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De subtilitate

De subtilitate, est un livre de Girolamo Cardano, dont la première édition date de 1550. C'est une sorte d'encyclopédie embrassant toutes les connaissances du XVIe siècle, curieux mélange de superstitions médiévales et de géniales anticipations.

De subtilitate, édition du 1559

Introduction

Cardan, dit-on, mit seulement huit mois à le composer, ce qui semble extraordinaire, eu égard au grand nombre de matières qu'il traite. Mais il employa 3 ans à le corriger, à l'augmenter et à le refondre.

L'ouvrage porte les traces d'une science profonde, mais aussi les vestiges de l'incohérence et du tumulte des idées. Le titre même semble une énigme. L'auteur traite dans ce livre non pas de la subtilité en elle-même, mais des sciences qu'il appelle subtiles, c'est-à-dire difficiles à comprendre et plus difficiles encore à exposer.

De la Subtilite est un document sur l'état de la science au XVIe siècle mais aussi une vaste encyclopédie scientifique où sont abordées, cosmologie, médecine, géométrie, sciences naturelles, cryptographie, vertus des pierres précieuses, etc.

Traduction française

Cet ouvrage est traduit en français par Richard Leblanc[1], 1556. L'édition française est la traduction de celle de 1554 : Les Livres de Hiérôme Cardan, médecin milanais, intitulés De la Subtilité et subtiles inventions, ensemble les causes occultes et les raisons d'icelles, Paris in-4. Elle comporte tous les passages censurés et supprimées dans les éditions postérieures. Elle est donc beaucoup plus complète que l'œuvre primitive.

Composition

D'après Stanislas de Guaita, ce traité serait bâti ésotériquement : les 21 livres qui le composent représenteraient les 21 clefs du tarot. Chacun de ses livres porte une rubrique spéciale[2]. Ce livre traite de tout[3]. On conçoit, en le lisant, qu'il est malaisé de mettre en ordre un tel amas de connaissances, véritables ou erronées, d'observations justes ou de recettes empiriques. Il est presque aussi difficile d'en faire un résumé.

Le premier livre est intitulé De l'essence des choses, du vide et du mouvement[4]. Le second livre est intitulé Des éléments et de leurs actions[5]. Les livres suivants traitent Du Ciel, De la lumière, Des composés métalliques, Des Métaux, Des pierres, Des plantes (livre 2 à 7). Le huitième livre traite Des animaux engendrés par la putréfaction[6] Le neuvième livre traite De l'homme[7] Les livres suivants traitent Des sens et choses sensibles, De l'âme et de l'intelligence, Des subtilités inutiles[8] Des sciences[9]; Des arts[10](Livres X à XVII); Des inventions merveilleuses et choses incroyables (XVIIIe livre)[11]. Les 3 derniers livres sont intitulés : Des esprits, Des anges, De Dieu et de l'univers[12]

Postérité

Bien des savants et poètes français ont médité l'ouvrage qui figurait dans la bibliothèque de Pierre de Ronsard, qu'Ambroise Paré cite dans sa Chirurgie et dont les libertins érudits du XVIIe siècle firent leur miel.

On ferait un volume des singularités semées à profusion dans ce traité, plein de choses diverses[13]. Malgré ces superstitions et ses puérilités, le livre de Cardan reste comme une œuvre originale.

