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Garde corse

La Garde corse, ou Garde corse papale[1] (Guardia corsa papale, de son appellation d'origine en italien), est une unité militaire du pape à l'époque des États de l'Église. Souvent comparée à tort à la Garde suisse, son rôle était principalement de veiller à la sécurité de Rome et des États de l'Église, ainsi que de garde frontière. Elle peut être considérée comme l'ancêtre de la Gendarmerie vaticane.

Garde corse
Garde corse papale
Soldat, officier et commandant de la Garde corse en 1656
Soldat, officier et commandant de la Garde corse en 1656
Fondation 1603
Dissolution 1662
Quartier-général Église Santissima Trinità dei Pellegrini à Rome
Commandement
Commandant de la milice Mario Chigi

Histoire

L'origine de la présence d'une garde corse pour assurer la sécurité du pape est peu documentée. On fait remonter l'entrée de Corses au service du souverain pontife au XVIe siècle mais les papes recrutaient des soldats dans l'île certainement depuis plus longtemps. Ainsi entre 1468 et 1471, quatre compagnies de gens d'armes (cavalerie lourde) corses sont entretenues et soldées à Rome. Sous les règnes des Papes Alexandre VI (1493-1503) et Jules II (1503-1513) ces compagnies sont multipliées.

Progressivement on passe à un corps de 600 hommes (le plus souvent divisé en 3 ou 4 compagnies) chargé d'un service de gendarmerie dans la campagne et de police dans les rues de Rome. La date d'organisation définitive de ce corps n'est pas connue avec précision mais c'est sous le pontificat d'Alexandre VII qu'il prend officiellement le titre de Garde Corse. Chaque compagnie vit dans une caserne.

Tenue et Ă©quipement

La silhouette du Garde Corse est sensiblement peu différente de celle des hommes d'armes des XVIe et XVIIe siècles: arquebusier, portant le casque dit morion et le corselet de métal les jours de grand gala. Pour le service habituel un chapeau de feutre et un justaucorps de drap bleu doublé de serge rouge. Durant l'incident du 20 août 1662, les hommes en service n'étaient pas vêtus de façon uniforme.

La seule image est de 1656 et montre un soldat portant le morion avec le corselet de métal. L'officier porte également un casque et un corselet de métal. Il porte l'épée, et tient une canne, marque de commandement. En 1662, les gardes sont armés de l'épée et de l'arquebuse. Pour les sergents et les caporaux, une hallebarde.

L'Affaire des Gardes corses et sa dissolution

Les faits

L’Affaire des Gardes corses met en quelque sorte un terme à la Guardia Corsa Papale en tant qu’institution, le 20 août 1662, sans que les Corses ne quittent pour autant Rome.

De 1662 à 1689, le siège de l’ambassade de France à Rome est au palais Farnese que le duc de Parme met à disposition de son allié Louis XIV. Les ambassadeurs sont tous de grands seigneurs français et ont un rôle de premier plan dans la vie romaine. Arrivé à Rome le 21 mai 1662, le duc Charles III de Créqui, escorté de quatre-vingt carrosses ouvre ainsi le temps d’une ambassade de France prestigieuse. En effet, cette venue en grande pompe dans la Cité éternelle est en partie due à la volonté du pape Alexandre VII et du roi Louis XIV d’apaiser leurs relations, Fabio Chigi (Alexandre VII) étant issu du parti pro-autrichien. Cependant, l’ambassadeur de France est accompagné de personnages querelleurs et provocateurs qui, non contents de bénéficier de l’extraterritorialité pour l’ensemble du quartier du palais Farnese, multiplient les incidents (les provocations) envers les Corses. Cet événement met parfaitement en exergue la repolarisation du pouvoir en Europe, à la suite du traité de Münster (24 octobre 1648) imposant la France (principalement) comme la nouvelle puissance européenne et l’affaiblissement du pouvoir de la papauté et des Habsbourg.

Que s’est-il réellement passé ?

À l'origine, une simple altercation entre des gardes pontificaux corses et des militaires de l'ambassade de France à Rome finit par dégénérer en incident diplomatique, mettant en émoi l'Europe entière, avec un risque de guerre entre États !

