Drapeau de la Corse
Le drapeau de la Corse (A bandera testa mora) est lâun des principaux symboles de la Corse, avec le chant Dio vi salvi Regina. Il a Ă©tĂ© adoptĂ© par la rĂ©gion Corse, dĂ©sormais collectivitĂ© de Corse, en 1980.
Drapeau de la Corse | |
Le drapeau de la Corse. | |
Utilisation | |
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Caractéristiques | |
Adoption | 1755 |
ĂlĂ©ments | TĂȘte de Maure |
Il reprĂ©sente le profil gauche dâune tĂȘte noire dite tĂȘte de Maure, coiffĂ©e dâun bandeau blanc. Cet emblĂšme est de couleur noire sur un fond blanc. Sur les premiers drapeaux corses, la reprĂ©sentation de la tĂȘte Ă©tait lĂ©gĂšrement diffĂ©rente.
Origine de la tĂȘte de Maure
Les Corses considĂšrent avec une certaine fiertĂ© la tĂȘte de Maure sur leur drapeau[1]. AdoptĂ© en 1755 par Pascal Paoli comme emblĂšme de la Corse, l'origine de cette tĂȘte de Maure est l'objet de discussions chez les historiens. Ă l'Ă©poque oĂč l'emblĂšme fut adoptĂ©, il Ă©tait considĂ©rĂ© que la tĂȘte Ă©tait celle d'un Sarrasin du nom de Mansour Ben IsmaĂŻl[2], suivant la lĂ©gende rapportĂ©e dans les LĂ©gendes du pays corse, de J-A. Giustiniani[3].
En effet, une jeune Corse prĂ©nommĂ©e Diana aurait Ă©tĂ© enlevĂ©e au XIIIe siĂšcle par des Maures pour pouvoir ensuite ĂȘtre vendue comme esclave pour le roi de Grenade. Mais son fiancĂ© Pablo rĂ©ussit Ă la dĂ©livrer. AliĂ©nĂ©, le roi de Grenade envoya son lieutenant nommĂ© Mansour Ben IsmaĂŻl pour rĂ©cupĂ©rer la fugitive. C'est ainsi qu'Ă©clata une bataille entre les Corses et les Maures. Celle-ci fut remportĂ©e par les Corses et Pablo dĂ©capita Mansour. En souvenir de l'Ă©vĂ©nement, la tĂȘte de Maure apparut sur le drapeau corse[4].
Une autre lĂ©gende voudrait que ce soit Ugo Colonna qui, en 816, aurait dĂ©capitĂ© Hugolone, roi musulman de Corse ; la tĂȘte de l'ancien roi devenant ainsi un symbole.
Une autre encore voudrait que l'origine du drapeau corse date de l'Ă©poque de l'invasion de l'Ăźle par les Sarrasins. Dans le but d'impressionner et de dĂ©courager leurs adversaires, les soldats corses auraient dĂ©capitĂ© leurs ennemis et prĂ©sentĂ© leurs tĂȘtes empalĂ©es sur des piques. La tĂȘte de Maure serait alors devenue le symbole de la victoire des guerriers corses, avant d'ĂȘtre un symbole national.
MalgrĂ© toutes ces lĂ©gendes, les historiens ont longtemps privilĂ©giĂ© l'hypothĂšse d'une origine aragonaise de la tĂȘte de Maure[2] - [5] adoptĂ©e par la Sardaigne Ă l'Ă©poque oĂč le royaume d'Aragon dominait les Ăźles mĂ©diterranĂ©ennes. Le symbole apparaĂźt pour la premiĂšre fois en 1281 sur un sceau du roi Pierre III d'Aragon. Certains remarquent toutefois que cette « domination » ayant Ă©tĂ© plutĂŽt symbolique qu'effective et en outre de courte durĂ©e, il est possible que lâajout soit postĂ©rieur[6].
