Fritz Thyssen
Fritz Thyssen ( – Buenos Aires, ) est un industriel allemand, fils et héritier du sidérurgiste August Thyssen. Il s'associe très tôt au parti nazi d'Adolf Hitler dont il est l'un des plus généreux donateurs. Bien que favorable à la politique anticommuniste des nazis, il n'adhère pas à leur antisémitisme et fuit l'Allemagne lors de la nuit de Cristal. Livré par le régime de Vichy aux Allemands, il est incarcéré au camp de Sachsenhausen. À la dénazification, il reconnaît son implication dans la montée du nazisme et verse une indemnité aux victimes de la guerre. Il émigre en 1950 à Buenos Aires où il meurt.
Député du Reichstag |
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Naissance | |
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Décès | |
Nom de naissance |
Fritz Thyssen |
Nationalité | |
Activités |
Homme politique, fabricant |
Père | |
Fratrie |
August Thyssen junior (d) Heinrich Thyssen Hedwig Thyssen (d) |
Conjoint |
Amélie Thyssen (d) |
Enfant |
Anita Gräfin Zichy-Thyssen (d) |
Parti politique | |
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Lieux de détention |
Biographie
Membre du Parti national du peuple allemand (DNVP), Fritz Thyssen se met à soutenir publiquement le nouveau parti national-socialiste (NSDAP). Dès 1923, il finance les nazis par l'intermédiaire de la Bank voor Handel en Scheevaart (banque du commerce et de la marine), entreprise familiale basée à Rotterdam, ce qui leur permet de construire leur quartier général à Munich. Cette banque avait alors pour avocat Allen Dulles, qui travaillait pour Sullivan & Cromwell (New York), et deviendra plus tard directeur de la CIA — Allen Dulles représentait aussi le baron Kurt von Schröder, qui travaillait pour les nazis. Johann Groening ainsi que Kurt von Schroeder — qui traitait avec le démocrate W. Averell Harriman et son petit frère E. Roland Harriman, et W. Prescott Bush (père de George Bush père et grand-père de George W. Bush, présidents des États-Unis) — étaient tous deux directeurs d'une aciérie des Thyssen[1].
Avec l'aide de la banque d'investissement W.A. Harriman & Co (en), Fritz Thyssen fonde la Union Banking Corporation (UBC), officiellement un investissement uniquement américain par la composition officielle de ses actionnaires (W.A. Harriman, avec 3 991 parts ; Cornelius Lievense, 4 parts ; Harold D. Pennington, 1 part ; Ray Morris; 1 part ; H.J. Kouwenhoven, 1 part ; Johan Groeninger, 1 part, et Prescott Bush, 1 part[2]).
La banque de Thyssen (voor Handel) ainsi que les millions de dollars ayant transité par la Bush-Harriman Union Banking Corporation (UBC) ont contribué à la hausse de popularité du nazisme en Allemagne, et ont largement aidé à la mise en place des SA, les « sections d'assaut » du parti nazi.
La fusion de l'empire de l'aciérie des Thyssen avec la Silesian Coal and Steel Company de Friedrich Flick, qui forment ensemble la Vereinigte Stahlwerke (de), a permis des gains substantiels ayant aussi alimenté les fonds nazis. Celle-ci cause la colère du gouvernement polonais, qui menace plus d'une fois de nationaliser une telle entreprise stratégique, tombée dans des mains allemandes. Ceci explique pourquoi la propriété nominale est transférée à des Américains, tandis que les versements à des comptes privés appartenant à de hauts membres de l'administration nazie, parmi lesquels celui d'Hitler lui-même, continuèrent jusqu'en 1944. Ces versements étaient toujours effectués par l'UBC. Malgré la saisie de l'UBC en 1942, ces apports de fonds continuèrent à partir de l'adresse postale de l'institution publique l'ayant saisie.
George Herbert Walker nomme Prescott Bush afin de superviser la nouvelle Thyssen/Flick United Steel Works. Walker, Bush et Harriman étaient propriétaires d'un tiers de l'Upper Silesian Coal and Steel Company de Flick, la plus grande industrie polonaise, et ont appelé la nouvelle holding, dirigée par John Foster Dulles, la Consolidated Silesian Steel Corp. Celle-ci détenait un tiers de l'Upper Silesian Coal and Steel Company, les deux-tiers restants appartenant toujours à Fredrick Flick. Pendant la guerre, cette dernière dépendait, tout comme l'United Steel Works, de travail forcé effectué à Auschwitz.
Avec l'aide d'autres industriels, Fritz Thyssen achète en 1930 la Braune Haus à Munich, et finance sa rénovation afin d'en faire le nouveau QG du NSDAP. Ils entament aussi une campagne afin d'encourager les industriels à travailler avec le NSDAP. Fritz Thyssen devient officiellement membre du NSDAP le . Favorable à la répression contre les syndicats et contre la gauche en général, il s'oppose néanmoins à la politique antisémite. Son adhésion au parti nazi s'explique probablement par sa remise en cause du traité de Versailles. En novembre 1932, il signe, avec notamment Hjalmar Schacht et Kurt Freiherr von Schröder, une pétition adressée au président Hindenburg, exigeant la nomination immédiate de Hitler à la chancellerie[3].
Fritz Thyssen démissionne de toutes ses fonctions politiques après la Nuit de Cristal du , et s'enfuit pour la Suisse et ensuite la France. Adolf Hitler confisque alors ses biens. En vertu d'une clause de l'armistice du 22 juin 1940 le ménage Thyssen est arrêté à Nice par le régime de Vichy et remis le sur le pont de la Madeleine à Moulins au kriminal Komissar Hugo Geissler. Thyssen est alors déporté au camp de concentration de Sachsenhausen, bien que certains prétendent qu'il n'y ait pas été traité comme tout « prisonnier ordinaire ».
