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Dynamique adaptative

La dynamique adaptative tente d'expliquer les liens entre différents mécanismes : hérédité, mutations et sélection naturelle. Par son aspect mathématique, la dynamique adaptative est un puissant outil pour la compréhension de phénomÚnes évolutifs passés, présents ou futurs.

Historique

Avant les dynamiques adaptives

Les dynamiques adaptatives sont apparues grĂące Ă  l’émergence de plusieurs notions essentielles au cours de l’histoire. Parmi elles, on retrouve la dynamique des populations, c’est-Ă -dire l’étude de l’évolution de la dĂ©mographie d’une population dont les fondements sont dĂ©crits en 1798 par Thomas Robert Malthus. Son utilisation en biologie permet de prĂ©voir et de comprendre le lien entre Ă©cologie et dĂ©mographie. Ensuite en 1859, Charles Darwin dĂ©crit le principe de l’évolution dans son livre L'Origine des espĂšces. Cette notion s’installe dans le monde scientifique et remplace la thĂ©orie du transformisme exposĂ© par Jean-Baptiste Lamarck. Il propose une thĂ©orie : celle de la sĂ©lection naturelle comme mĂ©canisme principal expliquant l’adaptation des individus dans leur environnement au fil des gĂ©nĂ©rations, les individus les mieux "adaptĂ©s" Ă©tant les plus Ă  mĂȘme de survivre et de coloniser leur environnement. En 1932, Sewall Wright dĂ©veloppe la notion de paysage adaptatif. C’est la reprĂ©sentation graphique d’un phĂ©notype ou caractĂšre en fonction de la valeur sĂ©lective. Cette reprĂ©sentation permet de mettre en Ă©vidence les diffĂ©rents points d’optimisations du phĂ©notype, appelĂ©s aussi points d’équilibres.

Nous observons sur la Figure 1 un paysage adaptatif avec 3 points d’équilibres (A, B, C). Le point d’équilibre B, est le point avec la meilleure valeur sĂ©lective pour une variation du trait. L’évolution va tendre Ă  se rapprocher vers ce point d’équilibre B. Ce type de reprĂ©sentation est cependant une reprĂ©sentation fixe de l’évolution alors que l’environnement ne l’est pas. Puis le nouveau mutant modifie Ă  son Ă©chelle son environnement. On prĂ©fĂšrera donc une reprĂ©sentation dynamique comme celle de la Figure 2 qui est plus en adĂ©quation avec la rĂ©alitĂ©.

Figure 2 : Paysage adaptatif dynamique

La Figure 2 nous montre la variation de la valeur sélective en fonction du trait. Ici la flÚche jaune représente la mutation d'un trait, ce qui va ainsi changer le paysage adaptatif. Ce graphique permet de visualiser la dynamique du paysage adaptatif.

Les dynamiques adaptatives de la thĂ©orie des jeux de John Forbes Nash a aussi eu un fort impact sur l’émergence de la dynamique adaptative. En effet, en 1970 cette thĂ©orie a permis Ă  John Maynard Smith et d’autre chercheurs de comprendre l’évolution des comportements d’une population face aux variations de son environnement. C’est la "thĂ©orie des jeux Ă©volutionnistes". Il Ă©met la notion de StratĂ©gie Ă©volutivement stable (SES ou ESS en anglais pour Evolutionarily stable strategy) qui est reprise dans l’étude des stratĂ©gies singuliĂšres en dynamique adaptative

L'apparition des dynamique adaptatives

La thĂ©orie des dynamiques adaptatives s'est Ă©tablie de maniĂšre empirique dans les annĂ©es 1990[1]. Les dynamiques adaptatives s'inspirent ainsi des diffĂ©rents outils utilisĂ©s en Ă©cologie, en particulier la thĂ©orie des jeux Ă©volutionnistes et la dynamique des populations, ceci afin d’obtenir une dynamique Ă©cologique plus rĂ©aliste.

