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Focusing

Le focusing est une approche psychothĂ©rapeutique, crĂ©Ă©e par le philosophe amĂ©ricain Eugene Gendlin (en), et rattachĂ©e au courant de la psychologie humaniste. La dĂ©marche se caractĂ©rise par une attention particuliĂšre portĂ©e aux ressentis corporels (d’oĂč le terme « focus » – focaliser) comme un moyen de comprĂ©hension des situations vĂ©cues, permettant Ă  la personne de dĂ©velopper des rĂ©ponses personnelles adaptĂ©es aux difficultĂ©s rencontrĂ©es. Le focusing est dĂ©rivĂ© de l’Approche centrĂ©e sur la personne dĂ©veloppĂ©e par Carl Rogers, dont Eugene Gendlin a Ă©tĂ© un proche collaborateur pendant prĂšs de onze ans.

DĂ©marche

Ce procĂ©dĂ© a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par Eugene Gendlin (en), psychologue et philosophe amĂ©ricain, dans le but de faciliter pour la personne un fonctionnement efficace, bĂ©nĂ©fique, crĂ©atif. Cette dĂ©marche nous apprend Ă  cultiver une certaine attitude intĂ©rieure faite d’écoute bienveillante et de prĂ©sence Ă  ce qui est, afin d’apprĂ©hender nos problĂšmes autrement et mettre en place des conditions favorables pour l’émergence de perspectives nouvelles. Cette dĂ©marche est soutenue par une vision humaniste de l’homme[1].

La dĂ©marche propose de se mettre Ă  l’écoute de soi, plus prĂ©cisĂ©ment Ă  l’écoute d’une sensation corporelle plutĂŽt vague au dĂ©part, mais concrĂštement ressentie. Cette sensation (appelĂ©e « sens corporel ») dĂ©livre des informations prĂ©cises sur ce que nous vivons. En effet, nous avons une expĂ©rience corporellement ressentie des situations que nous vivons – selon les circonstances, nous nous sentons lĂ©gers, serrĂ©s, lourds, entravĂ©s, plein d’entrain
. Ces impressions sont chargĂ©es de significations que nous laissons habituellement dans l’ombre. Le focusing vise Ă  renouer avec ces impressions globales pour les amener Ă  se prĂ©ciser (comme on ajusterait le « focus » de l’appareil photo). Elles vont nous fournir des renseignements prĂ©cieux sur nous-mĂȘmes, nous apprendre Ă  se fier Ă  notre « boussole intĂ©rieure » pour se guider dans l’existence, et, selon les partisans de cette approche, d’établir des rapports plus justes et plus harmonieux avec soi, les autres et le monde[1].

Champ d'application

Le focusing couvre différents champs et répond à différents objectifs.

Il peut ĂȘtre appliquĂ© comme mĂ©thode psychothĂ©rapeutique. Issu de la tradition « CentrĂ©e sur la Personne » de Carl Rogers, il fait partie des approches humaniste expĂ©rientielles et donne lieu Ă  des approches thĂ©rapeutiques spĂ©cifiques[2]. Il peut ĂȘtre associĂ© et intĂ©grĂ© Ă  diffĂ©rentes pratiques mĂ©dico-psycho-sociales permettant une meilleure Ă©coute et une rĂ©elle qualitĂ© relationnelle. Il peut ĂȘtre utilisĂ© Ă©galement comme une dĂ©marche personnelle pour mettre l’accent sur une harmonie interne, au service du bien-ĂȘtre, du dĂ©veloppement des compĂ©tences et d’une communication meilleure[1].

Origines

Il faut remonter aux annĂ©es 1960 pour trouver les premiers travaux qui allaient conduire au focusing. Ces travaux ont Ă©tĂ© menĂ©s aux États-Unis par EugĂšne Gendlin, psychologue, philosophe et chercheur Ă  l’universitĂ© de Chicago. DĂšs 1952, Gendlin avait rejoint Carl Rogers et son Ă©quipe pour s’y former Ă  la psychothĂ©rapie. Mais il cherchait plus prĂ©cisĂ©ment Ă  Ă©tudier l’articulation concept/expĂ©rience, Ă  savoir, « comment fonctionne notre expĂ©rience vivante (experiencing ou expĂ©rience immĂ©diate en train de se dĂ©rouler) dans nos activitĂ©s cognitives et sociales ». Il pensa donc que la psychothĂ©rapie Ă©tait un domaine tout indiquĂ© pour se livrer Ă  ce genre de recherches[3].

