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Epiousion

Epiousion (koinĂš : ΕπÎčÎżÏÏƒÎčÎżÎœ) est un mot grec utilisĂ© dans la quatriĂšme pĂ©tition du Notre pĂšre, tel que formulĂ©e dans l’Évangile selon Matthieu et dans celui de Luc. Le sens de ce mot n'est pas connu de façon sĂ»re. Le mot est parfois dĂ©signĂ© sous la forme epiousios.

Le mot epiousion dans l’Évangile selon Saint Luc, tel qu’écrit dans le Papyrus 75 (c. ).

En français epiousion est habituellement traduit par « de ce jour », comme dans « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour »[1].

Signification

Epiousion n’a aucune traduction directe ou simple en français (voir ci-dessous super-substantiel) et il y a plusieurs interprĂ©tations de sa signification durant l’histoire du christianisme.

Epiousion montre combien la traduction d’un mot peut entraĂźner des diffĂ©rences thĂ©ologiques importantes. Si la phrase « ton arton hēmƍn ton epiousion » (τ᜞Μ áŒ„ÏÏ„ÎżÎœ áŒĄÎŒáż¶Îœ τ᜞Μ ጐπÎčÎżÏÏƒÎčÎżÎœ) est traduite par « notre pain quotidien », le sens premier est celui de la survie physique demandĂ©e Ă  Dieu, jour aprĂšs jour. À l’inverse, si on traduit par « notre pain de demain », JĂ©sus dit de prier pour nos nĂ©cessitĂ©s futures plutĂŽt que pour les prĂ©sentes. Une troisiĂšme possibilitĂ© est de traduire par « notre pain nĂ©cessaire » ou « essentiel ». Ces trois versions dĂ©signent le pain ordinaire mangĂ© tous les jours pour sustenter le corps. Une quatriĂšme version « notre pain pour le temps Ă  venir » dĂ©signe le pain ou la nourriture spirituelle. D’autres traductions attirent l’attention au-delĂ  du pain ordinaire vers l’eucharistie.

Guillaume Durand, Ă©vĂȘque de Mende au XIIIe siĂšcle, dĂ©finit cinq sortes de pains : spirituel, pour se former ; doctrinal (ou de la science), pour s’instruire ; sacramentel, pour expier ses pĂ©chĂ©s ; Ă©ternel, pour la rĂ©compense. Quant Ă  la traduction de epiousion par supersubstantialis, il prĂ©cise[2] :

Saint Mathieu dit : Panem nostrum supersubstantialem, « Notre pain supersubstantiel; » ce qui peut ĂȘtre entendu de deux maniĂšres, ou bien d'aprĂšs ce sens unique : « Donne-nous notre pain supersubstantiel, » c'est-Ă -dire le Christ, qui est supersubstantiel ou au-dessus de la substance crĂ©Ă©e, qui est le pain sur l'autel ; ou bien, dans un sens double, comme si l'on disait : « Donne-nous notre pain supersubstantiel, » c'est-Ă -dire le Christ, qui est la nourriture propre des fidĂšles, et cela outre le pain, c'est-Ă -dire outre le pain substantiel, le pain nĂ©cessaire Ă  notre alimentation ; comme si nous disions : « Donne-nous tout Ă  la fois le pain de l'Ăąme et le pain du corps. » Saint Luc dit : Panem nostrum quotidianum, ce qui peut ĂȘtre entendu tant du pain corporel que du pain sacramentel, c'est-Ă -dire du viatique. Les Grecs disent qu’epiousion, ce qu'on rend par supersubstantiel (De consec, dist. II, De calice, in fin.). Les HĂ©breux disent segola, ce que l'on interprĂšte par illustre, particulier, spĂ©cial. [...] L'interprĂšte grec de saint Mathieu, voyant qu'il s'Ă©tait servi de l'expression segola, qui signifie choisi, illustre, l’a traduit par epiousion, c’est-Ă -dire supersubstantiel.

Epiousion a notamment Ă©tĂ© traduit par « supersubstantiel » en français et « supersubstantial » en anglais[3] ou autres mots renvoyant Ă  l’essence des choses plutĂŽt qu’à leur nature tangible.

