DĂ©trompeur
Un dĂ©trompeur (on trouve aussi le terme japonais poka-yoke, ăă«ăšă±, ou « anti-erreur ») est un dispositif, gĂ©nĂ©ralement mĂ©canique, permettant dâĂ©viter les erreurs d'assemblage, de montage ou de branchement[1].
Enjeux et histoire du détrompeur
Au moment oĂč la qualitĂ© est un des facteurs primordiaux dans la rĂ©ussite dâune entreprise, le zĂ©ro dĂ©faut doit ĂȘtre un des objectifs principaux lors de la conception des machines de production. Pour cela, lâimplantation de systĂšmes de dĂ©trompeur doit permettre dâĂ©viter beaucoup de problĂšmes lors de la fabrication.
Un dĂ©trompeur est un systĂšme qui, lorsquâil est bien conçu et proprement utilisĂ©, ne peut laisser se produire aucune erreur, quâelle soit humaine ou mĂ©canique. Un bon systĂšme dĂ©trompeur doit permettre dâatteindre le « zĂ©ro dĂ©faut » et doit avoir pour finalitĂ© lâĂ©limination des contrĂŽles qualitĂ© qui sont prĂ©sents afin de dĂ©celer les dĂ©fauts de production. Lâimplantation dâun systĂšme dĂ©trompeur dans un processus dĂ©jĂ mis en place est complexe. Pour cette raison, il est intĂ©ressant dâincorporer lors de lâĂ©laboration du processus un systĂšme anti-erreur. Un systĂšme dĂ©trompeur est mis en place pour empĂȘcher Ă coup sĂ»r que tout dĂ©faut envisageable ne puisse survenir. Un poka-yoke doit permettre Ă lâopĂ©rateur de se concentrer sur son travail sans avoir besoin de faire des actions inutiles pour la prĂ©vention des erreurs.
Ces erreurs de production doivent tendre vers zéro avec un systÚme détrompeur bien conçu.
Pour cette raison, il faut pouvoir implanter au plus tĂŽt lors de la conception des machines, de bons systĂšmes dĂ©trompeurs, pour ĂȘtre sĂ»r quâau final de la chaĂźne de production, le produit fini soit sans dĂ©faut et ne nĂ©cessite aucune vĂ©rification. Lors de la conception dâun systĂšme dĂ©trompeur, il faut dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment les besoins Ă satisfaire et connaĂźtre les restrictions que doivent engendrer le systĂšme dĂ©trompeur. Une analyse complĂšte et dĂ©taillĂ©e de ses besoins peut permettre de fermer la porte Ă un maximum d'erreurs de manipulation.
On peut aussi, lors dâune dĂ©marche contraire dĂ©finir sur quels points lâopĂ©rateur peut agir et ainsi ne rendre possible que les interventions pertinentes. Dans lâidĂ©al, un systĂšme dĂ©trompeur est conçu et rĂ©alisĂ© en collaboration avec les opĂ©rateurs. Ces derniers sont les plus aptes Ă cibler parfaitement les problĂšmes puisque ce sont eux qui utilisent la machine.
Le systĂšme dĂ©trompeur poka-yoke est l'invention d'un ingĂ©nieur, Shigeo ShingĆ (1909-1990), employĂ© chez Toyota. C'est lui qui a crĂ©Ă© la mĂ©thode (SMED) (single minute exchange of die(s)), qui permet de changer un outil en moins de 10 minutes dans un processus de production. Il s'est beaucoup intĂ©ressĂ© aussi au contrĂŽle de la qualitĂ© et Ă tout ce qui pouvait amener une organisation vers le « zĂ©ro dĂ©faut ». C'est dans ce registre qu'il a Ă©tĂ© amenĂ© Ă construire le poka-yoke. L'idĂ©e est de concevoir un outil qui empĂȘche l'erreur de se produire [Shingo, 1986]. Mieux vaut prĂ©venir que guĂ©rir.
Il distingue trois sortes de détrompeur :
- Le dĂ©trompeur de contact : la prĂ©sence de ce dernier lors de l'opĂ©ration oblige l'opĂ©rateur Ă ne pas faire d'erreur. L'exemple de la ceinture de sĂ©curitĂ© non bouclĂ©e qui empĂȘche la voiture de dĂ©marrer fait partie de cette catĂ©gorie d'outil anti-erreur.
- Le dĂ©trompeur de signalement : il indique, lors d'une procĂ©dure, qu'une opĂ©ration n'a pas Ă©tĂ© effectuĂ©e. C'est le signal sonore permanent qui se met en place lorsqu'une opĂ©ration est manquante dans une procĂ©dure et qui ne s'arrĂȘtera que lors de l'exĂ©cution de cette opĂ©ration. C'est pour cette raison que certaines voitures sonnent lorsque l'on ouvre la portiĂšre alors que leurs feux sont allumĂ©s, dans le but d'Ă©viter de vider la batterie par oubli.
