Fukushima, récit d'un désastre
Fukushima, récit d'un désastre est un livre de Michaël Ferrier publié en 2012 aux Éditions Gallimard. Le livre relate la triple catastrophe survenue au Japon le (séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tōhoku, tsunami qui s'ensuivit et accident nucléaire de Fukushima) et ses conséquences.
Sélectionné pour le Prix Femina, le Prix Renaudot de l'essai, le Grand prix des lectrices de Elle et le Prix Décembre, inscrit sur la liste de printemps de l'Académie Goncourt, le livre a finalement remporté le prix Édouard-Glissant.
Composition du livre
Fukushima, récit d'un désastre est un livre inclassable, qui mobilise tant les ressources de l'investigation philosophique et de l'analyse politique que celles du reportage et de la critique littéraire.
L'ouvrage est divisé en trois parties, qui correspondent aux trois temps de la catastrophe. Dans la première partie, « Le Manche de l'éventail », l'auteur raconte le séisme du avec une grande précision, d'une écriture privilégiant notamment la puissance sonore et sensible : « l'auteur nous fait revivre comme en direct, en mettant le son »[1].
Les multiples détails et le style polyphonique de Ferrier (sons, couleurs, réactions physiologiques et psychologiques, sensations) ont frappé de nombreux lecteurs, faisant naître l'image d'un « écrivain-sismographe »[2].
Dans la deuxième partie du livre, l'auteur relate son périple vers le Nord du pays, en camionnette, pour porter secours aux réfugiés et se porter à l'écoute de leur parole. Si cette deuxième partie s'intitule « Récits sauvés des eaux », c'est qu'elle se fonde, autant que sur le voyage de l'auteur, sur les nombreux témoignages de survivants et de réfugiés qu'il a pu rencontrer. Mais l'auteur livre du même coup une description saisissante de la zone interdite de Fukushima : « De la même façon que Dante s'enfonce vers le fond de l'Enfer, c'est vers Fukushima que Michaël Ferrier se dirige, après avoir quitté Tokyo, parcouru le littoral dévasté, pour approcher au plus près de la zone interdite »[3].
Enfin la troisième partie, « La demi-vie mode d'emploi », relate le retour à Tokyo et la vie aujourd'hui dans un environnement qui connaît la menace nucléaire. Elle constitue à la fois une description et une analyse de la vie dans les territoires nucléarisés : l'auteur explique les conditions de vie dans la région contaminée mais aussi dans les régions sous la menace nucléaire, comme Tokyo. Pour expliquer la situation, il élabore la notion de « demi-vie », qui a depuis été reprise par plusieurs écrivains, historiens, politologues ou sociologues, en France comme au Japon[4] - [5] - [6] : « Contrairement à ce qu’on a pu lire ou entendre ici ou là, Fukushima n’est pas une apocalypse. Ce n’est pas un accident total (encore que celui-ci soit toujours possible). Mais d’une certaine manière, le pire a déjà eu lieu, il est là, tout autour de nous. C’est une catastrophe en gargouillis, non en apothéose. Une sorte de dégringolade quotidienne, systématique. Ce n’est pas une extermination violente, c’est un état létal – et désormais de plus en plus légal. Par petites doses, une sorte d’homéopathie à l’envers, une forme dévitalisée de la vie. »
Débats et réception publique
Dès sa sortie, Daniel Cohn-Bendit évoque « le très beau livre de Michaël Ferrier qui illustre bien l'impuissance de nos sociétés développées devant ce type de situation et le silence administré par les autorités. »[7].
Fukushima, récit d'un désastre donne ensuite lieu à plusieurs débats, rencontres et lectures publiques, en France et à l'étranger. Le livre suscite autant l'intérêt d'hommes politiques que d'hommes de théâtre comme Daniel Mesguich, acteur et directeur du Conservatoire National d'Art dramatique[8], de philosophes comme Jean-Luc Nancy[9], d'architectes comme l’architecte en chef des Monuments historiques, Pierre-Antoine Gatier[10], ou d'écrivains français ou étrangers comme la Japonaise Yoko Tawada[11].
Adaptations théâtrales
Il a également donné naissance à plusieurs adaptations théâtrales, parfois couplé avec d'autres textes comme dans le spectacle Sang de cerisiers (mise en scène de Yoshi Oida au Théâtre de Lenche de Marseille et à la Maison de la Culture du Japon à Paris, 2013-2015)[12], ou dans On ne prévient pas les grenouilles quand on assèche les marais de la compagnie « Le Quintet Plus », spectacle où il est mis en écho avec La supplication de Svetlana Alexievitch et « dans lequel le texte insolent et dénonciateur de Michaël Ferrier sur le désastre de Fukushima se mêle aux récits du drame humain révélé par trois témoignages de survivants de Tchernobyl ». Cette pièce de théâtre a remporté le prix Tournesol du spectacle vivant au festival off d’Avignon 2014[13].
