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Crise boursière des mines d'or sud-africaines

La crise boursière des mines d'or sud-africaines s'est produit en 1895 et 1896 à la Bourse de Londres et la Bourse de Paris à la suite du Raid Jameson en Afrique du Sud. Une étude commandée par le président du Crédit lyonnais Henry Germain estime aussi qu'elle est la conséquence de la baisse des cours du l'or consécutive à l'augmentation très rapide la production sud-africaine, permise par le percement de mines en grande profondeur, grâce à de nouvelles technologies[1].

Histoire

Année 1887 1889 1892 1894 1895 1898
Dividendes versés par les mines d'or sud africaines 0,53 mlns de sterling 10 mlns de sterling 28 mlns de sterling 37 mlns de sterling 66 mlns de sterling 127 mlns[2].

Les années 1890 sont marquées par une très forte spéculation sur les premières mines d'or d'Afrique du Sud exploitées en grande profondeur[3] et se traduisent par le quadruplement de la production aurifère de l'Afrique du Sud[4]. Grâce à ses gisements en grande profondeur, qui nécessitent de gros investissements pour l'irrigation et l'alimentation en électricité, le pays produira vingt ans plus tard la moitié de l'or mondial.

Le Times de Londres publie en décembre 1892 le rapport du géologue californien Hamilton Smith[5], envoyé de la Banque Rothschild, qui évalue le potentiel du gisement en grand profondeur, en détaillant les techniques à déployer pour rendre possible l'extraction. La Revue sud-africaine d'Henry Dupont, le traduit quelques mois plus tard, pour les actionnaires français.

L'action Robinson Deep Mine, échangée à Paris, double de valeur au quatrième trimestre 1894 pour atteindre 194 francs[6]. Au premier trimestre de 1893, c'est la première des mines sud africaines avec un chiffre d'affaires de 40 millions de livres sterling :

Société Robinson Langlaagte Crown Primrose
Chiffre d'affaires 1er trimestre 40 28 23 24

La presse française s'y intéresse: Le Figaro du donne les cours d'une quinzaine de mines d'or. Grâce au baron Jacques de Gunzbourg[7], banquier également implanté à Saint-Pétersbourg[8], un compartiment "mines d'or du Transvaal", hyperactif, est créé à Paris en janvier 1895. Dès la fin 1893, les mines d'or sud-africaines avaient permis aux coulissiers de la Bourse de Paris d'augmenter leur influence et leur périmètre d'affaires, allant jusqu'à réaliser 60 % du total des échanges à Paris. Nemours Herbault (1834-1913), qui était syndic de la chambre des agents de change de la Bourse de Paris depuis 1891 a même démissionné en 1895 pour prendre la direction de la Banque Française d'Afrique du Sud, qui s'est créée la même année.

L'activité boursière parisienne fut dopée en 1894 et 1895, par l'introduction des actions de mines d'or sud-africaines. Sur ces deux années, les agents de change payèrent 11,8 millions d'impôts, les coulissiers parisiens 22,1 millions, soit presque deux fois plus[9]. En 1895, le marché boursier est électrisé par les bénéfices de la compagnie Gold Fields, de 2,16 millions de sterling sur un capital de 1,75 million de sterling[10].

Année 1888 1889 1890 1891 1892
0,034 0,23 0,38 0,49 0,72 1,12

En Afrique du Sud, la production est multipliée par cinq entre 1889 et 1892, pour atteindre 1,12 million d'onces[11]. Au centre du gisement aurifère, Johannesburg devient une ville champignon de 100 000 habitants, nourrie par une très forte immigration anglaise et écossaise. L'industriel Cecil Rhodes veut la transformer en un « Gibraltar de la finance[12] ». Mais les Boers refusent aux immigrés anglais le droit de vote et taxent les mines d'or.

Arrestation de Leander Jameson.
Illustration parue dans Le Petit Parisien, 1896

Un groupe de promoteurs miniers constitué de Cecil Rhodes, John Hays Hammond et Alfred Beit [13] lance alors le raid Jameson de décembre 1895 : une armée privée tente de renverser le gouvernement du Transvaal et échoue dans ce qui devient un prélude à la deuxième Guerre des Boers. Ces troubles militaires déclenchent la crise boursière, se traduisant par la chute des cours des mines d'or sud-africaines, qui porte un coup au prestige des coulissiers parisiens. Leurs rivaux, les agents de change dénoncent leurs origines étrangères, sur fond d'Affaire Dreyfus.

Après la crise, la production d'Afrique du Sud repart. Elle atteint 14,7 tonnes au cours du seul mois d', son niveau annuel de 1890. Désormais assez abondant pour emplir les caves des banques centrales, l'or sud-africain garantit la confiance dans le papier-monnaie. La Seconde Guerre des Boers, du au , est couverte des deux côtés du front par l'Agence Reuters, qui gagne sa réputation d'indépendance et le scoop de la fin du siège de Mafeking en 1900.

Références

  1. "Le Crédit lyonnais, 1863-1986: études historiques", par Bernard Desjardin, page 291
  2. Les Richesses minérales de l'Afrique : l'or, les métaux le diamant, les phosphates, le sel
  3. The Cornish overseas: a history of Cornwall's 'great emigration, page Philip Payton, Dundurn Press Ltd., 2005, page 359
  4. Les Richesses minérales de l'Afrique : l'or, les métaux le diamant, les phosphates, le sel, par Louis de Launay (1903)
  5. The foundations of the South African cheap labour system, par Norman Levy, page 105
  6. Le Marché financier en 1894-1895, par Arthur Raffalovitch (ambassadeur de Russie à Paris), page 14
  7. Le marché financier français au XIXe siècle : Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, page 413 Publications de la Sorbonne, 2007
  8. "Le monde de la banque et les diasporas, des années 1730 aux années 1930: des banquiers cosmopolites ?, par Hubert Bonin, professeur d’histoire économique à l’Institut d’études politiques de Bordeaux
  9. "Le marché financier français au XIXe siècle: aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris", page 76, par Pierre-Cyrille Hautcœur et Georges Gallais-Hamonno, Université de Paris I: Panthéon-Sorbonne - 2007 -
  10. "L'économie minière en Afrique australe", par Jacques Marchand, page 184
  11. La Revue sud-africaine du 28 mai 1993
  12. Si la Bourse m'était contée, par André Kostolany, Julliard (1960), page 130
  13. The Boer War, par Carol DeBoer-Langworthy, mars 2007
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