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Euthanasie en Suisse

L’euthanasie en Suisse est lĂ©galement autorisĂ©e sous conditions dĂ©finies par la loi.

Les autorités fédérales de la Confédération suisse résument la situation de la maniÚre suivante[1] :

« En Suisse, l'assistance au suicide n'est pas punissable, pour autant qu'elle ne rĂ©ponde pas Ă  un mobile Ă©goĂŻste. Cette rĂ©glementation libĂ©rale permet Ă  la fois de protĂ©ger la vie humaine et de respecter la volontĂ© des personnes souhaitant mettre fin Ă  leurs jours. La Suisse se distingue, sur ce plan, des pays qui l'entourent, ce qui a entraĂźnĂ© l'apparition du phĂ©nomĂšne dit du « tourisme de la mort[2] », avec ses consĂ©quences indĂ©sirables. Il reste Ă  savoir si ces deux formes d'euthanasie doivent ĂȘtre rĂ©glĂ©es expressĂ©ment au niveau de la loi. En revanche, il ne fait pas de doute que l’euthanasie active directe (homicide intentionnel visant Ă  abrĂ©ger les souffrances d’une personne) doit rester punissable dans tous les cas. »

Euthanasie prévue par la loi

La loi suisse n'autorise jamais explicitement l'euthanasie mais cherche Ă  protĂ©ger les individus de « fausse euthanasie Â».

L'expression « euthanasie Â» (gr : Î”áœÎžÎ±ÎœÎ±ÏƒÎŻÎ± : Δᜐ-, « bonne Â», ÎžÎŹÎœÎ±Ï„ÎżÏ‚, « mort Â») dĂ©signe originellement l'acte mettant fin Ă  la vie d'une autre personne pour lui Ă©viter l'agonie[3], mais la difficultĂ© est de dĂ©terminer qui doit dĂ©finir l'agonie. Par intĂ©rĂȘt personnel, une personne peut ĂȘtre tentĂ©e d'assassiner un individu et cacher son crime sous l'apparence d'une euthanasie.

La loi suisse considĂšre donc par principe qu'il s'agit d'un homicide attĂ©nuĂ©. Ainsi, l'homicide intentionnel dans le but d’abrĂ©ger les souffrances d’une personne reste illĂ©gal en Suisse, mĂȘme sur la demande de la victime (article 114 du code pĂ©nal suisse[4]). En revanche, l'assistance au suicide est autorisĂ©e dĂšs lors que l'aide apportĂ©e n'est pas motivĂ©e par « un mobile Ă©goĂŻste Â» (article 115 du code pĂ©nal[5]).

Vers une acceptation de l'euthanasie active lors de circonstances exceptionnelles ?

Le 6 décembre 2010, l'euthanasie active a été remise en question par le Tribunal du district de Boudry. Un ex-médecin cantonal du canton de Neuchùtel, poursuivi pour euthanasie active, a été acquitté. L'ex-médecin cantonal, qui n'était plus en exercice au moment des faits, avait accompli le dernier geste dans une procédure d'aide au suicide d'une femme totalement paralysée.

Vouée à mourir par asphyxie à cause d'une sclérose latérale amyotrophique, la patiente avait fait appel à Exit. Mais le moment venu, soit le 10 septembre 2009, elle ne pouvait bouger plus qu'un pied. L'ex-médecin cantonal lui avait alors proposé de lui envoyer le produit létal quand elle bougerait son pied.

Si le juge a relevĂ© que l'article 114 a bien Ă©tĂ© transgressĂ©, celui-ci a Ă©galement retenu que la patiente avait la volontĂ© de mourir (exprimĂ©e Ă  plusieurs reprises auparavant) et a estimĂ© qu'il aurait Ă©tĂ© « cruel de ne pas agir ». L'accusĂ©, selon les mots du juge, « n’avait pas d’alternative pour prĂ©server la dignitĂ© humaine et la volontĂ© de la patiente[6]. » En ce sens, la cour rejoint les arguments de la dĂ©fense qui estimait que le lĂ©gislateur n'avait pas voulu dire, au travers de l'article 114, « Si tu peux te donner la mort avec ton pouce, c’est OK. Si tu ne peux pas, c’est tant pis. » L'ex-mĂ©decin cantonal aurait donc agi dans un Ă©tat de nĂ©cessitĂ© qui rendrait, selon le jugement, son acte excusable. Ainsi pour la Cour, le droit comportait une brĂšche.

