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Corps propre

En philosophie, la notion de corps propre ou corps phénoménal désigne le corps humain tel que vécu et expérimenté. Il s'oppose au corps objectif, à savoir le corps physique et biologique. Le corps comme sujet percevant (corps propre) et le corps comme matière physique (corps objectif) forment les deux faces du corps humain. D'un côté, celui-ci peut être appréhendé depuis une perspective personnelle (première personne), en tant que véhicule de la subjectivité ; d'un autre côté, le corps peut être appréhendé depuis une perspective extérieure (troisième personne), en tant qu'objet spatiotemporel.

Cette double nature du corps est à l'origine de l'expérience des « sensations doubles » : si nos deux mains se touchent, il est possible de faire l'expérience de l'une et de l'autre à la fois comme ce qui touche et comme ce qui est touché[1].

L'origine du concept

Dans le second livre des Ideen (IdĂ©es directrices pour une phĂ©nomĂ©nologie et une philosophie phĂ©nomĂ©nologique pures), Husserl situe le corps de l'homme dans l'entre-deux de la nature animale et du monde spirituel. Comme sujet effectif de la vie naturelle et le cadre qui la gouverne « il est exclu (pour Merleau-Ponty) que le corps puisse ĂŞtre considĂ©rĂ© comme un objet pour une conscience sĂ©parĂ©e ou comme une matière informe […]. Le corps perçoit, mais il dĂ©ploie aussi Ă  l'avance le champ dans lequel une perception peut se produire », Ă©crit Rudolf Bernet[2]. La notion de « corps propre Â» (on parle aussi de corps-chair en rĂ©fĂ©rence Ă  son ĂŞtre incarnĂ© dans le monde[3]) est au dĂ©part, l'expression utilisĂ©e par les philosophes pour dĂ©signer le corps avec son caractère « humain Â», par opposition au corps simplement envisagĂ© sous un angle matĂ©riel. Les Allemands ont deux mots, ils distinguent la Leib (la chair) du Körper (corps). Dans un premier temps, le « corps propre Â» dĂ©signait donc la manière humaine de vivre notre corps, habitĂ© par une conscience et dotĂ© d’intentions, alors que le corps matĂ©riel n’est qu’une matière inanimĂ©e. Notre corps nous l'expĂ©rimentons comme faisant partie de nous-mĂŞme. On appelle corps Ă  la fois ce que l'on peut percevoir et ce sans quoi on ne peut percevoir. En tant que je peux le percevoir, mon corps est une chose dans le monde : c’est le corps objectif ; en tant qu’il est condition de ma perception, je ne peux le percevoir : c’est le « corps phĂ©nomĂ©nal Â».

Les contours du concept

Le corps, constate Maurice Merleau-Ponty, est avec moi, jamais devant moi. Contrairement aux objets, mon corps est rivé à sa perspective : il ne peut être vu d’un autre angle que celui sous lequel je le vois – autant que je peux le voir – effectivement[4]. Pascal Dupond[5] écrit « le « corps phénoménal » ou « corps propre», est à la fois "moi" et "mien", c'est en lui que je me saisis comme extériorité d'une intériorité ou intériorité d'une extériorité, qui s'apparaît à lui-même en faisant apparaître le monde ». Le corps est notre lien avec le monde, Merleau-Ponty se propose de « réexaminer la définition du corps comme objet pur pour comprendre comment il peut être notre lien vivant avec la nature »[6].

Le corps propre, Ă©crit FrĂ©dĂ©ric Jacquet[7], est « cet « incroyable arrangement » pour lequel le monde se phĂ©nomĂ©nalise, par lequel la « lumière » advient et dont la dimension perceptive est corrĂ©lative de l’appartenance ontologique ». Merleau-Ponty souligne que la perception est dĂ©jĂ  « conscience Â» et que cette conscience reste nĂ©anmoins l'activitĂ© d'un corps, qui n'est pas le corps de la psychologie traditionnelle. « Au niveau de la perception, âme et corps, esprit et matière ne peuvent ĂŞtre distinguĂ©s. Il apparaĂ®t donc que le corps n’est pas simplement une chose parmi d’autres choses, ses liens avec le monde dĂ©passent les liens de causalitĂ© pure et simple, le corps est dĂ©jĂ  porteur d’esprit », note Florence Caeymaex[8].

En devenant, selon un passage de Signes[9] citĂ© par Lucia Angelino[10], « un système de systèmes vouĂ© Ă  l’inspection d’un monde [...], une structure originaire qui seule rend possible le sens et les significations, comme cadre Ă  partir duquel toute expĂ©rience et connaissance du monde sont possibles » le concept de « corps propre Â» prend, chez Merleau-Ponty, une signification ontologique . Merleau-Ponty[11] Ă©crit : « l'expĂ©rience rĂ©vèle sous l'espace objectif, dans lequel le corps finalement prend place, une spatialitĂ© primordiale dont la première n'est que l'enveloppe et qui se confond avec l'ĂŞtre mĂŞme du corps (d'oĂą la notion de corps propre ou phĂ©nomĂ©nal). »

La spatialité du corps propre

Maurice Merleau-Ponty

Dans Phénoménologie de la perception, le corps est considéré comme une structure qui elle-même structure le monde vécu (ou monde de la vie, la Lebenswelt). Il s'agit d'une structure, structurée et structurante, qui charge le réel « de prédicats anthropologiques »[12]. Cet ouvrage, majeur pour la pensée de Merleau-Ponty, consacre deux longs chapitres à l’espace.