Les soldats corses de la garde, concernés par cet incident, appartenaient aux compagnies des capitaines Franchi et Savelli. Jusqu'à cette date du 20 août 1662, la garde corse avait eu un comportement relativement normal, si l'on excepte les quelques incidents mineurs, arrivant parfois dans les villes de garnisons.

Le dimanche 20 août 1662, vers dix-neuf heures, les officiers des sbires pontificaux de Campo di Fiori furent prévenus que Corses et Français étaient aux prises aux environs du pont Sisto, et que d'autres insulaires se dirigeaient en armes du côté de la place Farnese. Deux ou trois soldats corses de la compagnie Alfonso Franchi, qui se trouvaient en Trastevere, passant près de l'église Santa Dorotea, rencontrèrent trois gardes de l'ambassade, les uns se dirigeant vers la Porta Settimiana, les autres vers le Ponte Sisto. Les Français interpellèrent les Corses les traitant de sbires et de mouchards du pape et les agressèrent à coups de crosse d'arquebuse. Les Corses insultés répondirent qu'ils étaient des soldats d'honneur. Une rixe s'engagea, mais les combattants se séparèrent sans qu'aucun d'eux ne fut gravement blessé. En traversant le pont Sisto, les Français, tenant encore leur épée en main, aperçurent un soldat corse, Giovanni da Calenzana, assis près du pont ; ils se précipitèrent sur lui, Giovanni se défendit, mais fut blessé. Deux autres soldats corses qui passaient à proximité lui portèrent secours et mirent en fuite les Français qui rejoignirent le palais Farnese.

Un groupe de Français, particulièrement excités, quitta alors le palais Farnese pour rechercher Giovanni da Calenzana. Pendant ce temps, au quartier des Corses, le bruit courut que Giovanni de Calenzana et Giovan Battista d'Ajaccio avaient été tués (ce qui était inexact à ce moment précis puisqu’il ne mourut que douze jours plus tard) et que les gens de l'ambassade se dirigeaient vers leur casernement – Trinità dei Pellegrini – pour l'incendier. Des soldats de la compagnie Savelli ayant rejoint leurs compatriotes, une centaine de militaires corses particulièrement remontés se répandit à travers les rues en direction de l'ambassade. Dans l'intervalle, la meute des Français avait reflué vers le palais.

Les officiers et les gardes des compagnies corses avaient bien essayé de retenir leurs hommes à la caserne, mais en vain, le caporal Pietro d'Oletta ne réussissant à faire entendre raison qu'à une vingtaine d'hommes sur les 160 concernés. Le capitaine Alfonso Franchi, qui commandait les deux compagnies en l'absence de son collègue Savelli, réussit à en ramener le plus grand nombre, mais une quarantaine se déroba. Au moment où le duc de Créqui, revenant d'une visite aux princesses Borghese, regagnait l'ambassade en carrosse vers 19 h 30, des détonations retentirent dans le quartier. Il réussit à rétablir le calme lorsque, tout à coup, plusieurs volées de mousqueterie éclatèrent sur la place Farnese, faisant un mort et un blessé parmi les passants. Les Corses parvenus face au palais ouvrirent le feu sur le bâtiment, ce qui entraîna la riposte des Français. L'on dénombra encore des victimes.

Peu après, dans la soirée, deux carrosses pénétrèrent sur la place. Dans l'un d'eux se trouvait la femme de l'ambassadeur. Des Corses placés en embuscade les prirent pour cible, une décharge tua l'un des pages de l'ambassadeur et blessa son capitaine des gardes, Antoine de Boys, qui décéda le lendemain. La duchesse se refugia chez le cardinal d'Este qui la ramena, accompagnée de nombreux valets en armes, au palais Farnese.