Le procureur a indiquĂ© qu'il lirait les « considĂ©rant Â» avant de dĂ©cider s'il allait recourir au Tribunal fĂ©dĂ©ral[7]. Le 4 janvier 2011, le MinistĂšre public du canton de NeuchĂątel annonce renoncer Ă  tout recours, rendant l'acquittement de l'ex-mĂ©decin cantonal dĂ©finitif[8] - [9].

Formes d'euthanasie tolérées

Selon un rapport du groupe de travail Assistance au décÚs, institué par le département fédéral de la police et de la justice suisse : « il n'existe pas de réglementation légale explicite de l'euthanasie passive et de l'euthanasie active indirecte. Ces deux formes d'euthanasie sont considérées aujourd'hui déjà comme admissibles. Actuellement ces formes d'euthanasie ne sont traitées que dans les directives s'y rapportant de l'Académie suisse des sciences médicales[10]. »

L'euthanasie passive et de l'euthanasie active indirecte sont donc tolĂ©rĂ©es en Suisse. Le code Ă©thique de l'AcadĂ©mie Suisse des Sciences MĂ©dicales (ASSM) autorise donc « la renonciation Ă  la mise en Ɠuvre ou arrĂȘt des mesures nĂ©cessaires au maintien de la vie Â» (euthanasie passive) et l'« administration de substance pour rĂ©duire les souffrances et dont les effets secondaires sont susceptibles de rĂ©duire la durĂ©e de survie Â» (euthanasie indirecte active).

Exit, de l'association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), fournit aux résidents de suisse romande la possibilité de recevoir une aide au suicide. D'autres associations de ce type existent, comme Dignitas.

DĂ©bats actuels en Suisse

Le 17 juin 2003, le Conseil des États adopte la motion Euthanasie et mĂ©decine palliative. La motion charge le Conseil fĂ©dĂ©ral de soumettre des propositions en vue d’une rĂ©glementation lĂ©gislative de l’euthanasie active indirecte et de l’euthanasie passive, ainsi que de prendre des mesures pour promouvoir la mĂ©decine palliative.

Le 4 juillet 2003, le DFJP a chargĂ© la Commission nationale d’éthique d’examiner dans son ensemble la problĂ©matique de l’assistance au dĂ©cĂšs sous l’angle Ă©thique et juridique.

Le 5 février 2004, le DFJP décharge la Commission nationale d'éthique de son mandat, celle-ci n'ayant ni les ressources humaines ni les moyens financiers nécessaires pour s'en acquitter.

Le 10 mars 2004, le Conseil national adopte la motion de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États Euthanasie et mĂ©decine palliative.

Le 11 juin 2005, la Commission nationale d'Ă©thique Ă©met des recommandations en rapport avec l'assistance au suicide.

Le 6 fĂ©vrier 2006, l’OFJ met en consultation au sein de l’administration un avant-projet du rapport Assistance au dĂ©cĂšs et mĂ©decine palliative: la ConfĂ©dĂ©ration doit-elle lĂ©gifĂ©rer ?

Le 31 mai 2006, le Conseil fĂ©dĂ©ral prend acte du rapport Assistance au dĂ©cĂšs et mĂ©decine palliative: la ConfĂ©dĂ©ration doit-elle lĂ©gifĂ©rer ? Il recommande au Parlement de renoncer Ă  entreprendre une rĂ©vision des dispositions pertinentes du Code pĂ©nal ainsi qu’à adopter une loi sur l’admission et la surveillance des organisations d’assistance au suicide.

Le 29 aoĂ»t 2007, le Conseil fĂ©dĂ©ral prend acte du rapport complĂ©mentaire sur l’assistance au dĂ©cĂšs.

Le 2 juillet 2008, le Conseil fĂ©dĂ©ral charge le DĂ©partement fĂ©dĂ©ral de justice et police (DFJP) d’examiner de maniĂšre approfondie la nĂ©cessitĂ© d’élaborer des dispositions lĂ©gislatives spĂ©cifiques en matiĂšre d’assistance au suicide organisĂ©e et de lui soumettre un rapport au dĂ©but de 2009.

