence sur une population de 400 000 habitants environ.

Grand-Saint-Antoine
illustration de Grand-Saint-Antoine (navire)
Une flûte, navire de charge typique du XVIIe et XVIIIe siècle, à l'image du Grand-Saint-Antoine.

Type Flûte
Fonction Transport
Caractéristiques techniques
Propulsion Voile

Histoire

Navire incendié à l’ancre, à l’image du Grand-Saint-Antoine.

Le Grand Saint Antoine Ă©tait une flĂ»te, un voilier trois-mâts carrĂ©, de fabrication hollandaise, partie de Marseille le pour la Syrie oĂą sĂ©vissait alors la peste. Sa cargaison au retour, d’une valeur de 100 000 Ă©cus[1] et composĂ©e essentiellement d’étoffes prĂ©cieuses, Ă©tait porteuse de la bactĂ©rie Yersinia pestis de la peste. Le , un passager turc embarquĂ© Ă  Tripoli meurt. Sur le chemin du retour, le vaisseau perd successivement sept matelots et le chirurgien de bord. Le capitaine Jean-Baptiste Chataud retourna Ă  Chypre, oĂą il prit une patente de santĂ©. Un huitième matelot tombe malade peu avant l’arrivĂ©e Ă  Livourne, en Italie.

La négligence supposée des médecins italiens, qui laissent repartir le navire, jointe à la hâte de Chataud pour livrer avant le début de la foire de Beaucaire, n’arrange rien à l’affaire : le capitaine amarre son voilier près de Marseille, au Brusc, et fait discrètement prévenir les armateurs du navire.

Les propriĂ©taires font alors jouer leurs relations et intervenir les Ă©chevins de Marseille pour Ă©viter la grande quarantaine (celle durant quarante jours). Tout le monde considère que la peste est « une histoire du passĂ© » et l’affaire est prise avec dĂ©tachement : les autoritĂ©s marseillaises demandent simplement au capitaine de repartir Ă  Livourne chercher une « patente nette Â», certificat attestant que tout va bien Ă  bord.

Vestiges du Grand-Saint-Antoine : poulie, battant de cloche, musée d'histoire de Marseille, Marseille.

Les autorités de Livourne, qui n’ont pas envie de s’encombrer du navire, ne font pas de difficultés pour délivrer ledit certificat.

C’est ainsi que le Grand-Saint-Antoine parvint à Marseille le 25 mai. Il mouilla à l'île de Pomègues jusqu’au ; et il fut alors autorisé à se rapprocher des infirmeries d’Arenc (quartier de Marseille) pour y débarquer passagers et marchandises en vue d’une petite quarantaine, puis après le développement de la peste, il fut finalement placé en quarantaine à l’île Jarre le .

L’ordre donné, le , par le Régent Philippe d’Orléans de brûler le navire et sa cargaison ne fut exécuté que les 25 et et la peste eut le temps de s’étendre en Provence et Languedoc. Elle ne fut totalement éradiquée qu’en , avec un bilan effroyable d'environ 100 000 morts sur les 400 000 habitants que comptait la Provence à cette époque.

En 2016, les rĂ©sultats d'une Ă©tude de l'Institut Max-Planck rĂ©vèle que cette Ă©pidĂ©mie de peste Ă©tait une rĂ©surgence de la grande peste noire ayant dĂ©vastĂ© l’Europe au XIVe siècle et non une forme moderne. Le bacille yersinia pestis venu par le Grand Saint Antoine et Ă  l’origine de l’épidĂ©mie de peste qui a ravagĂ© la Provence, ne venait pas d'Asie, comme on le croyait jusqu'alors, mais descendait directement du responsable de la première pandĂ©mie ayant ravagĂ© l'Europe au XIVe siècle. Il est donc restĂ© latent pendant quatre siècles avant de redevenir actif[2] - [3].

