Diplomatique byzantine
ComparĂ©e au travail produit dans les chancelleries de lâOccident, la diplomatique byzantine est trĂšs pauvre et mal connue[1].
Si la maxime selon laquelle « pas de documents pas dâhistoire » est chĂšre aux mĂ©diĂ©vistes qui sâintĂ©ressent Ă lâOccident, elle lâest encore plus Ă ceux qui se passionnent pour la partie orientale de lâancien Empire romain[2]. La raison est la grande raretĂ© des sources non littĂ©raires.
Il sâensuit que les historiens contemporains pourraient ĂȘtre pris en otage par les idĂ©es et hypothĂšses Ă©mises depuis un certain temps par les historiens byzantins, sans avoir les moyens de vĂ©rifier si de telles prises de position tiennent devant la complexitĂ© des faits.
Sources
Le recours aux sources documentaires est susceptible de corriger ce risque de distorsion dans la lecture ou lâanalyse des phĂ©nomĂšnes historiques. Le seul cas des vingt monastĂšres cĂ©nobitiques de lâAthos, une « presquâĂźle escarpĂ©e de 326 km2, important foyer monastique depuis le Xe siĂšcle de notre Ăšre »[3] en dit long sur son impact sur le tissu Ă©conomique de la rĂ©gion[4]. Dâautre part, des formules administratives des membres du clergĂ© jettent une lumiĂšre nouvelle sur les titres ecclĂ©siastiques de deutĂ©ron et de pittakion, tout en diffĂ©rant des rĂŽles dâordination; ce faisant ils Ă©clairent leur lien avec des fonctions existant autrefois dans la hiĂ©rarchie sĂ©culiĂšre de lâEmpire byzantin[5]. Enfin, mĂȘme si elles sont de prime abord ecclĂ©siastiques, les sources documentaires fournissent de prĂ©cieuses informations sur la topographie, les toponymes, la prosopographie, les exemptions fiscales, les rapports de propriĂ©tĂ© rĂ©gissant les biens des laĂŻques[6] ou encore les relations entre moines et laĂŻques[7].
Pour brosser un tableau de la diplomatique byzantine, cet article procédera en quatre temps: aprÚs avoir montré le lien entre byzantinologie et sources diplomatiques, on identifiera deux grands ensembles parmi les documents diplomatiques publics, les actes séculiers et les actes ecclésiastiques; aprÚs quoi seront soulevés des enjeux de la conservation et de la transmission des actes et finalement seront relevées les caractéristiques externes des documents.
Byzantinologie et diplomatique
La crĂ©ation de la diplomatique est attribuĂ©e Ă Jean Mabillon (1632-1707), qui la fonda avec son ouvrage « De re diplomatica libri VI », Paris, 1681[8]. La diplomatique, « dont le nom est dĂ©rivĂ© du substantif ÎŽÎŻÏλÏΌα (diploma, ce qui est pliĂ©, redoublĂ©), dĂ©signe la science auxiliaire de lâhistoire dont lâobjet est lâĂ©tude critique des actes officiels. Par « acte » il faut entendre « les expressions Ă©crites Ă contenu juridique »[9].
En quantitĂ© toujours croissante au fil des dĂ©pouillements, le matĂ©riel de la diplomatique provient surtout des archives des monastĂšres et des Ătats en contact avec Byzance[10]. Ces sources provenant des archives ne peuvent cependant ĂȘtre sĂ©parĂ©es des pratiques des chancelleries, de lâinfluence des Ă©critures livresques ni des autres domaines de recherche associĂ©s Ă lâaspect matĂ©riel de lâensemble des sources en byzantinologie: codicologie, Ă©pigraphie, papyrologie, etc.[11].
