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Diète de Grodno

La Diète de Grodno ou Sejm[1] de Grodno (en polonais : Sejm grodzieński, en lituanien : Gardino seimas), qui a siégé du au à Grodno, dans le Grand-duché de Lituanie (aujourd'hui Hrodna, en Biélorussie), est la dernière Diète de la République des Deux Nations, réunie sous la contrainte dans le but de ratifier le traité du deuxième partage de la Pologne conclu en janvier par la Russie et par la Prusse.

Le Nouveau château de Hrodna (en) où s'est tenue la Diète de Grodno

Contexte : de la constitution de 1791 au deuxième partage de la Pologne

Jacob Sievers, ambassadeur de Russie en Pologne

Le mouvement de réformes de l'époque de la Grande Diète (1788-1792) culmine avec la promulgation de la constitution de 1791, mais provoque une réaction hostile de la part des puissances qui avaient fait le premier partage de la Pologne en 1772. À l'appel d'un groupe d'opposants réunis dans la confédération de Targowica, la Russie, débarrassée en janvier 1792 de la guerre avec la Turquie commencée en 1787, entre en guerre contre la Pologne.

Cette guerre russo-polonaise de 1792 se termine par le ralliement du roi Stanislas II Auguste à la confédération de Targowica et par une victoire de la Russie de Catherine II.

En janvier 1793, la Russie et la Prusse concluent un nouveau traité de partage de la Pologne, qu'elles vont s'efforcer de doter d'un minimum de légitimité en obtenant un vote favorable de la Diète polonaise. La Diète (Sejm), normalement convoquée tous les deux ans, réunit le roi, une chambre haute, le Sénat (Senat), une chambre basse et la Chambre des députés (Izba Poselska), élus par la noblesse dans les diétines (sejmiki) de voïvodie.

La mise en place de la Diète de 1793

Varsovie étant jugée trop dangereuse (cela se vérifiera en avril 1794 avec l'insurrection de Varsovie (en)), les vainqueurs russes et leurs alliés de la Confédération de Targowica décident de réunir la Diète à Grodno pour confirmer leurs exigences[2].

Alors que bon nombre de députés leur sont déjà acquis, notamment Stanisław Kostka Bieliński (pl), le maréchal (président) de la Diète, les Russes tentent de soudoyer les autres pour faire élire leurs favoris dans les Diétines (en)[3], n'hésitant pas à envoyer l'armée ou à employer la corruption, afin de contourner l'opposition des députés polonais et lituaniens : des parlements locaux refusant par exemple d'élire un nombre de représentants suffisant pour participer à une Diète nationale.

Le déroulement de la session

Une Diète sous contrôle militaire

La Diète est finalement convoquée le 17 juin[4] au Nouveau château de Grodno (en), où est stationnée une garnison russe commandée par l'ambassadeur de Russie en Pologne (en), Jacob Sievers, afin d'inciter les députés à l'obéissance.

Les dissidents étant menacés de coups, d'arrestation, d'internement et d'exil[5], la majorité des sénateurs choisissent de ne pas assister aux débats[4]. Seuls sont présents les évêques Józef Kossakowski (pl), Ignacy Massalski, Wojciech Skarszewski (pl), les voïvodes Michał Radziwiłł, les castellans Konstanty Plater (pl), Józef Oborski (pl), Piotr Ożarowski, Antoni Suchodolski, Mikołaj Ledóchowski et Antoni Lasocki (pl).

Le vote du traité d'alliance entre la Russie et la Pologne

La question principale à l'ordre du jour est le projet d'« alliance éternelle entre la Pologne et la Russie », envoyé par Catherine II et présenté comme la « demande du peuple polonais, par les partisans polonais de la Russie »[6]. Les députés ne sont pas autorisés à prendre la parole, mais sur les 140 présents, 25 réussissent tout de même à protester contre les revendications territoriales de la Prusse.

Le 2 juillet, les troupes russes encerclent la ville et plusieurs députés (Józef Służewski, Dionizy Mikorski (pl), Józef Młodzianowski (pl), Antoni Karski, Tadeusz Skarżyński, Kazimierz Wyganowski (pl) et Franciszek Kunicki (pl)) sont arrêtés[4]. Le 16 juillet, l'ambassadeur Jacob Sievers prévient qu'en cas d'échec des négociations, les troupes russes procéderaient à la séquestration des biens des membres récalcitrants[7].

Le , le traité d'« alliance éternelle » est soumis au vote. Le débat dure près de 4 heures. Les troupes russes présentes empêchent qui que ce soit de quitter la salle. Le maréchal de la Diète doit demander par trois fois s'il y a un accord. Aucun député ne prend la parole, à l'exception de Józef Ankwicz (pl), partisan notoire de la Russie, qui déclare que le silence vaut acceptation[4] - [8] - [9]. Le traité est donc adopté « par acclamation ».

La Pologne officiellement alliée à la Russie[10], devient en fait un protectorat russe. La Russie a désormais le droit d'avoir des bases en Pologne et dispose de la libre circulation des troupes à travers le territoire polonais. La Pologne ne peut signer d'alliance sans l'approbation de la Russie et ne peut envoyer de missions diplomatiques à l'étranger qu'accompagnées de diplomates russes[11].

