Diaspora japonaise aux Palaos
La diaspora japonaise aux Palaos est la communautĂ© dâorigine japonaise vivant dans les Palaos, un archipel de lâocĂ©an Pacifique.
Histoire
1820â1945
La premiĂšre trace dâune prĂ©sence japonaise aux Palaos dont on ait une preuve historique remonte Ă 1820. Ă cette date, les huit rescapĂ©s dâun bateau de pĂȘche japonais ayant fait naufrage survivent pendant cinq ans dans lâarchipel[1]. Des commerçants japonais commencent Ă sây Ă©tablir Ă partir du milieu du XIXe siĂšcle. En 1890, on compte ainsi deux comptoirs japonais aux Palaos[2]. Beaucoup de ces marchands Ă©pousent les filles de chefs locaux et sâintĂšgrent ainsi dans la sociĂ©tĂ© paluane. Lorsque lâempire japonais prend les Ăźles aux Allemands au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, les colons et leurs descendants sont mis Ă contribution, ils servent dâinterprĂštes et occupent des postes dans lâadministration[3].
Une administration civile remplaçant lâadministration militaire est mise en place en 1922. Elle sâemploie entre 1923 et 1932 Ă identifier et collectiviser les terres inutilisĂ©es afin de donner une impulsion au dĂ©veloppement Ă©conomique. Le gros de cette rĂ©serve fonciĂšre est employĂ© pour monter de nouvelles industries et loger les migrants du Japon et dâOkinawa[4]. En mĂ©tropole, le gouvernement lance une politique visant Ă pousser Japonais et Okinawais Ă sâinstaller dans les Ăźles de MicronĂ©sie, dont les Palaos, pour y pratiquer lâagriculture. La premiĂšre colonie agricole est installĂ©e Ă Ngaremlengui en 1926, mais les colons ne sâadaptent pas au climat tropical particuliĂšrement humide de lâarchipel et abandonnent lâendroit en 1930. Cependant, des implantations ultĂ©rieures connaissent une meilleure rĂ©ussite[5].
Ă la suite de la Grande DĂ©pression de 1929, beaucoup de Japonais et Okinawais se retrouvent sans travail, ce qui a pour effet de grossir les rangs des migrants. Ils sâinstallent avec leurs familles et cherchent de lâemploi dans diffĂ©rents secteurs. Les Japonais trouvent des postes dans lâadministration, tandis que les Okinawais et, la petite communautĂ© corĂ©enne sont employĂ©s dans lâagriculture, la pĂȘche et lâindustrie miniĂšre[6]. Le mouvement migratoire est si fort quâen 1935, les Japonais constituent 60 % de la population des Palaos[7]. Ils sont concentrĂ©s dans les zones urbaines dâAngaur et Koror. Certains colons prennent femme dans la population locale ou possĂšdent une maĂźtresse paluane. La population mĂ©tisse appelĂ©e en japonais konketsu va devenir considĂ©rable dans les derniĂšres annĂ©es de lâadministration coloniale[8].
Ă partir de 1937, la marine japonaise renforce ses infrastructures dans lâarchipel. De nouveaux migrants du Japon et de CorĂ©e sont amenĂ©s afin dâachever les chantiers en un temps minimal. Le nombre de travailleurs Ă©trangers monte alors Ă 10 000 personnes, une pression dĂ©mographique importante pour un archipel qui ne dispose que de maigres ressources agricoles. Beaucoup de colons okinawans et japonais sont en consĂ©quence rapatriĂ©s[9]. Les hommes sont envoyĂ©s Ă lâarmĂ©e, et les Paluans travaillant dans lâadministration et la police sont assignĂ©s Ă la production agricole[10]. Alors quâau cours de la guerre, le ravitaillement japonais devient trĂšs irrĂ©gulier, les Japonais ont plus de difficultĂ©s que la population indigĂšne Ă tirer parti des ressources locales, cette derniĂšre ayant une connaissance plus Ă©tendue de lâĂ©cosystĂšme tropical[11].
AprĂšs 1945
AprĂšs la signature des actes de capitulation du Japon le , le personnel militaire et les civils japonais sont rapatriĂ©s entre 1945 et 1946, 350 travailleurs et techniciens Ă©tant nĂ©anmoins autorisĂ©s Ă rester sur place afin dâaider Ă la reconstruction des infrastructures paluanes[12]. Les enfants de couples nippo-paluans sont autorisĂ©s Ă rester sur place, quelques-uns choisissant cependant de rejoindre leur famille au Japon[13]. Dans les annĂ©es 1950, ils forment une association, la Sakura-kai afin dâassister les Paluans dâascendance japonaise sans nouvelle de leurs proches Ă rechercher leurs parents partis sans eux lors de la rapatriation forcĂ©e. Lâassociation prend une orientation culturelle Ă partir des annĂ©es 1980, aprĂšs avoir rempli sa mission de rĂ©unification des familles[14].