Le 6 décembre 2010, la Justice neuchùteloise acquitte l'ancien médecin cantonal poursuivi pour euthanasie active.

Bibliographie

  • Office fĂ©dĂ©ral de la santĂ© publique, « ParenthĂšse I : suicides avec l’aide d’organisations d’assistance au dĂ©cĂšs », in Le suicide et la prĂ©vention du suicide en Suisse – Rapport rĂ©pondant au postulat Widmer (02.3251), 15 avril 2005, p. 17. Lire en ligne
  • Jean Martin, « Assistance au suicide – La situation suisse aux plans lĂ©gal et mĂ©dico-Ă©thique / Assistance to suicide – The legal and ethical situation in Switzerland », Revue Pratiques et Organisation des Soins, vol. 42, no 4,‎ , p. 277-281 (lire en ligne, consultĂ© le ).

Notes et références

  1. Source : Département fédéral de justice et police, « ThÚmes : Assistance au décÚs », ejpd.admin.ch, 7 juillet 2008. http://www.ejpd.admin.ch/ejpd/fr/home/themen.html
  2. Voir par exemple : Robert Zimmerman, « Un nouveau "kit euthanasie" crée l'émoi en Suisse », Rue89, 28 mars 2008
  3. Le TrĂ©sor de la Langue Française (TLF) la dĂ©finit comme une « mort douce, de laquelle la souffrance est absente, soit naturellement, soit par l'effet d'une thĂ©rapeutique dans un sommeil provoquĂ© » et, presque dans les mĂȘmes termes, le Grand Robert de la langue française (GRLF) comme une « mort douce et sans souffrance, survenant naturellement ou grĂące Ă  l'emploi de substances calmantes ou stupĂ©fiantes » ; l’EncyclopĂ©die Hachette multimedia (EHM) rappelle que le mot « a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par le philosophe anglais Francis Bacon, qui estimait que le rĂŽle du mĂ©decin Ă©tait non seulement de guĂ©rir, mais d'attĂ©nuer les souffrances liĂ©es Ă  la maladie et, lorsque la guĂ©rison Ă©tait impossible, de procurer au malade une «mort douce et paisible » ; Le Petit Larousse 2007 (PL07) enfin, s'attachant plutĂŽt Ă  une dĂ©finition lĂ©gale, la donne comme l’« acte d'un mĂ©decin qui provoque la mort d'un malade incurable pour abrĂ©ger ses souffrances ou son agonie », et prĂ©cise qu'il est « illĂ©gal dans la plupart des pays. »
  4. Article 114 du code pĂ©nal Suisse : « Meurtre sur la demande de la victime. Celui qui, cĂ©dant Ă  un mobile honorable, notamment Ă  la pitiĂ©, aura donnĂ© la mort Ă  une personne sur la demande sĂ©rieuse et instante de celle-ci sera puni d’une peine privative de libertĂ© de trois ans au plus ou d’une peine pĂ©cuniaire. »
    Source : Autorités fédérales de la Confédération suisse
  5. Article 115 du code pĂ©nal : « Incitation et assistance au suicide. Celui qui, poussĂ© par un mobile Ă©goĂŻste, aura incitĂ© une personne au suicide, ou lui aura prĂȘtĂ© assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a Ă©tĂ© consommĂ© ou tentĂ©, puni d’une peine privative de libertĂ© de cinq ans au plus ou d’une peine pĂ©cuniaire. »
    Source : Autorités fédérales de la Confédération suisse
  6. Le Temps du 7 décembre 2010
  7. Infos TSR
  8. « Daphné Berner définitivement blanchie », sur www.arcinfo.ch (consulté le )
  9. Philippe Chopard, « Aide au suicide: l'acquittement est dĂ©finitif », Le Courrier,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  10. Groupe de travail Assistance au décÚs, « L'euthanasie active directe pour soulager des souffrances insupportables : Positions et rapport du groupe de travail », Département fédéral de justice et police, Berne, 29 avril 1999. [ [https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-20675.html lire en ligne] ]

Articles connexes

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