Une association de plongĂ©e sous-marine, l’A.R.H.A.[4], a retrouvĂ© l’épave calcinĂ©e du navire en 1978, enfouie entre 10 et 18 mètres de profondeur, au nord de l'ĂŽle Jarre (archipel de Marseilleveyre)[5]. Les vestiges archĂ©ologiques alors remontĂ©s sont aujourd’hui exposĂ©s au musĂ©e de l’hĂ´pital Caroline sur l’île de Ratonneau. L’ancre du Grand-Saint-Antoine, repĂŞchĂ©e, a Ă©tĂ© conservĂ©e depuis 1982 dans de l'eau de mer Ă  l'Institut national de plongĂ©e professionnelle. RestaurĂ©e en 2012, elle pèse près d'une tonne, avec une verge de 3,80 mètres et des pattes de 2,50 mètres. Elle est installĂ©e Ă  l'entrĂ©e du musĂ©e d'histoire de Marseille[6].

Les patentes

Marseille pendant la peste de 1720.

Dès lors les « patentes de santĂ© », dĂ©jĂ  existantes, furent rendues obligatoires et devaient ĂŞtre impĂ©rativement remises par le consul de France de « l’Échelle » oĂą le bâtiment embarquait son fret ou faisait escale. Elles Ă©taient de trois sortes :

  1. « Patente nette » = bonne santé sur le port ;
  2. « Patente soupçonnée » ou « touchée » = rumeurs d’épidémie ou proximité de celle-ci ;
  3. « Patente brute » = port touché par la peste.

Les passagers devaient faire une quarantaine de 2 à 3 semaines pour une « patente nette » et de 4 à 5 semaines pour une « patente brute »[7].

Nombre de journées de quarantaine imposées à Marseille, à la fin du XVIIIe siècle

Patente brute
  • Passagers : 32 Ă  35 j.
  • Navires : 35 Ă  50 j.
  • Marchandises : 40 Ă  60 j.
Patente soupçonnée
  • Passagers : 25 j.
  • Navires : 25 Ă  30 j.
  • Marchandises : 35 Ă  40 j.
Patente nette
  • Passagers : 14 Ă  18 j.
  • Navires : 20 Ă  28 j.
  • Marchandises : 30 Ă  38 j[7].

Bâtiments en purge

De 1710 Ă  1792, Ă  Marseille, 22 651 bâtiments accueillis venaient du Levant ou de Barbarie. Sur ce total, 140 navires arrivèrent contaminĂ©s (0,6 %).

En 1720, la peste avait touché 8 navires sur les 212 venus du Levant (3,8 %). En 1759/1760, 7 navires sur 167 étaient contaminés (4,2 %). En 1785, 11 sur 130 (8,5 %).

En dĂ©finitive, on a calculĂ© qu’un navire sur 100 avait eu la peste et qu’un navire sur 1 000, avait contaminĂ© Marseille[7].

Notes et références

  1. Le salaire mensuel moyen d’un ouvrier était alors d’1 écu.
  2. Bernadette Arnaud, « La Grande Peste de Marseille de 1720 n'est pas venue d'Asie. Le bacille tueur était sur place », sur Sciences & Avenir,
  3. (en) M.Z., « The hideout of the Black Death », sur Société Max-Planck,
  4. « Association de Recherche Historique et Archéologique (ARAH) », sur arha-marseille.fr (consulté le ).
  5. APALM, « Grand Saint Antoine - épave de navire », sur atlaspalm.fr (consulté le ).
  6. « La peste de 1720, un souvenir à ancrer dans les mémoires », sur TVinfo, .
  7. Jean-Noël Biraben, op. cit..

Annexes

Sources et bibliographie

  • Jean NoĂ«l Biraben, Les Hommes et la peste en France et dans les pays europĂ©ens et mĂ©diterranĂ©ens, t. I et II, La Haye, Mouton ; Paris, École des hautes Ă©tudes en sciences sociales, 1975-1976 (ISBN 9782719309308).
  • Jean-Jacques Antier, Autant en apporte la mer, Presses de la citĂ©, Paris, 1993, 428 p. (ISBN 2-258-03561-9).
  • Patrick Mouton, La MalĂ©diction du « Grand-Saint-Antoine Â» : , la peste entre Ă  Marseille !, Marseille, Autres Temps, 2001, 128, [5] p., (ISBN 9782845211094)
  • Michel VergĂ©-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'histoire maritime, Paris, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0, BNF 38825325)

Articles connexes

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