GrĂące au mouvement philhellĂšne du XIXe siĂšcle Ă©mergent certaines recherches. Le premier grand ouvrage qui repose sur une Ă©tude minutieuse des archives est celui de Karl Hopf (1832-1879), « Geschichte Griechlands vom Beginn des Mittelalters bis auf unsere Zeit » (1867-1868)[12]. La recherche systĂ©matique en Allemagne commença avec le travail de Karl Krumbacher (1854-1909), notamment sa « Geschichte der byzantinischen Literatur » (1891). Un de ses disciples, Franz Dölger (1891-1968), lance lâĂ©dition des regestres des actes impĂ©riaux byzantins; « lâĂ©dition et la publication en facsimilĂ©s dâactes impĂ©riaux et athonites et la rĂ©alisation dâun premier manuel de diplomatique byzantine comptent parmi ses mĂ©rites »[13].
En fondant le « Vicantijskij Vremennik » en 1894, le fondateur de la byzantinologie russe, V. G. Vassiljevskij (1838-1899) en Ă©tendit les champs de recherche. Ainsi, P. A. Jakovenko et P. V. Bezobrazov sâoccupĂšrent-ils des problĂšmes de lâhistoire interne et des actes diplomatiques[14].
Au milieu du XIXe siĂšcle en France, la grande collection « Patrologia Graeca » en 161 volumes (Paris, 1857-1866) Ă©ditĂ©e par J.P. Migne rend accessible une abondante littĂ©rature ecclĂ©siastique et historique[14]. Charles Diehl (1859-1944) peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le crĂ©ateur des Ă©tudes byzantines modernes en France. P. Lemerle sâoccupa des actes diplomatiques[15]. Lâ« Institut français dâĂ©tudes byzantines », centre de recherche des Assomptionnistes, est un autre centre important oĂč sont Ă©ditĂ©s les regestes des actes du patriarcat de Constantinople[16].
Deux autres pays europĂ©ens ont Ă©ditĂ© des sources diplomatiques. En Autriche, dĂšs le XIXe siĂšcle, il faut remarquer la grande collection des sources byzantines de F. Miklosich et J. MĂŒller (Acta et diplomata Graeca medii aevi I-IV, Vienne 1860-1890). Herbert Hunger, Ă la chaire de byzantinologie de Vienne, entreprit de vastes recherches en histoire des idĂ©es et de la politique, de la diplomatique, de la palĂ©ographie et de la papyrologie[17]. Chez les Grecs, on doit Ă A. Papadopoulos-KĂ©rameus lâĂ©dition de sources ecclĂ©siastiques des bibliothĂšques patriarcales de Constantinople et de JĂ©rusalem[18].
Lâessor des Ă©tudes byzantines aux Ătats-Unis est dĂ» Ă des Ă©migrants europĂ©ens des annĂ©es 1940-1945. Il en rĂ©sulta le « Dumbarton Oaks Center for Byzantine Studies » Ă Washington. Ce centre publie depuis 1941 les « Dumbarton Oaks Studies »[19]. Mais dâautres recherches byzantines sont entreprises aux universitĂ©s de Berkeley, de Los Angeles, de Chicago, de Columbia (New York) et de Harvard[20].
Subdivisions de la diplomatique byzantine
Le caractÚre juridique des actes a porté la diplomatique à répartir les sources en deux grandes familles comprenant les écrits publics et les écrits privés. Parmi les écrits publics (ou actes publics) on distingue les actes séculiers et les actes ecclésiastiques.
Les actes séculiers
Produites par les autoritĂ©s de lâĂtat, les actes sĂ©culiers comprennent dâun cĂŽtĂ© les actes impĂ©riaux et, de lâautre, les actes des despotes, les actes des sebastokratores et les actes des fonctionnaires. MĂȘme si lâempereur tenait une correspondance privĂ©e dotĂ©e de bulles de plomb, la chrysobulle[21] a fini, par dĂ©signer, par synecdoque, les actes impĂ©riaux officiels pourvus dâune bulle dâor parce quâelle donnait au document Ă©manant de lâempereur une authenticitĂ©, une parure et un pouvoir particulier[22]. De style trĂšs soignĂ©, lâacte comprend des formules dâintroduction et de conclusion, le protocole. En schĂ©matisant, on peut dire que «[l]e texte se divise en diffĂ©rentes parties: le prooimion (exorde), la position du problĂšme (narratio), la dĂ©cision (dispositio), la formule de sanction (sanctio) et la corroboration (corroboratio). Lâeschatocole comprend la datation (datum) et la signature (subscriptio) »[23].