Vers 21 heures, le calme revint sur le quartier de l'ambassade. En moins d'une heure, le bilan de cette journĂ©e du 20 aoĂ»t 1662 s'Ă©tablit Ă  une quinzaine de victimes, entre morts et blessĂ©s (plusieurs blessĂ©s succombèrent, portant le nombre total des morts Ă  10). Parmi les morts, deux soldats corses : Giovanni de Calenzana et Giovan Battista d'Ajaccio. Don Mario Chigi, gĂ©nĂ©ral des troupes pontificales, diligenta immĂ©diatement une enquĂŞte. Le duc de CrĂ©qui accusait les ministres pontificaux d'avoir fomentĂ© l'attentat. Pour calmer les esprits, le casernement des compagnies corses fut dĂ©localisĂ© de la TrinitĂ  dei Pellegrini au quartier Capo le case. Le duc de CrĂ©qui aurait voulu que les soldats corses fussent tous enfermĂ©s au Castel Sant’Angelo, mais le pape refusa. Compte tenu des mesures prises par l'ambassadeur de France, visant Ă  renforcer l'effectif des militaires prĂ©sents au palais Farnese, le pape dĂ©cida de prendre de nouvelles dispositions pour prĂ©venir un nouvel affrontement armĂ©. Dans ce but, il augmenta l'effectif de la garnison de Rome qui se composait jusqu’ici de deux cents Corses et de huit cents Italiens. Les renforts se composaient de trois cents autres Corses, ce qui passa pour une provocation. Face Ă  cette attitude des autoritĂ©s pontificales et nonobstant les assurances donnĂ©es par le souverain pontife, le duc de CrĂ©qui quitta la capitale pour la France. Louis XIV se prĂ©para pour un affrontement armĂ©. Une fois de plus, il appliquait Ă  la lettre la devise qui Ă©tait gravĂ©e sur ses canons : « ULTIMA RATIO REGUM » (« [la force est] le dernier argument des rois »). En 1664, Ă  Parme, les militaires français Ă©taient au nombre de 3 500… En France, le roi avait concentrĂ© près de 30 000 cavaliers et de nombreuses pièces d'artillerie.

Louis XIV et le Traité de Pise

Un procès en forme parodique se déroula du 21 août au 21 novembre 1662 contre dix-huit Corses. Matheo Pietralba fut exécuté immédiatement à titre d'exemple. La plupart des soldats corses désertèrent. Certains, rattrapés dans les villes de Viterbe, Pérouse, Pistoia et Livourne, furent emprisonnés puis soumis à la question. Le pape avait suspendu le droit d'asile et même autorisé, contre eux, l'emploi de la torture extraordinaire, la veglia.

Outre le grand nombre de blessés et de morts, le fait majeur est l'affront fait à un représentant officiel de la France par les soldats du pape. Le Roi Soleil réunit un conseil de crise (le 29 août 1662) où bon nombre de membres optèrent pour embastiller le nonce apostolique, le cardinal Celio Piccolomini (cependant, l’embastillement ne sera pas effectif ; en effet, Henri-Auguste de Loménie, dit Brienne, lui conseille de se retirer à Meaux. On comprend ainsi la période d’hésitation autour de l’expulsion du nonce qui suit l’incident. L’ordre définitif d’expulsion sera arrêté par le Conseil du roi le 11 septembre 1662 et la sortie du Royaume sera définitive le 2 octobre 1662, en Savoie où il restera dix mois à Chambéry). Diplomatiquement, Louis XIV demanda des excuses publiques et la dissolution de la Garde corse. Quoique le pape ait été conscient des répercussions de l’attentat, Rome étant principalement composée d’anciennes familles princières et de cardinaux, la désinvolture du style employé dans la lettre qu’il adressa à Louis XIV ne fut pas sans exaspérer le roi qui demandait pendaisons, mises aux galères et excuses publiques. Les mesures prises par le pontife furent insatisfaisantes ; les Français accusèrent le chef des gardes pontificales, Don Mario Chigi (frère du pape Alexandre VII et père du Cardinal Flavio Chigi) et le gouverneur de Rome, le cardinal Lorenzo Imperiale, d'être responsables de l'attentat. Le pape resta sans réaction ; le duc de Créquy et le cardinal d'Este quittèrent alors précipitamment Rome pour s'installer sur le territoire du grand-duc de Toscane.

Le traité de Pise, signé le 12 février 1664, comportait parmi ses quinze articles les excuses publiques du pape portées au Louvre par le cardinal Lorenzo Imperiale, gouverneur de Rome, et le cardinal Flavio Chigi (neveu du pape), la dissolution de la garde corse avec déclaration signée par le pape et l'érection d'une pyramide d’infamies portant une inscription rappelant l'offense et la réparation, en marbre noire, (située très précisément face à la Caserne corse de la Trinità dei Pellegrini) en mémoire du triomphe de Louis XIV sur le site de la caserne corse (pyramide qui sera détruite plus tard).