En Ă©tudiant des centaines d’heures de thĂ©rapies, il mit en Ă©vidence que le succĂšs de la thĂ©rapie corrĂ©lait peu avec la technique du thĂ©rapeute, ou avec le contenu de ce qu’exprimait le client. Il put ainsi bientĂŽt prĂ©dire le bon avancement d'une thĂ©rapie dĂšs le premier ou second entretien en repĂ©rant comment le patient s’y prenait avec lui-mĂȘme[3].

Si le succĂšs appartient en premier lieu au client, une question surgit aussitĂŽt : « que font de particulier ces personnes qui rĂ©ussissent en thĂ©rapie ? ». S’il est possible de repĂ©rer le procĂ©dĂ© qui facilite le processus thĂ©rapeutique, il devient envisageable de l’apprendre et de l’enseigner au client qui ne le fait pas spontanĂ©ment afin d’optimiser son parcours thĂ©rapeutique. C’est ce Ă  quoi rĂ©pond le focusing. Que fait donc de particulier le client qui progresse en thĂ©rapie ? Durant la sĂ©ance, le client « prĂ©disposĂ© » s’interrompt de parler Ă  certains moments, comme absorbĂ© par quelque chose qui se dĂ©roule Ă  l’intĂ©rieur de lui-mĂȘme, avant de reprendre la parole. Mais il ne se contente pas de rĂ©flĂ©chir Ă  ce qu’il vient de dire ou de laisser son esprit associer librement. Il semble alors qu’il tente de saisir quelque chose en amont du discours porteur d’un sens Ă  venir. En regardant de plus prĂšs, il essaie de donner forme Ă  une impression encore vague, difficilement saisissable mais concrĂštement ressentie dans l’expĂ©rience immĂ©diate. Au lieu d’en faire l’analyse, de l’interprĂ©ter ou de l’ignorer, il explore ce « feeling » vague, dont le sens implicite n’est pas encore Ă©laborĂ©. Cette impression qui incarne ce qu’il vit, lui sert de rĂ©fĂ©rent pour asseoir son discours. Il progresse Ă  partir de lĂ , cherchant Ă  tirer de nouvelles informations de ce qu’il Ă©prouve indistinctement.

Gendlin ne se contenta pas de dĂ©crire ce processus qu’il observait en thĂ©rapie. Une fois ce processus repĂ©rĂ©, il dĂ©veloppa une mĂ©thode claire et subtile pour enseigner ce procĂ©dĂ© naturel dotĂ© d’un pouvoir de changement et de transformation Ă©tonnant. Il l’appela « Focusing ».

Le cadre relationnel dans lequel se dĂ©roule l’entretien d’une thĂ©rapie d’orientation focusing s’appuie sur les attitudes dĂ©veloppĂ©es par Carl Rogers (Approche centrĂ©e sur la personne) : succinctement, il s’agit de mettre en place les attitudes d’écoute empathique, de non-jugement vis-Ă -vis de la pensĂ©e et de l’expĂ©rience vĂ©cue du client (regard positif inconditionnel), de congruence (le thĂ©rapeute de son cĂŽtĂ© et par rapport Ă  lui-mĂȘme pratique cette Ă©coute et ce non-jugement afin d’ĂȘtre au plus juste dans sa relation au client). Ces attitudes permettent au client un contact plus direct avec ce qui se dĂ©roule en lui. Elles ouvrent le champ au processus de focusing qui consiste succinctement Ă  garder un contact direct avec l’expĂ©rience immĂ©diate pour en tirer de nouvelles perceptions, de nouvelles pensĂ©es, de nouveaux modes de reprĂ©sentation et d’apprĂ©hension de la rĂ©alitĂ©. Il revient au thĂ©rapeute d’aider son client Ă  rester proche de cette dimension expĂ©rientielle, encore peu dĂ©finie mais porteuse de sens. En se rĂ©fĂ©rent Ă  ce « feeling » de base (« rĂ©fĂ©rence directe » de Gendlin) pour former son discours, le client va dans le sens d’un (rĂ©)accordage interne et trouve Ă  se positionner de maniĂšre plus pertinente. L’accĂšs Ă  une telle connaissance (qui, au dĂ©part, se situe dans une dimension implicite) est susceptible de remodeler et rĂ©organiser le champ perceptuel et reprĂ©sentationnel dĂšs lors qu’elle devient explicite. En effet ce sont la plupart du temps des reprĂ©sentations limitantes et des systĂšmes de pensĂ©e figĂ©s qui donnent lieu Ă  des fonctionnements et comportements inadĂ©quats souvent douloureux. Dans toute dĂ©marche thĂ©rapeutique, il s’agit de leur permettre de changer. Le changement passe ici par la rĂ©fĂ©rence interne Ă  une dimension implicite et significative de l’expĂ©rience vĂ©cue. Le processus de focusing progresse ainsi, allant de ce qui est dĂ©jĂ  Ă©laborĂ© (je que je crois savoir et ne cesse de me dire Ă  propos de
) Ă  une dimension implicite plus vague mais plus vaste (ce que je sens vaguement Ă  ce sujet), pour laisser venir, Ă  partir de l’implicite, une nouvelle Ă©laboration, porteuse d’une cohĂ©rence nouvelle (comment, tout Ă  coup, je perçois les choses autrement).