Les actes impĂ©riaux peuvent se subdiviser en quatre catĂ©gories, dont la structure schĂ©matique peut varier: les actes de contenu lĂ©gislatif (Ă©dikton et nĂ©ara), les dĂ©cisions impĂ©riales sous forme dâepistola, dâepistolĂš ou de subscriptio, les actes relatifs aux affaires Ă©trangĂšres (traitĂ©s, lettres aux souverains Ă©trangers et lettres de crĂ©ance pour diplomates) et les actes administratifs (octroi de privilĂšges, charges honorifiques, en particulier le type du chrysoboullos logos attestĂ© Ă partir du XIe siĂšcle).
MĂȘme assez tard comme aux XIVe et XVe siĂšcles, les registres de la chancellerie gĂ©noise, qui a pris le contrĂŽle de lâĂźle de Famagouste, fournit des informations prĂ©cieuses sur la domination gĂ©noise, les communautĂ©s sujettes, les relations avec les autoritĂ©s chypriotes, les mouvements des capitaux, le nombre de soldats, la diversitĂ© dans lâorigine de la population, les langues, les mĂ©tiers ou encore la mauvaise administration de la colonie gĂ©noise. Tout cela permet « de rĂ©unir une riche moisson dâinformations, certes plus nombreuses sur la gestion interne de la colonie, mais pas du tout insignifiante sur ses relations avec lâextĂ©rieur et, en particulier, avec la cour royale des Lusignan »[24].
Les actes ecclésiastiques
Provenant des autoritĂ©s de lâĂglise, les actes ecclĂ©siastiques se dĂ©clinent en actes des patriarches, actes synodaux, actes Ă©piscopaux, actes des protoi et actes des abbĂ©s[25]. Parmi les actes ecclĂ©siastiques, la plus grande part des documents produits par les chancelleries patriarcales sont des lettres officielles dans lesquelles lâauteur, le patriarche, sâadresse directement Ă un correspondant[26]. Ces actes personnels du patriarche furent connus sous les termes de gramma et dâepistolĂš et plus tard sous le nom de pittakia (pittakion au singulier), bien que la chancellerie patriarcale dĂ©signe aussi par le terme hypomnĂšma les actes solennels qui comportaient une signature et un sceau[27]. Dans un cas comme dans lâautre, « [l]e schĂ©ma de ces actes solennels, qui nâĂ©taient livrĂ©s que par les patriarches, Ă©tait le suivant: ligne dâintitulĂ©, prooimion, expositio, mention de la participation du synode, dispositio, clause de sanction, dĂ©claration de validitĂ© »[28].
En parallĂšle du prostagma impĂ©rial existe aussi le gramma. Celui-ci dĂ©signe « un Ă©crit personnel du patriarche de Constantinople; le mĂȘme concept est aussi employĂ© pour dĂ©signer un document patriarcal au style personnel (sans adresse et notamment le destinataire Ă la troisiĂšme personne) »[29]. Son contenu comprend des ordonnances, des jugements, des donations, des nominations[30].
Parmi dâautres actes particuliers dans le registre patriarcal on trouve les Ă©crits suivants: la profession de foi (homologia), la priĂšre suivant lâintronisation de lâempereur (euchĂš), le discours homilĂ©tique (didaskalia), le testament (diathekĂš), lâexcommunication (aphorismos) et lâabsolution (sunchorĂ©sis); lâabdication Ă©tait signifiĂ©e par une paraitĂšsis[31].
