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Delta-2

Delta-2 est un procĂ©dĂ© d'accĂ©lĂ©ration de la convergence de suites en analyse numĂ©rique, popularisĂ© par le mathĂ©maticien Alexander Aitken en 1926[1]. C'est l'un des algorithmes d'accĂ©lĂ©ration de la convergence les plus populaires du fait de sa simplicitĂ© et de son efficacitĂ©. Une premiĂšre forme de cet algorithme a Ă©tĂ© utilisĂ©e par Seki Kƍwa (fin du XVIIe siĂšcle) pour calculer une approximation de π par la mĂ©thode des polygones d'ArchimĂšde.

DĂ©finition

Soit une suite convergente vers une limite que l'on souhaite déterminer, le procédé Delta-2 de Aitken associe à cette suite une autre suite définie par :

C'est de la premiÚre écriture que le procédé tire son nom. Sous certaines conditions, la suite Axn converge plus vite que la suite initiale xn, ce qui permet d'estimer la limite de la suite avec une meilleure précision et/ou en effectuant moins de calculs.

C'est un algorithme numériquement peu stable : il convient de calculer la suite xn ainsi que Axn avec un nombre important de chiffres significatifs. Certaines écritures de l'algorithme propagent moins les erreurs d'arrondi, par exemple :

La suite Axn Ă©tant elle-mĂȘme une suite numĂ©rique, il est possible de lui appliquer le Delta-2, et ainsi de suite : c'est ce qu'on appelle une application itĂ©rĂ©e du Delta-2.

Propriétés

Le Delta-2 est un algorithme non linéaire d'accélération de la convergence. Mais il vérifie la propriété :

, a et b constantes réelles.

Le Delta-2 détermine une estimation de la limite de la suite xn en partant de l'hypothÚse que celle-ci vérifie l'équation aux différences suivante :

En résolvant cette équation aux différences, les suites (dont le Delta-2 détermine de maniÚre immédiate la limite) sont de la forme :

Il est Ă  noter que mĂȘme si la suite xn diverge, c'est-Ă -dire si |λ| > 1, le Delta-2 converge vers « l'anti-limite » de la suite.


Le théorÚme de convergence pour le procédé de Aitken est :

ThĂ©orĂšme — Si la suite xn converge vers x∞ et si :

alors Axn converge vers x∞ plus vite que xn.

Le Delta-2 est donc particuliÚrement bien adapté aux suites à convergence linéaires (dont l'écart avec leur limite se comporte à l'infini comme une suite géométrique).

Le Delta-2 est un cas particulier de certaines transformations plus générales :

Exemples d'application

Accélération de la convergence d'une série

Le Delta-2 peut ĂȘtre utilisĂ© pour accĂ©lĂ©rer la convergence des sĂ©ries en extrayant une suite numĂ©rique d'aprĂšs leur somme partielle.

Par exemple, la valeur de π/4 peut ĂȘtre calculĂ©e d'aprĂšs la sĂ©rie de Leibniz, connue pour sa convergence trĂšs lente :
n Terme Somme partielle xn A xn−2
0 1 1 —
1 −0,333 333 33 0,666 666 67 —
2 0,2 0,866 666 67 0,791 666 67
3 −0,142 857 14 0,723 809 52 0,783 333 33
4 0,111 111 11 0,834 920 63 0,786 309 52
5 −9,090 909 1 Ă— 10−2 0,744 011 54 0,784 920 63
6 7,692 307 7 Ă— 10−2 0,820 934 62 0,785 678 21
7 −6,666 666 7 Ă— 10−2 0,754 267 95 0,785 220 34
8 5,882 352 9 Ă— 10−2 0,813 091 48 0,785 517 95

La précision obtenue par le Delta-2 avec seulement 9 termes, serait obtenue en sommant plus de 4000 termes de la suite non accélérée.

Accélération de la convergence des procédés itératifs

La convergence d'un procĂ©dĂ© itĂ©ratif de point fixe du type peut ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©e de plusieurs maniĂšres :

  • classiquement en calculant le Delta-2 de la suite rĂ©currente ;
  • en rĂ©injectant pĂ©riodiquement le rĂ©sultat du Delta-2 dans la suite d'origine, afin de « l'aider » Ă  converger.

Cette deuxiÚme stratégie, appliquée systématiquement toutes les 3 itérations, est appelée procédé de Aitken-Steffensen. Il permet dans la plupart des cas de transformer une convergence (ou divergence) linéaire en convergence quadratique, et une convergence quadratique en super-quadratique. Le procédé de Aitken-Steffensen remplace l'itération d'origine par

Exemple

L'équation (appelée équation de Kepler, liée au calcul d'orbites en astronomie)

oĂč x est l'inconnue (M et a Ă©tant connus), peut ĂȘtre rĂ©solue par exemple par l'itĂ©ration :

D'aprÚs le théorÚme du point fixe, cette suite converge vers la solution de l'équation de départ, si a < 1. Mais cette suite sera d'autant plus lente à converger que a sera proche de 1 (cas fréquemment rencontré en pratique, car typique des orbites des comÚtes). Il sera intéressant dans ce cas d'accélérer la convergence avec le Delta-2 ou le procédé d'Aitken-Steffensen.

