Courbe de Wöhler
La courbe (ou diagramme) de Wöhler est une façon de reprĂ©senter des rĂ©sultats d'essais de fatigue en science des matĂ©riaux. Elle est appelĂ©e courbe S-N (Stress vs Number of cycles, c'est-Ă -dire « contrainte en fonction du nombre de cycles ») dans les pays anglo-saxons. Dans l'industrie et le gĂ©nie civil, elle est dâun emploi courant pour estimer le degrĂ© dâendommagement liĂ© Ă la fatigue des matĂ©riaux.
Principe
La courbe de Wöhler est le plus ancien diagramme qui permette de visualiser la tenue de la piĂšce ou des matĂ©riaux dans le domaine de fatigue. Cette courbe dĂ©finit une relation entre la contrainte appliquĂ©e Ï (sigma parfois notĂ©e S) et le nombre de cycles Ă la rupture NR (en fait nombre de cycles pour lesquels on observe P% de ruptures). En pratique, la courbe de Wöhler est gĂ©nĂ©ralement donnĂ©e pour une probabilitĂ© de rupture P = 0,5.
Pour la tracer, on rĂ©alise gĂ©nĂ©ralement des essais simples qui consistent Ă soumettre chaque Ă©prouvette Ă des cycles dâefforts pĂ©riodiques, dâamplitude de chargement constante Sa fluctuant autour dâune valeur moyenne fixĂ©e et Ă noter le nombre de cycles au bout duquel lâamorçage dâune fissure est observĂ©, appelĂ© ici nombre de cycles Ă rupture NR ; ceci est fait pour plusieurs valeurs de l'amplitude alternĂ©e Sa et de R ; le rapport de charge R est le rapport de la contrainte minimum Ă la contrainte maximum du cycle pĂ©riodique. Pour plus de commoditĂ©, ce nombre NR est reportĂ© en abscisse sur une Ă©chelle logarithmique, et lâamplitude de contrainte Sa est reportĂ©e en ordonnĂ©e sur une Ă©chelle linĂ©aire ou logarithmique pour plusieurs valeurs de R. R=-1 correspond Ă un cycle symĂ©trique alternĂ©, R=0 correspond Ă un cycle rĂ©pĂ©tĂ©, R>0 correspond Ă des contraintes ondulĂ©s. La dĂ©composition du chargement (par la mĂ©thode de comptage rainflow) permet d'exprimer celui-ci en cycles simples caractĂ©risĂ©s par une contrainte alternĂ©e Sa et un rapport de charge R. Ainsi, Ă chaque structure essayĂ©e, correspond donc un point du plan (NR, Sa) et Ă partir dâun certain nombre dâessais Ă contrainte gĂ©nĂ©ralement dĂ©croissante, on peut Ă©tablir la courbe de Wöhler.
La caractĂ©risation d'un matĂ©riau dans le domaine de la fatigue conventionnelle peut ĂȘtre faite par les courbes de Wöhler, en fonction du rapport de charge R, issues d'essais sur Ă©prouvettes lisses. On peut aussi effectuer des essais sur Ă©prouvettes entaillĂ©es pour valider les mĂ©thodes de calcul en fatigue des structures.
On définit généralement :
- la fatigue conventionnelle dite « à grand nombre de cycles » au-delà de 50 000 cycles, les courbes de Wöhler obtenues avec des essais de fatigue en effort imposé sont pertinentes.
- la fatigue oligocyclique en deçà de 50 000 cycles, domaine dans lequel il y a interaction entre deux modes de ruine, la fatigue et l'instabilité ductile.
La modélisation des courbes de Wöhler exige donc la représentation des deux modes de ruine couplés.
Limite d'endurance
On remarque que la courbe prĂ©sente une asymptote horizontale pour N tendant vers +â. Cela signifie que pour les amplitudes de contrainte Ïa faibles, on ne peut pas avoir de rupture en fatigue dans des dĂ©lais raisonnables (plusieurs annĂ©esâŠ).
Certains matĂ©riaux, comme les alliages d'aluminium, semblent avoir une asymptote nulle, d'autres une asymptote positive appelĂ©e limite d'endurance et notĂ©e ÏD ou SaD.
La dĂ©termination de la limite d'endurance se fait par des mĂ©thodes d'essais tronquĂ©s, c'est-Ă -dire que l'on se positionne Ă un nombre de cycles donnĂ© â typiquement un Ă cent millions (106 Ă 108) â et que l'on fait des essais Ă plusieurs niveaux d'amplitude de contrainte Ïa.
Modélisation de la courbe de Wöhler
On utilise habituellement trois modÚles pour représenter la courbe de Wöhler de maniÚre analytique :
- le modÚle de Basquin : il décrit la partie centrale de la courbe, comme une droite dans un diagramme log-log
Nâ Ïam = C
Ïa = (C/N)1/m
log(N) = log(C) - mâ log(Ïa)
oĂč C et m sont des paramĂštres dĂ©terminĂ©s par rĂ©gression linĂ©aire dans l'Ă©chelle log-log ; 1/m est de l'ordre de 0,1[1] ; - le modĂšle de Strohmeyer, qui dĂ©crit la partie centrale ainsi que l'asymptote finale,
Nâ (Ïa - ÏD)m = C
avec C = Am
; - le modÚle de Bastenaire qui décrit également le comportement oligo-cyclique,
.
On remarque que la courbe de Wöhler est une courbe Ïa = Æ(N), alors que les modĂšles sont souvent prĂ©sentĂ©s sous la forme N = Æ(Ïa).
Le fait de disposer d'un modÚle mathématique permet de réduire le nombre d'essais nécessaire pour déterminer la courbe. En particulier, pour une classe de matériau donné, on peut avoir un paramÚtre fixe, typiquement la pente m de la loi de Basquin, ce qui permet de réduire encore le nombre d'essais nécessaire.
Voir aussi
Notes et références
- Phi 2002, p. 925
Bibliographie
- Norman E. Dowlings, Mechanical behavior of materials, Englewood Cliffs (NJ), Prentice Hall, , 780 p. (ISBN 0-13-026956-5)
- J. Lemaitre J.-L. Chaboche, Mécanique des matériaux solides, Paris, Dunod, , 544 p. (ISBN 2-04-018618-2)
- (en) Jean Philibert et al., Métallurgie : du minerai au matériau, Paris, Dunod, , 2e éd., 1177 p. [détail des éditions] (ISBN 2-10-006313-8), « IV-7, V-11 », p. 913-928, 1104-1110