Il a aussi été adapté dans une mise en scène à mi-chemin entre le théâtre et la danse par Brigitte Mounier et la Compagnie des Mers du Nord : Fukushima, terre des cerisiers, spectacle qui est « d’abord et surtout un coup de foudre littéraire. Il est très difficile de trouver des textes politiques avec une démarche esthétique aussi soignée, aussi pertinente. (...) Avec ce texte de Michaël Ferrier, c’est au cœur d’une splendeur de la langue française que s’est laissée plonger Brigitte Mounier »[14] - [15]. Ce spectacle a reçu le prix Tournesol Gaïa du spectacle vivant au festival off d’Avignon 2016[16].
Autres textes de Michaël Ferrier sur Fukushima
- « Fukushima : la cicatrice impossible » (sur la reconstruction du paysage après Fukushima), Cahiers de l'Ecole de Blois, N°11, "Les cicatrices du paysage", Ed. de la Villette, , p. 72-79.
- « Fukushima ou la traversée du temps : une catastrophe sans fin », Esprit, N°405, "Apocalypse, l'avenir impensable", , p. 33-45.
- « Avec Fukushima », L'Infini, N°130, Gallimard, 2015, p. 64-79.
- « De la catastrophe considérée comme un des Beaux-Arts », Communications, N°96, "Vivre la catastrophe", Le Seuil, 2015, p. 119-152.
- « Visualiser l'impossible : l'art de Fukushima », art press, N°423, , p. 62-66.
- Penser avec Fukushima (sous la direction de C. Doumet et M. Ferrier), Nantes, Editions nouvelles Cécile Defaut, 2016 (ISBN 9782350183800)
- Textes cinématographiques
- Le monde après Fukushima, réal. Kenichi Watanabe, texte de Michaël Ferrier, coproduction Arte France/Kami Productions (France, 2012, 77 min). Prix « Lucien Kimitété » (film le plus émouvant) du Festival international du film insulaire de Groix 2013.
- Terres nucléaires, une histoire du plutonium, réal. Kenichi Watanabe, texte de Michaël Ferrier, coproduction Arte France/Seconde Vague Productions/Kami Productions (France, 2015, 83 min).
Éditions
Fukushima, récit d'un désastre, éditions Gallimard, 2012 (ISBN 2070771970). Réédition Folio Gallimard, 2013, n°5549.
Notes et références
- Claire Devarrieux, Jours Ferrier à FukushimaLibération, 22 mars 2012, consulté le 29 mai 2017
- « L'écrivain sismographe », Revue des deux Mondes (2013)
- Nathalie Crom, , non trouvé le 29 mai 2017, Télérama, 10-16 mars 2012
- Le Japon d’après la vague, sur lemonde.fr du 20 décembre 2013, consulté le 29 mai 2017
- Après Fukushima, la vie préfabriquée, sur ulg.ac.be, octobre 2014, consulté le 20 mai 2017
- De quoi Fukushima est-il le nom ?, sur lmsi.net du 11 mars 2015, consulté le 28 mai 2017
- Voir : Quid du coût réel de l’énergie nucléaire?, Le Nouvel Observateur, 22-28 mars 2012, consulté le 29 mai 2017
- Fukushima, récit d'un désastre, sur terres-de-paroles.com du 7 juillet 2012, consulté le 29 mai 2017
- Penser et écrire avec Fukushima, sur lamanufacturedidees.org du 9 avril 2014, consulté le 29 mai 2017
- Non trouvée le 29 mai 2017, sur citechaillot.fr
- « Comment écrire après la catastrophe ? », émission Les Grandes traversées, débat entre Michaël Ferrier et Yoko Tawada, sur franceculture.fr
- non trouvée le 29 mai 2017, sur theatredelenche.info
- Page malveillante d'après Firefox le 29 mai 2017
- Fukushima, terre des cerisiers, de et par Brigitte Mounier, d’après Michaël Ferrier, sur mediapart.fr du 10 mars 2015, consulté le 29 mai 2017
- Fukushima terre des cerisiers, sur compagniedesmersdunord.fr, consulté le 29 mai 2017
- Photos de la remise des prix 2016, sur prix-tournesol-avignon-spectacles.fr, consulté le 29 mai 2017