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Force obligatoire du contrat en France

En droit des obligations, la force obligatoire du contrat est l'un des effets provoquĂ©s par la formation d'un contrat. Elle Ă©tait anciennement Ă©tablie Ă  l'article 1134 du Code civil. Toutefois, depuis l'entrĂ©e en vigueur de la rĂ©forme du droit des contrats du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral et de la preuve des obligations portĂ©e par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 fĂ©vrier 2016 dont les dispositions sont entrĂ©es en vigueur le 1er octobre 2016, la force obligatoire des conventions trouve dĂ©sormais son assise Ă  l'article 1103 du Code civil. La formulation a peu changĂ© puisqu'en effet l'article 1103 dispose que "Les contrats lĂ©galement formĂ©s tiennent lieu de loi Ă  ceux qui les ont faits".

L'effet obligatoire du contrat entre les parties

Le fondement de la force obligatoire

Les parties sont tenues au contrat parce qu'elles ont voulu ce contrat en Ă©changeant leur consentement.

L'article 1194 du Code civil dispose que « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'aprÚs sa nature ».

Le dernier alinĂ©a de l'article 1104 prĂ©cise que les conventions « doivent ĂȘtre exĂ©cutĂ©es de bonne foi ».

Outre ces obligations codifiées, le juge a renforcé le contrat en imposant une obligation de loyauté et de coopération entre les parties.

La modification du contrat

Toute modification du contrat peut se faire de façon unilatérale mais nécessite l'accord des parties. Il existe néanmoins des clauses d'adaptation automatique :

  • La clause d'indexation module le prix Ă  payer de la chose en rĂ©fĂ©rence Ă  la valeur de tel produit ou de tel indice.
  • La clause de renĂ©gociation prĂ©voit l'obligation pour les parties de renĂ©gocier le contrat si des donnĂ©es essentielles Ă  son Ă©quilibre viennent Ă  changer. On parle aussi de clause de sauvegarde.

La révocation du contrat

Le contrat peut ĂȘtre rĂ©voquĂ© de deux façons :

  • Il peut s'agir d'un accord des parties, on parle alors de rĂ©siliation contractuelle. Le second alinĂ©a de l'article 1134 prĂ©voit ce type de rĂ©vocation puisqu'il dispose que les conventions ne peuvent ĂȘtre rĂ©voquĂ©es que du consentement mutuel des parties.
  • Il peut s'agir d'une manifestation unilatĂ©rale de la volontĂ© de rompre. Celle-ci peut se manifester par le biais d'une clause de rĂ©vocation originellement prĂ©vu au contrat. On parlera alors de rĂ©tractation unilatĂ©rale d'origine conventionnelle. Cette manifestation peut Ă©galement ĂȘtre provoquĂ©e par des causes lĂ©gales.

La rupture abusive du contrat engage la responsabilité contractuelle de son auteur.

L'effet obligatoire du contrat Ă  l'Ă©gard du juge

L'interprétation des contrats par le juge

Il appartient au juge du fond d'interpréter le contrat, c'est-à-dire de déterminer le sens et la portée des obligations, sauf à respecter la maxime : interpretatio cessat in claris. Le juge peut opérer deux types d'interprétation :

  1. une interprétation explicative : l'article 1156 du Code civil, si le contrat est obscur, ambigu et contradictoire, alors c'est au juge de rechercher l'exacte intention des parties.
  2. une interprétation créatrice : Au vu des articles 1134 (bonne foi, 3e alinéa) et 1135, le juge peut créer le contrat. En cela c'est bien plus qu'un forçage obligationnel du contrat, c'est un forçage direct du contrat.

La Cour de cassation aura comme seul rÎle de sanctionner les juges qui auraient dénaturé une clause claire.

Initialement un classique refus de la théorie de l'imprévision

L'imprĂ©vision est une thĂ©orie trĂšs ancienne remontant Ă  l'arrĂȘt du , Canal de Craponne. En l'espĂšce, il avait Ă©tĂ© demandĂ© au juge la modification d'une convention remontant Ă  1576 qui dĂ©finissait l'exploitation d'un canal. Celui-ci avait rĂ©pondu qu'aucune considĂ©ration de temps ou d'Ă©quitĂ© ne pouvait lui permettre de modifier la convention des parties. Si un contrat valablement formĂ© voit par la suite son Ă©quilibre Ă©conomique perturbĂ©, le juge ne peut de sa propre initiative en modifier les termes.