Les registres patriarcaux produisent cinq autres types dâactes. Les actes synodaux dĂ©pendant du prĂ©sident du synode[32], sans lequel le synode ne pouvait ni siĂ©ger, ni dĂ©libĂ©rer, ni juger. En principe, « le synode ne peut siĂ©ger, dĂ©libĂ©rer et rendre des sentences quâavec son prĂ©sident, le patriarche »[33]. Les actes du synode sans le patriarche sont par consĂ©quent exceptionnels.
Le premier type de document est alors le rapport de dĂ©roulement dâune ou de plusieurs sessions ou la rĂ©daction dâun procĂšs-verbal de session. Le deuxiĂšme genre dâacte est le sĂ©meiĂŽma. Ce terme formel « sert Ă dĂ©signer le procĂšs-verbal de session qui ne dit rien du contenu et qui pouvait ĂȘtre dĂ©signĂ© autrement comme dispositio ou conclusio »[34]. Il comprend normalement le protocole (mĂ©nologe et liste de prĂ©sence), lâexpositio (exposĂ©), le dispositif (dispositio) et la conclusion[35]. Ătant donnĂ© que le patriarche pouvait expĂ©dier des grammata ou des pittakia sous sa responsabilitĂ© exclusive, des Ă©crits officiels signĂ©s conjointement Ă©taient publiĂ©s par le synode et par le patriarche[34].
Alors que le sĂ©meiĂŽma est le compte rendu des dĂ©libĂ©rations et le premier tĂ©moin destinĂ© Ă ĂȘtre conservĂ© Ă la chancellerie, la praxis, autre compte rendu des actions synodales, en est la forme plus directe par rapport au destinataire, qui reçoit lâacte comme envoi du patriarche[36].
Le troisiĂšme genre de document est la diagnĂŽsis, « un acte qui publie la dĂ©cision dâun synode en sa qualitĂ© de tribunal judiciaire »[37]; il peut concerner la rĂ©habilitation dâun condamnĂ©, la condamnation ou lâexcommunication. Un quatriĂšme genre est la praxis; câest lâacte dâadministration ecclĂ©siastique le plus solennel des patriarches et du synode: il concerne les nominations ou les transferts dâĂ©vĂȘques, lâoctroi Ă un Ă©vĂȘque de titres ou de droits dâun second Ă©vĂȘchĂ©, le transfert ou la donation. Autrement dit, « [l]a diagnĂŽsis est un acte judiciaire tandis que la praxis est un acte de gouvernement et dâadministration »[38].
Le cinquiĂšme genre, plus rare, est lâhypotypĂŽsis: cette dĂ©cision synodale concernant le bien de lâĂglise sanctionne un dogme ou une rĂ©forme dans la constitution de lâĂglise. Câest pourquoi il nĂ©cessitait la « participation du pouvoir impĂ©rial »[38].
Les actes patriarcaux peuvent ainsi renseigner la postĂ©ritĂ© sur diverses questions dâadministration patriarcale: exemption des monastĂšres vis-Ă -vis de lâautoritĂ© Ă©piscopale; motifs de la destitution dâun mĂ©tropolite, date et actes de dĂ©mission dâun patriarche, choix dâune rĂ©sidence patriarcale lors de lâoccupation de la cathĂ©drale Sainte-Sophie par les musulmans sous le patriarcat de Joasaph II, octroi du titre dâexarque aux mĂ©tropolites; aprĂšs la chute de Constantinople, le patriarche de Constantinople se permit de porter le sakkos, une dalmatique richement ornĂ©e autrefois rĂ©servĂ©e Ă lâempereur[39].
Finalement, dans les « affaires ecclĂ©siastiques », on peut considĂ©rer comme privĂ©s les actes accomplis et signĂ©s par une autoritĂ© lorsque cet auteur (patriarche, synode, chancellerie) nâagit pas directement en vertu de la fonction publique dont elle est revĂȘtue[40].
