Francis Berthelot
Francis Berthelot, né à Paris le , est un écrivain et compositeur français notamment connu pour ses ouvrages dans le domaine de l'imaginaire (science-fiction, fantastique, fantasy) et ses musiques de ballet.
Biographie
Fils d'un chercheur en physique nucléaire et d'une directrice d'école maternelle, il s’oriente bon gré mal gré vers des études scientifiques pour entrer en 1966 à l'École Polytechnique. Une fois son diplôme en poche, il entreprend une carrière de chercheur qui le conduit en 1970 au CNRS, où il travaillera néanmoins dans deux domaines successifs bien distincts:
- D’abord, de 1968 à 1989, en biologie moléculaire : en 1975, il soutient une thèse sur les ARN de transfert[1], avant de se pencher sur la différenciation de la cellule nerveuse.
- Ensuite, de 1989 à 2007[2], en théorie littéraire au sein du CRAL (Centre de Recherche sur les Arts et le Langage) : il y étudie tour à tour le corps et la voix du personnage de roman, le processus de création romanesque, puis la zone frontière entre « littérature blanche » et « littératures de l’imaginaire », zone qu’il baptise du nom de transfictions et dont son guide de lecture Bibliothèque de l'entre-monde peut passer pour le manifeste.
Littérature
Fasciné tout à la fois par la musique russe, la poésie surréaliste, le roman et le théâtre, Francis Berthelot a exploré dès la fin des années 1960 différentes formes d'écriture. En 1980, son roman La Lune noire d’Orion est publié et remporte le prix du meilleur roman français au festival de science-fiction de Metz. Suivront une fantasy, Khanaor, et une “psycho fiction", La Ville au fond de l’œil. Très affecté par les ravages produits par le sida dans son entourage, il écrit Rivage des intouchables en 1990. Cet ouvrage marque le point culminant de sa carrière en science-fiction mais également un tournant qui le conduit vers la publication de deux romans de "littérature générale".
Dans les années 2000, cependant, une forme de merveilleux noir qui lui appartient en propre s’insinue peu à peu dans son œuvre, tandis que celle-ci s’organise en suivant sa propre logique sous la forme d’un cycle, Le Rêve du démiurge, qui comportera finalement neuf romans. Ce cycle, s’il commence dans un cadre à peu près réaliste, ne tarde pas à en rejeter les contraintes, en y introduisant des distorsions de plus en plus singulières. Ainsi, le surnaturel prend peu à peu le pouvoir dans un monde a priori identique au nôtre. Quand le dernier volume réalise une mise en abîme des huit précédents, en confrontant le double de l’auteur à ses propres personnages, l’ensemble apparaît comme une illustration parfaite de ce que celui-ci a appelé transfictions.
Après le choc provoqué en 1980 par La Lune noire d’Orion, space opera où Francis Berthelot s’affirme comme un défenseur farouche de la cause gay, l’homosexualité reste présente dans son œuvre, mais sans plus en constituer le sujet : elle y figure simplement comme un mode relationnel parmi d’autres. En revanche, d’autres thèmes entrevus dans ce premier roman vont revenir encore et encore à la manière de leitmotive, et se déployer sous diverses formes d’un ouvrage à l’autre :
- La tolérance et le respect des différences, quelles qu’elles soient ; et leur contraire, l’intégrisme et le despotisme, qu’ils sévissent à l’échelle d’un pays, d’une secte ou d’un lieu clos.
- L’importance de l’art, qu’il s’agisse de la musique, du chant, de la danse, du théâtre, de la peinture, de la littérature ou des disciplines du cirque. Son omniprésence est telle qu’il offre au quotidien un monde parallèle qui en met les contradictions en évidence, tout en se présentant à la fois comme fragile et comme salvateur.
- Les dérives du corps et de l’esprit, apparaissant tantôt sous la forme de diverses maladies (physiques ou mentales), tantôt sous la forme de pouvoirs prodigieux, mais qui apportent à leur possesseur autant de souffrance que de plaisir : maladie et pouvoir deviennent alors les deux faces d’une même médaille.
- Une spiritualité empreinte de bouddhisme, mais surtout axée sur la survivance des âmes, libres ou enfermées dans des corps étrangers, la frontière entre la mort et la vie obéissant à des règles mystérieuses, parfois détournées, à l’instar de celle qui sépare la réalité de la fiction.
Musique
En 2011, après avoir terminé Abîme du rêve, neuvième et dernier roman du cycle Le Rêve du démiurge, Francis Berthelot sent qu'il n'a plus rien à dire avec des mots, et que sa créativité doit désormais prendre un autre cours. Celui qui s'offre à lui est la musique : plus précisément la musique de ballet, narrative, descriptive, donnant lieu à un spectacle, que Tchaïkovski et Prokofiev lui ont révélée quand il avait douze ans et qu'il affectionne entre toutes.
L'usage d'un logiciel de composition complété par une banque de sons lui permet de donner à sa carrière cette nouvelle orientation. En quelques années, il compose ainsi quatre ballets "pour orchestre virtuel", comme on réalise des films "en images de synthèse". Chacun d'eux dure environ une heure et quart (durée d'un CD). Et tous reprennent ou développent les thèmes abordés dans son œuvre littéraire : le voyage dans le temps et la réflexion sur l'art pour L'Inaccessible (2012) adapté d'une de ses nouvelles, le merveilleux et la résurrection pour Kaël et Orian (2013), la création musicale et le mythe du vampire dans Le Sang du hautbois (2014), le gothique et la magie noire dans Le Chevalier obscur (2015). Grâce à l'aide du label-tremplin GDW, ces quatre œuvres ont été publiés en CD par Musea Records.