Notes et références

  1. Ce dernier a placé la dédicace suivante en tête de sa traduction française :
    • A Mademoiselle Marguerite de Bourdonné, femme de Monsieur de Morainville, Maistre d'hostel de feu monseigneur le Duc de Guise.
    • Puis que l'esprit en suivant nature,
    • Prend son plaisir de voir diversité :
    • Le vostre aimant des Auteurs, la lecture,
    • Ici sera à ce faire incité,
    • Ou Cardanus a très bien récité
    • Divers propos avec raison subtile.
    • Lisé donc l'œuvre à tous certes utile,
    • Qui est donné à celle qui mérité
    • Par sa vertu en tous bons fruits fertile
    • De remporter le nom de Marguerite
  2. Mais, comme dans tous les ouvrages de Cardan, si l'on n'y trouve guère ce que l'on cherche, on y trouve ce qu'on était loin de chercher...
  3. Comme le traité de Pic de la Mirandole : De omni re scibili et quibusdal alis
  4. Les idées de Cardan à ce sujet, vu la physique défectueuse de l'époque, ne pouvaient être que fort imprécises. Cependant sous son fatras, on devine un esprit pénétrant, à qui il répugne de ne pas se rendre compte des choses. il parle des propriétés du vide, il devine l'indestructibilité de la matière, dont il suit les transformations sans voir la substance périr. Il décrit toutes les inventions que l'on considérait, de son temps comme le comble de la subtilité humaine : la lampe athénienne, qui brûlait à l'aide du vide ; la vis d'Archimède ; le cric ; le levier ; la balance ; l'horloge. Ces descriptions sont pour ainsi dire les jalons de la science ; la comparaison des anciennes méthodes et des nouvelles dont voir quels pas elle a faits en avant.
  5. Cardan, malgré l'autorité d'Aristote, réduit les éléments à trois, en supprimant le feu, qu'il considère comme un composé. C'était une innovation audacieuse. Dans ce livre aussi, Cardan cherche à comprendre et à expliquer tout, aimant mieux donner une mauvaise raison que de n'en point donner du tout ; il explique, à sa manière, la foudre, les effets des mines, le bruit du canon, et ses explications font voir de combien l'application a précédé la théorie, ou pour mieux dire, avec quelle hardiesse l'homme a utilisé les forces nouvelles découvertes, sans se rendre aucunement compte des phénomènes physiques qui les produisaient.
  6. Cardan, comme tous les savants de son époque, comme Isidore de Séville, qui par un ouvrage similaire, le précédait de plus de 5 siècles, y expose la théorie des générations spontanées. Il considère cette génération comme la première manifestation de la vie sur le globe, la nature ne s'étant essayée que plus tard à la génération par germe et par semence.
  7. On peut y remarquer cette assertion que l'homme n'est pas un animal. L'argument de Cardan est ingénieux : L'homme n'est pas plus un animal que la plante ne l'est. L'animal n'est pas une plante parce que, de plus que la plante, il a une âme sensitive ; de même l'homme, étant admis qu'il a une âme intellective, cesse d'être un animal. Cet argument revient à dire qu'il y a autant de distance entre l'animal et l'homme qu'entre la plante et l'animal.
  8. Dans ce livre, il n'est question que de charades, des pièces de vers disposés de certaines façons.
  9. Cardan y envisage surtout la géométrie
  10. Traité de l'art industriel de son temps, navigation, artillerie, imprimerie ; la poterie, la gravure y tiennent la plus grande place
  11. On s'attend à de grandes révélations dans ce chapitre et l'on n'y rencontre que les procédés des joueurs de passe-passe, des avaleurs d'étoupe enflammée et sabres, des gens qui se font casser des pavés sur le ventre et tenir des baguettes sur le bout du nez, l'enfance de l'art des funambules
  12. Ce sont les chapitres où la crédulité de Cardan, sa foi aux sorciers, aux apparitions, aux revenants est la mieux mise à nu. Dans le chapitre où il traite de Dieu, son sujet principal est presque perdu de vue, car on y rencontre souvent des observations météorologiques sur la pluie et sur la neige, avec des recettes pour se tenir chaudement l'hiver. Cependant Cardan y a écrit une phrase qui est presque la phrase de Blaise Pascal : On ne sait rien de Dieu, ni ce qu'il est, ni qui il est. Cardan avait dit avant lui Personne ne connaît Dieu, ni ce qu'il est, ni s'il est (Nemo novit Deum, nec quid sit, quisque sit.). Sa croyance en Dieu ne saurait pour cela être mise en doute ; quoique la censure ecclésiastique ait fait supprimer de son livre maints passages qui semblaient conclure à l'athéisme ; dans le préambule du De subtilate, il déclare qu'il a surtout écrit ce livre pour faire adorer Dieu dans son œuvre ; et il oppose sa foi, basée sur l'étude du phénomène admirable, foi savante et consciente d'elle-même, avec la foi de l'ignorante qui croit parce qu'on lui dit de croire.
  13. Dans l'exposition qu'il fait des éléments et de leurs propriétés, il trouve le moyen de donner une recette pour empêcher les cheminées de fumer ; de même, ses considérations, forts élevées, sur l'homme et la nature, sont juxtaposées à des recettes pour fabriquer l'or potable et l'élixir de longue vie. Ayant observé que les enfants naturels sont plus mal élevés et ont de plus mauvais instincts que les enfants légitimes, il veut y remédier. La cause efficiente, selon Cardan, c'est la mère, qui fille dépravée, élève mal son fils : Prenea pour maîtresse non pas une chambrière paillarde, mais une fille riche et noble ; enseignez lui les bonnes mœurs, et si vous avez des enfants d'elle, ils seront en tout semblables aux légitimes (Livre XI). Cardan croit que la nourrice qui a des yeux noirs rend noirs les yeux de l'enfant (livre XII) ; que ceux qui ont la vue longue n'aiment pas les femmes (livre XII) ; que les tintements de l'oreille dénoncent de mauvais présages (livre XII) ; que la corne du bélier se convertit en asperge (livre XVIII) ; que la moelle d'une mule, bue par un homme, le rend stupide ; bue par une femme, elle l'empêche de concevoir (livre VIII) ; que le nombril d'un enfant, porté en anneau, délivre de la colique ; que la musique guérit de la goutte ; que les marques des ongles ont une grande signification, suivant qu'elles sont noires, blanches ou rouges, et suivant le doigt qu'elles affectionnent (livre XVIII), etc.

Source principale

  • John Grand-Carteret, L'Histoire, la vie, les mœurs et la curiosité par l'Image, le Pamphlet et le document (1450-1900), Librairie de la curiosité et des beaux-arts, [détail des éditions]
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