L'espace anthropologique

Merleau-Ponty[13], cherche à « établir le caractère sui generis de l’espace subjectif, celui de la perception à l’égard de l’espace universel, objectif ».

La pluralité des expériences

« La phĂ©nomĂ©nologie merleaupontienne reconnaĂ®t et dĂ©crit la pluralitĂ© des expĂ©riences du spatial qu’elle fait remonter jusqu’à un espace subjectif gĂ©nĂ©ral, celui de la perception, radicalement diffĂ©rent de l’espace Un et abstrait de la gĂ©omĂ©trie [...] L’espace de la perception est Ă  l’origine des diverses variantes d’espaces subjectifs (espaces du primitif, de l’enfant, du malade, du peintre) et le prĂ©tendu espace en soi, objectif, celui de la gĂ©omĂ©trie est subsumĂ©, lui aussi, sous l’espace primordial de la perception. »[14]. Merleau-Ponty regroupe ces espaces seconds , sous la notion commune d' « espace anthropologique ». D'autre part « l'expĂ©rience rĂ©vèle sous l'espace objectif, dans lequel le corps finalement prend place, une spatialitĂ© primordiale dont la première n'est que l'enveloppe et qui se confond avec l'ĂŞtre mĂŞme du corps (d'oĂą la notion de corps propre ou phĂ©nomĂ©nal). ĂŠtre corps, c'est ĂŞtre nouĂ© Ă  un certain monde [...] notre corps n'est pas d'abord dans l'espace : il est Ă  l'espace » Ă©crit Merleau-Ponty[11] - [N 1], et le prĂ©tendu espace en soi, objectif, celui de la gĂ©omĂ©trie finira par ĂŞtre subsumĂ©, sous l’espace primordial de la perception[14]. Nous ne faisons pas (seulement) l'expĂ©rience de notre corps comme un objet externe que nous percevons ; mais nous le sentons comme Ă©tant nĂ´tre, nous en souffrons comme une partie de nous. Le corps est le siège d'un ensemble de significations vĂ©cues, et pas uniquement une rĂ©alitĂ© matĂ©rielle au sens strict, qui conditionne toute notre expĂ©rience et notre existence : Ă  la notion de corps matĂ©riel se substitue l’idĂ©e de corps propre, d’organisme qualifiĂ© par son appartenance Ă  une destinĂ©e. Le « corps propre Â», va ĂŞtre conçu comme le centre d’oĂą partent distances et direction[15] - [N 2].

Si le corps est « la matrice de tout espace existant », Merleau-Ponty n'en subjective pas pour autant l'espace. « L’espace général, c’est-à-dire « l’expérience originaire de l’espace », est celle de la subjectivité, mais d’une subjectivité anonyme et antérieure à toute pensée thétique » écrit Miklós Vető[16].

La difficile résorption du conflit corps esprit

Merleau-Ponty est conscient que, dans la PhĂ©nomĂ©nologie de la perception , ce conflit n'est pas dĂ©passé« le « sujet naturel » prĂ©sente une certaine ambiguĂŻtĂ©, au sens oĂą il est Ă  la fois le fond porteur de l’esprit et une objectivitĂ© que se donne l’esprit dans sa libre puissance transcendantale [...] le pĂ´le actif ou inventif du corps phĂ©nomĂ©nal tend Ă  coĂŻncider avec la puissance transcendantale de l’esprit tandis que le pĂ´le passif ou acquis du corps phĂ©nomĂ©nal tend Ă  s’identifier avec le corps objectif qui n’est que pour une conscience ou un esprit » Ă©crit Pascal Dupond[17]. Dans une note inĂ©dite rapportĂ©e par Pascal Dupond[18], Merleau-Ponty reconnaĂ®t « il n’y a aucun moyen de comprendre comment le corps humain pourrait ĂŞtre objet Ă  moins de supposer derrière lui un fabricateur qui le dispose de manière Ă  percevoir comme s’il savait vraiment divinement bien l’optique et la gĂ©omĂ©trie ». « Un organisme, en un sens, n’est que physico-chimie, car « on ne voit pas comment une autre causalitĂ© (vitale, d’entĂ©lĂ©chie) viendrait interfĂ©rer avec celle-lĂ  »[19]. De toute nĂ©cessitĂ© la corps vivant relève de divers ordre de l'ĂŞtre[N 3]. « On peut dire, en bref, que le corps vivant relève de l’ordre physique par « sa racine hylĂ©tique », mais qu’il outrepasse la « physico-chimie Â», au sens oĂą il est une genèse, un comportement, c’est-Ă -dire un espace-temps spĂ©cifique »[20]

Le schéma corporel

En provenance de la littĂ©rature neuropsychologique le « schĂ©ma corporel Â» Ă©tait conçu au dĂ©part, comme une simple association d'images ayant pour but d'offrir un rĂ©sumĂ© de notre expĂ©rience corporelle ; il est repris par Husserl sous l'appellation d'« espace corporel Â»[21]. Dans la PhĂ©nomĂ©nologie de la perception, Merleau-Ponty dĂ©substantialise la notion de « schĂ©ma corporel Â». Il ne s'agira plus d'une association d'images Ă©tablie au cours de l'expĂ©rience mais d'une unitĂ© spatio-temporelle qui les prĂ©cède et rend possible cette association. De plus avec la notion de « schĂ©ma corporel Â» ce n'est pas seulement chez Merleau-Ponty, l'unitĂ© du corps qui est visĂ© mais c'est aussi cela qu'elle rend possible Ă  savoir : l'unitĂ© de sens et l'unitĂ© de l'objet[22].

