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Crise portugaise de 1383-1385

La crise portugaise de 1383-1385 est un conflit de succession survenu à la suite de la mort de Ferdinand Ier, roi de Portugal de 1367 au 22 octobre 1383. Il oppose les partisans[1] - [2] du roi de Castille Jean Ier, époux depuis mai 1383 de la fille de Ferdinand, Béatrice, ùgée de dix ans, héritiÚre présomptive de la couronne[3], et ceux du demi-frÚre du roi défunt, Jean de Portugal, grand-maßtre de l'ordre d'Aviz.

Cette crise dynastique a une dimension nationale d'hostilité à l'influence du royaume de Castille et une dimension socio-politique d'opposition entre l'aristocratie fonciÚre et la bourgeoisie liée au commerce maritime alors en pleine expansion. Elle marque aussi le début de la longue alliance entre les royaumes de Portugal et d'Angleterre.

La crise se termine par la victoire de Jean de Portugal à Aljubarrota (14 août 1385), à laquelle les archers anglais apportent une contribution importante.

C'est le début de la dynastie d'Aviz, qui va lancer le Portugal dans l'aventure des grandes découvertes. Cette victoire est immédiatement commémorée par la fondation du monastÚre de Batalha (« Bataille »), dont la construction commence en 1386.

Origines du conflit

En 1383, le roi Ferdinand Ier est mourant. De son mariage avec ÉlĂ©onore Teles de Menezes (1350-1386), seule une fille, BĂ©atrice, survit. Elle est ĂągĂ©e de dix ans.

Le mariage de BĂ©atrice de Portugal avec le roi de Castille (mai 1383)

Le mariage de BĂ©atrice est donc de premiĂšre importance pour le futur du royaume. La reine ÉlĂ©onore soutient le roi de Castille. D'autres factions politiques proposent diffĂ©rents prĂ©tendants, dont des princes anglais et français. Ferdinand opte pour le choix d’ÉlĂ©onore. Le mariage est cĂ©lĂ©brĂ© en .

Les réactions des Portugais

Les Portugais ont plusieurs raisons pour ne pas ĂȘtre satisfaits par ce mariage.

On peut d'abord penser à l'inquiétude face au risque d'annexion du royaume par la Castille. Il faut dire que les conflits entre les deux royaumes se sont multipliés et que le peuple portugais voue une haine profonde à son voisin.

Mais la crise est aussi politique : la population des villes, dominées alors par la bourgeoisie marchande, craint une remise en cause de la politique portugaise jusque-là favorable au commerce maritime.

Sous le rĂšgne de Ferdinand, divers conflits ont Ă©tĂ© prĂ©judiciables aux affaires. Par ailleurs, la reine ÉlĂ©onore, proche des Castillans, a mauvaise rĂ©putation Ă  cause de ses mƓurs lĂ©gĂšres et de sa liaison avec un noble galicien, Juan Fernandes, comte d'Andeiro.

Le roi de Castille est connu pour ĂȘtre un dĂ©fenseur de l'aristocratie fonciĂšre[4].

Les suites de la mort de Ferdinand et le début de la crise

Ferdinand meurt le . En accord avec le contrat de mariage de BĂ©atrice et de Jean de Castille, la rĂ©gence du royaume est confiĂ©e Ă  sa veuve, ÉlĂ©onore, jusqu'Ă  la majoritĂ© de BĂ©atrice.

Jean Ier se proclame cependant roi. Cela ouvre la crise avec des Ă©meutes qui Ă©clatent dans les grandes villes.

La crise

Les prétendants portugais à la succession

Trois demi-frÚres de Ferdinand, fils nés hors mariage de Pierre Ier de Portugal peuvent apparaitre comme des alternatives au roi de Castille :

Le dernier est populaire dans la classe moyenne et dans l’aristocratie.

DĂ©but du conflit (1384-1384)

Le premier acte d’hostilitĂ© vient des partisans du grand-maĂźtre de l'ordre d'Aviz. Le , Jean d'Aviz et un groupe de conspirateurs entrent dans Lisbonne et assassinent le comte d'Andeiro, l'amant de la reine ÉlĂ©onore qui prend la fuite.

Jean d’Aviz appelle Ă  ses cĂŽtĂ©s Nuno Álvares Pereira, un chef militaire reconnu. Ensemble, ils s’emparent des villes de Lisbonne, Beja, Portalegre, Estremoz et Évora.

Jean Ier de Castille entre au Portugal et occupe la ville de Santarém. Puis il assiÚge Lisbonne pendant quatre mois, sans succÚs. Il oblige aussi Eléonore à renoncer à la régence et l'envoie dans un couvent.

L'année 1384 : siÚge de Lisbonne et négociations avec l'Angleterre

Les deux armées se rencontrent le à la bataille dos Atoleiros (dite « bataille des bourbiers »). C'est une victoire victoire de la faction d'Aviz, mais pas décisive.

Jean de Castille se replie en effet vers Lisbonne et établit de nouveau le siÚge de la capitale ; avec sa marine, il bloque le port et contrÎle le Tage. Son objectif est de pouvoir se faire couronner roi dans la cathédrale de Lisbonne.

Jean d'Aviz tente alors de trouver des soutiens Ă  l'Ă©tranger. En 1384, la guerre de Cent Ans bat son plein entre Français et Anglais. La Castille Ă©tant l’alliĂ©e traditionnelle des Français, il sollicite l’aide anglaise.

En , il envoie une ambassade Ă  la cour d'Angleterre oĂč le roi Richard II d'Angleterre, ĂągĂ© de 17 ans, est sous l'influence du rĂ©gent Jean de Gand, duc de Lancastre. AprĂšs des hĂ©sitations, celui-ci accepte d’envoyer des troupes au Portugal, afin de fragiliser la position de Jean de Castille, dont il vise le trĂŽne au nom de son Ă©pouse Constance de Castille, fille de Pierre le Cruel.