La voie royale vers l’implicite est le « corps », non le corps purement physique, mais le corps d’avant la sĂ©paration corps-psychisme. Le focusing, apprend Ă  se mettre Ă  l’écoute d’une dimension ressentie corporellement Ă  travers ce que Gendlin a dĂ©nommĂ© « bodily felt sense » (traduit par « sens corporel »). Le sens corporel est ce que nous ressentons Ă  propos d’une situation. Il s’inscrit dans la dimension implicite de l’organisme et de l’expĂ©rience immĂ©diate. Il est signifiant, c'est-Ă -dire qu’il dĂ©tient des significations qui, dĂšs lors qu’elles passent Ă  l’évidence (l’explicite), rĂ©organisent le champ perceptuel et modifient le rapport aux ĂȘtres et aux choses. Ce « sens corporel » se donne initialement comme une impression floue, vague, difficilement saisissable car teintĂ© du non encore dĂ©fini. Cette impression vient Ă  se prĂ©ciser du fait mĂȘme de l’attention qu’on lui porte. Cette mĂȘme attention sans tension, tournĂ©e vers le sens corporel, va permettre le passage Ă  l’explicite en laissant venir l’information nouvelle sans qu’interfĂšrent les processus mentaux habituels. Il n’est donc pas question de faire des commentaires sur ce qui est ressenti dans l’expĂ©rience, de l’analyser, de l’interprĂ©ter mais au contraire de laisser se dĂ©plier ce qui est impliquĂ© dans ce flou de dĂ©part. Une telle attitude est loin d’ĂȘtre conforme Ă  ce que nous pratiquons habituellement, enclins que nous sommes Ă  nous emparer de ce qui se prĂ©sente pour lui appliquer nos grilles d’analyse et nos rĂ©fĂ©rences apprises. Au cours du focusing, il s’agit au contraire de nous dĂ©pouiller de nos connaissances a priori pour nous ouvrir Ă  quelque chose de neuf, enfoui dans un savoir plus primordial au sein duquel sont intriquĂ©es une multitude de donnĂ©es issues de nos expĂ©riences in situ. Si le sens corporel est toujours donnĂ© au prĂ©sent – nous vivons les situations et les relations dans notre corps – il dĂ©tient, de maniĂšre imbriquĂ©e, aussi bien ce qui vient du passĂ© (nos mĂ©moires ancestrales, archaĂŻques, nos blessures, nos peurs, nos schĂ©mas de fonctionnements et de penser) que l’implication qui en dĂ©coule, le dĂ©veloppement ultĂ©rieur d’une nouvelle organisation.

Le passage de l’implicite Ă  l’explicite, sous-tendu par l’implication contenue dans l’implicite, se fait par l’émergence d’informations « impliĂ©es » (impliquĂ©es et repliĂ©es) dans le sens corporel. Par exemple, si, Ă  l’évocation d’une situation, mon sens corporel est d’ĂȘtre oppressĂ© (compte tenu de diffĂ©rents paramĂštres pas forcĂ©ment repĂ©rables a priori), l’implication qui en dĂ©coule va probablement ĂȘtre de me dĂ©gager et de me libĂ©rer – or il se trouve que cette sensation d’oppression (sens corporel) contient des indications susceptibles d’aller dans le sens de cette libĂ©ration en me montrant comment m’y prendre pour y parvenir.