L'unité symbolique

Le corps devient une forme (voir Gestaltpsychologie), c'est-à-dire un composé, dans lequel le tout est supérieur aux parties. Ainsi conçue « la forme comparée à la mosaîque du corps physico-chimique (représente) un type d'existence nouveau »[N 4]. En effet, « si mon corps peut être une “forme” et s’il peut y avoir devant lui des figures privilégiées sur des fonds indifférents », c’est précisément « en tant qu’il est polarisé par ses tâches, qu’il existe vers elles, qu’il se ramasse sur lui-même pour atteindre son but. Parce que chaque sens déploie un champ phénoménal différent l'expérience sensible est différente selon qu'il s'agisse d'une chose vue, touchée ou sentie. C'est la structure symbolique du corps qui permet de réunir et englober les parties hétérogènes, « il en est ainsi des sens qui vont communiquer entre eux et associer leur pouvoir d'exploration pour former une synesthésie » écrit Rudolf Bernet[23]. La fonction symbolique autorise la multiplicité de perspectives soit de viser une chose comme une chose ou le terme invariant d'une infinité d'aspects[N 5].

Merleau-Ponty comprend l'unitĂ© du corps et mĂŞme l'unitĂ© du monde en « analogie Â» avec cette unitĂ© des divers sens[N 6]. « Le schĂ©ma corporel doit ĂŞtre compris comme une mobilisation anticipative du système symbolique du corps face Ă  une situation prĂ©cise de la vie perspective : le corps sait d'avance, d'un savoir charnel, ce qu'il doit faire et comment il doit le faire »[22].

La posture

Le recours Ă  la notion de « schĂ©ma corporel Â» recouvre une prise de conscience globale de notre « posture Â» dans le monde « inter-sensoriel Â». InterprĂ©tĂ© dynamiquement « mon corps m'apparaĂ®t comme une « posture Â» en vue d'une certaine tâche actuelle ou possible et comme l'opĂ©rateur de toute synthèse-vĂ©cue »[24]. « La structure du monde ne peut ĂŞtre pensĂ©e sinon en rĂ©fĂ©rence Ă  la structure du corps de l’homme, en tant que le corps comme totalitĂ© de sens systĂ©matiquement cohĂ©rente dans l’unitĂ©, est une structure qui elle-mĂŞme structure le monde, et une fonction dispensatrice d’unitĂ© »[25].

À noter que l'espace est pré-constitué avant toute perception. En effet pour l'auteur, contrairement à la tradition, « l'orientation dans l'espace n'est pas un caractère contingent de l'objet mais le moyen par lequel je le reconnais et j'ai conscience de lui comme d'un objet [...]. Renverser un objet c'est lui ôter toute signification »[26]. Il n'y a pas d'être qui ne soit situé et orienté, comme il n'y a pas de perception possible qui ne s'appuie sur une expérience antérieure d'orientation de l'espace. La première expérience est celle de notre corps dont toutes les autres vont utiliser les résultats acquis[27]. « Il y a donc un autre sujet au-dessous de moi, pour qui un monde existe avant que je sois là et qui y marquait ma place » cité par Rudolf Bernet[28].

Une fonction générale

Dans l'extension de ce rĂ´le attribuĂ© au « schĂ©ma corporel Â», le corps, en lieu, et place de la fonction de jugement, assume « une fonction organique de connexion et de liaison, qui n’est pas le jugement, un quelque chose immatĂ©riel dans le corps, qui permet l’unification des diverses donnĂ©es sensorielles, la synergie entre les diffĂ©rents organes du corps et la traduction du tactile dans le visuel [...] Merleau-Ponty affronte le problème de l'articulation entre la structure du corps et la signification et la configuration du monde »[29]. Le corps, le sujet corporel, est Ă  l’origine de la spatialitĂ©, il est le principe de la perception, sachant que le corps dont il est question n'est pas le corps matĂ©riel mais le « corps propre Â» ou phĂ©nomĂ©nal. Contrairement aux corps-objets qui se trouvent dans l’espace, et qui sont sĂ©parĂ©s les uns des autres par des distances, visibles Ă  partir d’une perspective, le corps propre, n'est pas dans l'espace Ă  une certaine distance des autres corps-objets mais constitue un centre d’oĂą partent distances et direction. Bien que privĂ© de toute visibilitĂ© notre corps propre est toujours lĂ  pour nous. « Le corps perçoit, mais il dĂ©ploie aussi Ă  l'avance le champ dans lequel une perception peut se produire », Ă©crit Merleay-Ponty[30]. En tant qu'elle ne se rĂ©vèle qu'au sein d'une intentionnalitĂ©, d'un projet, la spatialitĂ© du « corps propre Â» est toujours « situĂ©e Â» (correspond Ă  une situation) et « orientĂ©e Â» ne correspondant donc pas Ă  l'espace objectif qui lui est par dĂ©finition homogène[31].