Transmissions des documents
Comme en palĂ©ographie ou en papyrologie grecques, lâanalyse des donnĂ©es matĂ©rielles des supports de la transmission fournit des renseignements sur la vie culturelle et intellectuelle du monde byzantin. Ainsi, lâhistoire de lâĂ©criture et une analyse correcte de la calligraphie aident-elles Ă dater les documents et Ă en dĂ©terminer la validitĂ©[41]. Pour Ă©valuer la forme gĂ©nĂ©rale du manuscrit, on examine aussi le filigrane, le contraste de diverses mains de copistes, leur parentĂ© ou leur identitĂ© dans le mĂȘme acte[42].
En outre, toutes ces sources documentaires Ă©tant manuscrites et recopiĂ©es, des variantes peuvent apparaĂźtre dâun manuscrit Ă lâautre. Ainsi, en comparant lâĂ©dition des prooimia Ă©tablie par Herbert Hunger en 1964 et provenant dâune collection de Heidelberg, Robert Browning en complĂšte et en corrige les lacunes en 1966 grĂące Ă une collection de manuscrits provenant dâOxford et reprenant les mĂȘmes textes[43].
Bien que les supports dâĂ©criture soient trĂšs variĂ©s, la grande majoritĂ© des documents byzantins reposent sur papyrus, parchemin et papier[44]. La feuille volante Ă©tait la forme principale sous laquelle Ă©taient produits les lettres et les actes officiels[45].
Un premier enjeu de la transmission des actes consiste Ă distinguer la copie de la minute, celle-ci Ă©tant la « [p]remiĂšre rĂ©daction (d'un texte, d'un document officiel) qu'on se propose de mettre au net, de recopier »[46]. Les minutes sont rarissimes et datent du dĂ©but de lâĂ©poque byzantine[47] .
Quâil sâagisse dâimitations (copia imitativa) ou de simples copies (copies de chancelleries, copies officielles, copies de bĂ©nĂ©ficiaires), les copies sont mises Ă contribution pour distinguer les vrais des faux documents.
Lâautre enjeu de la diplomatique consiste Ă identifier les contrefaçons, notamment par lâexamen des caractĂ©ristiques externes des actes, le support matĂ©riel de lâĂ©crit, lâencre, le type dâĂ©criture, les notes ou les sceaux[48]. Ă sa maniĂšre, chaque chancellerie et son chartophylax[49] contribuent Ă la mise en forme diplomatique de tous les actes, en y laissant des marques souvent anonymes: les formes dâĂ©dition choisies par le patriarche ou le synode, les titres, les notes, les notices et les signes de classements ou procĂ©dures dâannulation apposĂ©s par les officiers, notaires et secrĂ©taires de la chancellerie[50].
Pour les documents diplomatiques, il en rĂ©sulte une capacitĂ© de prouver la propriĂ©tĂ© de certains biens; elle sâavĂšre encore efficace de nos jours[51]. Les actes impĂ©riaux officiels ont aussi conservĂ© des marqueurs qui leur sont propres et qui permettent de les reconnaĂźtre: ils ont utilisĂ© principalement le papyrus et le parchemin pour les actes de moindre importance au dĂ©but et au milieu de lâĂ©poque byzantine. Ă partir du XIe siĂšcle est utilisĂ© le papier bombycin et Ă partir de 1259, les chrysoboulloi logoi sont Ă©crits sur parchemin alors que les prostagmata[52] sont Ă©crits plus tard sur papier. Pour se distinguer des autres actes, les chancelleries impĂ©riales mettent en place toute une sĂ©rie de caractĂ©ristiques distinctives, notamment lâutilisation des « litterae caelestes » (lettres cĂ©lestes), une calligraphie interdite Ă tous les autres producteurs de documents[48].