Ces diffĂ©rents domaines soulignent les nombreux aspects des processus Ă©volutifs d’une population. Les dynamiques adaptatives permettent donc de visualiser et de comprendre la consĂ©quence Ă  long terme de petite mutation d'un trait au sein d'une population.

Elle devient un outil puissant pour la modélisation de scénarios évolutifs ou du devenir d'interactions : compétition proies/prédateurs, spéciation, diversification, évolution de coopération, épidémiologie, etc.

Processus stochastiques sous-jacents[2]

L'étude des processus évolutifs comme on le fait en dynamique adaptative doit prendre en compte plusieurs sources de stochasticité.

PremiĂšrement, les processus de mutations qui entraĂźnent l'apparition de nouveaux traits phĂ©notypiques sont ceux qui introduisent la principale source de stochasticitĂ©. Pour dĂ©crire les propriĂ©tĂ©s de ces mutations, on introduira donc le facteur ÎŒ(x) qui correspond Ă  la fraction de naissances qui donnent lieu Ă  une mutation dans le trait de valeur x. Ces fractions reprĂ©sentent ainsi les probabilitĂ©s pour qu'un Ă©vĂ©nement de naissance produise un nouveau-nĂ© avec un trait de valeur adaptative altĂ©rĂ©e x'. On ne prend en compte en dynamique adaptative que les mutations pouvant se maintenir dans la population initiale c'est-Ă -dire la moitiĂ© d'entre elles d'oĂč le facteur d'Ă©chelle.

Il faut aussi prendre en compte l'impact de la stochasticité environnementale en particulier sur les mutants. En effet les individus d'une population sont des unités discrÚtes et les mutants sont seuls initialement au sein de la population résidente. Ils sont donc beaucoup plus sensibles aux événements liés à la variabilité de l'environnement . Il faut donc prendre en compte les probabilités pour que les taux de naissance ou de mort b(x, n, t) et d(x, n, t) varient selon le trait étudié mais aussi selon la densité des populations résidentes ou encore selon le temps (qui correspond à la variabilité temporelle comme par exemple l'existence de catastrophes naturelles). Les populations résidentes sont en général moins soumises à cette variabilité que les sous-populations mutantes car elles sont considérées comme assez grande pour que les taux b et d varient peu.

Ces considĂ©rations sont d'autant plus importantes en dynamiques coĂ©volutives qui sont une extension des dynamiques adaptatives Ă  2 espĂšces en interactions l'une avec l'autre. Dans ces cas les dynamiques des populations des deux espĂšces sont interdĂ©pendantes. L'apparition de mutation pour chaque espĂšce peut se faire selon des probabilitĂ©s ÎŒ(x) indĂ©pendantes et on parle alors de processus de mutations homogĂšnes. Dans le cas oĂč ces probabilitĂ©s d'apparition d'une mutation dĂ©pendent l'une de l'autre, on parlera de populations symĂ©triques.

Équation canonique et hypothùses principales

La “breeder’s equation” proposĂ©e en 1937 par Jay Laurence Lush (en), fut aussi un apport majeur pour l’apparition de dynamiques adaptatives puisqu’elle est Ă  la base de l’équation canonique. Historiquement la diversitĂ© des phĂ©notypes reflĂšte la diversitĂ© des pressions de sĂ©lections. La variation (∆x) d’un trait dans la population dĂ©pend de son hĂ©ritabilitĂ© h(x), qui est la proportion du trait qui est hĂ©ritable, du diffĂ©rentiel de sĂ©lection qui est la valeur du trait avant et aprĂšs sĂ©lection.

Soit :

Avec Va la variance additive, qui correspond aux effets additifs des allÚles et Vp la variance phénotypique.

On a ainsi abouti Ă  partir de l’équation prĂ©cĂ©dente Ă  l’équation canonique de la dynamique adaptative qui est :

avec

OĂč :

  • k(x) le potentiel Ă©volutif de la mutation
  • ”(x) et le taux d'apparition des mutations par individu
  • σÂČ la variance phĂ©notypique associĂ©e Ă  ces mutations
  • N(x) la taille de la population Ă  l'Ă©quilibre ayant pour trait phĂ©notypique x
  • le gradient de sĂ©lection qui indique dans quel sens et avec quelle amplitude le trait x varie Ă  la suite de mutations de petite amplitude.
  • Âœ facteur d’échelle qui prend en compte que seule la moitiĂ© des mutations a un effet sur la variation de x (celles se situant dans la zone positive du gradient de fitness).