Thyssen aurait aussi pris part à une réunion secrète d'industriels et de banquiers allemands, tenus le à l'hôtel de La Maison Rouge à Strasbourg, afin de trouver un moyen d'assurer l'avenir financier des nazis malgré la défaite. Le baron du charbon Emil Kirdorf (en), Georg von Schnizter (en) de l'IG Farben, le magnat de l'acier Gustav Krupp von Bohlen und Halbach, ainsi que Fritz Thyssen et le banquier Kurt von Schröder auraient participé à cette réunion.
Thyssen aurait ensuite été officiellement « libéré » en 1945, puis condamné en tant qu'ancien membre du parti nazi. Il perd alors environ 15 % de ses biens, redistribués à des victimes de guerre, avant de retrouver rapidement son envergure financière d'avant-guerre.
Selon l'historien Samuel W. Mitcham[4], le livre I paid Hitler, qu'Emery Reves publia en 1941 sous le nom de Fritz Thyssen, est une des sources les plus citées mais les plus inexactes sur les relations entre la haute finance et le nazisme. Ce livre avait en réalité été écrit par Reves (sur la base des sténogaphies des entretiens que Thyssen et Reves avaient eus en France au printemps de 1940) et seuls un petit nombre de chapitres avaient été revus et approuvés par Thyssen. Thyssen, qui au moment de la sortie du livre était prisonnier en Allemagne, n'avait pas donné son accord à la publication et n'avait jamais vu les chapitres relatifs à ses relations financières avec le parti nazi. S. W. Mitcham cite l'historien Henry Ashby Turner (en)[5], qui a comparé les sténographies avec le premier état du livre et selon qui même les parties approuvées par Thyssen comportent des assertions ajoutées (« spurious ») et inexactes. L'historien Wolfgang Koch[6], cité lui aussi par S. W. Mitcham, partage la façon de voir de Turner.
Bibliographie
- Alexander Donges: Die Vereinigte Stahlwerke AG im Nationalsozialismus. Konzernpolitik zwischen Marktwirtschaft und Staatswirtschaft. Reihe: Familie – Unternehmen – Öffentlichkeit: Thyssen im 20. Jahrhundert, Bd. 1. Verlag Ferdinand Schöningh, Paderborn 2014, (ISBN 978-3506766281).
- Wilhelm Treue, Helmut Uebbing: Fritz Thyssen. In: Die Feuer verlöschen nie. August Thyssen-Hütte 1926 - 1966. Econ-Verlag Düsseldorf und Wien 1969, S. 99–113.
- Henry A. Turner (de): Die GroĂźunternehmer und der Aufstieg Hitlers. Siedler, Berlin 1985, (ISBN 3-88680-143-8).
- Robert Wistrich (de): Wer war wer im Dritten Reich?, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt am Main, 1987 (ISBN 3-596-24373-4).
- Carl-Friedrich Baumann: Fritz Thyssen und der Nationalsozialismus. In: Zeitschrift des Geschichtsvereins Mülheim an der Ruhr, Heft 70, 1998, S. 139–154.
- Hans Otto Eglau (de): Fritz Thyssen. Hitlers Gönner und Geisel. Siedler, Berlin 2003, (ISBN 3886807630).
- Werner Plumpe (de), Jörg Lesczenski: Die Thyssens. In: Volker Reinhardt (Hrsg.): Deutsche Familien. Historische Portraits von Bismarck bis Weizsäcker. Beck, München 2005, (ISBN 3406529054).
- GĂĽnter Brakelmann: Zwischen Mitschuld und Widerstand. Fritz Thyssen und der Nationalsozialismus. Klartext, Essen 2010, (ISBN 978-3-8375-0344-9).
- Horst A. Wessel (de): Fritz Thyssen – Überforderter Unternehmenserbe. In: Horst A. Wessel (Hrsg.): Mülheimer Unternehmer und Pioniere im 19. und 20. Jahrhundert. Klartext Verlag, Essen 2012, S. 246–257.
- Felix de Taillez: Zwei Bürgerleben in der Öffentlichkeit. Die Brüder Fritz Thyssen und Heinrich Thyssen-Bornemisza. Schöningh, Paderborn 2017, (ISBN 978-3-506-78445-2).
- Hans Günter Hockerts: Ein Erbe für die Wissenschaft. Die Fritz Thyssen Stiftung in der Bonner Republik. Schöningh, Paderborn 2018, (ISBN 978-3-506-78890-0).
Notes et références
Notes
- Von Schroeder deviendra plus tard trésorier d'un autre groupe d'investissement qui finança le NSDAP.
- Voir sur gatt.org.
- Henry Rousso, « Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ? », Les Collections de l'Histoire, no 18, février 2003 ainsi que (en) Henry Ashby Turner, Jr., German big business and the rise of Hitler, New York, Oxford University Press, , 504 p. (ISBN 978-0-19-503492-9 et 978-0-195-04235-1, OCLC 715459395), p. 303 et 405.
- (en) Samuel W. Mitcham, Jr, Why Hitler? : the genesis of the Nazi Reich, Westport, Conn, Praeger, , 205 p. (ISBN 978-0-275-95485-7, OCLC 476365302), p. 137.
- Henry Ashby Turner, Jr., « Big Business and the Rise of Hitler », American Historical Review, vol. 75 (octobre 1969), p. 59.
- H. W. Koch, « 1933 : The Legality of Hitler's Assumption of Power », dans (en) H. W. Koch (edt.), Aspects of the Third Reich, Londres, Macmillan, , 480 p. (ISBN 978-0-333-35273-1, OCLC 874476243), p. 55.
Articles connexes
Liens externes
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- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Article sur la jewishvirtuallibrary