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DĂ©sastre naval des Sorlingues

Le dĂ©sastre naval de Sorlingues (en anglais : Scilly naval disaster of 1707) est un terme gĂ©nĂ©rique utilisĂ© pour dĂ©crire les Ă©vĂ©nements du , qui ont conduit au naufrage de la flotte anglaise au large des Sorlingues, en anglais : Ă®les Scilly. Avec quatre vaisseaux de ligne et plus de 1 400 marins perdus en raison du mauvais temps, il s'agit d'un des plus importants dĂ©sastres maritimes dans l'Histoire des Ă®les Britanniques. Il fut dĂ©terminĂ© par la suite que la principale cause de ce naufrage Ă©tait l'incapacitĂ© des navigateurs d'alors de calculer prĂ©cisĂ©ment leur position[1].

DĂ©sastre naval de Sorlingues
Une gravure du XVIIIe siècle du dĂ©sastre, avec le HMS Association au centre.
Une gravure du XVIIIe siècle du désastre, avec le HMS Association au centre.
Caractéristiques de l'accident
Date
TypeNaufrage
Erreur de navigation
SiteĂŽles Scilly
(en français : Sorlingues)
Cornouailles, Angleterre
CoordonnĂ©es 49° 56′ 10″ nord, 6° 19′ 22″ ouest
Caractéristiques de l'appareil
Compagnie Royal Navy
Morts1 400 - 2 000
Survivants13

GĂ©olocalisation sur la carte : Angleterre
(Voir situation sur carte : Angleterre)
DĂ©sastre naval de Sorlingues
GĂ©olocalisation sur la carte : Cornouailles
(Voir situation sur carte : Cornouailles)
DĂ©sastre naval de Sorlingues

Contexte

Cloudesley Shovell, (1650–1707). Huile sur toile de Michael Dahl.

Durant l'été 1707, pendant la guerre de Succession d'Espagne, une flotte combinée britannique, autrichienne et hollandaise, placée sous le commandement du prince Eugène assiège et tente de prendre le port de Toulon. Pendant cette campagne, qui a lieu du 29 juillet au 21 août, le royaume de Grande-Bretagne envoie une flotte en soutien. Conduite par le Commander-in-Chief of the British Fleets, Sir Cloudesley Shovell, les vaisseaux mettent les voiles en direction de la Méditerranée, attaquent Toulon et parviennent à endommager les vaisseaux français qui s'étaient réfugiés dans le port. Côté terre, la ville est prise en tenaille par une armée autrichienne et savoyarde qui a franchi les Alpes et traversé la Provence d'Est en Ouest. La campagne est néanmoins un échec, l'alliance étant finalement battue car les fortifications de Toulon tiennent bon.

La flotte britannique reçoit l'ordre de rentrer au pays, fait escale à Gibraltar avant de se diriger vers Portsmouth à la fin du mois d'octobre. La flotte placée sous les ordres de Shovell, est alors constituée de quinze vaisseaux de ligne : Les HMS Association, HMS Royal Anne, HMS Torbay, HMS St George, HMS Cruizer, HMS Eagle, HMS Lenox, HMS Monmouth, HMS Orford, HMS Panther, HMS Romney, HMS Rye, HMS Somerset, HMS Swiftsure, HMS Valeur, ainsi que quatre brûlots (HMS Firebrand, HMS Griffin, HMS Phoenix, HMS Vulcan), le sloop HMS Weazel et le yacht HMS Isabella[2].

Perte des vaisseaux

Les îles Sorlingues. Les Western Rocks, Crim Rocks et Bishop Rock en bas à gauche de cette image satellite.
MĂ©morial Ă  Cloudesley Shovell Ă  Porthellick Cove.