HypothĂšses en dynamique adaptative

L’équation canonique de la dynamique adaptative se base sur plusieurs hypothĂšses ce qui permet d’analyser plus facilement les modĂšles mathĂ©matiques utilisĂ©s c’est-Ă -dire les diffĂ©rentes Ă©quations de dynamiques de populations qu’on pourrait utiliser. Les principales hypothĂšses sont les suivantes :

  • les Ă©chelles de temps Ă©cologique et Ă©volutives sont sĂ©parĂ©es. Les populations sont donc Ă  l'Ă©quilibre Ă©cologique lorsqu'un mutant apparaĂźt car le taux de mutation est trĂšs faible. Ceci implique aussi qu’on ait une sĂ©paration temporelle des mutations: deux mutants ne peuvent exister en mĂȘme temps ni au mĂȘme endroit : c’est le principe de l’exclusion mutuelle.
  • les mutations ont des effets phĂ©notypiques petits (d’oĂč le fait qu’on Ă©value le gradient de fitness pour x’ = x dans l’équation canonique). En d’autres termes, il n’y a pas de “rĂ©volution” dans le trait, la modification du trait mutant est lĂ©gĂšre par rapport au trait du rĂ©sident. Ces diffĂ©rents traits phĂ©notypiques peuvent ĂȘtre quantifiables et observables au cours du temps (taille des individus, temps de gestations/diffĂ©renciations, etc.).
  • le mutant est rare quand il apparaĂźt ce qui nous permet de dire que sa densitĂ© est nĂ©gligeable dans l’équation canonique
  • les populations sont asexuĂ©es, les individus sont considĂ©rĂ©s haploĂŻdes, c’est-Ă -dire se reproduisant de façon clonale.
  • les densitĂ©s Ă  l'Ă©quilibre sont stables : on ne prendre donc pas en compte l’existence de dynamique cycliques.

Le but est d’observer le devenir de ce mutant rare dans la population. Soit il disparaĂźt, soit il envahit le milieu. En envahissant le milieu le mutant devient le nouveau rĂ©sident en changeant la valeur de ce trait phĂ©notypique, c'est-Ă -dire en augmentant sa fitness par rapport au rĂ©sident

DĂ©finition de fitness en dynamique adaptative

La fitness d'un mutant correspond au taux de croissance de ce mutant dans l'environnement fixé par les traits du résident (c'est-à-dire que les densités de populations à l'équilibres sont fixées par les traits du résident).On la notera W telle que :

On notera que la fonction de fitness en temps discret s’écrit W mais qu’en temps continu on la note s. W est sans dimension contrairement Ă  s en temps continu et les deux sont d’ailleurs reliĂ©es tel que :

avec dt : l’intervalle de temps sur lequel le modĂšle en temps discret est basĂ©.

Subtilités

DĂ©finir la fitness en population structurĂ©e, subdivisĂ©e, la fitness diploĂŻde, l’évolution de plusieurs traits ou les rĂ©gimes de sĂ©lection et les cycles de vie apparaissent comme Ă©tant des difficultĂ©s majeures en formalisation mathĂ©matique (ce qui explique l’une des hypothĂšse de la dynamique adaptative qui est de considĂ©rer les populations asexuĂ©es). L’idĂ©e serait donc de calculer la fitness en tenant compte du temps passĂ© dans chaque stade de vie, de l’espĂ©rance de vie, de la fĂ©conditĂ© Ă  chaque stade de vie mais aussi du caractĂšre hĂ©tĂ©rozygote ou homozygote d’un mutant.