Les articles dudit traité concernant les Corses sont exprimés en ces termes :

« Article XII : Toute la Nation corse sera dĂ©clarĂ©e incapable Ă  jamais de servir, non seulement dans Rome, mais aussi dans l’État EcclĂ©siastique, et le Barigel de Rome sera privĂ© de sa charge, et chassĂ©.

Article XIII : Il sera Ă©levĂ© une pyramide Ă  Rome vis-Ă -vis l’ancien Corps-de-garde des Corses, avec une inscription dans les termes concertĂ©s, qui contiendra en substance le DĂ©cret rendu contre la Nation corse. Â»

Le Roi Soleil avait bien obtenu le licenciement de la garde corse. La compagnie Franchi fut licenciée à Civitavecchia et embarquée pour la Corse à la mi-septembre 1662. Toute l'unité, sous les ordres du capitaine Franchi, quitta la caserne de Capo le Case où les soldats corses avaient été assignés après l'incident, traversa la ville en passant par la place Farnese, avec ses armes, au son du tambour et drapeau au vent, comme pour montrer à tous et surtout aux personnels de l'ambassade de France qu'ils quittaient Rome, en soldats disciplinés, avec les honneurs militaires, et non comme des soldats vaincus et humiliés. Il n’en reste pas moins que la pyramide expiatoire, exigée par le Roi Solei1, fut érigée en 1663 en face du corps de garde des Corses avec l'inscription latine suivante :

« IN EXECRATIONEM DAMNATI FASCINORIS / CONTRA EXC. DUCEM CREQUEIUM / ORATOREM REGIS CHRISTIANISSIMI/ A MILITIBUS CORSI/ XIII KAL. SEPTEMBRIS. ANNO. M. DC. LXII PATRATI/ CORSICA NATIO INHABILIS ET INCAPAX/ AD SEDI APOSTOLICAE INSERVIENDUM/ EX DECRETO/ JUSSU Smi D.N. ALEXANDRI VII. PONT. MAX. EDITO/ IN EXECUTIONEM CONCORDIAE PISIS INITIAE/ AD PERPETUAM REI MEMORIAM DECLARATA EST/ ANNO M.DC. LXIV ».

« En exécration de l'odieux forfait accompli le 20 août 1662 par les soldats corses contre le duc de Créqui, ambassadeur du roi très chrétien. La Nation corse, pour perpétuer la mémoire de cet événement, a été déclarée inhabile et incapable de servir le Siège Apostolique par décret rendu par ordre de notre très Sérénissime Seigneur Alexandre, pape, en exécution de la paix de Pise. 1664 »

La pyramide sera abattue en 1668, sous le pontificat de Clément IX, avec l’autorisation du roi Louis XIV, les relations entre le royaume de France et la Papauté s’étant considérablement améliorées.

Le roi de France triomphait ; il ne devait cependant pas oublier de défendre le sort de tous ceux qui l'avaient soutenu, en particulier les familles Este et Farnese.

Parti de Rome en mars, le cardinal Flavio Chigi fut reçu par Louis XIV le 29 juillet 1664 pour la cérémonie des excuses à Fontainebleau.

En dehors des excuses publiques, le traité apportait peu à la France. Le Roi voulait montrer au pape que nul ne pouvait rivaliser avec la Cour de France ; par là-même, il prouvait et assurait la majesté de la Couronne. Le roi affirmait ainsi sa devise : « Nec pluribus impar » (« Supérieur à la plupart ») sur le devant de la scène internationale.

Autres gardes corses

Les journalistes et les politiques désignent sous le nom de garde corse les gardes du corps venus du milieu insulaire dont s'entourent certains personnes en vue. Ainsi : Joseph Caillaux lors du procès de son épouse. Jean Chiappe et sa famille, après sa révocation.

De façon plaisante on désigna sous ce terme les amis corses de Jacques Chirac durant son mandat à la Mairie de Paris.

Références

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

Bibliographie

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