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Gloire au 17e

Gloire au 17e est une chanson antimilitariste de Montéhus, composée en 1907 à l'occasion de la révolte des vignerons du Languedoc.

La fraternisation des soldats du 17e et des Biterrois sur les allées Paul-Riquet.
La fraternisation des soldats du 17e et des Biterrois sur les allées Paul-Riquet.

La mutinerie du 17e

En pleine révolte des vignerons du Languedoc en 1907, le 17e régiment d'infanterie de ligne composé de réservistes et de conscrits du pays, est muté de Béziers à Agde le .

Dans la soirĂ©e du , les soldats apprennent le drame de Narbonne oĂą la troupe sur ordre de Georges Clemenceau a tirĂ© sur des manifestants. Environ 500 soldats de la 6e compagnie du 17e rĂ©giment d'infanterie se mutinent. Ils emportent armes et munitions, quittent la caserne oĂą ils Ă©taient cantonnĂ©s et prennent la direction de BĂ©ziers, Ă  pied. Ils parcourent une vingtaine de kilomètres, par une marche de nuit. Le , en dĂ©but de matinĂ©e, ils arrivent Ă  BĂ©ziers. Ils sont accueillis chaleureusement par les Biterrois. Les soldats s'installent alors sur les allĂ©es Paul-Riquet, longue esplanade au centre de BĂ©ziers, mettent crosse en l’air et fraternisent avec la population qui n'hĂ©site pas Ă  leur offrir de la nourriture et du vin[1] - [2]. Après l'intervention du comitĂ© de dĂ©fense viticole de BĂ©ziers et sur la promesse qu'il n'y aurait pas de sanctions individuelles, les mutins acceptent de rentrer dans leur caserne de BĂ©ziers. Le , par train, les soldats sont transfĂ©rĂ©s Ă  Agde et de lĂ  Ă  Gap[3]. La mutinerie active la discussion sur le projet de loi sur les vins, en discussion depuis le : le est votĂ©e une loi « sur le mouillage des vins, les abus du sucrage et la dĂ©claration de rĂ©colte Â» et le une autre loi Ă©tablit un contrĂ´le plus strict des vins et des alcools.

La négociation et l’ampleur de la mutinerie du 17e ont permis d’éviter une punition collective : de Gap, les mutins sont envoyés à Villefranche-sur-Mer, d'où ils prennent la mer jusqu'à Gafsa (Tunisie)[4] - [5], lieu de cantonnement de compagnies disciplinaires ; mais ils restent en dehors de ce cadre, sous un statut militaire ordinaire. Il n'y eut donc pas de sanctions pénales à la révolte du 17e, contrairement à la légende qui courut à ce sujet. Il est également faux de penser que durant la Première Guerre mondiale, ils furent nombreux à être envoyés en première ligne : Jules Maurin a mis en évidence que le taux des pertes humaines des anciens du 17e « était comparable et conforme aux moyennes générales » (cf. l'ouvrage cité ci-dessous page 226)[6]. C'est à la suite de ces événements que désormais les conscrits effectueront leur service militaire loin de chez eux.

À cette occasion, Montéhus écrivit cette chanson, qui assura sa notoriété. La musique est de Raoul Chantegrelet et Pierre Doubis,

Paroles

Légitim’ était votre colère,
Le refus Ă©tait un grand devoir.
On ne doit pas tuer ses père et mère,
Pour les grands qui sont au pouvoir.
Soldats, votre conscience est nette :
On n’se tue pas entre Français ;
Refusant d’rougir vos baïonnettes
Petit soldats, oui, vous avez bien fait !

Refrain
Salut, salut Ă  vous,
Braves soldats du 17ème ;
Salut, braves pioupious,
Chacun vous admire et vous aime ;
Salut, salut Ă  vous,
A votre geste magnifique ;
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République.

Comm’ les autres vous aimez la France,
J’en suis sûr même vous l’aimez bien.
Mais sous votre pantalon garance,
Vous êtes restés des citoyens.
La patrie, c’est d’abord sa mère,
Cell’ qui vous a donné le sein,
Et vaut mieux même aller aux galères,
Que d’accepter d’être son assassin.

Espérons qu’un jour viendra en France,
Où la paix, la concorde régnera.
Ayons tous au cœur cette espérance
Que bientĂ´t ce grand jour viendra.
Vous avez j’té la premièr’ graine
Dans le sillon d’ l’Humanité.
La récolte sera prochaine,
Et ce jour là, vous serez tous fêtés.

Interprètes

  • Gaston MontĂ©hus en 1907 (dans le peuple) et 1936[7].
  • Charles XM en 1908.
  • Disque anonyme (RĂ©pertoire MontĂ©hus) en 1912.
  • Marty en 1932.
  • Jean Zedd en 1936.
  • Christian Borel en 1964.
  • Marc Ogeret, Album Chansons « contre », en 1968, Disque 33 tours, Vogue, CLVLX29 (1988 pour le CD, Disques Vogue). Prix de l'AcadĂ©mie Charles Cros.
  • Maurice Morelly, Le Groupe MontĂ©hus en 1984, Chant du Monde.
  • Rosalie Dubois en 1989.
  • Alain CharriĂ© en 1993.
  • Yves Daunès ; CD "Chansons RĂ©publicaines" enregistrĂ© en 2003.

Postérité

Le , une manifestation de carriers a lieu devant la gare de Levrezy, pour protester contre l’attitude de certains employés de la Compagnie des chemins de fer de l’Est qui refusaient de se mettre en grève. La gendarmerie, renforcée par un détachement du 91e régiment d’infanterie défend l’accès de la gare. Louis Bara, syndicaliste libertaire, entame le chant Gloire au 17e, puis crie : « Soldats, crosse en l’air, rompez vos rangs, mettez-vous avec les travailleurs, faites comme vos frères du 17e ». Il est condamné le à 18 mois de prison. En , la Ligue des droits de l’homme demande sa grâce[8].

Cette chanson est entonnée dans La Belle Américaine.

Le fondateur des Camelots du Roi Maurice Pujo narre un séjour en prison avec des antimilitaristes où ceux-ci entonnent Gloire au 17e. Camelots du Roi et antimilitaristes la chantent à l'unisson[9]. Miguel Almereyda aurait proposé une variante au refrain :

« Vous deviez, sans tirer sur nous,
Assassiner la République ! »

Notes et références

  1. RĂ©voltes vigneronnes 1907, Languedoc, 1911, Champagne.
  2. « Six cents soldats se mutinent », Le XIXe Siècle,‎ , p. 2.
  3. « Les troubles du Midi », Le Siècle,‎ , p. 1-2.
  4. Emmanuel Le Roy Ladurie, 1907, le millésime de la colère. L’Histoire no 320, mai 2007, p. 64.
  5. « La France et son armée », Le Matin,‎ , p. 1-2
  6. Jules Maurin et Rémy Pech, 1907, les mutins de la République : la révolte du Midi viticole, Toulouse, Privat, 2007, 329 p.
  7. Mémoire de la chanson, 1100 chansons du Moyen Âge à 1919 réunies par Martin Pénet, éditions Omnibus, 1998 - Imprimé par Normandie Roto Impression s.A. 61250 Lonrai, France - n° d'impression 982703. p. 1049.
  8. Dictionnaire international des militants anarchistes, notice.
  9. Maurice Pujo, Les Camelots du Roi, Alençon, Les Éditions du Manant, , 285 p., p. 229.
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