En 2016-2017, sous l'impulsion du chorégraphe Davy Brun, il compose deux ballets plus courts (environ vingt minutes), Azùn-Daar et Nathan et Selma, indépendants mais regroupés en un même album, De l'espoir à la nuit, également chez Musea.
Mais l'année 2017 est avant tout marquée par la perte de son compagnon de vingt ans, Marc Bernard, qu'il découvre mort le 19 avril au matin : un traumatisme si fort qu'il sombre dans un état dissociatif de plusieurs heures, suivi de deux années de dépression. Néanmoins, cette expérience lui fournit la matière d'un nouveau ballet, Le Seuil (2018), dans lequel il développe l'usage du synthétiseur pour décrire l'espace obscur situé entre le monde des vivants et celui des morts.
Le Seuil marque ainsi un tournant radical dans son approche de la musique. Plus proche désormais de Philip Glass que de Tchaïkovski, il compose avec des sonorités ne relevant plus de l'orchestre classique, et utilise diverses formes empruntées à la musique répétitive. De surcroît, avec son opus 8, Songes du Zodiaque (2021), il abandonne la musique "narrative" qu'il privilégiait jusque là .
À l'heure actuelle, Francis Berthelot est en négociation avec différentes compagnies de danse susceptibles de porter à la scène l'une ou l'autre de ses œuvres.
Ĺ’uvres
Cycle Le Rêve du démiurge
Romans indépendants
- La Lune noire d'Orion, 1980
- La Ville au fond de l'Ĺ“il, 1986
- Rivage des intouchables, 1990
- La Maison brisée, 1999
- Le Serpent Ă collerette, 2003
Nouvelles
- L'Os Ă©rectile, 1985
- Perplexités d'un visiteur mort, 1987
- Le Parc zoonirique, 1988
- Le Point de vue de la cafetière, 1988
- L'Homme de la Mer Morte, 1994
- Vers le dieu Iceberg, 1994
- Le Condamné à cinq dimensions, 1996
- Les Rhinocéros bleus, 1997
- Le Triton, 1998
- Les Camionneurs de Noël, 1998
- Implosion, 2001
- Mérélune, 2001
- La Gantière et l'équarrisseur, 2002
- Peinture de nuit, 2002
- La Nouvelle Alice ou les Bonheurs de l'impertinence, 2004
- Le CĹ“ur Ă trois temps, 2004
- Peter Paon et la fée Crochette, 2004
- Rire de verre, 2004
- Le Livre et le portail, 2005
- Mata Napari, 2005
- Le Cimetière des toucans, 2006
- La Symphonie inaccessible, 2006
- Le Questeur, 2007
- Au seuil de LoĂŻkermaa, 2009
- Bistocchio ou l'imparfait, 2021
Essais, guides et autres
Musiques de ballet
- L'Inaccessible, ballet en cinq tableaux, op. 1, 2015 (Musea, 1 CD, 2015)
- Kaël et Orian, ballet en trois actes, op. 2, 2018 (Musea, 1 CD, 2018)
- Le Sang du hautbois, op. 3, 2014 (Musea, 1 CD, 2019)
- De l'espoir Ă la nuit : AzĂąn-Daar, op 5, 2017 ; Nathan et Selma, op. 6, 2017 (Musea, 1 CD, 2018)
- Le Chevalier obscur, op. 4, 2015/2020 (Musea, 1 CD, 2020)
- Le Seuil, op. 7, 2020 (Musea, 1 CD, 2020)
- Songes du Zodiaque, op. 8, 2021 (Musea, 1 CD, 2022)
RĂ©compenses
- 1980 : prix de la science-fiction de Metz du meilleur roman pour La Lune noire d'Orion
- 1987 : prix Rosny aîné du meilleur roman pour La Ville au fond de l’œil
- 1991 : grand prix de l'Imaginaire du meilleur roman pour Rivage des intouchables
- 1995 : grand prix de l'Imaginaire du meilleur essai pour La métamorphose généralisée
- 2001 : grand prix de l'Imaginaire du meilleur roman pour la jeunesse pour La maison brisée
- 2004 : prix Masterton du meilleur roman français pour Nuit de colère
- 2004 : prix Masterton de la meilleure nouvelle française pour Le serpent à collerette
- 2005 : prix Masterton de la meilleure nouvelle pour Forêts secrètes
Références
- Francis Berthelot, Contribution à l'étude des mécanismes de reconnaissance des acides ribonucléiques de transfert en systèmes procaryotes et eucaryotes (thèse de doctorat en sciences naturelles), Université Paris VII, (présentation en ligne)
- « Francis BERTHELOT », Le Bélial' (consulté le )
Liens externes
- Ressources relatives à la littérature :
- Ressource relative au spectacle :
- Ressource relative Ă la recherche :
- Site officiel
- Entretien sur Vox-poetica
- Dossier sur le Rêve du démiurge