Cependant, la population de Lisbonne commence Ă  souffrir de la faim et est frappĂ©e par la peste. La ville n'attend pas grand-chose de l’armĂ©e de Jean d'Aviz, trop petite pour se risquer dans un affrontement direct avec les Castillans et occupĂ©e Ă  dĂ©fendre d’autres villes. Le , une escadre commandĂ©e par le capitaine Rui Perreira rĂ©ussit cependant Ă  amener un chargement de nourriture Ă  Lisbonne. Le coĂ»t de l'opĂ©ration est lourd : la quasi-totalitĂ© des bĂątiments portugais ont Ă©tĂ© coulĂ©s et Rui Pereira est mort au combat.

Quelques semaines aprĂšs, Almada se rend aux Castillans. La situation s'aggrave pour les habitants de Lisbonne, mais le siĂšge est Ă©galement lourd pour la Castille, qui connaĂźt des problĂšmes d’approvisionnement provoquĂ©s par l'action d'Álvares Pereira sur ses lignes de ravitaillement.

À la fin de l’étĂ©, une attaque de la peste noire frappe l’armĂ©e castillane, forçant Jean Ier Ă  se retirer vers la Castille (). Quelques semaines aprĂšs, la flotte castillane abandonne le Tage .

La guerre de succession du Portugal de 1383-1385

L'année 1385 : de Trancoso (avril) à Aljubarrota

À la fin de 1384 et au dĂ©but de 1385, Nuno Álvares Pereira reprend nombre des villes qui avaient proclamĂ© leur soutien Ă  la princesse BĂ©atrice et Ă  Jean de Castille.

À PĂąques, les troupes anglaises arrivent au Portugal. Bien que peu nombreuses (environ 600 hommes), ce sont des soldats aguerris qui ont combattu en France, avec des unitĂ©s d’archers qui ont prouvĂ© leur valeur contre les charges de cavalerie. Fort de ce soutien, Jean d'Aviz convoque les Cortes Ă  Coimbra. Le , il est proclamĂ© roi de Portugal sous le nom de Jean Ier.

Par un de ses premiers édits, Jean Ier nomme Álvares Pereira connétable de Portugal et protecteur du royaume. Peu aprÚs, le roi et le connétable partent pour le nord pour en finir avec les derniers foyers de résistance.

Jean Ier envoie alors au Portugal un corps expéditionnaire limité, qui est battu le résultat en mai à Trancoso en mai.

Il comprend que seule une grande armĂ©e peut mettre fin Ă  la rĂ©bellion. Durant la seconde semaine de juin, une trĂšs grande partie de l’armĂ©e castillane, commandĂ©e par le roi en personne et accompagnĂ©e d’un contingent de cavalerie française, entre au nord du Portugal.

La bataille d'Aljubarrota (14 août)

L’avantage numĂ©rique est du cĂŽtĂ© de la Castille. L'armĂ©e de Jean Ier de Castille compte 30 000 hommes contre les 6 000 dont dispose Jean Ier de Portugal. Les Castillans se dirigent vers le sud, dans la direction de Lisbonne et de SantarĂ©m, les principales villes du royaume. Mais l’armĂ©e castillane et lente car lourdement Ă©quipĂ©e.

Jean Ier et son connĂ©table, ayant fait leur jonction Ă  Tomar veulent Ă©viter un nouveau siĂšge de Lisbonne. Ils dĂ©cident d'attendre l’ennemi aux environs de Leiria, prĂšs du bourg d'Aljubarrota.

La rencontre a lieu le . La bataille est livrĂ©e dans le style de la CrĂ©cy (1356) (ou de celle d'Azincourt en 1415), avec une tactique qui permet Ă  une petite armĂ©e de rĂ©sister Ă  de grands contingents et Ă  des charges de cavalerie. L’utilisation d’archers sur les flancs et d'obstacles pour empĂȘcher la progression des chevaux en constituent les principaux Ă©lĂ©ments.

L’armĂ©e castillane est totalement anĂ©antie.

Suites

La Castille a subi un tel désastre que toute reprise de la guerre est impossible dans l'immédiat.

Jean Ier devient sans conteste roi de Portugal, mettant fin Ă  un long interrĂšgne.

L’alliance luso-britannique est renforcĂ©e par le traitĂ© de Windsor[7] en 1386 et renforcĂ©e par le mariage de Jean Ier avec Philippa de Lancastre, fille de Jean de Gand.

Ce n'est qu'en 1411 que La Castille reconnaßt la dynastie d'Aviz, par le traité d'Ayllón.

Notes et références

  1. Fernão Lopes, Chronique du Roi Ferdinand, chapitre CLVIII, p. 136 et suivantes (po), à propos du contrat de mariage, le dénommé traité de Salvaterra de Magos
  2. António Caetano de Sousa, Preuves de l'Histoire Généalogique de la Maison Royale Portugaise, tome I, p. 296 et suivantes. Cahier castillan du Traité de Salvaterra (es)
  3. Pero LĂłpez de Ayala, Chroniques de Rois de Castilla, Tome II, ps. 176 Ă  181 (es)
  4. Henri le navigateur, un découvreur au XVe siÚcle de Michel Vergé-Franceschi; ed. du Félin; p. 47
  5. Voir page anglaise John, Duke of Valencia de Campos
  6. Page anglaise Denis, Lord of Cifuentes.
  7. Ce traitĂ©, encore en vigueur, est un pacte d’aide mutuelle entre l’Angleterre et le Portugal.

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