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Culpabilité du survivant

La culpabilité du survivant, ou syndrome du survivant, ou encore syndrome de culpabilité du survivant, est un syndrome douloureusement ressenti par les personnes qui ont survécu à un accident ou à un massacre alors que d'autres sont morts.

Description

Au sens propre, le syndrome peut se résumer ainsi : « D'autres que moi sont morts, j'aurais pu mourir moi aussi mais je suis toujours là. »

Le survivant est rongé par la culpabilité, le sentiment d'avoir « trahi ».

Des auteurs comme Élie Wiesel ou Bruno Bettelheim ont publié des travaux à ce sujet, notamment à propos des rescapés de la Shoah, ces deux auteurs ayant eux-mêmes été déportés dans les camps de concentration nazis. En France, Maurice Porot s'y est également intéressé[1].

Ce syndrome est aussi connu sous le nom de « konzentrationslager syndrome », soit le syndrome des camps de concentration, reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé. Il s’agit là d’un terme apporté à la culture scientifique en 1949 par le psychiatre néerlandais survivant des camps de concentration, Eddy de Wind[2].

Les patients atteints de cette pathologie présentent de nombreux symptômes :

  • fatigue voire asthĂ©nie ;
  • anxiĂ©tĂ© ;
  • cĂ©phalĂ©es, troubles cardiaques ;
  • rĂ©sistance amoindrie Ă  la tuberculose ;
  • irritabilitĂ© et sautes d’humeur ;
  • dĂ©pression chronique ;
  • retrait social ;
  • troubles du sommeil et cauchemars.

Selon les scientifiques et les témoignages qu’ils ont pu recueillir, ces divers troubles augmentent à mesure que le sujet atteint vieillit. Ce syndrome est ainsi la plus vive conséquence physiologique et psychologique des humiliations, des menaces de mort, de déshumanisation, des privations et souffrances tant physiques que psychiques.

« Traumatismes physiques sont plus importants chez les non juifs. Les traumatismes psychiques sont beaucoup plus intenses chez les déportés juifs » a dit Leo Eitinger, survivant de l’Holocauste, dans Journal Psychosomat, en 1969. Simone Veil, quant à elle, évoque des « sentiments d’abandon, d’amertume, d’incompréhension, voire d’hostilité quasi-générale ».

Jorge Semprun, ancien déporté à Buchenwald, dit : « Plus je vieillis, plus je m'éloigne de la mort. »

Nombreux sont les déportés qui affirment ne pas être totalement revenus des camps, ils y ont laissé leur esprit, parfois leur âme, ne ramenant avec eux que les souvenirs de la douleur et de la persécution, de la peur et de l’horreur. Véritable traumatisme, les psychiatres, psychologues et autres scientifiques s’accordent à classifier ce syndrome comme un trouble de stress post-traumatique (PTSD : Posttraumatic stress disorder)

« Vous, l’auteur de ces livres, vous voulez dire que vous ne pourrez pas expliquer aux juges ce qui s’est passé à Auschwitz ? » Je me suis tu. Pouvais-je leur dire que je me consume à la recherche du mot qui rendrait le regard de ceux qui allaient au crématoire, lorsqu’ils passaient devant moi et que leurs yeux plongeaient dans les miens ? Je n’ai pas réussi à convaincre le procureur, et j’ai déposé au procès ; mais dès la première question des juges concernant Auschwitz, à peine avais-je réussi à prononcer quelques mots que je me suis effondré à terre et ai été hospitalisé, à moitié paralysé, le visage défiguré. » [3]

En 1968, Niederland montre que la culpabilitĂ© du survivant touche ceux qui ont survĂ©cu Ă  la mort non naturelle d’un proche. Elle joue un rĂ´le dans la dĂ©pression latente, cachĂ©e par la rĂ©ussite sociale et familiale. L’intensitĂ© de cette culpabilitĂ© est variable selon les circonstances : si on a Ă©vitĂ© la mort par une dĂ©cision active ou par le hasard. Ce concept est largement utilisĂ© par les professionnels de la santĂ© mentale depuis l’Holocauste. Les travaux de Niederland (1968/1981) et de Krystal (1968) ont fait progresser la comprĂ©hension de cette culpabilitĂ© en Ă©tudiant les effets du traumatisme massif des victimes des camps de concentration et de ceux qui ont fui.  En 1981, Niederland a Ă©tabli une liste exhaustive des caractĂ©ristiques de la culpabilitĂ© du survivant. Cependant, il rĂ©sume son point de vue sur cette culpabilitĂ©  ainsi : « Il est exact que les tendances masochiques sont opĂ©rantes chez beaucoup (de survivants) mais dans la majoritĂ© des cas, c’est la survie elle-mĂŞme qui est au cĹ“ur du conflit interne. Le survivant de l’Holocauste s’identifie au mort aimĂ© qu’il croit devoir rejoindre dans la mort… Le survivant se vit inconsciemment comme un traĂ®tre envers ses parents, ses frères et sĹ“urs dĂ©cĂ©dĂ©s, et rester en vie constitue un conflit permanent ainsi qu’une source constante de culpabilitĂ© et d’angoisse… ». Selon les travaux de Klein de 1985, se souvenir signifie culpabiliser. Cette culpabilitĂ© du survivant permet de sortir de l’anonymat. La culpabilitĂ© du survivant est donc un processus de dĂ©shumanisation Ă  l’envers. Par ce sentiment, la victime retrouve son identitĂ©[4].

À la suite des actes terroristes des années 2010, le syndrome est évoqué à plusieurs reprises dans les médias, en particulier après les attentats du 13 novembre 2015 en France[5].

Références

  1. Porot M., Couadau A., Plénat M., « Le syndrome de culpabilité du survivant », Annales médico-psychologiques 1985, vol. 143, no 3, p. 256-262.
  2. « Pathologies des déportés », sur Lutetia, 1945 - Le retour des déportés (consulté le )
  3. Yehiel De-Nur, Les visions d’un rescapé ou Le Syndrome d’Auschwitz, Paris, Hachette,
  4. Judith Stern, « Psychothérapie de la perte et du deuil », Santé mentale au Québec, vol. 15, no 2,‎ , p. 221–232 (ISSN 1708-3923 et 0383-6320, DOI 10.7202/031573ar, lire en ligne, consulté le )
  5. Pour les rescapés des attentats, le risque de ressentir la « culpabilité du survivant », Huffpost, 18 novembre 2015 (consulté le 23 août 2016).

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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