Une hypothĂšse a Ă©tĂ© donnĂ©e en 2022, par Michel VergĂ©-Franceschi, professeur Ă©mĂ©rite des universitĂ©s. DĂšs 1793, Bertrand BarĂšre parlait de la tĂȘte de Maure comme dâun « Ă©tendard non seulement de la rĂ©volte et de la contre-rĂ©volution mais celui de lâindĂ©pendance arborĂ© par Paoli retranchĂ© dans Corte, entourĂ© de rebelles et de prĂȘtres fanatiques »[7] : la tĂȘte serait donc celle de saint Maurice d'Agaune, dont le nom latin Mauritius serait Ă lâorigine du nom « Maure » ; saint Maurice Ă©tait un Ăgyptien noir, originaire de ThĂšbes, chef de la lĂ©gion thĂ©baine, ayant adoptĂ© la religion chrĂ©tienne et martyrisĂ©, pour cette raison, Ă TrĂšves en 303. Les chrĂ©tiens Ă©taient alors exĂ©cutĂ©s avec les yeux bandĂ©s, d'oĂč la tĂȘte noire avec, initialement, un bandeau sur les yeux[8].
Emploi hĂ©raldique de la tĂȘte de Maure
- Saint Maurice (dĂ©tail) par Matthias GrĂŒnewald.
- Blason de la Guilde des TĂȘtes noires reprĂ©sentant saint Maurice, saint patron de la guilde.
- Blason de la Corse.
- Blason de la Sardaigne.
- Blason de Coburg.
- Blason de BĂŒderich.
- Faure des Chaberts.
- Blason de Bad Sulza.
- Blason de Mandach.
- Blason de Morancé
- Blason de Krautheim (ThĂŒringen).
- Blason de Sandau (1979).
Ăvolution
Le bandeau
Selon un mythe du XVIIIe siĂšcle, le bandeau couvrait Ă lâorigine les yeux de la tĂȘte. C'est en 1745 que le gĂ©nĂ©ral des armĂ©es corses Ghjuvan Petru Gaffori aurait relevĂ© le bandeau sur le front en signe de libertĂ©[9].
Câest en sâĂ©lançant Ă lâassaut de la citadelle gĂ©noise de Bastia quâil aurait dit que la Corse allait enfin pouvoir ouvrir les yeux.
Mais tout ceci est controversĂ© par certains qui pensent que câest Pascal Paoli qui aurait remontĂ© le bandeau sur le front[10].
Mais certains pensent que ce seraient lâĂ©phĂ©mĂšre roi des corses ThĂ©odore de Neuhoff[11], le gĂ©nĂ©ral Jean-Pierre Gaffory[12], voire NapolĂ©on qui l'aurait relevĂ© sur le front d'un serviteur qui lui aurait sauvĂ© la vie, le libĂ©rant ainsi de l'esclavage[12]. Les historiens estiment aujourd'hui que cette modification n'a jamais eu lieu[13]. DĂšs le XIVe siĂšcle, le bandeau est reprĂ©sentĂ© sur le front. Il n'existe aucune trace d'un drapeau aux yeux bandĂ©s. Selon la plupart des historiens ce geste Ă©tait pour la Corse synonyme de lâabolition de la domination gĂ©noise[10].
Adoption
Historiquement, ce symbole est apparu au XIIe siĂšcle, plus prĂ©cisĂ©ment lors des croisades. Il reprĂ©sentait la lutte contre les musulmans et la conquĂȘte des lieux saints du christianisme en Orient. Ceux qui portaient ce blason Ă©taient considĂ©rĂ©s comme les dĂ©fenseurs du tombeau du Christ. Le thĂšme a Ă©tĂ© repris par la Couronne d'Aragon aux XVe et XVIe siĂšcles en prolongement de la Reconquista puisque Philippe II en a honorĂ© officiellement la Sardaigne et la Corse. Le fait que la tĂȘte soit noire est en rĂ©alitĂ© une allĂ©gorie mais aussi un trophĂ©e dĂ©signant des peuples de confession musulmane dont quelques reprĂ©sentants Ă©taient effectivement sombres ou noirs de peau (populations nilotiques ou sub-sahariennes). Une tĂȘte « blanche » (argent en hĂ©raldique) aurait prĂȘtĂ© Ă confusion : il faut vraiment replacer l'origine de ce symbole dans le contexte du Moyen Ăge ; Ă cette Ă©poque il fallait « diaboliser » les non-chrĂ©tiens de façon visuelle et cette reprĂ©sentation, allĂ©gorique donc, pouvait frapper l'imaginaire populaire et adresser un message fort Ă la chrĂ©tientĂ©[14].
