Essai sur les règnes de Claude et de Néron
L’Essai sur les règnes de Claude et de Néron est un essai de Denis Diderot, paru en décembre 1778 et dans une version plus aboutie en 1782.
Essai sur les règnes de Claude et de Néron | |
Auteur | Denis Diderot |
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Pays | France |
Genre | essai |
Éditeur | frères De Bure |
Lieu de parution | Paris |
Date de parution | 1778 |
Histoire de l’œuvre
Militantisme athéiste
Dans les années 1770, d'Holbach et son cercle poursuivent leur militantisme athée et cherchent à l'appuyer, entre autres, sur les principes du stoïcisme. C'est dans ce cadre que Jacques-André Naigeon entreprend une nouvelle édition, en français de l’œuvre de Sénèque. La traduction est confiée à Joseph Lagrange, précepteur des enfants de d'Holbach, qui s'en acquittera jusqu'à sa mort en 1775 ; Naigeon achèva alors la traduction et annota le texte.
Une postface
Pour compléter l'édition, Naigeon et d’Holbach demandent à Diderot de rédiger une postface. Diderot se base sur les écrits de Tacite, de Suétone et de Sénèque lui-même mais il éprouve le besoin, pour bien pénétrer la pensée et l’œuvre du philosophe latin, d’approfondir sa connaissance des empereurs romains sous les règnes desquels il vécut. Cette biographie, presque une apologie, s’accompagne donc d’un commentaire de l’exercice du pouvoir et de la moralité des empereurs Claude et Néron. Elle prendra une telle ampleur qu'elle composera à elle seule un Essai sur la vie de Sénèque le philosophe, sur ses écrits, et sur les règnes de Claude et de Néron qui occupera un septième volume des Œuvres de Sénèque.
Elles paraissent en décembre 1778, chez de Bure à Paris[1]. La page de titre du 7e tome porte le millésime 1779, mais l'évocation du texte de Diderot dans les comptes rendus parus dans la presse littéraire en décembre 1778 atteste de la publication de l'ensemble de la série au plus tard en décembre 1778[2]. Il faut par ailleurs noter que ni Naigeon, ni Diderot ne sont nommément cités dans cette édition, néanmoins publiée avec privilège. Diderot était pourtant bien identifié.
« Un des Écrivains les plus célèbres de notre siècle a bien voulu en décorer l'Ouvrage de son ami & le plus précieux monument qui nous reste de la Philosophie ancienne ne pouvoit être plus dignement couronné. »
— Mercure France, 15 décembre 1778, p. 136.
Dès la publication de l’ouvrage, la critique réactionnaire s'active et Diderot décide de répondre, presque pied à pied, aux différentes attaques. Il en découle une seconde édition du texte, une fois et demie plus volumineuse que la première et s'étale sur deux tomes.
Le nouveau titre, Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur les mœurs et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe, atteste par ailleurs d'un déplacement de la focalisation sur les questions politiques ; Diderot traite cette fois des rapports entre les philosophes et le pouvoir.
Le traitement n'est évidemment pas moins sensible et, pour contourner la censure, Diderot le fait imprimer à Bouillon et édité avec l'adresse fictive de Londres, sans nom d'auteur, en 1782[3]. C'est la dernière œuvre qui paraîtra de son vivant et n'est pas exempte d'une dimension testamentaire, jusque dans ses aspects éditoriaux.
Les notes de Naigeon
Le texte de Diderot dans l'édition de 1778 s'accompagne de près de 476 notes, dont certaines sont explicitement attribuées à l'éditeur, Naigeon. Dans l'édition de 1782, on trouve une trentaine de notes supplémentaires, et le marquage est inversé : ce sont les notes de l'auteur qui sont marquées de son initiale. Geneviève Cammagre a par ailleurs montré dans son analyse - citée en bibliographie - des notes que dans son édition des œuvres de Diderot en 1798, Naigeon ajoute quelques interventions dans les notes, mais en attribue à Diderot un nombre plus important que dans les éditions précédentes.