« Il ne faut pas dire que notre corps est dans l'espace, ni d'ailleurs qu'il est dans le temps. Il habite l'espace et le temps »[32]. L'expĂ©rience motrice ne passe pas par l'intermĂ©diaire d'une reprĂ©sentation, comme manière d'accĂ©der au monde elle est directe. Le corps connaĂ®t son entourage comme des points d'application de sa propre puissance (la direction qu'il doit prendre, les objets qu'il peut attraper). « Le sujet placĂ© en face de ses ciseaux, de son aiguille et de ses tâches familières n'a pas besoin de chercher ses mains ou ses doigts, parce qu'ils ne sont pas des objets Ă  trouver dans l'espace objectif [...] mais des « puissances Â» dĂ©jĂ  mobilisĂ©es par la perception des ciseaux ou de l'aiguille [...] ce n'est jamais notre corps objectif que nous mouvons, mais notre « corps phĂ©nomĂ©nal Â» »[33]. « Le corps phĂ©nomĂ©nal est biface, en ce qu'il est Ă  la jointure de la nature et de la libertĂ©. D'un cĂ´tĂ©, il est habitĂ© par un nĂ©ant actif, (n'est pas oĂą il est, n'est pas ce qu'il est)[34], il est l'existence mĂŞme en son mouvement de transcendance » Ă©crit Pascal Dupond[5]

« Le sujet possède son corps non seulement comme système de positions actuelles mais comme système ouvert d'une infinité de positions équivalentes dans d'autres orientations »[35]. Cet acquis ou cette réserve de possibilités est une autre manière de désigner le «schéma corporel » c'est-à-dire « cet invariant immédiatement donné par lequel les différentes tâches motrices sont instantanément transposables »[35].

Comme son corps, le sujet percevant possède son monde. Il le possède par « une relation d'avoir, d'habitation ou d'habitude qu'il faut comprendre au sens fort : il tient son milieu sous sa prise ou son emprise, il ouvre son milieu et y dĂ©ploie les dimensions ou les niveaux qui expriment au dehors son activitĂ© interne »[36]. Ainsi l'acquisition d'une habitude autorise des rĂ©ponses adaptĂ©es Ă  des situations inĂ©dites se ressemblant par une certaine « communautĂ© de sens »[37]. Merleau-Ponty, prenant l'exemple de l'organiste, attribue au corps propre et non Ă  l'entendement l'acquisition d'habitudes qui ont pour effet de dilater notre « ĂŞtre au monde Â»[38].

La relation Ă  autrui

La notion de « corps propre Â» joue un rĂ´le capital dans la vision merleau-pontienne de l'« intersubjectivitĂ© Â»[39]. Pour Merleau-Ponty, « le corps n’est ni une chose ni une somme d’organes, mais un rĂ©seau de liens, ouvert au monde et aux autres. Le monde est le lieu oĂą se nouent la corporĂ©itĂ© et l’altĂ©ritĂ©. Les analyses de Merleau-Ponty sur la question du corps propre renvoient chaque fois au corps de l’autre, aussi bien dans les Ă©tudes du toucher, de la sexualitĂ©, que dans celles de la parole. Autrui y apparaĂ®t comme corps et l’intersubjectivitĂ© devient inter-corporĂ©itĂ© »[40]. « Le corps propre n’est qu’une relation, une participation, moi et autrui sommes depuis toujours liĂ©s, nous participons Ă  la mĂŞme source, Ă  la mĂŞme « chair ontologique Â» »[41].

Motricité

La notion de « corps propre Â» est Ă©trangère Ă  l'idĂ©e d'« enveloppe corporelle Â» de la tradition. « J'Ă©prouve mon corps comme puissance de certaines conduites et d'un certain monde, je ne suis donnĂ© Ă  moi-mĂŞme que comme une certaine prise sur le monde »[42]. Toujours prĂ©sent ce « corps propre Â» grandit au cours du temps car « les actions dans lesquelles je m'engage par l'habitude s'incorporent leurs instruments et les font participer Ă  la structure originale du corps propre. Quant Ă  lui, il est l'habitude primordiale, celle qui conditionne toutes les autres et par laquelle elles se comprennent »[11]. Lucia Angelino[43] Ă©crit : « Comme puissance d’un certain nombre d’actions familières, le corps a ou comprend son monde sans avoir Ă  passer par des reprĂ©sentations », il sait d’avance — sans avoir Ă  penser que faire et comment le faire —, il connaĂ®t — sans le viser — son entourage comme champ Ă  portĂ©e de ses actions. (Notre corps) s’annexe les choses, qui cessent d’être des objets pour devenir des quasi-organes, contribuant Ă  l’amplitude de notre ouverture corporelle au monde ».