Par exemple, pour a = 0,9 et M = 0,01 (solution x = 0,098 564 4...), on obtient :

n xn valeur itérée Axn-2 A2xn-4 A3xn-6 Steffensen
0 0,010 000 0 0,010 000 0
1 0,018 999 9 0,018 999 9
2 0,027 098 8 0,099 910 7 0,027 098 8
3 0,034 386 0 0,099 794 6 0,099 910 7
4 0,040 941 3 0,099 660 1 0,100 647 1 0,099 770 1
5 0,046 836 9 0,099 522 2 0,105 005 4 0,099 644 2
6 0,052 137 8 0,099 389 8 0,096 164 8 0,102 086 2 0,098 565 1
7 0,056 902 7 0,099 267 7 0,097 830 0 0,097 566 1 0,098 565 0
8 0,061 184 8 0,099 158 2 0,098 215 0 0,098 330 8 0,098 564 9
9 0,065 032 0 0,099 062 2 0,098 371 4 0,098 478 4 0,098 564 4
10 0,068 487 5 0,098 979 2 0,098 449 4 0,098 527 1 0,098 564 4
11 0,071 590 6 0,098 908 2 0,098 492 7 0,098 546 7 0,098 564 4
12 0,074 376 5 0,098 848 2 0,098 518 3 0,098 555 5 0,098 564 4

Les colonnes des Delta-2 ont Ă©tĂ© dĂ©calĂ©s vers le bas pour mettre sur une mĂȘme ligne les itĂ©rĂ©s de base nĂ©cessaires Ă  leur calcul, et ainsi mieux visualiser le gain apportĂ© par l'accĂ©lĂ©ration de la convergence vis-Ă -vis des itĂ©rations de base. On constate une nette accĂ©lĂ©ration de la convergence de la suite initiale par le Delta-2. Les applications itĂ©rĂ©es du Delta-2 l'accĂ©lĂšrent encore davantage, mais le rĂ©sultat le plus spectaculaire est obtenu par la mĂ©thode de Steffensen (les nombres en gras montrent l'application du Delta-2 toutes les 3 itĂ©rations). Pour obtenir la mĂȘme prĂ©cision que le Delta-2 aprĂšs 12 itĂ©rations, il aurait fallu itĂ©rer 50 fois la formule de base, et l'itĂ©rer 300 fois pour ĂȘtre Ă©quivalent Ă  la mĂ©thode de Steffensen.

Exemple 2

Lorsque l'itĂ©ration de base a une convergence quadratique (par exemple avec la mĂ©thode de Newton), le Delta-2 ou la mĂ©thode de Steffensen, quoique accĂ©lĂ©rant la convergence, prĂ©sente moins d'intĂ©rĂȘt pratique. Le calcul d'une itĂ©ration de base supplĂ©mentaire permet souvent d'obtenir le mĂȘme rĂ©sultat que la valeur accĂ©lĂ©rĂ©e.

La valeur de peut ĂȘtre calculĂ© par la mĂ©thode de HĂ©ron, en partant d'une valeur initiale x0 et la suite rĂ©currente (Ă  convergence quadratique) :

En partant de x0 = 1 :

n Valeur itérée
xn
Axn−2
0 1
1 1,5
2 1,416 666 7 1,428 571 4
3 1,414 215 7 1,414 141 4
4 1,414 213 6 1,414 213 6

On constate certes un gain en prĂ©cision en accĂ©lĂ©rant la convergence, mais l'itĂ©rĂ©e de base suivante est du mĂȘme ordre de prĂ©cision, pour un moindre coĂ»t en calcul.

Autres applications

Ce procédé est notamment utilisé pour accélérer l'algorithme de décomposition de domaine de type Schwarz (additifs et multiplicatifs). En effet, on peut remarquer que sous certaines conditions, les coefficients de Fourier liés aux solutions itérées obtenus ont une convergence purement linéaire. Par ce principe, on peut réduire le nombre total d'itérations de l'algorithme à 3 ou 5 itérations pour des problÚmes 1D ou 2D (respectivement).

Notes

  1. Alexander Aitken, "On Bernoulli's numerical solution of algebraic equations", Proceedings of the Royal Society of Edinburgh (1926) 46 pp. 289-305.

Bibliographie

  • Claude Brezinski, Algorithmes d'accĂ©lĂ©ration de la convergence : Ă©tude numĂ©rique, Paris, Ă©ditions Technip, , 392 p. (ISBN 2-7108-0341-0, lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

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