Fonction affine par morceaux
En mathématiques, une fonction affine par morceaux est une fonction définie sur une réunion d'intervalles réels et dont la restriction à chacun de ces intervalles est donnée par une expression affine. Sa courbe représentative est alors constituée de segments de droite (éventuellement privés de leurs extrémités) et de points isolés. Une telle fonction n'est en effet pas nécessairement continue.
Les fonctions affines par morceaux permettent de représenter une suite de déplacements à vitesse constante le long d'un axe en fonction du temps, mais aussi certains signaux électriques comme le signal carré ou en dents de scie.
Plus gĂ©nĂ©ralement, ces fonctions prĂ©sentent un intĂ©rĂȘt majeur de se prĂȘter facilement aux calculs tout en approchant n'importe quelle fonction continue. Elles sont donc trĂšs utiles en analyse numĂ©rique, par exemple dans le calcul numĂ©rique d'une intĂ©grale. Mais elles sont aussi utilisĂ©es en pratique lorsqu'il n'existe pas de formulation simple valable sur tout le domaine de valeurs considĂ©rĂ©, comme dans le mode de calcul de l'impĂŽt sur le revenu en France Ă partir du quotient familial.
Exemples
La fonction valeur absolue est une fonction affine par morceaux dĂ©finie sur â par :
- |x|= -x si x < 0
- |x|= x si x â„ 0
De mĂȘme, la fonction dĂ©finie par f(x)= |x - 3| + 2|x + 5| est une fonction affine par morceaux ainsi que la fonction partie entiĂšre de x, non seulement affine par morceaux mais constante par morceaux.
On peut Ă©galement citer la fonction partie fractionnaire et la fonction de Heaviside comme exemples de fonctions affines par morceaux.
Continuité
Un des problĂšmes posĂ© par la construction dâune fonction affine par morceaux est la prĂ©sence ou non de saut. Si les segments de droites sont jointifs, la reprĂ©sentation graphique forme une ligne polygonale. Une petite variation sur la variable entraine une petite variation sur f(x). Câest lâapproche intuitive de ce que lâon appelle en mathĂ©matique la continuitĂ©.
Exemple : la premiÚre fonction donnée était définie par :
Elle est bien continue en 3 car, si x sâapproche de 3 en restant infĂ©rieur Ă 3, alors la valeur de f(x) sâapproche de 6 (= 2 Ă 3) et quand x sâapproche de 3 par valeur supĂ©rieure la valeur de f(x) sâapproche de 6 (= 9 - 3).
En revanche, elle nâest pas continue en 7, car si x sâapproche de 7 en restant infĂ©rieur Ă 7, alors f(x) sâapproche de 2, tandis que si x sâapproche de 7 en restant supĂ©rieur Ă 7, alors f(x) sâapproche de 5.
Un exemple : la courbe dâimposition
Cet exemple est tirĂ© de l'impĂŽt sur le revenu des personnes physiques en France en 2006 qui donne le montant de lâimpĂŽt en fonction du quotient familial (revenu annuel aprĂšs dĂ©duction divisĂ© par nombre de part). Pour simplifier, on prendra comme exemple un cĂ©libataire (nombre de part = 1). Si le revenu est R, alors l'impĂŽt I est calculĂ© par :
- si R < 4412 alors I = 0
- si R [4412 ; 8677] alors I = R Ă 0,0683 - 301,84
- si R ]8677 ; 15274] alors I = R Ă 0,1914 - 1369,48
- si R ]15274 ; 24731] alors I = R Ă 0,2826 - 2762,47
- si R ]24731 ; 40241] alors I = R Ă 0,3738 - 5017,93
- si R ]40241 ; 49624] alors I = R Ă 0,4262 - 7126,56
- si R > 49624 alors I = R Ă 0,4809 - 9841
Ceci représente une fonction affine par morceaux. Changer de tranche, c'est changer de fonction affine. Le taux d'imposition y est plus élevé. Est-ce pour autant que le changement entraine un saut significatif dans l'impÎt ?
Un rapide calcul pour un revenu de 15273 et un revenu de 15275 euros (changement de tranche) donne, pour le premier cas, un impÎt de 1553,77 euros et, dans le second cas, un impÎt de 1554,25 euros soit moins de 48 centimes d'euros pour une augmentation de revenu de 2 euros. Il n'y a donc pas de saut, la fonction I est continue. On peut vérifier cette propriété pour le passage de chaque tranche. C'est l'objectif de la constante soustractive ajoutée dans chaque fonction affine. L'impression subjective de discontinuité provient du fait que le taux change brusquement : la pente de la droite change brusquement créant un point anguleux. On dit que la fonction n'est pas dérivable.
Une deuxiÚme idée couramment répandue est que le saut de tranche peut entraßner une perte de revenu réel. Si le revenu réel correspond au revenu aprÚs déduction auquel on Îte les impÎts, on a R' = R - I et R' reste en fait une fonction continue de R. C'est de nouveau une fonction affine par morceaux dont l'expression est :
- Si R < 4412 alors R' = R
- Si R [4412 ; 8677] alors R' = R Ă 0,9317 + 301,84
- Si R ]8677 ; 15274] alors R' = R Ă 0,8086 + 1369,48
- Si R ]15274 ; 24731] alors R' = R Ă 0,7174 + 2762,47
- Si R ]24731 ; 40241] alors R' = R Ă 0,6262 + 5017,93
- Si R ]40241 ; 49624] alors R' = R Ă 0,5738 + 7126,56
- Si R > 49624 alors R' = R Ă 0,5191 + 9841
Les pentes de tous les segments de droites ou demi-droites sont positives et la fonction R' est continue donc elle est aussi une fonction croissante : plus on gagne d'argent, plus il en reste aprĂšs impĂŽts.
Approximation de fonction
Une méthode courante utilisée pour les calculs numériques de fonctions (continues ou non) est de s'en donner une approximation affine par morceaux. C'est ce qui est à la base des calculs par la méthode des éléments finis d'ordre 1, et de la méthode de calcul intégral par la méthode des trapÚzes.
Pour approcher une fonction f sur un intervalle [a , b] par une fonction affine par morceaux, on prend plusieurs points de l'intervalle a = x0 < x1 < ... < xn = b, et de poser :