La tĂȘte de Maure se retrouve donc comme symbole de la Corse sur des piĂšces de monnaie battues par le roi de Corse en 1736 ThĂ©odore de Neuhoff[11] - [15] - [16].
Avant tout symbole des insurgĂ©s corses contre les GĂ©nois, la tĂȘte de Maure est adoptĂ©e le Ă Corte par la jeune RĂ©publique corse jusquâĂ ce que lâĂźle soit provisoirement cĂ©dĂ©e Ă la France par GĂȘnes Ă lâissue du traitĂ© de Versailles puis conquise manu militari aprĂšs la bataille de Ponte-Novo[17]. La tĂȘte de Maure continue toutefois de symboliser la Corse[18].
De nombreuses annĂ©es plus tard, avec la crĂ©ation du royaume anglo-corse en , la Corse connut une seconde pĂ©riode dâindĂ©pendance. Mais Ă cette Ă©poque, le drapeau Ă la tĂȘte de Maure Ă©tait tombĂ© dans lâoubli. Ce nâest quâen 1980 quâil fut finalement rĂ©habilitĂ© en tant que drapeau rĂ©gional[1].
Articles connexes
Notes et références
- « Origine du drapeau corse », sur Drapeau Corse (consulté le ).
- Thierry OTTAVIANI, La Corse pour les Nuls poche, EDI8, , 396 pages, « Les symboles de lâĂźle »
- Cité dans Jean Victor Angelini, Histoire secrÚte de la Corse, Albin Michel, , 289 pages, p.97
- « Le drapeau corse / A bandera corsa, lâhistoire du drapeau - OT Bonifacio », sur Office de tourisme de Bonifacio (consultĂ© le )
- Patrice de La Condamine, Histoire en drapeaux et blasons - Cinq Pays Pyrénéens, éditions Les Enclaves Libres.
- Pierre Antonetti, Le drapeau Ă tĂȘte de Maure : Ă©tudes d'histoire corse, La Marge, , p. 12.
- Francis Pomponi, « En Corse sous la RĂ©volution : le temps du Governo Separato (juin 1793-juin 1794) », Cahiers de la MĂ©diterranĂ©e, vol. 1, Hommage Ă Alain Sainte-Marie, no 48,â , p. 157 note 11. (lire en ligne).
- « Drapeau corse, la clĂ© du mystĂšre de la tĂȘte de Maure », sur Corse Matin, (consultĂ© le ).
- « Le drapeau corse, son origine, son histoire », sur passione-corsa.sblanc.com (consulté le )
- « La passé mystérieux du drapeau Corse et de la « Testa Mora » - Orizzonte », sur www.orizzonte.fr (consulté le )
- Roger Calvet-Benetti, « Scudi et soldi du roi ThĂ©odose », Corse historique, archĂ©ologique, littĂ©raire, scientifique,â , p. 30 (lire en ligne, consultĂ© le )
- Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, Corse-du-Sud, Petit Futé, , p. 27
- Collectif, Histoire de la Corse : Volume 1, Ăditions Alain Piazzola, (ISBN 978-2364790148), p.310
- « origine de la tete de Maure », sur www.pievediaserra.fr (consulté le )
- Pierre Antonetti, Trois Ă©tudes sur Paoli, La Marge Ăditions.
- Ghjuvan Filippu Antolini, Les origines du drapeau corse, Primure, Ăditions d'Altri Orizonti, 1995.
- (en) Peter A. Thrasher, Pasquale Paoli : An Enlightened Hero 1725-1807, Hamden, Archon Books, (ISBN 0208010319), p. 178.
- AbbĂ© de Germanes, Histoire des revolutions de Corse depuis ses premiers habitans jusquâĂ nos jours, tome III, Demonville, , 365 p., p. 165 :
« Explication de la MĂ©daille que le Roi a permis aux Ătats de CorĆże de lui dedier, & de lui prĂ©Ćżenter par des DĂ©putĂ©s. »