La flotte de l'amiral Shovell, composée de vingt-et-un navires, quitte Gibraltar le 29 septembre, avec le HMS Association comme vaisseau amiral, le HMS Royal Anne est monté par le Vice Admiral of the Blue Sir George Byng et le HMS Torbay et le Rear-Admiral of the Blue Sir John Norris[2]. La traversée est marquée par le gros temps et une mer déchaînée. Alors que la flotte quitte l'océan Atlantique et entre dans le golfe de Gascogne sur son chemin vers l'Angleterre, les bourrasques redoublent d'intensité faisant progressivement dévier les vaisseaux de leur route. Finalement, pendant la nuit du 22 octobre 1707 (Old Style, dans le calendrier grégorien), l'escadre entre dans la Manche et les pilotes de l'escadre croient alors que la traversée touche à sa fin.

Le 21 octobre (1er novembre), profitant d'une éclaircie, Shovell effectue une observation astronomique pour déterminer la position de sa flotte, probablement la première qu'il est en mesure de faire depuis plusieurs jours. Le lendemain, le temps se dégrade à nouveau et une nouvelle tempête frappe la flotte britannique. Après avoir sondé les fonds et estimé leur profondeur à 90 fathoms, l'amiral convoque les pilotes des différents navires de l'escadre à bord du HMS Association, et consulte ces derniers sur la position actuelle de sa flotte. Tous pensent que cette dernière se trouve à la même latitude qu'Ouessant au large des côtes de France, à l'exception du pilote breton du HMS Lenox, qui estime qu'ils étaient à proximité des îles Sorlingues (en anglais : Isles of Scilly), et que trois heures de navigation leur suffiraient pour être en vue de ces îles.

Shovell adopte l'opinion dominante et détache le HMS Lenox, le HMS Valeur et le HMS Phoenix en direction de Falmouth, Cornouailles. Ces vaisseaux, suivant une route nord-est, se retrouvent bientôt entourés de rochers et d'îlots au sud-ouest des îles Sorlingues, où le Phoenix subit tant de dégâts que son capitaine et son équipage sont contraints d'échouer leur navire sur un banc de sable situé entre Tresco et St Martin's, pour se sauver[3]. La flotte pense alors naviguer en sécurité à l'ouest d'Ouessant, une île située au large des côtes de Bretagne[4]. Cependant, en raison du mauvais temps et de l'incapacité des marins à déterminer de manière précise leur longitude, la flotte ignore qu'elle se trouve en réalité à proximité immédiate des îles Sorlingues[5]. Avant que l'erreur ne soit découverte, la flotte vient s'abîmer sur des rochers affleurant et quatre vaisseaux sombrent :

  • le HMS Association, un vaisseau de ligne de deuxième rang de 90 canons commandĂ© par le captain Edmund Loades, s'abĂ®me sur le Outer Gilstone Rock (voir image)[6] au large Scilly’s Western Rocks Ă  20 h 0 et coule, l'ensemble des membres d'Ă©quipage se noient y compris l'amiral Sir Cloudesley Shovell[7] - [8]. Suivant le HMS Association de près, le HMS St George[9] voit le vaisseau amiral sombrer en trois ou quatre minutes. Le St George heurte Ă©galement les rochers et est endommagĂ© mais parvient Ă  se dĂ©gager, tout comme le HMS Phoenix qui s'Ă©choue sur un banc de sable entre Tresco et St Martin's[9], il sera par la suite dĂ©gagĂ©.
  • le HMS Eagle, un vaisseau de 3e rang de 70 canons, commandĂ© par le captain Robert Hancock[2], heurte les Crim Rocks et se dĂ©porte en direction de Tearing Ledge qui fait partie des Western Rocks. Il coule Ă  quelques centaines de mètres de distance du Bishop Rock, son Ă©pave repose Ă  une profondeur de 130 pieds (39,6 m)[9].
  • le HMS Romney, un vaisseau de 4e rang de 50 canons, commandĂ© par le captain William Coney[2], heurte Bishop Rock et coule en quelques minutes. Tout l'Ă©quipage meurt noyĂ© Ă  l'exception d'un homme. Le seul survivant des trois plus gros vaisseaux est George Lawrence, qui Ă©tait boucher avant de rejoindre l'Ă©quipage du Romney en tant que quartier-maĂ®tre[10] - [11].
  • le HMS Firebrand, un brĂ»lot commandĂ© par le captain Francis Percy, s'abĂ®me sur l'Outer Gilstone Rock comme l'Association, mais, contrairement Ă  son vaisseau amiral, il est soulevĂ© par une Ă©norme vague. Percy parvient Ă  conduire son navire gravement endommagĂ© jusqu'Ă  la cĂ´te sur des Western Rocks[9] entre St Agnes et Annet, mais il sombre dans le Smith Sound, Ă  proximitĂ© du Menglow Rock perdant 28 hommes sur les 40 qui composaient son Ă©quipage[10].

