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Gaston Jèze

Gaston Jèze (Toulouse, – Deauville, ) est un professeur de droit public français, président de l'Institut de droit international, fondateur et directeur de la Revue de science et de législation financière (à partir de 1903), directeur de la Revue de droit public (de 1904 à 1953).

Gaston Jèze
Gaston Jèze dans Paris-Soir du 14 mars 1930.
Biographie
Naissance
Décès
(Ă  84 ans)
Deauville
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A travaillé pour

Gaston Jèze fut l'un des principaux promoteurs de la science financière comme enseignement autonome dans les universitĂ©s. Dans les milieux universitaires, il est souvent considĂ©rĂ© comme le « pape Â» des finances publiques. C'est Ă©galement l'un des juristes qui a contribuĂ© Ă  remplacer la notion de puissance publique par celle de service public comme justification de l'État et du droit public, ce qui explique qu'on le rattache gĂ©nĂ©ralement Ă  l'« École du service public » de LĂ©on Duguit. Son engagement dans le conflit qui opposa au milieu des annĂ©es 1930 l'Éthiopie Ă  l'Italie mussolinienne suffira pour enflammer une jeunesse Ă©tudiante en majoritĂ© acquise alors aux idĂ©aux d'une droite nationaliste et xĂ©nophobe[1].

Un universitaire renommé

Spécialiste de finances publiques et de droit administratif, Gaston Jèze fut l'un des premiers universitaires à revendiquer une étude des phénomènes juridiques comme des phénomènes financiers qui tienne compte de tous les facteurs, qu'ils soient juridiques, économiques, financiers, sociaux ou politiques. Positiviste convaincu, il promeut à de nombreuses reprises dans son œuvre la nécessité d'effectuer une étude scientifique des "faits" soigneusement séparée du point de vue politique que l'on tient sur ces mêmes faits. Il s'élève également contre les "dogmes métaphysiques" qui continuent selon lui de polluer la science juridique ou la science financière. Ce strict positivisme le conduira d'ailleurs à se désolidariser sur de nombreux points de Léon Duguit, pourtant élevé au rang de "Chef d'école" par Jèze lui-même[2].

Dans le domaine des sciences économiques, il est reconnu comme celui ayant fait des finances publiques une véritable branche de l'analyse économique, notamment à travers sa loi dite "loi d'équilibre" ou "loi de Jèze".

Un candidat malheureux aux législatives

En 1919, lors de la lĂ©gislatives au scrutin de liste, Jèze se prĂ©sente en Guadeloupe sur la liste du Parti socialiste colonial. Les rĂ©sultats officiels du dĂ©pouillement lui donnent quatre voix pour toute la colonie sur 16 160 suffrages exprimĂ©s. La liste gagnante est celle de l'Union rĂ©publicaine, socialiste et radicale conduite par Gratien Candace et Boisneuf (Achille RenĂ©-Boisneuf).

Gaston Jèze, partisan de la démocratie et du libéralisme politique

Un juriste républicain

Gaston Jèze ne manque pas d'affirmer dans ses ouvrages la supériorité de la démocratie sur les régimes autoritaires. Néanmoins, sa position est nuancée, puisque d'après lui les avantages procurés par la démocratie sont d'ordre procédural plutôt que substantiel, c'est-à-dire liés à la procédure publique et contradictoire qui accompagne la prise de décision. Et, bien que libéral politiquement, il ne se prive pas de critiquer les errements "démagogiques" du régime de la IIIe République, et il n'a que peu d'estime pour le personnel politique de son époque[3].

Un universitaire anti-nazi

En 1933, Jèze est, avec les universitaires René Capitant et René Cassin, l'un des premiers grands juristes français et professeur de droit, à protester contre les mesures antisémites du régime nazi. Il publie en 1944, une note sur "La définition légale du Juif au sens des incapacités légales"[4] pour en critiquer la légalité comme les fondements juridiques.

Le conseiller juridique de l'empereur d'Éthiopie

Sa notoriété a dépassé le cadre universitaire après qu'il eut accepté d'être le conseiller d'Hailé Sélassié, empereur d'Éthiopie, chassé d'Addis-Abeba par les troupes italiennes de Benito Mussolini.

Ainsi, dès le , à la reprise des cours, il est accueilli aux cris de "Jèze démission ! Jèze dehors !" et même "À mort le juif Jèze !" bien qu'il ne fût pas juif. Les jeunes étudiants de l'Action française et des Jeunesses patriotes sont alors les plus véhéments et durant près de deux mois ont lieu des affrontements entre étudiants pro et anti-Jèze. Parmi les manifestants hostiles figurait le jeune François Mitterrand, alors volontaire national chez le colonel François de la Rocque.

Ce n'est certainement pas sa sévérité en tant que professeur qui lui vaut ces attaques mais bien son rôle de conseil auprès du Négus dans sa confrontation contre Mussolini[5]. Il était devenu à son corps défendant le symbole du Droit et de l'anti-colonialisme en étant le défenseur de la cause éthiopienne devant la Cour permanente de justice internationale de La Haye, et de fait la cible de l'extrême droite[6].