Caractéristiques externes et support des documents
Le support matĂ©riel surtout utilisĂ© dans le domaine littĂ©raire ou documentaire, public ou privĂ© est le papyrus. Il est supplantĂ© par le parchemin au IVe siĂšcle. Sa fonction se rĂ©duit alors aux documents officiels et aux lettres, au dĂ©but de la chancellerie impĂ©riale byzantine et dans les Ătats germaniques dâOccident, comme lâillustre un document Ă©pistolaire byzantin pour lâĂ©tranger provenant de la chancellerie impĂ©riale, datant du IXe siĂšcle et conservĂ© dans la cĂ©lĂšbre lettre impĂ©riale de lâabbaye de Saint-Denis[53].
DĂ©signĂ© sous le terme de diphtĂ©ra, de membrana, de pergamena ou de charta, le parchemin sâimpose dans le domaine diplomatique; « Ă partir du Xe siĂšcle, il apparut de plus en plus dans des documents qui ne provenaient pas de la chancellerie impĂ©riale »[54]. Quant au papier, qui fut dĂ©couvert en Chine avant lâĂšre chrĂ©tienne, il passe vers 800 dans les chancelleries de Bagdad. « Le plus ancien manuscrit grec de papier qui ne soit pas dâorigine byzantine, Ă©crit sur papier oriental, est un codex provenant de Damas datant du VIIIe/IXe siĂšcle. [âŠ] au XIe siĂšcle, il existait dĂ©jĂ des manuscrits byzantins de papier »[55]. MalgrĂ© des chevauchements inĂ©vitables, on a observĂ© dans lâensemble que le rouleau de papyrus domine dans lâAntiquitĂ©; il est suivi au Moyen Ăge par le parchemin, qui sera supplantĂ© par le papier. NĂ©anmoins, « on rencontre des rouleaux de papyrus Ă contenu documentaire jusquâĂ la deuxiĂšme moitiĂ© du XIe siĂšcle »[56].
Bilan
Depuis que Jean Mabillon a structurĂ© la diplomatique en science au XVIIe siĂšcle, les attitudes envers la byzantinologie ont variĂ©. NĂ©anmoins, il est incontestable que les nombreux actes de chancelleries publiques â ecclĂ©siastiques ou sĂ©culiĂšres â ont permis dâenrichir et de nuancer notre connaissance de la civilisation byzantine tant sur les techniques dâĂ©criture ou de transmission de documents que sur la culture, lâĂ©conomie ou la dĂ©mographie de lâEmpire romain dâOrient. Les actes juridiques â privĂ©s ou publics â auxquels les dĂ©pĂŽts dâarchives donnent accĂšs nourrissent les recherches des byzantinologues tant au collĂšge de France ou au CNRS que dans les universitĂ©s amĂ©ricaines. Les collections dâactes et dâĂ©tudes que publient ces Ă©quipes de chercheurs nâont pas cessĂ© de rĂ©vĂ©ler les lacunes de la byzantinologie et quelquefois de les combler.
Notes et références
- Jean DarrouzĂšs, Le registre synodal du patriarcat byzantin au XIVe siĂšcle. Ătude palĂ©ographique et diplomatique, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, 1971, p. 3.
- D. M. Nicol, « Byzantinische Urkundenlehre. Erster Abschnitt: Die Kaiserurkunden, by Franz Dögler and Johannes Karayannopulos », The Classical Review, vol. 20, n. ° 1, 1970, p. 87-88.
- Isabelle DĂ©pret, « Religion, biens spirituels et patrimoine matĂ©riel. Les soubassements Ă©conomiques dâune âmise en hĂ©ritageâ des monastĂšres du Mont Athos (fin XXe âdĂ©but XXIe siĂšcle) », Archives de sciences sociales des religions, n.° 185,â , p. 66.