Le nombre exact d'officiers, marins et marines tuĂ©s au cours de ces naufrages est inconnu. Les estimations varient entre 1 400 et plus de 2 000[9], faisant de cette tragĂ©die l'un des plus importants dĂ©sastres maritimes de l'histoire britannique. Dans les jours qui suivent les naufrages, des corps continuent Ă  s'Ă©chouer le long des cĂ´tes des Sorlingues avec les dĂ©bris des vaisseaux de guerre[12] et les effets personnels. De nombreux marins sont enterrĂ©s sur l'Ă®le de St Agnes[13].

Le corps de l'amiral Shovell, ainsi que celui de ses deux beaux-fils Narborough et de son flag-captain, Edmund Loades, s'échouent sur Porthellick Cove, sur St Mary's le lendemain, à près de 7 milles (11,3 km) du lieu de naufrage de l’Association. Un petit mémorial sera érigé plus tard sur ce site. Les circonstances de la découverte du corps de l'amiral ont donné lieu à plusieurs légendes. Shovell est enterré à titre temporaire sur la plage de St Mary's[14] - [15]. Sur ordre de la Reine Anne son corps est exhumé par la suite, embaumé et emmené à Londres pour y être enterré dans l'abbaye de Westminster[9]. Un large monument en marbre situé dans l'allée sud du chœur est sculpté par Grinling Gibbons[8]. Un important mémorial montrant le naufrage de l’Association a été sculpté dans l'église de Knowlton (Kent) près de Douvres, ville d'origine des Narborough.

Légendes à propos du désastre

La légende veut qu'un simple marin à bord du vaisseau de l'amiral Shovell ait essayé de prévenir l'équipage que la flotte avait dévié de sa route, soit parce qu'il était natif des Sorlingues et qu'il connaissait l'odeur distinctive qui se dégageait à l'approche des îles, soit parce qu'il tenait son propre journal de bord (une variante qui apparaît à la fin du XIXe siècle), mais Shovell le fait pendre au mât de misaine pour incitation à la mutinerie[4]. Bien qu'il soit tout à fait probable qu'un marin ait pu alerter sur la position du vaisseau et sur son sort (de tels débats étaient courants parmi les équipages à l'entrée de la Manche comme le note Samuel Pepys en 1684), il n'existe pas de mention dans des documents contemporains qu'un homme ait été pendu. Que cet homme ait été pendu ou pas, il aurait quoi qu'il arrive partagé le destin tragique des autres membres de l'équipage de l’Association quelques heures plus tard[11].

Une autre lĂ©gende prĂ©tend que Shovell Ă©tait toujours en vie, ou du moins agonisant, lorsqu'il atteint les Ă®les Sorlingues Ă  Porthellick Cove, et qu'il ait Ă©tĂ© assassinĂ© par une femme pour lui voler sa bague sertie d'une Ă©meraude inestimable, qui lui avait Ă©tĂ© offerte par l'un de ses plus proches amis, le capitaine James Lord Dursley. Ă€ l'Ă©poque, les Ă®les Sorlingues avaient la rĂ©putation d'ĂŞtre sauvages et anarchiques[11]. D'après une lettre Ă©crite en 1709 par Edmund Herbert, qui fut envoyĂ© aux Sorlingues par la famille de Shovell pour l'aider Ă  localiser et rĂ©cupĂ©rer les objets ayant appartenu Ă  l'amiral, le corps de Sir Cloudesley Shovell a Ă©tĂ© dĂ©couvert en premier par deux femmes qui « dĂ©chirèrent sa chemise Â» et « sa bague fut retirĂ©e de son doigt, laissant sur celui-ci une marque Â». Elizabeth, la veuve de l'amiral, avait offert une importante rĂ©compense pour la restitution de tout objet lui ayant appartenu[11]. L'aveu que l'amiral ait Ă©tĂ© assassinĂ© ne serait survenu que trente ans plus tard lorsque la femme, sur son lit de mort, sortit la bague et confessa au prĂŞtre qu'elle avait tuĂ© l'amiral[4]. L'homme renvoya la bague au 3e comte de Berkeley[16].