Il en découle que les interventions de Naigeon dans la constitution de l'œuvre ne sont pas négligeable et que l'on peut envisager une collaboration entre les deux hommes ; d'autant qu'en 1778, Diderot arrive au crépuscule de sa vie, mais Naigeon est dans la force de l'âge.
Éditions du texte
- Paris, frères De Bure, décembre 1778.
- Londres [Bouillon], 1782.
- édition critique et annotée, présentée par Jean Deprun, Jean Ehrard, Annette Lorenceau. In : Œuvres complètes, tome XXV, Paris, Hermann, 1986. Compte rendu : H. Nakagawa, Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 1988, n° 4, p. 152-157.
Synthèse
Cette synthèse se base sur l'édition de 1782 qui est l'état le plus abouti du texte, tel que publié par Diderot. Au-delà d'une biographie de Sénèque, Diderot étudie dans l’Essai les rapports entre le philosophe et le pouvoir et livre l'aboutissement de sa pensée politique[4]. Sa déception personnelle à l'égard des monarques éclairés le conduit à remettre en cause toute forme de puissance despotique exercée au détriments des Hommes et de la société, voire de toute autorité[5].
Aux insurgents d'Amérique
Cette note a fait l'objet d'éditions isolées de l’Essai dont elle est extraite.
- Apostrophe aux insurgents d'Amérique. In : Diderot. Tome VI, Textes politiques, édités par Yves Benot, Paris, éditions sociales, 1960 (rééd. 1971).
- Aux insurgents d'Amérique (1782). In : Denis Diderot, Œuvres politiques, éditées par Paul Vernière, Paris, Classiques Garnier, 2018 (ISBN 9782812426186) ; rééd.)
Bibliographie
- Thierry Belleguic (dir.), Le dernier Diderot : autour de l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron, Diderot Studies, 2012, n° 32.
- Geneviève Cammagre, Diderot et la note, de l'Essai sur la vie de Sénèque à l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron, Littératures classiques, 2007 (vol. 64), n° 3, p. 197-214.
- Paolo Quintili, Le stoïcisme révolutionnaire de Diderot dans l’Essai sur Sénèque par rapport à la Contribution à l’Histoire des deux Indes, Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie, 2004, n° 36, en ligne.
- Stéphane Lojkine, « Du détachement à la révolte : philosophie et politique dans l’Essai sur les règnes de Claude et de Néron », Lieux littéraires / La Revue, n°3, dir. Alain Vaillant, , p. 95-127 (lire en ligne)
- Joseph-Marie Quérard, La France littéraire, Paris, Firmin Didot, 1838, p. 59
Notes
- Voir (BNF 31351638) ; seul le second tome n'est pas disponible dans Gallica : tome 1, tome 3, tome 4, tome 5, tome 6 et tome 7.
- Voir, par exemple, le Mercure de France du 15 décembre 1778, p. 136-160.
- Tome 1 et tome 2 disponibles dans Gallica (BNF 30340689).
- La réflexion politique traverse toute la vie de Diderot. Dans la Promenade du sceptique il écrit déjà, que si on lui impose le silence sur la religion et la politique, il n'aura plus rien à dire ; et l'article Autorité politique de l'Encyclopédie (1751) est une autre balise majeure. Toutefois, l'expression écrite de ses idées politiques se concentre après la déception de ses rencontres avec Catherine II en 1774. En particulier, les textes de l’Essai peuvent être rapprochés des contributions de Diderot à l’Histoire des deux Indes, écrits et publiés à la même époque. Voir Antony Strugnel, Diderot’s politics : a study of the evolution of Diderot’s political thought after the Encyclopédie, Springer, 1973 (ISBN 978-9024715404).
- Dimension qui fut récupérée par la pensée anarchiste, pas nécessairement à juste titre, d'ailleurs.