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Fred Dretske

Frederick Irwin Dretske (né le à Waukegan dans l'Illinois et mort le [1]) est un philosophe, épistémologue et philosophe de l'esprit de l'université Duke.

Fred Dretske
Fred Dretske
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(Ă  80 ans)
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May Brodbeck (en)
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Il a reçu le prix Jean-Nicod en 1994.

Travaux philosophiques

Naturaliser l'intentionnalité

Dretske est reconnu pour l'importance et l'originalité de son apport concernant l'analyse de l'intentionnalité[2]. L'intentionnalité désigne la capacité pour un esprit de former des représentations de son environnement et de porter ainsi sur le monde. Afin de comprendre ce phénomène d'un point de vue naturaliste, différents philosophes et chercheurs en sciences cognitives (Putnam, Fodor, Dennett, etc. ) avaient déjà tenté, dans les années 1960 et 1970, d'élaborer un programme de naturalisation de l'intentionnalité en lien avec la recherche en intelligence artificielle. Ce programme de recherche a conduit au développement de ce qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui le computationnalisme.

Bien qu'apparue dans ce contexte, la thĂ©orie causale de l'information va ĂŞtre reprise et dĂ©veloppĂ©e par Dretske non plus sur le modèle de l'ordinateur mais sur celui des organismes biologiques. Cette thĂ©orie doit rendre compte du rĂ´le que jouent les contenus mentaux dans le rĂ©glage du comportement des animaux (dont les ĂŞtres humains) en montrant que les causes qui « produisent » ce comportement peuvent coĂŻncider avec les raisons qui le « motivent » ou le « justifient ». En d'autres termes, il s'agit de montrer comment la « normativitĂ© Â» des reprĂ©sentations – qui correspond Ă  la possibilitĂ© pour elles d'ĂŞtre Ă©valuĂ©es comme « vraies Â» ou fausses Â» et d'entrer dans des chaĂ®nes de justifications – peut ĂŞtre expliquĂ©e en termes de « causalitĂ© naturelle Â».

SĂ©mantique informationnelle

Dretske a jetĂ© les bases de sa conception naturaliste des reprĂ©sentations dans un ouvrage de 1981 intitulĂ© Knowledge and the Flow of Information[3]. Dans cet ouvrage, Dretske dĂ©veloppe une forme de sĂ©mantique fondĂ©e sur la notion d'information, appelĂ©e « sĂ©mantique informationnelle Â». La notion centrale de cette sĂ©mantique est la relation d'indication : indiquer quelque chose, c'est porter de l'information Ă  son sujet. Dretske dĂ©finit cette relation d'indication de la façon suivante :

Un événement en indique un autre si sa probabilité d'occurrence (la probabilité qu'il a de se réaliser), étant donné l'occurrence de l'autre, est de 1.

Dans ses ouvrages ultĂ©rieurs[4], cette dĂ©finition de l'indication s'en trouvera un peu modifiĂ© puisqu'Ă  la notion de « probabilitĂ© d'occurrence Â» sera substituĂ©e celle de « covariation nomique Â» (covariation rĂ©gie par une loi) [5] :

Un événement en indique un autre si, sous l'action d'une certaine loi (naturelle ou conventionnelle), il co-varie avec lui.

Ainsi, l'occurrence d'une représentation mentale est un événement qui en indique un autre si, sous l'action d'une loi naturelle ou conventionnelle, elle co-varie avec lui. Par exemple, la représentation mentale d'un chien qui aboie co-varie avec la présence d'un chien qui aboie de sorte que la signification du premier événement – un certain état mental – indique le second événement : un certain état de l'environnement.

Le projet principal de la sĂ©mantique informationnelle sera d'expliquer les reprĂ©sentations mentales en termes de « covariation nomique » entre un contenu proprositionnel (ex. : « un chien aboie Â») et sa condition de vĂ©ritĂ© (ex. : la prĂ©sence d'un chien qui aboie).

Problème de la représentation erronée

La sĂ©mantique informationnelle de Dretske tente d'expliquer en termes naturalistes le phĂ©nomène paradoxal de la reprĂ©sentation erronĂ©e – celui d'une reprĂ©sentation qui ne dĂ©crit pas un Ă©tat rĂ©el de l'environnement. Le problème de la reprĂ©sentation erronĂ©e se pose en particulier lorsque, dans certaines circonstances, la reprĂ©sentation mentale en question co-varie avec un certain Ă©tat de l'environnement, bien que cet Ă©tat ne soit pas celui qui est proprement indiquĂ©. C'est le cas, par exemple, lorsque nous nous trompons sur la nature d'un Ă©vĂ©nement qui se produit rĂ©gulièrement. Pour Dretske, la possibilitĂ© de la mĂ©-reprĂ©sentation s'explique par le fait que si l'indication est bien une condition nĂ©cessaire de l'existence du contenu sĂ©mantique des reprĂ©sentations mentales, elle n'en est pas la condition suffisante. Les reprĂ©sentations ont en effet, en plus de leur « signification naturelle Â» qui correspond Ă  leur indication, une « signification fonctionnelle Â», laquelle peut rendre compte de leur caractère erronĂ©. Dretske dĂ©finit la signification fonctionnelle de la façon suivante :