Références

  1. (en) Mark Nicholls, Norfolk Maritime Heroes and Legends, Cromer, Poppyland Publishing, (ISBN 978-0-946148-85-1), p. 25-30
  2. James Herbert Cooke, The Shipwreck of Sir Cloudesley Shovell on the Scilly Islands in 1707, From Original and Contemporary Documents Hitherto Unpublished, Read at a Meeting of the Society of Antiquaries, London, Feb. 1, 1883
  3. Voir James Herbert Cooke, The Shipwreck of Sir Cloudesley Shovell on the Scilly Islands in 1707, From Original and Contemporary Documents Hitherto Unpublished, Read at a Meeting of the Society of Antiquaries, London, Feb. 1, 1883
  4. (en) Dava Sobel, Longitude : The True Story of a Lone Genius Who Solved the Greatest Scientific Problem of His Time, Londres, Fourth Estate Ltd., , 184 p. (ISBN 1-85702-571-7), p. 11-16
  5. Tercentenary Commemorations of the 1707 Association Disaster
  6. Une photographie de l'Outer Gilstone Rock, issue du site www.shipwrecks.uk.com, consulté le 21 février 2010.
  7. Pour plus de détails sur le naufrage et les opérations de sauvetage au XXe siècle, voir Peter McBride et Richard Larn Admiral Shovell's treasure, 1999, (ISBN 0-9523971-3-7) (hardback) (ISBN 0-9523971-2-9) (paperback). L'ouvrage comporte l'arbre généalogique de la famille Shovell.
  8. « Sir Clowdisley Shovell's tomb and memorial in Westminster Abbey » (consulté le )
  9. Sir Clowdesley Shovell and The Association, by Peter Mitchell, on July 4, 2007
  10. HMS Association (+1707) on www.wrecksite.eu
  11. « The legacy of Sir Cloudsley Shovel », www.kenthistoryforum.co.uk (consulté le )
  12. Sir Cloudesley Shovell sur www.britannia.com, consulté le 8 janvier 2010
  13. www.shipwrecks.uk.com/tricent-leaflet
  14. Voir image
  15. Une photographie de Frank W.Gibson de la sépulture temporaire de l'amiral Shovell à Porthellick Cove.
  16. « Biography : Cloudesley Shovell », www.royalnavalmuseum.org (consulté le )

Bibliographie

  • (en) Simon Harris, Sir Cloudesley Shovell : Stuart Admiral, 2001, (ISBN 1-86227-099-6)
  • (en) David Hepper, British Warship Losses in the Age of Sail, 1650-1859 (1994)
  • (en) Brian Lavery, The Ship of the Line - Volume 1 : The development of the battlefleet 1650-1850, Conway Maritime Press, 2003, (ISBN 0-85177-252-8).
  • Michel VergĂ©-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1508 p. (ISBN 2-221-08751-8 et 2-221-09744-0)
  • Martine Acerra et AndrĂ© Zysberg, L'essor des marines de guerre europĂ©ennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [dĂ©tail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
  • Patrick Villiers, Jean-Pierre Duteil et Robert Muchembled (dir.), L'Europe, la mer et les colonies : XVIIe – XVIIIe siècle, Paris, Hachette supĂ©rieur, coll. « CarrĂ© histoire », , 255 p. (ISBN 2-01-145196-5)
  • Lucien BĂ©ly (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Paris, Ă©ditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1405 p. (ISBN 978-2-221-12482-6)

Articles connexes

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