En ce qui concerne populations subdivisĂ©es ou mĂ©tapopulations, il faut utiliser un critĂšre de fitness s’appuyant sur la dispersion plutĂŽt que sur la fĂ©conditĂ©. Ainsi il faut tenir compte des traits d’histoire de vie des individus et des mutants, mais aussi de la production de mutants dispersants en fonction du nombre de mutants, tout en incluant l’importance de l’apparentement (rĂšgle d’Hamilton).

De plus reprĂ©senter la raretĂ© d’une espĂšce est plus difficile dans un systĂšme structurĂ© spatialement Ă  cause de la dĂ©finition mĂȘme de la raretĂ© d’une espĂšce. Dans l’équation canonique on considĂ©rait le mutant comme rare dans la population totale, mais si celle-ci est rĂ©partie, la raretĂ© du mutant lĂ  oĂč il apparait peut ĂȘtre remis en question selon que l’on a peu d’individus dans plusieurs patchs ou plus d’individus dans un unique patch. De plus, la dynamique des patchs peut ĂȘtre aussi diffĂ©rente entre patchs : croissance dans l’un et dĂ©croissance dans l’autre, et peut ĂȘtre fonction du passĂ© de ces patchs[3]. Tout ceci implique des travaux en cours qui tentent de faire des modĂšles et le choix d’un ordre entre les Ă©vĂ©nements (de reproduction, Ă©migration, immigration, changement environnemental) n’est pas neutre. Un ordre diffĂ©rent peut impliquer une prĂ©diction diffĂ©rente dans un modĂšle de dynamique adaptative.

Détermination et caractérisation des stratégies évolutives singuliÚres

En dynamique adaptative on se place dans une population Ă  l’équilibre et isolĂ©e, c’est la population rĂ©sidente N. Les phĂ©notypes sont les traits quantitatifs individuels hĂ©ritables, les naissances et les morts sont dĂ©terminĂ©es par le phĂ©notype et par l’environnement (celui-ci Ă©tant constituĂ© par le reste de la population ainsi que par les facteurs externes).

En dynamique adaptative on observe donc l'apparition d'une mutation pour un trait donnĂ© conduisant a une fitness invasive (fonction d'invasion) Ă©voluant dans la population donnĂ©e par l’équation canonique .

On doit déterminer les paramÚtres caractérisant le résident et ceux caractérisant le mutant, on écrit donc les équations des dynamique de la sous population résidente N et de la population mutante N'

On a donc pour la population résidente :

(1)

Et pour la population mutante :

(2)

Or comme N et N' coexistent dans le mĂȘme milieu fermĂ© et que N'â‰ȘN car le mutant est rare, on peut simplifier les Ă©quations par en remplaçant dans (1) et (2)

Pour le résident on a :

Et pour le mutant :

On se place Ă  l’équilibre de population soit : donc

On peut ensuite calculer le taux d’accroissement d’un mutant rare à partir de (2)

Cette formule est le taux d’accroissement de la sous population mutante N' et permet d’exprimer la fitness (s) du mutant dans la population rĂ©sidente N. La dĂ©rivĂ©e partielle de la fitness par rapport au trait x' permet de dĂ©terminer un gradient de sĂ©lection.

Si x' augmente. On observe une invasion de x'.


Si x' diminue. Le mutant x' va disparaĂźtre.


Si et si alors il s’agit d’une stratĂ©gie Ă©volutivement stable (Evolutionary Stable Strategy). x' se maintient mais n'envahit pas complĂštement la population.

Outils graphiques

Approche par les PIP[4]

Figure 3 :Representation d'un PIP

Étant donnĂ© la complexitĂ© des modĂšles utilisĂ©s en dynamique adaptatives on peut s’aider d’outils graphiques comme les Diagrammes d’Invasions Binaires ou PIP (Pairwise Invasibility Plots).En connaissant la fonction de fitness et ses paramĂštres qui la dĂ©finissent on peut dĂ©terminer graphiquement les Ă©volutifs de notre dynamique. Sur ces diagrammes on reprĂ©sente en abscisse la valeur du trait x et en ordonnĂ©e la valeur du trait x’. On reprĂ©sente ensuite deux courbes: la bissectrice qui n’est autre que la droite d’équation x = x’ et la courbe isocline qui correspond Ă  notre gradient de sĂ©lection (on a ici une droite mais ce n’est pas toujours le cas. Le signe de chaque zone est dĂ©terminĂ© par le signe du gradient de sĂ©lection et correspond donc au caractĂšre invasible ou non du trait x’.