C'est le que la droite nationaliste française organisa sa plus grande manifestation exigeant sa démission. La présence parmi les manifestants de François Mitterrand est attestée par l'ouvrage de Pierre Péan Une jeunesse française[7]. Jèze, à l'époque encore catalogué comme un républicain de gauche, devra se cacher tout le long de son séjour à La Haye pour éviter d'être la cible d'un assassinat.

Cette hostilité provient également du rôle joué contre Jèze par un de ses rivaux académiques, Joseph Barthélemy, futur ministre de la justice sous Vichy, incitant les camelots du roi à perturber les cours de son confrère.

Ouvrages notables

  • Cours de science des finances et de lĂ©gislation financière française, Giard, Paris 1922
  • Cours de droit public, un vol. par annĂ©e, Giard puis LGDJ, de 1913 jusqu'en 1936
  • ÉlĂ©ments de la science des finances (1896 - rĂ©Ă©d. plusieurs fois jusqu'en 1902) coauteur Max Boucard
  • Étude thĂ©orique et pratique sur l'occupation comme mode d'acquĂ©rir des territoires en droit international, thèse, Paris 1896
  • Les dĂ©penses de guerre de la France (PUF, 1926) (critique de la politique financière de la France pendant la Première Guerre mondiale)
  • La Stabilisation des monnaies, (Paris 1932)
  • Les principes gĂ©nĂ©raux du droit administratif (3 volumes) : La technique juridique du droit public français (vol. 1) ; La notion de service public (vol. 2), L'entrĂ©e au service public : le statut des agents publics (vol. 3), rĂ©Ă©d. Dalloz, 2004 (vol. 2 et 3) et 2005 (vol. 1)
  • ThĂ©orie gĂ©nĂ©rale des contrats de l'administration (3 volumes), Ă©d. Giard, 1934 (vol. 4) et LGDJ, 1936 (vol. 5 et 6)

Citations

  • Le recours pour excès de pouvoir est « l'arme la plus efficace, la plus Ă©conomique et la plus pratique qui existe au monde pour dĂ©fendre les libertĂ©s individuelles »[8].
  • On attribue souvent Ă  Gaston Jèze la formule suivante : L'impĂ´t est une prestation pĂ©cuniaire requise des particuliers par voie d'autoritĂ©, Ă  titre dĂ©finitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques (v. par exemple, Encyclopedia Universalis, 1996, v° ImpĂ´t, vol. 11, p. 1001). En rĂ©alitĂ©, cette dĂ©finition serait due Ă  Georges Vedel[9].
  • La vĂ©ritable dĂ©finition que Gaston Jèze a donnĂ©e de l'impĂ´t est la suivante : Une prestation de valeurs pĂ©cuniaires exigĂ©e des individus d’après des règles fixes, en vue de couvrir des dĂ©penses d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral, et uniquement Ă  raison du fait que les individus qui doivent les payer sont membres d’une communautĂ© politique organisĂ©e[10].
  • L'argent brĂ»le les doigts de ceux qui le manipulent notion Ă  l'origine de la sĂ©paration entre ordonnateurs et comptables publics.
  • En politique, il n'y a pas de justice[11].
  • Il y a des dĂ©penses, il faut les couvrir. (ÉnoncĂ© du principe que l'État ne devrait pas dĂ©penser plus que ses recettes, principe fondamental de finances publiques appelĂ© aussi Loi d'Ă©quilibre ou Loi de Jèze).
  • L’intĂ©rĂŞt particulier doit s’incliner devant l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral[12].

Notes et références

  1. M. Milet, La Faculté de droit de Paris face à la vie politique : de l'affaire Scelle à l'affaire Jèze, 1925-1936, LGDJ, 1996.
  2. G. Jèze, L'influence de Léon Duguit sur le droit administratif français, in Archives de philosophie du droit, 1932, p. 135-151
  3. G. Jèze, Le dogme de la volonté nationale et la technique politique, in Revue de droit public, 1927, p. 165
  4. G. Jèze, « La définition légale du Juif au sens des incapacités légales », Revue de Droit Public,‎ , p. 78
  5. Le conflit italo-abyssin, M. Gaston Jèze, representant de l'Éthiopie repond au memorandum italien devant le conseil de la S. Des N., L'Ouest-Éclair, 1935-09-06
  6. M. Milet, La Faculté de droit..., op. cit.
  7. Pierre Péan, Une jeunesse française, Paris, Fayard, , p. 46-51
  8. G. Jèze, "Les libertés individuelles", Annuaire de l'institut international de droit public, 1929, p. 180
  9. O. Négrin, « Une légende fiscale : la définition de l'impôt de Gaston Jèze », in Revue de droit public, 2008, n° 1, p. 119-131
  10. Cours de finances publiques 1936-1937, LGDJ, 1937, p. 38
  11. G. Jèze, "Les libertés individuelles", op. cit., p. 180
  12. G. Jèze, Les principes généraux du droit administratif, Tome II : La notion de service public, les individus au service public, le statut des agents publics, Dalloz, 2003 (réimpression de la 3e édition de 1930) (ISBN 978-2-247-05476-3), p. 3

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