Face à ce principe de refus se sont dégagés trois tempéraments :

  • un tempĂ©rament conventionnel : les parties peuvent prĂ©voir des clauses de renĂ©gociation dans l'hypothĂšse de la survenance d'un dĂ©sĂ©quilibre Ă©conomique dans les prestations. Si la partie non lĂ©sĂ©e refuse de renĂ©gocier le contrat, alors sa responsabilitĂ© contractuelle sera engagĂ©e. Cette solution relativement rĂ©cente de la jurisprudence prend sa source dans le troisiĂšme alinĂ©a de l'article 1134 du Code civil (bonne foi).
  • des tempĂ©raments lĂ©gaux : la loi permet au juge de modifier le contrat, notamment les clauses pĂ©nales de ce contrat, clauses par lesquelles les parties conviennent dĂšs l'origine du montant des dommages et intĂ©rĂȘt en cas de mauvaise exĂ©cution du contrat. Selon l'article 1152 du Code civil, le juge peut modifier ce montant s'il est excessif ou dĂ©risoire.
  • un tempĂ©rament jurisprudentiel : depuis un arrĂȘt de 2004 (Civ. 1re 16 mars 2004, Commune de Cluses) rendu par la Cour de cassation, le juge se sert du troisiĂšme alinĂ©a de l'article 1134 (la bonne foi) afin d'imposer une renĂ©gociation au non lĂ©sĂ© qui pourra ĂȘtre obligĂ© de verser des dommages et intĂ©rĂȘts s'il refuse cette renĂ©gociation. NĂ©anmoins, cette jurisprudence doit ĂȘtre nuancĂ©e en ce que, si les ferments d'une admission gĂ©nĂ©ralisĂ©e de la renĂ©gociation existent, beaucoup d'Ă©lĂ©ments justifiant le refus d'une gĂ©nĂ©ralisation de la renĂ©gociation demeurent.

En droit administratif au contraire, le juge peut se substituer aux parties en cas de bouleversement Ă©conomique du contrat depuis l'arrĂȘt Compagnie gĂ©nĂ©rale d'Ă©clairage de Bordeaux[1].

Le droit positif : la théorie de l'imprévision consacrée

NĂ©anmoins, Ă  la suite de la rĂ©forme du droit des contrats, rĂ©formant le Code civil et entrĂ©e en vigueur le 1er octobre 2016, la thĂ©orie de l'imprĂ©vision, Ă  l'instar du droit administratif a Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă  l'article 1195 du Code civil. C'est un vĂ©ritable changement dans la conception de la force obligatoire des contrats, car les parties peuvent Ă  prĂ©sent modifier le contrat Ă  la suite de la survenance d'un Ă©vĂ©nement imprĂ©visible Ă  la conclusion du contrat survenu lors de son rĂ©duction et rendant cette derniĂšre extrĂȘmement difficile Ă  exĂ©cuter.

Ce nouvel article 1195 valide une jurisprudence (Cass Com, du 29 juin 2010). Il permet à une partie, dans le cadre d'un contrat à exécution successive, de demander à l'autre une renégociation du contrat à trois conditions :

  • un changement de circonstances "imprĂ©visible"
  • ce changement doit rendre l'exĂ©cution "excessivement onĂ©reuse" pour une partie
  • cette partie "n'avait pas acceptĂ© d'en assurer le risque"

La partie sollicitée pour renégocier peut accepter ou refuser :

  • si elle accepte, la partie qui a sollicitĂ© la renĂ©gociation continue Ă  exĂ©cuter ses obligations pendant la renĂ©gociation;
  • si elle refuse ou si la renĂ©gociation se solde par un Ă©chec :
    1. les parties peuvent convenir de la résolution du contrat ou,
    2. d'un commun accord, demander au juge de procĂ©der Ă  l’adaptation du contrat.
    3. À dĂ©faut d'accord, dans un dĂ©lai raisonnable, une partie peut demander au juge de rĂ©viser le contrat ou d'y mettre fin Ă  la date et aux conditions qu'il fixe.

Ce texte est supplétif de volonté : les parties peuvent accepter par avance de supporter les conséquences des déséquilibres qui peuvent survenir au cours de l'exécution du contrat.

Cet Ă©vĂ©nement n'est cependant pas un cas de force majeure car s'il rend trĂšs difficile l’exĂ©cution du contrat, cette obligation reste toujours possible.

Notes et références

Voir aussi

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