Chaque intersection entre les 2 courbes correspond Ă  une stratĂ©gie singuliĂšre c’est-Ă -dire Ă  un Ă©quilibre x* lĂ  oĂč le gradient de sĂ©lection s’annule comme dans l’approche mathĂ©matique.

Figure 4 : PIP avec apparition d'un trait mutant x'


Comme on l’a expliquĂ©, les rĂ©gions positives reprĂ©sentent la combinaison de trait (x ; x’) pour laquelle le mutant avec le trait x’ peut envahir la population rĂ©sidente qui possĂšde le trait x ; À l’inverse, les rĂ©gions nĂ©gative reprĂ©sente la combinaison de trait pour laquelle un mutant avec le trait x’ ne peut pas envahir le milieu et ainsi disparaĂźt. On peut ainsi dĂ©terminer le caractĂšre invasible ou non de la stratĂ©gie singuliĂšre en regardant dans quelques zones se situent les valeurs de x’. Pour la Figure 4. par exemple Ă  x*, quelles que soient les valeurs de x’ on se trouve dans une rĂ©gion nĂ©gative, l’équilibre et donc stable et le mutant ne peut pas envahir la population.

On peut ensuite Ă©tudier la convergence de la dynamique vers cet Ă©quilibre en prenant des valeurs x0 et x’0 dans les rĂ©gions positives et on regarde ensuite dans quelle direction va l’invasion par le mutant. On rĂ©pĂšte ceci en prenant de nouvelles valeurs (de x0 en x2). Si on se dirige vers l’équilibre, alors la dynamique est convergente si on va dans le sens inverse, alors elle est non convergente.Toujours dans la Figure 4 on voit que dans les deux cas de rĂ©gions positives (X’ > Xn et X’ < Xn) la population de mutant x’ converge vers l’équilibre x* . On a donc dans cet exemple un Ă©quilibre stable et convergent et donc une stratĂ©gie continuellement stable (CSS). On retrouve donc les rĂ©sultats obtenus par l’approche mathĂ©matique.

On retrouve diffĂ©rents types de graphiques PIP, chacun ayant sa particularitĂ©, expliquant les diffĂ©rentes possibilitĂ©s d’évolutions d’un mutant.

Figure 6 : PIP d'un branchement Ă©volutif
Figure 5 : PIP d'un Jardin d'Eden




Dans un scĂ©nario Ă©volutif de type Jardin d'Eden (Figure 5), on a un point d’équilibre stable mais non convergent. L’équilibre ne peut donc pas ĂȘtre atteint bien qu’il reprĂ©sente un idĂ©al Ă©volutif du point de vue de ce trait et l’évolution ira dans le sens d’un Ă©loignement de cet Ă©quilibre. Le fait que l’équilibre pour un trait donnĂ© ne peut ĂȘtre atteint peut traduire l’effet de conflits Ă©volutifs entre niveaux de sĂ©lection notamment l’impact contraintes Ă©volutives d’autres traits sur le trait Ă©tudiĂ©.

Dans un scĂ©nario de type branchement Ă©volutif (Figure 6), on a un Ă©quilibre stable et convergent. Cela signifie qu’une fois l’équilibre atteint des mutants peuvent apparaĂźtre et avoir des taux de croissances positifs. Ils pourraient ainsi potentiellement coexister et former de nouvelles populations avec des phĂ©notypes diffĂ©rents (voir en s’isolant former de nouvelles espĂšces) . C’est ce qu’on appelle un point de branchement Ă©volution qui pourrait expliquer thĂ©oriquement la spĂ©ciation de type sympatrique mĂȘme si les consĂ©quences rĂ©elles sur les populations sont encore dĂ©battues. La figure 7, rĂ©capitule les diffĂ©rents cas de PIP selon la stabilitĂ© de l'Ă©quilibre et sa convergence.