« Ce n'est jamais notre corps objectif que nous mouvons mais notre « corps phĂ©nomĂ©nal Â» [...], le corps (physique) n'est qu'un Ă©lĂ©ment dans le système du sujet et de son monde et la tâche ( Ă  effectuer) obtient de lui les mouvements nĂ©cessaires [...] »[33]. Dans le cercle de ce corps « les mouvements de saisie ne commencent qu'en anticipant leur fin »[44] - [N 7]. « Je peux donc m'installer, par le moyen de mon corps comme puissance d'un certain nombre d'actions familières, sans viser mon corps ni mon entourage comme des objets au sens kantien c'est-Ă -dire [...] comme des entitĂ©s transparentes libres de toute adhĂ©rence locale ou temporelles. Il y a mon bras comme support de ces actes que je connais bien, mon corps comme puissance d'action dĂ©terminĂ©e dont je sais d'avance le champ et la portĂ©e et il y a l'entourage comme l'ensemble des points d'application possibles de cette puissance »[45]. Renaud Barbaras[46] Ă©crit « mon mouvement n'est pas une dĂ©cision de l'esprit, un faire absolu qui serait dĂ©crĂ©tĂ© depuis la retraite subjective [...]. Le Soi n'est pas extĂ©rieur au mouvement mais passe au contraire en lui : c'est en tant que Soi qu'il se meut [...], il y a une diffĂ©rence d'essence entre le mouvement des choses et celui du corps phĂ©nomĂ©nal ; (de Merleau-Ponty; L'Ĺ’il et l'Esprit) je dis d'une chose qu'elle est mue, mais mon corps, lui, se meut, mon mouvement se dĂ©ploie. Il n'est pas dans l'ignorance de soi, il n'est pas aveugle de soi, il rayonne d'un Soi ».Ce qui est Ă  retenir c'est selon Étienne Bimbenet[47] « pour l'anatomie cĂ©rĂ©brale, il n'y a pas de mouvements, il n'y a que des actes ; un vivant se meut pour ou en vue de ».

Dans ses mouvements, le sujet ne se contente pas de subir l'espace et le temps il les assume activement et leur confère une signification anthropologique. Ainsi quel sens pourrait avoir les mots « sur Â», « dessous Â» ou « Ă  cĂ´tĂ© Â» pour un sujet qui ne serait pas situĂ© par son corps en face du monde. Il implique la distinction d'un haut et d'un bas, du proche et du lointain, c'est-Ă -dire un espace orientĂ©[48]. L'espace objectif, l'espace intelligible n'est pas dĂ©gagĂ© de l'espace phĂ©nomĂ©nal orientĂ©, au point que l'espace homogène ne peut exprimer le sens de l'espace orientĂ© que parce qu'il l'a reçu de lui[48]. « C’est le corps qui donne sens Ă  son entourage, nous ouvre accès Ă  un milieu pratique et y fait naĂ®tre des significations nouvelles, tout Ă  la fois motrices et perceptives »[43]. « Le corps sait d'avance, d'un savoir charnel, ce qu'il doit faire et comment le faire »[22].

Le corps mesurant

Alors que nos vues ne sont que des perspectives, Merleau-Ponty tente d'expliquer la perception de l'objet (qu'une table soit une table, toujours la même, que je touche et que je vois) dans son « aséité »[49]. Il écarte le recours à la synthèse intellectuelle qui ne possède pas le secret de l'objet « pour confier cette synthèse au corps phénoménal [...] en tant qu'il projette autour de lui un certain milieu, que ses parties se connaissent dynamiquement l'une l'autre et que ses récepteurs se disposent de manière à rendre possible la perception de l'objet »[50]. « Le schéma corporel est l’étalon de mesure des choses perçues, « invariant immédiatement donné par lequel les différentes tâches motrices sont instantanément transposables » »[51] - [N 8]. Dans Phénoménologie de la perception[52], Merleau-Ponty écrit « notre corps est cet étrange objet qui utilise ses propres parties comme symbolique générale du monde et par lequel en conséquence nous pouvons fréquenter ce monde, le comprendre et lui trouver une signification ». « Comme « puissance » d’un certain nombre d’actions familières, le corps a ou comprend son monde sans avoir à passer par des représentations, il sait d’avance — sans avoir à penser ce que faire et comment le faire —, il connaît — sans le viser — son entourage comme champ à portée de ses actions », commente Lucia Angelino[43]. Plus tard dans le Visible et l'invisible[53], Merleau-Ponty écrit « Nous avons, non pas une conscience constituante des choses, comme le croit l'idéalisme, ou une pré-ordination des choses à la conscience, comme le croit le réalisme (ils affirment tous deux l'adéquation de la chose et de l'esprit), nous avons avec notre corps, nos sens, notre regard, notre pouvoir de comprendre la parole et de parler, des « mesurants » pour l'Être, des dimensions où nous pouvons le rapporter, mais non pas un rapport d'adéquation ou d'immanence ».

Comme système d’équivalences (corporelles) tant spatiales que temporelles, le corps nous donne « le premier modèle des transpositions, des équivalences, des identifications qui font de l’espace un système objectif et permettent à notre expérience d’être une expérience d’objets, de s’ouvrir sur un “soi” »[35] - [54]. Ici encore, l’origine du sens est encore expliquée avec des concepts provenant de modes de pensée dualistes où la distinction sujet-objet na pas complètement disparu. Avec le Visible et l'Invisible, on assiste à une radicalisation du concept, Pascal Dupond[55] écrit « le corps devient un sensible parmi les sensibles, mais en précisant qu'il est celui « en lequel se fait une inscription de tous les autres», ou bien qu'il est une chose parmi les choses, mais en précisant qu'il est aussi et surtout « au plus haut point ce qu'est toute chose un ceci dimensionnel», « un sensible qui est dimensionnel de soi-même, mesurant universel» » .