Selon Gendlin, le sens corporel supporte le processus de changement en permettant que se rĂ©vĂšle ce qui est implicitement signifiant pour la personne. Le processus d’émergence rĂ©organise les donnĂ©es dans le sens d’une plus grande harmonisation et d’un meilleur relationnel.

Le focusing s’appuie sur une philosophie qui rend compte de la « rĂ©alitĂ© » Ă  partir d’un modĂšle processuel que Gendlin situe « au-delĂ  du post modernisme », avec de nouvelles dĂ©finitions concernant le corps, les situations, le langage, le temps, etc. L’idĂ©e directrice est que le focusing permet l’accĂšs Ă  une globalitĂ© (donnĂ©e par le sens corporel et/ou reprĂ©sentĂ© par l’image mĂ©taphorique) plutĂŽt qu’à des Ă©lĂ©ments disjoints que l’on tente de faire coĂŻncider ensemble. Cette globalitĂ©, au niveau de la personne, se prĂ©sente comme un flux en rĂ©organisation permanente Ă  partir de modifications incessantes, inhĂ©rentes Ă  l’évolution des situations - externe et interne confondus. Par l’accĂšs Ă  l’unitĂ© sous-jacente, le focusing prĂ©sente l’avantage de sortir d’une vision conflictuelle, basĂ©e sur une lutte d’antagonismes. L’unitĂ© porte en elle-mĂȘme une implication (tous les Ă©lĂ©ments intriquĂ©s dans cette complexitĂ©) qui a sa propre direction et, de la sorte, fait progresser et se dĂ©velopper le processus de changement (« carrying forward »).

Étapes

Gendlin a dĂ©crit ce procĂ©dĂ© en six Ă©tapes qui en facilitent la mise en Ɠuvre[4].

Six Ă©tapes

  • Prendre de la distance : c’est une Ă©tape prĂ©alable pour crĂ©er les conditions propices Ă  l’exploration[4]
  • Laisser venir le sens corporel Ă  propos de la situation Ă©voquĂ©e : quand le client Ă©voque telle situation ou lorsque le thĂ©rapeute lui renvoie telle chose, quelle est l’impression globale qui se dĂ©gage en lui ?[4]
  • DĂ©finir le sens corporel par la « prise ». Il s’agit de donner des contours plus prĂ©cis Ă  quelque chose qui, au dĂ©part, est vague. Par exemple, si le sens corporel est un « certain malaise » (sentiment vague s’il en est), la « prise » peut ĂȘtre un sentiment d’étouffement, un nƓud trĂšs serrĂ© sur la gauche de l’estomac, ce que le client ressentait chaque fois qu’il rencontrait une certaine personne, l’impression de buter devant un mur, etc. La « prise » du sens corporel se donne souvent sous forme d’image ou de mĂ©taphore.
  • Laisser rĂ©sonner le sens corporel : il s’agit de rester en contact avec le sens corporel en Ă©coutant sa rĂ©sonance. C’est une maniĂšre d’accueillir ce qu'il vĂ©hicule. Si l’on reprend le sentiment d’étouffement, il peut devenir un poids, et le poids, une sorte de ventouse qui colle Ă  la peau et dont on voudrait se dĂ©gager. À ce stade il faut Ă©viter d’appliquer une grille d’analyse ou une procĂ©dure prĂ©existante, mais plutĂŽt suivre la logique interne qui conduira au dĂ©nouement.
  • Interroger le sens corporel : cette impression du dĂ©part (sens corporel) maintenant mieux dĂ©finie (la prise) est Ă  mĂȘme de rĂ©vĂ©ler des significations contenues implicitement. Avec l’exemple prĂ©cĂ©dent, la personne peut s’interroger sur cette ventouse : qu’est-ce qu’elle a affaire avec la situation Ă©voquĂ©e ? Il est important de laisser venir toute idĂ©e qui se prĂ©sente afin de l’examiner en rĂ©fĂ©rence au sens corporel. La rĂ©ponse est Ă  Ă©couter Ă  partir du sens corporel en Ă©vitant d’interprĂ©ter. Le retentissement sur le sens corporel est significatif du changement qui s’opĂšre. La suite pourrait ĂȘtre : « lĂ , je repense Ă  telle personne qui me mettait toujours la pression attendant que je rĂ©ponde Ă  son appel
. Il faut vraiment que je m’éloigne de cette personne, que je prenne du recul, que je me dĂ©gage de son emprise. » La plupart du temps un changement corporel se produit qui va dans le sens d’un relĂąchement des tensions. La nouvelle perception est ainsi confirmĂ©e et la situation est dĂ©vĂ©rouillĂ©e[4].
  • Prendre le temps d’accueillir les nouvelles perceptions, et d’en dĂ©velopper les prolongements dans le concret de l’existence (comportements Ă  rĂ©ajuster, etc.). La mise en application dans le concret de l’existence, est facilitĂ©e du fait de la connexion de la reprĂ©sentation nouvelle Ă  l’expĂ©rience corporelle – Ă  la diffĂ©rence d’une simple idĂ©e « je savais bien qu’il fallait que je prenne du recul », insuffisante Ă  provoquer le changement[4].

