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Discours de Tanger

Le discours de Tanger est un discours en arabe prononcé le , par le sultan alaouite Sidi Mohammed (futur roi du Maroc Mohammed V) dans le jardin de la Mendoubia (en) à Tanger (dans la zone internationale de Tanger). Il s'y prononce en faveur de l'affranchissement de son pays du colonialisme et de son émancipation totale, le Maroc étant alors sous domination française et espagnole.

Le sultan prononçant le discours de Tanger dans les jardins de la Mendoubia (en).

Le discours et ses conséquences

Le monarque aborda l'avenir du Maroc et son unité, sans toutefois évoquer la France « éprise de liberté et qui conduit le pays vers la prospérité ». Eirik Labonne, résident général au Maroc qui avait inspiré au souverain cette déclaration « omise », fut rappelé par la France, qui considéra le discours comme un affront à son représentant. Il fut remplacé par le général Juin avec pour mission de renforcer le pouvoir de la France au sein du protectorat alors en place.

Le discours de Tanger a eu lieu trois jours seulement après le massacre du 7 avril 1947 Ă  Casablanca (en), qui avait plusieurs centaines de morts[1] après un diffĂ©rend Ă  propos de femmes « auquel furent mĂŞlĂ©s des soldats sĂ©nĂ©galais »[1] quand des tirailleurs sĂ©nĂ©galais avaient reçu l'ordre d'ouvrir le feu sur la foule[2] - [3] - [1].

Quelques points abordés par le sultan :

  • A aucun moment, le futur Mohammed V n’utilise dans son discours le mot indĂ©pendance, sans doute pour ne pas froisser la France, reprĂ©sentĂ©e alors au Maroc par le rĂ©sident gĂ©nĂ©ral Eirik Labonne, rĂ©putĂ© libĂ©ral.  « Le Maroc dĂ©sire ardemment acquĂ©rir ses droits entiers », s’est-il contentĂ© de dire, tout en ajoutant : « Le peuple qui s’éveille enfin prend conscience de ses droits et suit le chemin le plus efficace pour reprendre son rang parmi les peuples ».
  • A contrario, celui qui se fait encore appeler le sultan Sidi Mohammed aurait dĂ» rendre hommage Ă  la puissance protectrice en exhortant ses sujets Ă  s’inspirer des « Français », ce peuple « Ă©pris de cette libertĂ© qui conduisit le pays (le Maroc) vers la prospĂ©ritĂ© et le progrès ». Il n'a cependant pas prononcĂ© cette partie du discours[4].
Le sultan au moment de la conférence de Casablanca.
  • Bien qu'Ă  la suite de la mort de Franklin Roosevelt, les AmĂ©ricains n’aient pas tenu leur promesse de la confĂ©rence de Casablanca (janvier 1943) de rendre l’indĂ©pendance aux Marocains, le sultan ne leur tient pas vraiment rigueur. « J’éprouve beaucoup d’estime et de respect pour les services rendus par la RĂ©publique amĂ©ricaine aux pays arabes, et notamment pour sa participation Ă  la dĂ©livrance de l’oppression », dĂ©clare-t-il dans son discours.
  • Le sultan du Maroc Ă©voque aussi l’idĂ©al panarabiste, alors en plein essor. « Il va sans dire que le Maroc, Ă©tant un pays attachĂ© par des liens solides aux pays arabes d’Orient, dĂ©sire naturellement que ces liens se raffermissent de plus en plus, surtout depuis que la Ligue Arabe est devenue un organisme important qui joue un grand rĂ´le dans la politique mondiale », dĂ©clare-t-il, avant d’ajouter : « Les pays arabes ne forment qu’une seule Nation : que ce soit Ă  Tanger ou Ă  Damas, cela ne fait qu’une. »
La Mendoubia (en), où a été prononcé le discours, est aujourd'hui un musée consacré à celui-ci.
  • « L’avarice », « l’injustice », « l’ignorance »… autant de maux dans lesquels pataugent les Marocains et que le sultan condamne dans son discours. « En dĂ©sertant (la science), nos voies de salut se sont assombries, notre Ă©garement a Ă©tĂ© Ă  son comble quand nous nous sommes laissĂ©s envahir par l’ignorance. […], l’injustice est venue s’installer parmi nous, nos principes se sont transformĂ©s en moyens d’oppression privant les hommes de leurs droits sacrĂ©s. […] L’avarice, en s’emparant de nos âmes, les a perdues, l’égoĂŻsme, en annihilant nos qualitĂ©s de cĹ“ur, nous a prĂ©cipitĂ©s dans la dĂ©cadence. Nous avons prĂ©parĂ© les voies de nos malheurs pour subir les vicissitudes de la dispersion. »

Notes et références

  1. Jean-Claude Santucci, Le Maroc actuel: Une modernisation au miroir de la tradition ?, Institut de recherches et d'Ă©tudes sur le monde arabe et musulman, Aix-en-Provence, 1992 (EAN 9782222044772) PrĂ©sentation de l'ouvrage
  2.  , « LibĂ©rations Ă  la française  »,  www.contreculture.org ,   (consultĂ© le )
  3. Maroc Hebdo International , « 50e anniversaire des Ă©vĂ©nements sanglants de Casablanca - LE COUP DES SENEGALAIS  »,  www.maroc-hebdo.press.ma,   (consultĂ© le )
  4. « DISCOURS DE TANGER - Encyclopædia Universalis », sur www.universalis.fr (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

  • Traduction du texte intĂ©gral du discours de Tanger dans « 56e anniversaire du voyage historique de S.M. Mohammed V Ă  Tanger : un tournant majeur dans l'Histoire du Maroc », Le Matin,‎ (lire en ligne)
  • Abdelhadi Alaoui, Le Maroc et la France : 1912-1956 (Textes et Documents Ă  l'appui), Rabat, Fanigraph, , 568 p. (ISBN 9789954038598 et 9954038590, OCLC 262650411, prĂ©sentation en ligne), III-5, « Le discours royal de Tanger », p. 141-154
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