Figure 7 : Schéma des différents PIP

Approche en modélisation

Figure 7 : Représentation d'un équilibre dans le champ des gradients.

Afin de formaliser un modĂšle de dynamique adaptative, la communautĂ© scientifique a souvent recours Ă  des logiciels de formalisation mathĂ©matique comme Mathematica, des logiciels de traitement de donnĂ©es et d’analyses statistiques comme le logiciel R. Ces logiciels permettent Ă  la fois d’écrire les modĂšles et de les confronter Ă  la rĂ©alitĂ© biologiques afin d’établir des prĂ©dictions quant Ă  la dynamique des populations Ă©tudiĂ©es.

Figure 8 : Matrices Jacobienne et Hessienne

L’exemple pris est ici un modĂšle Ă©tudiant le trade-off rĂ©sistance aux perturbations r et taux de colonisation c. À partir de la fonction d’invasion du mutant rare (: fitness), on peut calculer les gradients de sĂ©lection sur ces deux paramĂštres (r et c) en dĂ©rivant la fonction de fitness. Les dĂ©rivĂ©es de ses gradients donnant deux matrices : la matrice Hessienne et la matrice Jacobienne (Figure 7). Ces matrices permettent de connaĂźtre si l’équilibre (visualisĂ© Figure 6) correspond Ă  une stratĂ©gie Ă©volutivement stable (ESS), Ă  un point de branchement, un repoussoir ou s’il est convergent stable.

Exemple : Évolution du temps d’arrivĂ©e des oiseaux [5]

Ce modĂšle dĂ©crit comment appliquer les dynamiques adaptatives sur des modĂšles en temps discret. Il dĂ©crit l’évolution du temps d’arrivĂ©e des oiseaux dans leurs sites de nichĂ©es. Une arrivĂ©e prĂ©coce rĂ©duit la valeur reproductive des individus adultes en les soumettant Ă  des conditions sĂ©vĂšres encore proches de celles de l’hiver. À l’inverse, avec une arrivĂ©e retardĂ©e, les oiseaux risquent de manquer le pic d’abondance de larves d’insectes pour leurs jeunes. On pourrait penser que l’évolution provoquerait l’arrivĂ©e de tous les oiseaux au temps optimal pour la population mais ce modĂšle montre que la compĂ©tition pour les sites de nichĂ©es entraine l’arrivĂ©e de certains oiseaux plus tĂŽt, malgrĂ© le fait que les conditions soient dures.

La question est donc : quand les oiseaux doivent-ils arriver pour maximiser leur valeur reproductive (c’est-Ă -dire leur fitness d’une maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale)?

Tout d’abord on dĂ©finit la dynamique pour la population rĂ©sidente :

Avec

  • x : le temps d’arrivĂ©e d’une population rĂ©sidente d’oiseaux migratoires
  • K : le nombre de sites de nichĂ©es disponible tel que sinon il n’existe pas de compĂ©tition. Celle-ci est supposĂ©e intense puisque rater l’occasion d’avoir un site de nichĂ©e signifie ne pas se reproduire cette annĂ©e pour ces oiseaux.
  • R(x): le nombre de descendants par individu (qui traduit la capacitĂ© reproductive de l’individu)
  • p : la probabilitĂ© d’un individu de survivre d’une annĂ©e sur l’autre.

On trouve donc Ă  l’équilibre (quand donc Ă  . C’est un Ă©quilibre stable sachant que le temps pour lequel on maximise la taille de la population est On considĂšre maintenant une invasion par un mutant dont la taille de population est donnĂ©e par n’t (mais initialement rare dans la population) et avec un temps d’arrivĂ©e x’. Ce qui nous donne :

Avec C(x): la capacitĂ© de compĂ©tition d’un individu (dans ce cas on regarde la capacitĂ© de l’individu Ă  protĂ©ger son territoire). Comme on peut le voir dans ces Ă©quations, une compĂ©tition s’est mise en place entre les individus rĂ©sidents et les individus mutants puisqu’il y a une diffĂ©rence de fitness concernant le trait ou plutĂŽt la stratĂ©gie « temps d’arrivĂ©e » ce qui n’était pas le cas dans la population uniquement constituĂ©e de rĂ©sident puisqu’ils avaient tous la mĂȘme valeur pour ce trait.