Le procĂ©dĂ© dĂ©crit par Gendlin se complexifie souvent dans l’application, mais il sert de repĂ©rage : l’axe directeur Ă©tant de se rĂ©fĂ©rer au « sens corporel » pour ajuster toute Ă©laboration et rĂ©ciproquement de soumettre toute reprĂ©sentation Ă  l’évaluation sensible du sens corporel[4].

Extrait d'entretien Ă  titre d'exemple

Évoquant un problĂšme de couple et les Ă©changes tendus avec son mari, une cliente voit grandir en elle une tension (amorce du sens corporel).

Elle va utiliser son « sens corporel » comme rĂ©fĂ©rent pour envisager diffĂ©rentes solutions jusqu’à trouver celle qui lui convient.

- T. Pourriez-vous préciser ce que vous ressentez ?

- C. Je sens mon bras se « paralyser » et mon poing se refermer (« prise » du sens corporel). On dirait que cette main et ce bras ont « choisi » de se retrancher en ne vivant plus.

- T. Votre main et votre bras renoncent à vivre
 Est-ce que vous voulez dire que vous aussi vous renoncez ?

- C. Des fois c’est ce que j’ai envie de faire. Mais je sais qu’il faut que je trouve une solution.

- T. Prenez le temps de demeurer avec ce qui se passe dans votre bras (importance de ramener le client à la dimension expérientielle) ?

- C. Il me vient l’idĂ©e de partir. Partir ? Mais je ne le ferai pas, c’est inconcevable pour moi. D’ailleurs ma main ne rĂ©agit pas Ă  cette idĂ©e. Au contraire, elle est encore plus serrĂ©e.

- T. Vous ne prendrez jamais la décision de partir et, pour ainsi dire, votre main le confirme.

- C. Je ne sais pas ce que l’avenir me rĂ©serve, mais
 Oh ! ça devient trĂšs inconfortable dans mon bras, je ne peux pas rester ainsi. La circulation est complĂštement comprimĂ©e (sens corporel plus intense).

- T. Il faut que vous trouviez comment amĂ©liorer la situation. À l’écoute de votre bras qu’est-ce qui vous viendrait Ă  l’esprit ?

- C. Je ne sais pas
 Il y a moi aussi. Tout Ă  coup j’ai l’idĂ©e que
 c’est Ă  moi aussi de changer. Au lieu de vouloir le changer, il faut que je change moi. (AussitĂŽt sa main s’ouvre) C’est Ă©tonnant. Mais c’est bien ça, il faut que je travaille sur moi, sur mon agressivité il faut que je change ma maniĂšre de lui rĂ©pondre. Je l’aime, j’ai beaucoup de sentiments pour lui au fond.

Il est possible de repĂ©rer dans ce passage combien la personne se sert du sens corporel comme « mĂ©diateur », comme lieu de rĂ©fĂ©rence Ă  partir duquel elle « teste » les pistes qui s’offrent Ă  elle.

Quelle place réserver au focusing ?

Le focusing ne se veut pas rĂ©servĂ© Ă  quelques initiĂ©s, Ă  ceux qui spontanĂ©ment le pratiquent comme le font les crĂ©ateurs, les gĂ©nies (qui suivent ce qu’on appelle leur intuition), Ă  ceux qui ont du « flair » et aux personnes prĂ©disposĂ©es Ă  suspendre leur rĂ©flexion pour Ă©couter cette dimension ressentie, repĂ©rable corporellement, mais encore peu dĂ©finie. La dĂ©marche du focusing s’inscrit au dĂ©part dans la perspective humaniste de Carl Rogers. Celui-ci a insistĂ© sur les potentialitĂ©s de chacun, et les capacitĂ©s de chacun Ă  trouver les rĂ©ponses qui vont dans le sens d'une amĂ©lioration de son bien-ĂȘtre et d’un meilleur relationnel.

