Cubisme tchécoslovaque
Le cubisme tchécoslovaque est un mouvement d'avant-garde artistique, très actif en Tchécoslovaquie et surtout dans sa capitale, Prague, entre 1911 et le milieu des années 1920.
Il nait de l'émulation de Pablo Picasso et Georges Braque auprès d'une communauté artistique tchèque très présente dans le Paris de la Belle Époque, dont Alfons Mucha était le représentant le plus célèbre. František Kupka est l'un des fondateurs de l'abstraction artistique (plutôt que cubiste stricto sensu). Otto Gutfreund est parmi les premiers sculpteurs cubo-expressionniste, avec Úzkost créée vers 1912.
Les reprĂ©sentants les plus illustres du cubisme tchĂ©coslovaque sont rĂ©unis au sein du Cercle artistique Mánes et d'ArtÄ›l, notamment les architectes Josef Gočár, Josef Chochol et Pavel Janák, les peintres Emil Filla, AntonĂn Procházka, et Josef ÄŚapek, le sculpteur Otto Gutfreund.
Après la Première Guerre mondiale, ce mouvement évolue vers le rondocubisme, un « maniérisme » du cubisme en quelque sorte. Correspondant au cubo-futurisme russe, il lie aux formes cubistes pures que sont les prismes et les cubes, des formes géométriques plus douces : cylindres et sphères.
Rejet de l'influence viennoise
Cette indéniable émulation francophile du cubisme parisien est aussi un rejet de l'avant-garde viennoise. Prague, à la fin du XIXe siècle, est une capitale provinciale de l'empire austro-hongrois et l'attraction de sa capitale devrait se faire sentir. Dans cette ville divisée ethniquement entre les Tchèques et une large minorité allemande qui tient le haut du pavé, l'art est un moyen pacifique pour exprimer des divergences politiques. Les communautés s'opposent alors sur le terrain musical et architectural, les Tchèques érigeant un splendide théâtre national tchèque néorenaissance, les Allemands répondant avec un Staatsoper néobaroque.
En ces débuts du XXe siècle, les nouvelles constructions entreprises en Bohême et en Slovaquie oscillent entre la Sécession viennoise[1], ce qui marque une allégeance envers le pouvoir impérial ou une appartenance à la minorité allemande ; ou, à l'opposé, l'Art nouveau et le cubisme qui permettent l'expression d'une résistance culturelle éclairée, sans verser dans l'expression rétrograde d'un folklore passéiste et panslave.
Soutien au cubisme
Notons le rôle de pionnier joué par Vincenc Kramář (1877-1960) qui, dès 1911, fut l'un des premiers collectionneurs d'œuvres cubistes de Pablo Picasso et de Georges Braque, achetées auprès des marchands d'art Ambroise Vollard et Daniel-Henry Kahnweiler. Sa collection, léguée en 1960, peu avant sa mort, constitue aujourd'hui le noyau des collections d'art moderne de la Galerie nationale de Prague et a eu une influence profonde sur le développement du cubisme en Tchécoslovaquie. Il devient, de 1919 à 1939, directeur de la Galerie nationale (alors encore une association artistique parapublique) et poursuit, plus officiellement, son œuvre prosélite en faveur de l'art moderne.
Ce collectionneur et historien de l'art est l'auteur d'un des premiers ouvrages de référence sur le sujet, Kubismus (édité à Prague, en 1920). Le , Daniel-Henry Kahnweiler écrit à Kramář, son client et ami : « je regrette seulement que, dans ce livre, où les noms Daniel Henry et Kahnweiler reviennent à chaque page, il n’y ait pas une ligne que je puisse comprendre. Je serais très heureux si on le traduisait dans une langue que je maîtrise. Je suis certain qu’il n’y pas de livre sur ces questions qui soit pour moi aussi intéressant et instructif que le vôtre[2]. »
Architecture cubiste
La Maison à la Vierge noire, édifiée en 1912 par Josef Gočár, peut revendiquer le titre de première construction cubiste. Destinée à abriter les grands magasins de Frantisek Josef Hechs, cette bâtisse héberge aujourd'hui le musée du cubisme tchèque, annexe de la Galerie nationale, ainsi qu’un café qui a retrouvé sa décoration cubiste initiale.
Un réverbère cubiste, dessiné par l’architecte Vlastislav Hofman, édifié en 1913, se trouve à proximité des jardins franciscains et témoigne de ce qui est peut-être le premier -sinon le seul - exemple de mobilier urbain cubiste.
Les façades de la maison "Diamant", construite en 1912 selon le projet d'Emil KrálĂÄŤek et sous la direction de M. Blecha, reprĂ©sentent les facettes d’un diamant. Cet immeuble est situĂ© Ă l’angle des rues Spalená et Lazarská.
- Réverbère cubiste de Vlastislav Hofman
- Maison "Diamant", portique entourant la statue baroque de saint Jean Népomucène
- Maison "Diamant", entrée
- Maison "Diamant", fronton d'angle
- Villa cubiste dans la rue Libušina
- Le palais Adria, proche de la place Venceslas
De nombreuses maisons de style cubiste ont été édifiées selon les plans de Josef Chochol au quartier de Vyšehrad.
- Les trois maisons jumelĂ©es sur le quai RašĂn, ont Ă©tĂ© Ă©difiĂ©es dans les annĂ©es 1912-1913 par Jan Chochola.
- Une villa dans la rue Libušina (no 3/49).
- Une maison dans la rue Neklanova.
À Hradčany, les maisons Hofman et Stach, maisons mitoyennes à trois façades et œuvres de Josef Gočár, situées dans le quartier du Château de Prague.
Rondocubisme
Le rondocubisme tente d’intégrer dans l’architecture des caractéristiques typiquement slaves. On emploie les couleurs nationales : le rouge et le blanc. On utilise des formes massives, cylindriques, rondes, tronquées, proche des rondins de bois.
Le siège de la LĂ©giobanka dans la rue Na PoĹ™ĂÄŤĂ, Ă©difiĂ©e entre 1921 et 1923, est un monument classĂ© par l’Unesco en tant que reprĂ©sentation unique du rondocubisme. Sa façade est dĂ©corĂ©e par Otto Gutfreund et J. Ĺ tursa. Le vitrail du hall, ainsi que les cartons ayant servi Ă la dĂ©coration picturales sont l’œuvre de F. Kysela.
Le palais Adria, Ă©difiĂ© en 1925, par Pavel Janák et un Allemand de Prague, Joseph Zasche, sur la Jungmanovo namÄ›stĂ. Il fut conçu pour la maison d'assurances Riunione Adriatica di SicurtĂ . Le dĂ©cor sculptĂ© est dĂ» Ă Jan Ĺ turda et Karel Dvořák. En 1926, lors d'une confĂ©rence Ă Prague, Le Corbusier voit dans le palais Adria « une construction massive de caractère assyrien ».
L'immeuble rondocubiste de la rue Kamenická, œuvre de Novotný, dans le quartier Holešovice.
Notes et références
- Ainsi, Ă Prague, la maison municipale (construite entre 1905 et 1912) ou la gare centrale de Prague (construite entre 1901 et 1909).
- source
Bibliographie
- Vincenc Kramár, Le Cubisme, éd. de l’École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 2002 (ISBN 2-84056-114-X) - édition originale en tchèque: Kubismus, Prague, 1920
- Švestka, Vlček, Czech Cubism ; 1909–1925, Modernista, (ISBN 8023966596) - l'anthologie la plus complète à ce jour, en anglais