Pendant les annĂ©es dâaprĂšs guerre, les relations avec le Japon sont extrĂȘmement rĂ©duites. Quelques Japonais arrivent dans les annĂ©es 1970 et se marient avec les locaux[15]. Dans les annĂ©es 1980, des hommes dâaffaires japonais fondent des entreprises dans lâarchipel, et en 1995, on compte 218 ressortissants de ce pays aux Palaos. Parmi ceux-ci, la moitiĂ© dĂ©sirent sây installer de maniĂšre dĂ©finitive et quelques-uns prennent femme parmi la population paluane ou philippine[16], mais la plupart sâinstallent dans lâarchipel avec leurs familles et maintiennent des relations suivies avec leur pays natal[15]. Parmi cette population, certains sont dâanciens colons rapatriĂ©s Ă lâissue de la Seconde Guerre mondiale. Ces derniers, ĂągĂ©s de plus de 60 ans travaillent gĂ©nĂ©ralement comme restaurateurs ou guides touristiques[17].
Beaucoup de Nippo-paluans ont occupĂ© des positions clĂ© dans le service public et lâappareil politique des Palaos. Lâethnologue Mark Peattie fait lâhypothĂšse que cette surreprĂ©sentation est liĂ©e Ă la qualitĂ© de lâĂ©ducation quâils ont reçu du temps de la colonisation[18]. Lâancien prĂ©sident des Palaos Kuniwo Nakamura est lui-mĂȘme pour moitiĂ© dâorigine japonaise. Lors dâune visite au Japon en 1996, il est reçu par lâempereur Akihito. Ce voyage se traduit par des retombĂ©es financiĂšres pour lâarchipel. Le Japon dĂ©bloque des fonds pour financer la reconstruction du pont de Koror-Babeldaob et des accords commerciaux sont signĂ©s entre les deux pays[19].
Langue
Pendant lâĂšre coloniale japonaise, les colons japonais utilisent principalement le japonais dans leur vie quotidienne, et cette langue sert de lingua franca dans lâarchipel. Lâanglais est aussi reconnu comme lâautre langue officielle, et beaucoup de migrants possĂšdent aux moins quelques rudiments dans cette langue[20]. La population mĂ©tisse sâexprime mieux en japonais quâen paluan particuliĂšrement ceux ayant effectuĂ© leur scolaritĂ© dans les Ă©coles publiques[21]. Les colons introduisent aussi lâusage du syllabaire katakana pour transcrire le paluan[22]. Ă la suite de la dĂ©faite japonaise, lâusage du japonais est dĂ©couragĂ© au profit de celui du paluan et de lâanglais. La plupart des Nippo-paluans utilisent le paluan dans leur vie quotidienne plutĂŽt que lâanglais ou le japonais[23], ils ont cependant une maĂźtrise de cette langue supĂ©rieure au reste de leurs concitoyens[24]. Le nombre de touristes japonais ayant augmentĂ© dans les annĂ©es 1990, la langue a Ă©tĂ© introduite en option dans lâenseignement[25].
Religion
Le shinto dâĂtat est utilisĂ© dans les annĂ©es 1930 dans le but de promouvoir le nationalisme japonais et de favoriser lâacculturation de la population locale. Quelques temples shinto sont construits aux Palaos Ă cette Ă©poque. Le plus important est le Nan'yĆ-jinja (en japonais : Taisha Nanyo Jinja) inaugurĂ© en 1940 Ă Koror et qui fait dĂšs lors usage de temple central en MicronĂ©sie. La participation de la population aux rituels shinto qui mettent lâaccent sur les idĂ©aux culturels japonais et lâadoration de lâEmpereur sont fortement encouragĂ©es[26]. Les cultes zen, bouddhiste et tenrikyĆ sont aussi encouragĂ©s. Le premier temple bouddhiste est Ă©rigĂ© en 1926, principalement pour satisfaire les besoins spirituels des migrants. On rapporte que ces derniers ont Ă©rigĂ© de petits temples shinto dans leurs colonies agricoles avant que lâadministration nâencourage officiellement les missions religieuses Ă sâinstaller sur place[27].
Les missions chrĂ©tiennes reçoivent initialement le soutien financier du gouvernement japonais et sont encouragĂ©es Ă faire disparaitre certains rituels animistes pratiquĂ©s par les Paluans. Cependant, beaucoup de missionnaires sont par la suite persĂ©cutĂ©s par les Japonais qui les soupçonnent dâĂȘtre impliquĂ©s dans des activitĂ©s dâespionnage au profit de puissances Ă©trangĂšres[28].