- En effet, « les actes de lâAthos nous indiquent que, dĂšs le XIe siĂšcle, les grands monastĂšres de la pĂ©ninsule âtels Lavra, Vatopaidi, Iviron, Chilandar â avaient acquis un domaine foncier important en Chalcidique et, plus gĂ©nĂ©ralement, en MacĂ©doine (byzantine) par le biais de dotations, legs, attributions de monastĂšres en dĂ©shĂ©rence et dâachats » (Isabelle DĂ©pret, loc. cit., p. 68). Pour une synthĂšse intĂ©ressante sur les archives de lâAthos, voir: Peter Charanis, « Actes dâEsphigmĂ©nou, by Jacques Lefort; Actes du PrĂŽtaton, by Denise Papachryssanthou », Speculum, vol. 52, n. °1, 1977, p. 150-152.
- Jean DarrouzĂšs, « Deux formules dâactes patriarcaux », dans Travaux et MĂ©moires du Centre de Recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance, vol. 8,â , p. 110-111
- (en) Mark C. Bartusis, « Actes de VatopĂ©di, 1. Des origines Ă 1329, by Jacques Bompaire, Jacques Lefort, Vassiliki Kravari and Christophe Giros », Speculum, vol. 78, n°2,â , p. 469.
- (en) Jonathan Shepard, « Introduction. Other Routes to Byzantium », dans Jonathan Shepard (dir.), Cambridge History of the Byzantine Empire c. 500-1492, New York, Cambridge University Press,â , p. 53.
- Otto Mazal, Manuel dâĂ©tudes byzantines, Turnhout, Brepols, , 360 p., p. 16.
- Otto Mazal, op. cit., p. 234 et p. 325. Dans le mĂȘme sens: Nicolas Oikonomides, « Diplomatics », dans A. Kazhdan (dir.), The Oxford dictionary of Byzantium, New York, Oxford University Press, 1991. https://www-oxfordreference-com.proxy.bibliotheques.uqam.ca/view/10.1093/acref/9780195046526.001.0001/acref-9780195046526-e-1491?rskey=3wGHez&result=1491 (le 12 octobre 2020).
- Otto Mazal, op. cit., p. 8.
- otto Mazal, Ibid., p. 229; Nicolas Oikonomides, loc. cit. (le 12 octobre 2020)
- Otto Mazal, op. cit.., p. 18
- Otto Mazal, Ibid., p. 18.
- Otto Mazal, Ibid., p. 19.
- « Ă lâĂcole Pratique des Hautes Ătudes, Ă la Sorbonne, au CollĂšge de France, il [= Paul Lemerle] a formĂ© ce quâon appelle volontiers hors de nos frontiĂšres lâĂ©cole des byzantinistes français » (Centre de recherche dâhistoire et civilisation de Byzance, « Hommage au professeur Paul Lemerle », Travaux et mĂ©moires 8. Hommage Ă M. Paul Lemerle, Paris, Ăditions E. de Boccard, , p.v.
- Otto Mazal, Ibid., p. 20.
- Otto Mazal, Ibid., p. 21.
- Otto Mazal, Ibid., p. 22.
- https://www.doaks.org/research/byzantine (le 24 octobre 2020).
- Otto Mazal, Ibid., p. 23.
- Câest un document impĂ©rial officiel muni dâune bulle dâor (Otto Mazal, op. cit., p. 235).
- Otto Mazal, Ibid., p. 235.
- Otto Mazal, Ibid., p. 236.
- Michel Balard, « La Massaria gĂ©noise de Famagouste », dans M. G. Parani et A. D. Beihammer et Chr. Schabel (dir.), Diplomatics in the eastern Mediterranean 1000-1500: aspects of cross-cultural communication, Leiden, Brill,â , p. 249.
- Otto Mazal, op.cit., p. 235. Une des collections les mieux connues est celle « des Actes de lâAthos, Ćuvre monumentale poursuivie depuis les annĂ©es 1930 par des Ă©quipes de chercheurs associĂ©s au CollĂšge de France et Ă lâAcadĂ©mie dâAthĂšnes » (Isabelle DĂ©pret, loc. cit., p. 65).