- Le détrompeur chronologique : c'est une suite d'opérations à caractÚre obligatoire à réaliser chronologiquement pour mettre en route une machine, ainsi la vérification effectuée par un pilote d'avion lors de la prise des commandes.
Poka-yoke et baka-yoke
Le poka-yoke est un « anti-erreur » : il permet d'éviter une erreur. Le cas typique est le code couleur : le fil vert sur le bouton vert, le fil rouge sur le bouton rouge.
Le baka-yoke est « l'anti-idiot » (baka 銏éčż signifie « idiot » en japonais). Il est utilisĂ© pour que l'opĂ©rateur ne crĂ©e pas une erreur : les prises de courant composĂ©es d'une phase, d'un neutre, et d'une terre ne permettent qu'une seule et unique position : la bonne, mĂȘme si on veut essayer d'inverser le branchement (par exemple, connecter la terre avec une phase).
Cas du détrompeur mécanique
Il s'agit généralement d'éviter de brancher des prises ou des connecteurs dans le mauvais sens (lorsqu'il y a un sens) ou d'éviter de placer un objet à la place d'un autre.
GĂ©nĂ©ralement un ergot suffit, pour ĂȘtre plus efficace et robuste une forme spĂ©ciale, souvent dissymĂ©trique, par exemple trapĂ©zoĂŻdale peut ĂȘtre employĂ©e.
Exemples
- Connectique Ă©lectrique :
- Prise de terre.
- Connectique Ă©lectronique :
- Prise PĂ©ritel (SCART).
- Prise USB,
- Port parallĂšle,
- Port série,
- Port FireWire.
- Prise péritel.
- Connecteur USB de type A.
- Ancienne carte contrÎleur de mémoire de masse, connecteur type ISA.
- Connecteur type SATA2
- Schéma d'un connecteur DIN 5 broches.
- Adaptateur de téléphone français.
- Les robinetteries de gaz sont soumises Ă des normes trĂšs strictes, afin que l'on ne puisse pas se tromper dans les branchements ; en France, il s'agit de la norme NF E 29-650 ;
- Dans le cas d'un branchement vissé, la distinction se fait sur le sens du filetage (pas à gauche ou à droite) et sur la position de la partie mùle et femelle (sur la bouteille ou le tuyau) ;
- Dans les hÎpitaux, les prises de vide et de dioxygÚne dans les chambres, de dioxygÚne et de protoxyde d'azote pour l'anesthésie sont différentes.
- Pour les sapeurs-pompiers, les branchements des bouteilles de dioxygÚne médical et les branchements des bouteilles d'air comprimé des appareils respiratoires isolants.
- De nombreux supports enregistrables ont des formes comprenant un détrompeur. Par exemple les disquettes et les cartes SD
- Dans l'industrie, certaines piÚces à usiner présentent un détrompeur pour une bonne orientation sur le montage d'usinage ou un poste quelconque.
Cas du détrompeur électronique
Dans de nombreux appareils alimentĂ© en Ă©lectricitĂ© continue, en particulier avec des piles Ă©lectriques, on protĂšge le circuit d'un branchement accidentel en polaritĂ© inversĂ©e (le + sur le - et inversement). Pour cela la diode est un composant efficace, elle ne laisse passer le courant que dans un sens. La majoritĂ© des composants Ă©lectroniques actifs sont dĂ©truits s'ils sont branchĂ©s Ă l'envers, d'oĂč la nĂ©cessitĂ© de bloquer la circulation du courant si la source Ă©lectrique est Ă l'envers.
Dans d'autres cas, les appareils sont pourvus d'un pont de diodes permettant le fonctionnement et, ce quelle que soit la polarité de l'alimentation.
SystÚme de pensée associé
LâintĂ©rĂȘt dâun dĂ©trompeur est dâĂ©viter une production dĂ©fectueuse.
La nuance peut paraĂźtre sans grand intĂ©rĂȘt par rapport Ă la dĂ©finition initiale : en fait, elle fonde tout le systĂšme de pensĂ©e japonais en production (voir l'exemple de Toyota), dans lequel le fait de « faire la qualitĂ© » est prioritaire sur le fait de « contrĂŽler la qualitĂ© ». Dâune maniĂšre positive, le dĂ©trompeur devient un dispositif permettant de nâautoriser la production que si celle-ci est bonne.
Pendant de nombreuses annĂ©es, on a nĂ©gligĂ© lâimportance de lâapproche culturelle dans lâapproche des problĂšmes de la qualitĂ©. Cette limite a notamment conduit Ă la faillite des cercles de qualitĂ© (lancĂ©s par Kaoru Ishikawa au Japon en 1962) en France, oĂč la langue japonaise est encore rĂ©putĂ©e « trĂšs Ă©trangĂšre ».
Notes et références
- Y. Schoefs, Guide d'organisation industrielle, Delagrave, , 127 p. (ISBN 978-2-206-08450-3 et 2-206-08450-3), page 42.