AprĂšs-guerre, beaucoup des sanctuaires shinto sont abandonnĂ©s ou dĂ©truits et, la communautĂ© Nippo-paluane se tourne vers le christianisme[29]. Dans les annĂ©es 1980 et 1990, de petites rĂ©pliques du temple NanâyĆ et des temples de Peleliu et Angaur sont construites. Elles servent de mĂ©morial pour les soldats japonais morts durant la guerre et sont visitĂ©es par les touristes japonais et les familles des disparus[30].
DĂ©mographie
Lorsque lâadministration civile sâĂ©tablit, on compte quelques centaines de Japonais dans lâarchipel. En 1930, ils sont un peu plus de 2000[31]. Leur population augmente ensuite exponentiellement, ils sont 15 000 en 1938, trĂšs majoritairement regroupĂ©s Ă Koror[32]. Leur apport dĂ©mographique contribue Ă faire de cette bourgade une vraie ville. DĂšs 1937, les Paluans nây constituent plus que 16 % de la population[33]. Une minoritĂ© importante de ceux comptabilisĂ©s en tant que Japonais sont en rĂ©alitĂ© des Okinawais et des CorĂ©ens[34].
Les Japonais doivent partir Ă lâissue de la Seconde Guerre mondiale, mais la population mĂ©tisse peut rester sur place et, ils constituent une importante minoritĂ© aux Palaos. Une Ă©tude du Sasakawa Pacific Island Nations Fund estime que 10 % des habitants de ce pays ont une mĂšre ou un pĂšre Japonais, la vaste majoritĂ© de ces personnes Ă©tant nĂ©e avant 1945[35]. Une autre Ă©tude de la Foundation for Advanced Studies in International Development indique quâen 2005, 25 % des Paluans possĂšdent des origines japonaises[36].
Le tableau ci-dessous montre lâĂ©volution de la population japonaise aux Palaos de 1912 Ă 1943.
Populations japonaises et paluanes aux Palaos (1912-1943) | ||||
---|---|---|---|---|
Année | Japonais | Paluans | ||
1912 | 73[37] | - | ||
1920 | 592[38] | 5 700[39] | ||
1922 | 206[40] | 5 700 | ||
1925 | 1 054[38] | - | ||
1930 | 2 078[38] | 5 794[41] | ||
1931 | 2 489[38] | - | ||
1932 | 3 346[38] | - | ||
1933 | 3 940[38] | - | ||
1934 | 5 365[38] | |||
1935 | 6 553[42] | 5 851[7] | ||
1937 | 11 400[43] | - | ||
1940 | 23 700[39] | 7 000[39] | ||
1943 | 27 500[43] | - | ||
Ăconomie
Lâadministration japonaise encourage les hommes dâaffaires japonais Ă investir dans les secteurs de lâextraction du phosphate et de la production de coprah, deux industries datant de lâĂ©poque de la colonie allemande. De nouvelles infrastructures, installations portuaires, routes, lignes Ă©lectriques, systĂšmes dâassainissement, sont construites. Une entreprise dâĂtat, la NanyĆ KĆhatsu (« compagnie de dĂ©veloppement des mers du sud ») est fondĂ©e dans le but mettre en valeur les colonies japonaises dans le Pacifique et de dĂ©velopper leur autosuffisance[44]. Ă la fin des annĂ©es 1930, des pĂȘcheurs de perles japonais qui se rendent rĂ©guliĂšrement en mer dâArafura font escale aux Palaos dâoctobre Ă avril. Leurs afflux entraine la crĂ©ation de nouveaux services de loisir. Les colons Japonais ouvrent pour eux cafĂ©s, okiya (maisons de geisha) et dĂ©bits de boissons Ă Koror[45].
AprĂšs la dĂ©faite japonaise de 1945, les entreprises et organisations japonaises ferment, ce qui met fin Ă lâinfluence de ce pays sur lâĂ©conomie paluane. Durant les deux dĂ©cennies suivant la fin de la guerre, le gouvernement dâoccupation amĂ©ricain impose de strictes mesures de restriction au commerce japonais[46]. Le contact est rĂ©tabli dans les annĂ©es 1960 avec lâarrivĂ©e de pĂȘcheurs dâOkinawa auxquels des droits de pĂȘche sont octroyĂ©s. Des touristes nippons visitent lâarchipel en nombre croissant Ă partir du milieu des annĂ©es 1970, ils finissent par reprĂ©senter la moitiĂ© du total des touristes[47]. Leur arrivĂ©e conduit Ă la restauration de monuments historiques datant de la pĂ©riode coloniale. Beaucoup des sites touristiques sont gĂ©rĂ©s par des Paluans dâascendance japonaise, la double connaissance des coutumes japonaises et paluanes constituant un atout fort pour lâaccueil des groupes de touristes japonais[48].
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Japanese settlement in Palau » (voir la liste des auteurs).
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Annexes
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