- Pour une notice indiquant les mérites du regestre des actes du patriarcat de Constantinople et la maniÚre dont ils éclairent la période du XIIIe au XIVe siÚcle, voir: Angeliki E. Laiou, « Les regestres des actes du patriarcat de Constantinople, by V. Laurent », Speculum, vol. 48, n. °4, 1973, p. 767-770.
- Otto Mazal, op. cit., p. 238. Le terme pittakion dĂ©signe la lettre avec adresse et souhaits (J. DarrouzĂšs, Le registre synodal du patriarcat byzantin au XIVe siĂšcle, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, 1971, p. 172). Sur la diffĂ©rence entre epistolĂš, pittakion et gramma, voir J. DarrouzĂšs, op. cit., p. 186.
- Otto Mazal, op.cit., p. 238.
- Otto Mazal, Ibid., p. 330.
- Otto Mazal, Ibid., p. 238
- Jean DarrouzĂšs, Le registre synodalâŠ, 1971, p. 168-171. Dans le mĂȘme sens : Otto Mazal, op. cit., p. 238.
- Le synode, dans lâhistoire de la religion chrĂ©tienne, dĂ©signe soit lâassemblĂ©e d'Ă©vĂȘques dĂ©libĂ©rant sur des questions touchant Ă la vie de l'Ăglise, soit la rĂ©union d'ecclĂ©siastiques convoquĂ©e par l'Ă©vĂȘque pour dĂ©libĂ©rer sur les affaires du diocĂšse. EntrĂ©e « synode » du TrĂ©sor de la langue française en ligne : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/advanced.exe?8;s=1972041225; (le 3 novembre 2020).
- J. DarrouzĂšs, Le registre synodalâŠ, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, 1971, p. 164 et 204.
- Otto Mazal, op. cit., p. 238.
- Jean DarrouzĂšs, op. cit.,, p. 204.
- Jean DarrouzĂšs, op. cit., p. 141.
- Otto Mazal, op.cit., p. 239. Dans le mĂȘme sens : J. DarrouzĂšs, op. cit., p. 218.
- Jean DarrouzĂšs, op. cit., p. 244.
- Patriarchatus Constantinopolitani Acta selecta II. Introductione, adnotationibus et indicibus illustravit Carolus de Clerc, Roma, Typis Cryptisferrantensibus, 1967, p. vii-ix (passim).
- Jean DarrouzĂšs, Le registre synodal du patriarcat âŠ, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, , 503 p., p. 155.
- Otto Mazal, op.cit., p. 8.
- Jean DarrouzĂšs, Le registre synodal âŠ, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, , 503 p., p. 2.
- Robert Browning, « Notes on Byzantine Prooimia », dans Weiner Bynzantinistiche Studien. Band I: Supplement, Wien, 1966, p. 8.
- Otto Mazal, op.cit., p. 230.
- Ibid., p. 232.
- Entée « minute » du Trésor de la langue française en ligne : http://stella.atilf.fr/Dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=1972041225;r=1;nat=;sol=1; (le 3 octobre 2020).
- Otto Mazal, op. cit., p. 235.
- Ibid., p. 235.
- « Notaire et archiviste dans lâĂglise byzantine, ordonnĂ© diacre. Plus tard Ă Constantinople, il eut une fonction de vicaire gĂ©nĂ©ral » (Ibid., p. 322).
- Jean DarrouzĂšs, Le registre synodal du patriarcatâŠ, Paris, Institut français dâĂ©tudes byzantines, 1971, p. 281 et 284.
- « La logique de la conservation constituerait ici une vertu, les archives du monastĂšre recĂšlent les actes juridiques parfois anciens permettant aux monastĂšres de faire reconnaĂźtre aujourdâhui leurs droits de propriĂ©tĂ© » (Isabelle DĂ©pret, loc. cit., p. 73).
- Le prostagma (au singulier) est par dĂ©finition lâacte administratif de lâempereur (Otto Mazal, op. cit., p. 241).
- Ibid., p. 230.
- Ibid., p. 231.
- Ibid., p. 232
- Ibid., p. 233.
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