Autres décisions entérinées par la Diète

La deuxième partition de la Pologne

La Diète adopte les actes suivants, outre le traité d'alliance éternelle :

  1. modifications territoriales : l'Empire russe et la Prusse reçoivent de vastes territoires[5] ; en raison des pertes territoriales importantes, la Diète ajuste la division administrative du pays et crée 18 nouvelles voïvodies : Brasław, Brześć, Chełm, Ciechanów, Grodzień, Cracovie, Lublin, Mazovie, Mereck, Nowogródek, Podlachie, Sandomierz, Trakai, Varsovie, Wieluń, Włodzimiersz, Wołyńs et żmudzkie[12].
  2. la Constitution polonaise du 3 mai 1791 est abolie[13], à l'exception de certains articles accordant des droits à la bourgeoisie.
  3. certaines lois cardinales (en) (élections libres, Liberum veto) sont restaurées. Le Conseil permanent, est également rétabli, mais sous la présidence de l'ambassadeur de Russie[2] - [5] - [14].
  4. l'armée polonaise est limitée à 15 000 hommes.
  5. la principale décoration polonaise, la croix Virtuti Militari, récemment créée et remise lors de la guerre russo-polonaise de 1792, est abolie.

L'Empire russe garantit cette nouvelle constitution et des sanctions pour sa violation[15].

La Diète prend fin le 23 novembre[16].

Conséquences

Les membres de la Confédération de Targowica, qui avaient fait appel à la Russie pour abolir la constitution du 3 mai, mais ne s'attendaient pas à une nouvelle partition, perdent beaucoup de prestige, ainsi que le roi Stanislas II qui les a rejoints à la fin de la guerre de 1792[17] - [18] ; au contraire, les réformateurs de 1791 voient leur popularité augmenter[15] - [19].

En mars 1794 commence l'insurrection de Kościuszko, dont la défaite en novembre de la même année sera suivie par le troisième partage de la Pologne, qui mettra fin à l'existence de la République des Deux Nations[17].

Bibliographie

  • Frédéric de Raumer, La Chute de la Pologne, (lire en ligne)

Notes et références

  1. Le mot polonais Sejm se traduit habituellement en français par le mot « Diète » ; dans la République des Deux Nations, elle était constituée par la réunion du roi, de la chambre haute (Senat) et de la chambre basse (Izba Poselska).
  2. (en) Levent Gönenç, Law in Eastern Europe, Prospects for Constitutionalism in Post-Communist Countries, Martinus Nijhoff Publishers, , 437 p. (ISBN 978-90-411-1836-3, lire en ligne), p. 55
  3. La chute de la Pologne, page 92
  4. (en) Jacek Jędruch, Constitutions, elections, and legislatures of Poland, 1493–1977 : a guide to their history, EJJ Books, , 487 p. (ISBN 978-0-7818-0637-4, lire en ligne), p. 186
  5. (en) Norman Davies, Europe : A History, HarperCollins, , 1392 p. (ISBN 978-0-06-097468-8, lire en ligne), p. 719
  6. (en) Robert Bideleux et Ian Jeffries, A History of Eastern Europe : Crisis and Change, Taylor & Francis Group, , 685 p. (ISBN 978-0-415-16112-1, lire en ligne), p. 161
  7. La chute de la Pologne, pages 93 et 94
  8. (pl) Edward Krysciak, II rozbiór Polski. 27 janvier 2008
  9. (pl) Nr 37 (518) IV kadencja Aneks - Z dziejów parlamentaryzmu polskiego: Zakaz zbytkownych strojów - szczególna uchwała ostatniego Sejmu Rzeczypospolitej
  10. (en) Jerzy Lukowski et W. H. Zawadzki, A Concise History of Poland : Jerzy Lukowski and Hubert Zawadzki, Cambridge University Press, , 317 p. (ISBN 978-0-521-55917-1, lire en ligne), p. 103
  11. (en) Vasiliĭ Osipovich Kli︠u︡chevskiĭ et Marshall S. Shatz, A Course in Russian History : The Time of Catherine the Great, M.E. Sharpe,‎ , 224 p. (ISBN 978-1-56324-526-8, lire en ligne), p. 82
  12. (pl) Encyklopedja powszechna, Orgelbranda, (lire en ligne), p. 272
  13. (en) Norman Davies, God's Playground : A History of Poland, The origins to 1795, Columbia University Press, , 638 p. (ISBN 978-0-231-12817-9, lire en ligne), p.405
  14. (en) Norman Davies, God's Playground : A History of Poland, The Origins to 1795, Columbia University Press, , 638 p. (ISBN 978-0-231-12817-9, lire en ligne), p. 266
  15. (en) Jacek Jędruch, Constitutions, elections, and legislatures of Poland, 1493–1977 : a guide to their history, EJJ Books, , 487 p. (ISBN 978-0-7818-0637-4, lire en ligne), p. 187
  16. (en) Norman Davies, God's Playground A History of Poland : Volume 1 : The Origins to 1795, Oxford University Press, , 488 p. (ISBN 978-0-19-925339-5, lire en ligne), p. 254
  17. (en) Henry Smith Williams, The Historians' History of the World : Poland, The Balkans, Turkey, Minor eastern states, China, Japan, Outlook Company, (lire en ligne), pp. 88–91
  18. (en) Jerzy Lukowski et W. H. Zawadzki, A Concise History of Poland : Jerzy Lukowski and Hubert Zawadzki, Cambridge University Press, , 317 p. (ISBN 978-0-521-55917-1, lire en ligne), pp. 101–103
  19. (en) Norman Davies, Boże igrzysko. 1. Od początków do roku 1795, Społeczny Inst. Wydawniczy Znak, , 1717 p. (ISBN 978-83-7006-400-6, lire en ligne), p. 703

Sources

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