L'expressivité du corps

« Merleau-Ponty peut dire du corps qu’il est « éminemment un espace expressif », non seulement « un espace expressif parmi tous les autres », mais « l’origine de tous les autres, le mouvement même de l’expression, ce qui projette au dehors les significations en leur donnant un lieu, ce qui fait qu’elles se mettent à exister, comme des choses, sous nos mains, sous nos yeux (…). Le corps est notre moyen général d’avoir un monde. Tantôt il se borne aux gestes nécessaires à la conservation de la vie, et corrélativement il pose autour de nous un monde biologique ; tantôt, jouant sur ces premiers gestes et passant de leur sens propre à un sens figuré, il manifeste à travers eux un noyau de signification nouveau : c’est le cas des habitudes motrices comme la danse »[43].

Mais comme le souligne Rudolf Bernet[56], « le corps est un signe expressif d'un type particulier, un signe sans signifié préalable [...], si le corps exprime à chaque moment les modalités de l'existence, ce n'est pas comme les galons qui expriment le grade ou comme un numéro qui désigne une maison : le signe ici n'indique pas seulement sa signification, il est habité par elle, il est d'une certaine manière ce qu'il signifie ». « Le corps est ce lieu où les intérêts spirituels et les pulsions naturelles se mêlent au point de se confondre »[57].

Merleau-Ponty[34] écrit « l'analyse de la parole et de l'expression nous fait reconnaître la nature énigmatique du corps propre [...]. Il n'est pas un assemblage de particules dont chacune demeurerait en soi, ou encore un entrelacement de processus définis une fois pour toutes, il n'est où il est, il n'est pas ce qu'il est, puisque nous le voyons secréter un sens qui lui vient de nulle part, le projeter sur son entourage matériel et le communiquer aux autres sujets incarnés [...] On ne voyait pas que, pour pouvoir l'exprimer, le corps, en dernière analyse, doit devenir la pensée ou l'intention qu'il signifie. C'est lui qui montre, lui qui parle ».

Le fondement naturel

« Merleau-Ponty fait appel à une conception de la nature qui confère à celle-ci le sens d'un soubassement de l'existence spirituelle de la vie personnelle [...]. Cette nature est d'essence vivante, et la vie qui l'anime n'est ni exclusivement humaine, ni tout à fait inhumaine [...] Elle est cet espace où un sujet peut advenir, ou encore, le lieu de la naissance [...] La nature n'est pas étrangère ou opposée à l'homme, elle entretient avec lui un rapport essentiel [...] Elle est, au sein de l'existence humaine ce qui ne lui appartient pas en propre » écrit Rudolf Bernet[58]. « Réorganisés dans des ensembles nouveaux, les comportements vitaux disparaissent comme tels [...] La fonction symbolique, comme capacité catégoriale d'objectiver le milieu et de varier nos points de vue sur lui, est l'attitude humaine fondamentale, qui sublime en nous le sens des conduites vitales et leur confère un sens neuf » écrit Étienne Bimbenet[59].

L'ordre symbolique

Constamment, allant de l'un Ă  l'autre, l'homme navigue entre deux ordres, l'ordre animal, correspondant aux nĂ©cessitĂ©s vitales, et l'ordre humain qui est le lieu de la fonction symbolique qui expose l'ensemble des symboles composant l'univers de la culture ou des Ĺ“uvres de l'homme (mythes, religions, littĂ©ratures, Ĺ“uvres d'art[60]). « La fonction symbolique est d'abord une manière de percevoir, elle est fondamentalement l'acte d'un esprit incarnĂ© »[61]. Dans la PhĂ©nomĂ©nologie de la perception, Merleau-Ponty dĂ©finit l'existence comme un « va-et-vient Â» entre vie biologique et la vie de relations de la conscience[62].

Pascal Dupond[63] commente : « le sujet naturel » prĂ©sente une certaine ambiguĂŻtĂ©, au sens oĂą il est Ă  la fois le fond porteur de l’esprit et une objectivitĂ© que se donne l’esprit dans sa libre puissance transcendantale. [...]Cette ambiguĂŻtĂ© est dissimulĂ©e par l’usage que fait Merleau-Ponty du concept de « corps phĂ©nomĂ©nal ». Le corps phĂ©nomĂ©nal est l’existence mĂŞme dans son dĂ©ploiement multiforme sur une Ă©chelle qui s’étend du corps le plus vivant, c’est-Ă -dire le corps comme transcendance et invention de sens jusqu’au corps « partes extra partes Â», c’est-Ă -dire le corps qui n’opère pas sa propre synthèse, qui est corps pour autrui et non corps pour soi. Le corps humain vit toujours selon diffĂ©rents rĂ©gimes de corporĂ©itĂ© (ou diffĂ©rents rĂ©gimes de tension de durĂ©e) : il est toujours « un assemblage de parties rĂ©elles juxtaposĂ©es dans l’espace », , un corps habituel, un corps qui se rassemble et se transfigure dans le geste et l’expression, enfin le corps d’une personne engagĂ©e dans une histoire ; et toute altĂ©ration d’un rĂ©gime d’existence ou decorporĂ©itĂ© s’exprime ou se traduit dans les autres registres de l’existence ».