Il a Ă©tĂ© supposĂ© que « ho artos hēmƍn ho epiousion », quelle que soit sa signification littĂ©rale, a Ă©tĂ© utilisĂ© par les premiers ChrĂ©tiens pour dĂ©signer l’eucharistie, mĂȘme avant la mise par Ă©crit des Ă©vangiles. Si l’usage sacramentel de cette expression est le sens premier, alors les auteurs des Ă©vangiles peuvent avoir utilisĂ© le mot epiousion avec le sens spĂ©cifique de « pain eucharistique ». L’usage n’est cependant pas suffisamment attestĂ©.

Hapax (attestation unique)

Le terme epiousion n’est attestĂ© par aucun autre texte connu de la littĂ©rature grecque ou hellĂ©nistique, ce qui empĂȘche d’en Ă©tablir la signification par comparaison des diffĂ©rentes occurrences. Il s’agit donc d’un hapax.

Dans son Ă©dition des papyrus (papier) grecs d’Égypte en 1915, Friedrich Preisigke publia une liste de courses du Ve siĂšcle avec le mot epiousi entourĂ© par des vocables d’épicerie[4] - [5]. Cela renforçait les thĂšses interprĂ©tant epiousion comme « nĂ©cessaire » pour aujourd’hui ou demain. Mais le papyrus, longtemps disparu, a Ă©tĂ© identifiĂ© Ă  la bibliothĂšque Beinecke de l’universitĂ© Yale, et l’on peut y lire elaiou (huile)[6].

Il est probable que le terme a été créé par les évangélistes, comme le notait OrigÚne[7] - [8].

Le mot ou prĂ©fixe epi apparaĂźt plus de 300 fois dans les Ă©vangiles. Le plus souvent il signifie au-dessus, sur, en outre. Dans de nombreux contextes, il est traduit en latin par super. Ousios signifie ĂȘtre, substance, essence ou nature. Le Concile de NicĂ©e en 325 ap. J.-C. utilise le terme homoousios — formĂ© par homos, mĂȘme, et ousia, essence — avec le sens « de mĂȘme essence » (le terme homoousios est traduit en latin par consubstantialis et en français par « consubstantiel »).

Le CatĂ©chisme de l’Église catholique indique que la traduction littĂ©rale de epiousion (le CatĂ©chisme utilise la forme epiousios) est super-substantialis[9] ou, en anglais, super-essential[10]. En 1551, le Concile de Trente dĂ©signe l’eucharistie comme le « pain supersubstantiel »[11].

Notes et références

  1. « Notre PĂšre : "Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour" », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consultĂ© le )
  2. Durand, Guillaume (Ă©vĂȘque de Mende), Rational ou Manuel des divins offices de Guillaume Durand,... ou Raisons mystiques et historiques de la liturgie catholique, trad. Charles BarthĂ©lemy, Paris, VivĂšs, 1854, t. II, p. 356-357 en ligne sur Google Books
  3. Révision par Richard Challoner en 1750 de la Bible de Douai: « Give us this day our supersubstantial bread ». Cité dans Blackford Condit The history of the English Bible, New York, A.S. Barnes & Co., 1882, p. 323.
  4. F. Preisigke, Sammelbuch griechischer Urkunden aus Ägypten, Strasbourg, 1915, t. I, 5224:20
  5. Flinders Petrie Hawara p. 34
  6. Discussion sur le forum B-Greek, 7 juin 2005 15:43:35 EDT
  7. Walter Bauer, Wilhelm Arndt, F. Wilbur Gingrich, Frederick Danker (Ă©d.), A Greek-English lexicon of the New Testament and other early Christian literature, University of Chicago Press
  8. OrigĂšne, De la priĂšre, chap. 18 en ligne
  9. CCC 2837--Latin
  10. CCC 2837--English
  11. Traduction anglaise de Trente, Session 13, Chapitre VIII)

Bibliographie

  • M. Nijman & K. A. Worp, « Î•Î Î™ÎŸÎ„ÎŁÎ™ÎŸÎŁ in a documentary papyrus ? », Novum Testamentum XLI (1999) 3 (July), p. 231-234.
  • B .M. Metzger, « How many times does Î•Î Î™ÎŸÎ„ÎŁÎ™ÎŸÎŁ occur outside The Lord’s Prayer ? » ExpTimes 69 (1957-58) 52-54.
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