Le focusing est une dĂ©marche thĂ©rapeutique qui a pour but de permettre d’avoir accĂšs Ă  ses repĂšres internes, en apprenant Ă  percevoir et Ă©couter ce qui Ă©merge, Ă  travers des indices corporels. Ce que le petit enfant fait instinctivement en se fiant Ă  ce qui se produit en lui – dans le sens oĂč son comportement est le prolongement direct de ce qu’il vit organiquement dans son contexte situationnel - l’adulte, lui, doit le rĂ©apprendre avec un niveau de conscience diffĂ©rent. La dĂ©marche du focusing est au centre d’une dĂ©marche d’appropriation de soi par l’autorĂ©fĂ©rence, dans ce sens elle peut s’inscrire au cƓur de la dĂ©marche psychothĂ©rapeutique. Le focusing a de nombreuses applications. S’il trouve sa pertinence dans une dĂ©marche d’aide, de consultation ou de thĂ©rapie, il peut avoir aussi sa place dans la vie quotidienne comme dĂ©marche de mieux-ĂȘtre. Ses promoteurs pensent que cette approche peut ĂȘtre utile par exemple pour rĂ©duire le stress, et l’anxiĂ©tĂ©, et qu'elle peut faciliter les prises de dĂ©cision aussi bien qu’un positionnement adĂ©quat.

Pour autant, il existe d'autres processus de changements que le focusing, dans les approches centrĂ©es sur la personne, dont le travail sur l'acceptation de soi, et sur la confiance en soi, qui peuvent ĂȘtre dĂ©terminantes dans un meilleur bien-ĂȘtre gĂ©nĂ©ral[2].

Notes et références

  1. Lamboy 2009.
  2. Temaner-Brodley 2008, Approche Centrée sur la Personne. Pratique et recherche.
  3. Bellisa 2014, Introduction.
  4. Bellisa 2014, Chapitre 2 Le processus de centrage en 6 Ă©tapes.

Voir aussi

Publications d'EugÚne Gendlin sur la démarche

  • 1964 : Une thĂ©orie du changement de la personnalitĂ© (environ 50 pages librement tĂ©lĂ©chargeables), traduction de A Theory of Personality Change, New-York
  • 1981 : Focusing, New York, Bantam books
  • 1997 : Experiencing and the Creation of Meaning, Evanston, Northwestern University Press
  • 1999 : « A new model », Journal of Consciousness Studies, vol. 6, 2⁄3
  • 1996 : Focusing oriented psychotherapy, New York, Guilford Press
  • 1997 : A Process model, universitĂ© de Chicago
  • 2007 : « Ce qui est primordial, c'est la prĂ©sence humaine. », Approche CentrĂ©e sur la Personne. Pratique et recherche 2/2007 (no 6), p. 32-33, lire en ligne, traduction de N. Rudigoz.

Bibliographie

  • (en) Ann Weiser Cornell, The Power of Focusing : A Practical Guide to Emotional Self-healing, Oakland, New Harbinger Publications, , 113 p. (ISBN 1-57224-044-X).
  • Mony ElkaĂŻm, À quel psy se vouer ? Psychanalyses, psychothĂ©rapies : les principales approches, Le Seuil, .
  • Barbara Temaner-Brodley, « RĂŽle du focusing dans la thĂ©rapie centrĂ©e sur la personne », Approche CentrĂ©e sur la Personne. Pratique et recherche, vol. 1, no 7,‎ , p. 79-91 (DOI 10.3917/acp.007.0079, lire en ligne).
  • Bernadette Lamboy, Trouver les bonnes solutions par le focusing, Le Souffle d'Or, .
  • BĂ©atrice Bellisa, Le Focusing : Voir clair en soi, Éditions Jouvence, .
  • (en) Greg Madisson (prĂ©f. Mary Hendricks-Gendlin), Emerging practice in focusing-oriented psychotherapy : innovative theory and applications, Jessica Kingsley Publishers, .
  • (en) Greg Madison (prĂ©f. Eugene Gendlin), Theory and practice of focusing-oriented psychotherapy : beyond the talking cure, Jessica Kingsley Publishers, .

Liens externes

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