La vie indivise du corps et des choses

Parce qu'une chose ne peut ĂŞtre perçue qu'Ă  travers et selon les choses qui l'entourent , Merleau-Ponty fait Ă©tat Ă  cĂ´tĂ© du système symbolique du corps d'un système symbolique des choses[64]. « Le sens qui habite la chose ne lui appartient pas en pleine propriĂ©tĂ©, il provient d'une vie expressive qui ne fait que la traverser en la joignant aux autres choses »[65]. « Si ce n'est pas seulement le corps, mais aussi la chose qui voit les choses, si mon regard ne voit que ce que les choses veulent bien lui montrer, c'est que le corps et les choses sont taillĂ©s dans la mĂŞme Ă©toffe, ou traversĂ©s par la mĂŞme vie indivise »[66]. La notion de « chiasme Â», qui fait l'objet du tout dernier chapitre du le Visible et l'invisible, enveloppe les concepts d'empiètement, d'entrelacs et de rĂ©versibilitĂ© qui furent les tout premiers Ă©lĂ©ments qui apparurent dans PhĂ©nomĂ©nologie de la perception. Étienne Bimbenet[67], reprenant des expressions de Merleau-Ponty parle « d'un soi empiĂ©tant par son corps sur le monde et sur autrui, d'un rentrer en soi qui est identiquement sortir de soi ».

Le sens d'ĂŞtre du corps

L'expérience du touchant-touché

Parce que le monde de la vie est toujours plus large et plus complexe que « les essences et les idĂ©es dans lesquelles on cherche Ă  le rĂ©sumer » Merleau-Ponty lie rĂ©flexion, et expĂ©rience perceptive[68].« Merleau-Ponty a donnĂ© une illustration magistrale de cette « rĂ©flexion-perception Â» Ă  travers l’expĂ©rience particulière dite du touchant-touchĂ©. Ma main gauche touche ma main droite : c’est une manière pour moi de me sentir moi-mĂŞme, d’avoir le sentiment de soi. Mais qu’est-ce qui se passe ? Ma main gauche, celle qui agit, n’est pas un pur sujet, elle est corps, et cette autre main qu’elle touche n’est pas pour elle un pur objet ou une chose, elle est son double ; reportons-nous Ă  la main droite, voici qu’elle se soustrait immĂ©diatement Ă  sa condition d’objet, car elle se sent touchĂ©e, elle est dĂ©jĂ  conscience, presque sujet, voici qu’elle commence de prendre la main qui la touchait d’abord pour une chose qu’elle touche, etc » Ă©crit Florence Caeymaex[68].  Dans l'expĂ©rience du toucher, Merleau-Ponty dĂ©crit trois expĂ©riences distinctes qui bien que se croisant et s'ouvrant les unes sur les autres, ne se superposent pas. « Dans le toucher, il y a trois expĂ©riences distinctes qui se sous-tendent, trois dimensions qui se recoupent, mais sont distinctes : un toucher du lisse et du rugueux, un toucher des choses (en gĂ©nĂ©ral), [...] et enfin un vĂ©ritable toucher du toucher, quand ma main droite touche ma main gauche en train de palper les choses, par lequel le sujet touchant qui passe au rang de touchĂ©, descend dans les choses, de sorte que le toucher se fait du milieu du monde et comme en elles »-[69]. Le regard, lui-mĂŞme, que Merleau-Ponty assimile Ă  une palpation s'inscrit dans l'ordre d'ĂŞtre qu'il nous dĂ©voile. « La chair est caractĂ©risĂ©e par le fait qu'il n'y a aucune partie d'elle mĂŞme qui ne soit susceptible de devenir activement sensible ni aucune sensibilitĂ© active qui ne puisse se transformer en objet d'un autre toucher, dès lors qu'elle est localisĂ©e », Ă©crit Renaud Barbaras[70].

« La sensibilitĂ© est constitutive de la corporĂ©itĂ© [...] Ainsi la capacitĂ© de « sentir Â» ne vient pas s'ajouter Ă  une rĂ©alitĂ© objective, une chair Ă  un corps [...], (c'est) le corps qui comme chose physique ne peut s'obtenir que par abstraction »[70].

La réversibilité

Pascal Dupond[71] Ă©crit : « La sensibilitĂ© ne vient pas au corps vivant par une âme qui descendrait dans le corps. Le corps vivant devient « chair Â» par l’émergence d’un nouveau champ qui se caractĂ©rise par une certaine rĂ©flexivitĂ© ou « rĂ©versibilitĂ© Â». Le corps vivant devient un corps sensible au moment oĂą il acquiert le pouvoir de se toucher soi-mĂŞme (ou de se voir lui-mĂŞme, par l’intermĂ©diaire du congĂ©nère), c’est-Ă -dire de se sĂ©parer de soi en s’unissant Ă  soi, de s’unir Ă  soi en se sĂ©parant de soi, de telle sorte que le touchant et le touchĂ©, le voyant et le vu, sont Ă  la fois mĂŞmes et autres ». « Le toucher en tant qu'il porte sur le corps propre est caractĂ©risĂ© par une « rĂ©versibilitĂ© Â» fondamentale, le touchant peut Ă  tout moment devenir chose touchĂ©e, pour cette partie du corps qu'il touchait en laquelle se dĂ©couvre le mode fondamental de la chair »[70]. Comme ce « sentir Â» est par principe immergĂ© dans un corps qui est lui-mĂŞme immergĂ© dans un monde, « ce n'est plus moi qui sent mais la chose qui sent en moi [...] le brouillage du sujet et de l'objet est attribuĂ© au monde lui-mĂŞme »[72]

