Eduard Schulte
Eduard Schulte, né le à Düsseldorf et mort le à Zurich, était un industriel allemand important qui fut l'un des premiers à alerter les Alliés sur l'extermination systématique des Juifs dans l'Allemagne nazie et dans l'Europe occupée. Il est reconnu Juste parmi les nations par le Yad Vashem.
Naissance |
DĂĽsseldorf |
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Décès |
Zurich, Suisse |
Profession | |
Autres activités |
Ses informations seront à l'origine du télégramme Riegner |
Distinctions |
Biographie
Dès 1916, durant la Première Guerre mondiale, Schulte dirigeait le département pour la production de saponification sous la tutelle du ministère de la Guerre. Sa carrière de dirigeant se poursuivant, des années 1920 aux années 1940, il fut amené à avoir de fréquents contacts avec le haut gouvernement allemand et les responsables militaires, aussi bien qu'avec d'autres industriels qui avaient accès à des informations sensibles.
Compagnie Giesche’s Erben
La Bergwerksgesellschaft Georg von Giesche's Erben était une compagnie allemande et successeur des propriétés industrielles de la famille aristocratique allemande Giesche.
En 1922, à la suite de la renaissance de la république de Pologne, la majeure partie des propriétés de la Giesche’s Erben localisées en Silésie furent attribuées à la Pologne. La nouvelle compagnie, Giesche Corporation, fut créée pour acquérir ces propriétés. Il s'agissait d'une firme polonaise, enregistrée à Katowice, bien que son capital fût entièrement allemand (la Bergwerksgesellschaft Georg von Giesche's Erben en était le propriétaire à 100 %).
Rapidement les propriétaires allemands furent dans l'impossibilité de gérer la société polonaise avec succès et durent la vendre. En 1926, la majorité des actions (51 %) fut vendue à des investisseurs américains, Anaconda Copper Mining Co. et William Averell Harriman.
La même année, Eduard Schulte devint le directeur général de l'Erben Giesche, remplaçant Carl Besser à cette fonction.
Le nouveau directeur, âgé de seulement 35 ans, eut un plan ambitieux visant à regagner la propriété des biens polonais. Il n'avait jamais admis la perte de ce que les Allemands désignaient sous le nom des « états de l'Est ». Cependant, cela restait impossible tant que la région de la Silésie appartenait à la Pologne.
En , lorsque l'armée nazie envahit la Pologne, tous les administrateurs américains de la Giesche Corporation furent expulsés et le contrôle de l'entreprise fut remis entre les mains du commissaire militaire allemand, Albrecht Jung. Cependant, en pratique, toutes les décisions étaient prises par Eduard Schulte, qui devint le véritable maître de l'immense complexe Giesche.
Pendant l'occupation de la Pologne Schulte et Jung ont non seulement géré les installations industrielles saisies par la force à leurs propriétaires légitimes, mais aussi à de nombreuses reprises, tenté de transférer les droits de propriété du capital Giesche à l'Allemagne. Ces tentatives consistaient en des modifications illégales faites dans les registres de l'immobilier et du transfert de biens vers des entreprises allemandes nouvellement créées.
De plus, Schulte et Jung ont tenté de convaincre les propriétaires américains de vendre leurs actions de la Giesche Corporation, ce qui a finalement eu lieu mais sans succès, la transaction ayant été bloquée par le département américain du Trésor. En outre, comme la Giesche Corp. était contrôlée par la holding américaine SACO (qui en détenait 51 % des parts et 49 % par les Allemands), en le American Alien Property Custodian, agissant en vertu de la loi sur la négociation avec l'ennemi, acquit les actions allemandes de SACO.
Finalement, les rêves de Schulte visant à reprendre légalement les « États de l'Est » se sont effondrés en 1945 lorsque les commissaires allemands s'enfuirent à l'Ouest avant l'arrivée de l'Armée rouge.
La solution finale
Ses relations d'affaires donnèrent à Schulte l'occasion de voyager principalement entre Breslau en Silesie et Zurich en Suisse, où il avait des contacts avec Allen Dulles, avec le consul allemand dissident Hans Bernd Gisevius, et avec les Renseignements puis la Résistance polonaise et française.
En 1942, Eduard Schulte arrive à soutirer des informations capitales à son adjoint, l'ingénieur Otto Fitzner (membre du parti nazi[Note 1]), et apprit ainsi le concept et la mise en œuvre de la Solution finale.
Le , Eduard Schlulte a transmis à son associé en affaires, à Zurich, Isidor Koppelmann, toutes les informations récoltées sur la volonté du régime nazi d'exterminer tous les juifs d'Europe, et aussi qu'il voulait le faire savoir aux organisations juives de premier plan aux États-Unis, et aux gouvernements alliés, afin qu'ils fassent cesser le massacre. Isidor Koppelmann a contacté aussitôt Benjamin Sagalowitz, directeur d'un bureau d'informations pour les communautés juives à Genève, qui a contacté rapidement Gerhart Riegner, le représentant suisse du congrès juif mondial.
Le , Riegner présente son rapport aux légations britanniques et américaines à Genève, et demande que l'information soit transmise par la voie diplomatique aux gouvernements respectifs, ainsi qu'au rabbin Stephen Wise, président du congrès juif mondial, basé à New York. Le même jour, le télégramme Riegner le notifia aux Alliés, mais ils ignorèrent cette information, qui estimait entre 3,5 et 4 millions le nombre des Juifs, et le plan d'utilisation du cyanure d'hydrogène[1]. Le Stephen Wise fait une grande conférence de presse devant un parterre de journaliste qu'il a convoqué mais The New York Times résume l'information en une simple dépêche en page 10.
En , c'est sous la pression du chef de la légation des États-Unis, en Suisse, Leland B. Harrison (en), que Gerhardt Riegner donnera, à contrecœur, le nom d'Eduard Schulte, pour donner une crédibilité supplémentaire aux informations transmises.
En 1943, la Gestapo identifia ses activités, et Schulte dut définitivement émigrer vers la Suisse avec sa femme, alors que ses enfants devaient se battre dans la Wehrmacht.
Après la guerre, Schulte resta silencieux. Gerhart Riegner, le représentant suisse du Congrès juif mondial, refusa systématiquement d'indiquer celui qui lui avait communiqué les informations. Riegner s'en expliquait en disant « c'est la seule demande qu'il m'ait jamais faite ». Le , Yad Vashem a reconnu Eduard Schulte en tant que Juste parmi les nations[2].
Notes et références
Notes
- Otto Fitzner, avait rejoint le parti nazi avant même l'accession de Hitler au pouvoir et rapidement progressé dans les rangs du parti parce qu'il était à la fois politiquement fiable et techniquement compétent. Fitzner eut bientôt accès à un large éventail de postes gouvernementaux et de conseillers de haut niveau et devint un ami proche de Karl Hanke, le chef de district du parti nazi. Il devint, par inadvertance, une source inestimable d'informations sensibles pour Eduard Schulte
Références
- (en)Holocaust Encyclopedia - Eduard Schulte, sur le site ushmm.org, consulté le 30 avril 2015
- (en) Daniel Fraenkel, « The German Righteous Among the Nations » [PDF], sur yadvashem.org, (consulté le ).
Liens externes
- (en) An unsung 'good german': fame comes at last, un article de James M. Markam, publié dans le New York Times du 9 novembre 1983, lorsque l'histoire de Schulte devint largement connue
- (en) Breaking the Silence, biographie de Schulte par Walter Laqueur et Richard Breitman, 1986.