Pour reprendre les observations faites sur la population d’oiseaux, on supposera que la fonction C(x)dĂ©crivant la capacitĂ© de compĂ©tition en fonction du temps d’arrivĂ©e diminue de façon exponentielle. De la mĂȘme maniĂšre la fonction R(x) suit une fonction gaussienne avec un nombre de descendants maximal au (ou plutĂŽt un nombre maximal Ă©levĂ©s dans de meilleures conditions et donc avec de meilleures chances de survie)

Étant donnĂ© que l’on travaille en temps discret, on notera la fonction de fitness comme le taux de croissance annuel (taux de croissance gĂ©omĂ©trique) d’un mutant initialement rare. On notera que la fonction de fitness en temps discret est sans dimension contrairement Ă  s en temps continu ; Les deux sont d’ailleurs reliĂ©es tel que


avec Δt : l’intervalle de temps sur lequel le modĂšle en temps discret est basĂ©.

On refait donc les mĂȘmes hypothĂšses des dynamiques adaptatives Ă  savoir que les rĂ©sidents sont largement majoritaires et que le mutant est initialement si rare qu’il a une influence nĂ©gligeable sur le taux de croissance par individu. On a donc :

Comme on a l’a vu avec les modĂšles en temps continu, ceci n’est valable que si on considĂšre la population rĂ©sidente comme Ă©tant Ă  l’équilibre ce qui en temps discret correspond Ă  On dĂ©termine ensuite le gradient de sĂ©lection via la dĂ©rivĂ©e partielle de la fonction de fitness par rapport au trait x', et on obtient :

Une arrivée tardive est donc favorisée lorsque la décroissance de la capacité de compétition est petite par rapport à la décroissance du succÚs reproducteur . On voit ainsi que la sélection entraßne un compromis entre la nécessité de sécuriser un territoire et la volonté de maximiser son nombre de descendants.

Pour la suite des calculs on pose qui correspondent respectivement Ă  des fonctions exponentielles dĂ©croissantes et gaussiennes. Le gradient de sĂ©lection et linĂ©aire et dĂ©croĂźt. Il y a donc une seule stratĂ©gie Ă©volutive qui doit ĂȘtre convergente et stable.

On rĂ©sout donc l’équation ce qui nous donne .

De plus on peut voir par calcul que donc l’équilibre x* est convergent, on a donc une stratĂ©gie Ă©volutive continuellement stable (CSS).

On peut donc conclure qu’en raison de l’avantage individuel d’arriver plus tĂŽt, relativement au reste de la population, la stratĂ©gie la plus stable Ă©volutivement se situe un peu avant la date d’arrivĂ©e qui maximise la taille de la population. C’est un exemple de la TragĂ©die des biens communs en Ă©volution. Les intĂ©rĂȘts du groupe (avoir une population maximale) sont en conflit avec les intĂ©rĂȘts de l’individu que traduit l’ESS.

Références

  1. StĂ©phane GĂ©nieys, Vitaly Volpert, Pierre Auger, Adaptive dynamics: modelling Darwin’s divergence principle, Comptes Rendus Biologies, 2006
  2. Dieckmann, U, et R Law, The Dynamical Theory of Coevolution: A Derivation from Stochastic Ecological Processes, J. Math. Biol. 34, 1996.
  3. François Massol, The metapopulation fitness criterion : Proof and perspective by François Massol, Theoretical Population Biology, Volume 75, 2009
  4. Odo Diekmann, A beginner’s guide to adaptative dynamic, Banach Center Publications, volume 63, 2004
  5. Åke BrĂ€nnström, Jacob Johansson and Niels von Festenberg, The Hitchhiker’s Guide to Adaptive Dynamics, Games, 2013
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