L'occurrence d'une représentation mentale signifie fonctionnellement que p si elle a pour fonction d'indiquer que p et remplit cette fonction par son occurrence.

Ainsi, une reprĂ©sentation mentale qui signifie « fonctionnellement Â» que p sera fausse lorsqu'elle est appliquĂ©e Ă  l'Ă©vĂ©nement F alors que ce n'est pas sa fonction d'indiquer cet Ă©vĂ©nement. Bien sĂ»r, il reste encore Ă  dĂ©finir ce qu'est cette fonction et Ă  expliquer comment un Ă©tat mental peut l'acquĂ©rir. Dretske propose alors une dĂ©finition biologique de la fonction d'indication. Il estime en outre que seuls les Ă©tats d'un système cognitif suffisamment complexe possĂ©dant la capacitĂ© d'apprentissage associatif peuvent possĂ©der ce type de fonction.

Cette conception fonctionnaliste de l'esprit est dĂ©veloppĂ©e pour la première fois dans un ouvrage de 1988 intitulĂ© Explaining Behavior[6] et elle constitue, avec la thĂ©orie Ă©volutionniste de Ruth Millikan, l'une des deux principales conceptions de la tĂ©lĂ©osĂ©mantique. Pour Dretske, s'opposant en cela Ă  Millikan, la fonction d'indication d'une reprĂ©sentation mentale est le rĂ©sultat d'un apprentissage associatif, et non, comme pour Millikan, une capacitĂ© innĂ©e rĂ©sultant de la sĂ©lection naturelle. L'apprentissage par un organisme dotĂ© d'un système cognitif complexe est un processus au cours duquel les stimuli indiquant un certain Ă©tat de l'environnement peuvent varier[7] . Un système cognitif complexe a non seulement de multiples voies d'accès sensoriel Ă  un mĂŞme Ă©tat de l'environnement, mais il a aussi la capacitĂ© d'accroĂ®tre ses moyens de recueillir de l'information Ă  son sujet. Pour Drestske, c'est lĂ  que rĂ©side son « pouvoir authentique de reprĂ©sentation erronĂ©e Â»[8]. Un tel système reprĂ©sente de manière erronĂ©e un Ă©tat de l'environnement lorsque ce qu'il indique n'est plus corrĂ©lĂ© de manière « normale Â» avec cet Ă©tat. Une brèche est alors intervenue au sein de la chaĂ®ne normale des signes naturels. Ce qu'une reprĂ©sentation erronĂ©e est censĂ©e signifier (signification fonctionnelle acquise par apprentissage), ne correspond plus dès lors avec ce qu'elle signifie naturellement.

Dretske généralisera cette thèse pour expliquer d'une façon similaire le contenu intentionnel des états sensoriels et les expériences illusoires qui leur sont associées.

Ĺ’uvres

  • Seeing and Knowing, Routledge (1969).
  • Knowledge and the Flow of Information, Bradford Books (1981).
  • Explaining Behavior, MIT Press (1988).
  • Naturalizing The Mind, Bradford Book (1997).
  • Perception, Knowledge and Belief, Cambridge University Press (2000).
  • (fr) Expliquer le comportement - Les raisons dans un monde de causes, Éditions MatĂ©riologiques (2020).

Notes et références

  1. (en) « In Memoriam: Fred Dretske (1932-2013) »
  2. Joëlle Proust, Comment l'esprit vient aux bêtes, Gallimard, 1997, p. 139.
  3. F. Dretske, Knowledge and the Flow of Information, MIT Press, 1981.
  4. Voir notamment F. Dretske, Psychosemantics, MIT Press, 1987.
  5. D. Fisette et P. Poirier (dir.), Philosophie de l'esprit – Problèmes et perspectives, Vrin, 2003, p. 21.
  6. F. Dretske, Explaining Behavior: Reasons in a World of Causes, MIT Press, 1988.
  7. F. Dretske in D. Fisette et P. Poirier (dir.), Philosophie de l'esprit – Problèmes et perspectives, Vrin, 2003, p. 110.
  8. F. Dretske in Fisette et Poirier 2003, p. 111.

Voir aussi

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