Dans cette expĂ©rience, ce qui attire l'attention de Merleau-Ponty[73]. c'est la non-« coĂŻncidence Â». Jacques Garelli[74] cite cette phrase : « En fait je ne rĂ©ussis pas tout Ă  fait Ă  me toucher touchant, Ă  me voir voyant, l'expĂ©rience que j'ai de moi percevant ne va pas au-delĂ  d'une certaine imminence »

Du corps propre Ă  la chair du monde

Merleau-Ponty est le penseur qui a tentĂ© d'effectuer ce passage de la chair ontique Ă  la chair ontologique, du corps propre Ă  la « chair du monde Â»[70]. La frontière entre mon corps et le monde n'a pas de sens ontologique juge Merleau-Ponty. En raison de cette appartenance du corps au monde, l'auteur, tire cette conclusion essentielle, qu'il est possible d'Ă©tendre Ă  l'ensemble de l'ĂŞtre, le mode d'ĂŞtre charnel du corps[75]. « La chair comme « rĂ©versibilitĂ© Â» ou chiasme devient la clef de tout phĂ©nomène et par lĂ  de toute constitution » Ă©crit Marc Richir[76]. D'oĂą la formule de Merleau-ponty « ce n'est donc pas moi qui sent mais la chose qui sent en moi »[72]. La chair « qui n'est pas matière, n'est pas esprit, n'est pas substance »[77], « est ce par quoi le champ phĂ©nomĂ©nologique dĂ©couvre sa consistance et son autonomie, elle en est le tissu ou l'Ă©lĂ©ment, la phĂ©nomĂ©nalitĂ© du phĂ©nomène »[76].

Références

  1. Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, (ISBN 2-07-029337-8 et 978-2-07-029337-7, OCLC 45354628), p. 109
  2. Rudolf Bernet 1992, p. 64
  3. Denis Courville 2013, p. 68 lire en ligne
  4. Miklós Vető 2008, p. 21 lire en ligne
  5. Pascal Dupond 2001, p. 9 lire en ligne
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  7. Frédéric Jacquet 2013, p. 62 lire en ligne
  8. Florence Caeymaex 2004, p. 4 lire en ligne.
  9. Signes, p. 107-108
  10. Lucia Angelino 2008, p. 1et2 lire en ligne
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  12. Lucia Angelino 2008, p. 1 lire en ligne
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  16. Miklós Vető 2008, p. 13 lire en ligne
  17. Pascal Dupond 2017, p. 9 lire en ligne
  18. Pascal Dupond 2017, p. 10 lire en ligne
  19. Pascal Dupond 2017, p. 11 lire en ligne
  20. Pascal Dupond 2017, p. 12 lire en ligne
  21. Le corps vécu : le modèle phénoménologique lire en ligne
  22. Rudolf Bernet 1992, p. 67
  23. Rudolf Bernet 1992, p. 65
  24. Phénoménologie de la perception, p. 129
  25. Lucia Angelino 2008, p. 12 lire en ligne
  26. Phénoménologie de la perception, p. 301
  27. Phénoménologie de la perception, p. 302
  28. Rudolf Bernet 1992, p. 62
  29. Lucia Angelino 2008, p. 9 lire en ligne
  30. Phénoménologie de la perception, p. 64
  31. Pascal Dupond 2001, p. 18 lire en ligne
  32. Phénoménologie de la perception, p. 174
  33. Phénoménologie de la perception, p. 136
  34. Phénoménologie de la perception, p. 239
  35. Phénoménologie de la perception, p. 176
  36. Étienne Bimbenet 2011, p. 152
  37. Phénoménologie de la perception, p. 177
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  39. GULCEVAHIR_SAHIN 2017, p. 1lire en ligne
  40. GULCEVAHIR_SAHIN 2017, p. 2lire en ligne
  41. GULCEVAHIR_SAHIN 2017, p. 5lire en ligne
  42. Phénoménologie de la perception, p. 411
  43. Lucia Angelino 2008, p. 6 lire en ligne
  44. Phénoménologie de la perception, p. 133
  45. Phénoménologie de la perception, p. 135
  46. Renaud Barbaras 1992, p. 31-32
  47. Étienne Bimbenet 2011, p. 212
  48. Phénoménologie de la perception, p. 131
  49. Phénoménologie de la perception, p. 276
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  51. Stefan Kristensen 2006, p. 2 lire en ligne
  52. Phénoménologie de la perception, p. 284
  53. Le Visible et l'invisible, p. 140
  54. Lucia Angelino 2008, p. 5 lire en ligne
  55. Pascal Dupond 2001, p. 10 lire en ligne
  56. Rudolf Bernet 1992, p. 70
  57. Rudolf Bernet 1992, p. 71
  58. Rudolf Bernet 1992, p. 62-63
  59. Étienne Bimbenet 2011, p. 197
  60. Étienne Bimbenet 2011, p. 83
  61. Étienne Bimbenet 2011, p. 199
  62. Étienne Bimbenet 2011, p. 86
  63. Pascal Dupond 2017, p. 9 lire en ligne
  64. Rudolf Bernet 1992, p. 72
  65. Rudolf Bernet 1992, p. 73
  66. Rudolf Bernet 1992, p. 74
  67. Étienne Bimbenet 2011, p. 124
  68. Florence Caeymaex 2004, p. 9 lire en ligne
  69. Le Visible et l'invisible, p. 170
  70. Renaud Barbaras 2011, p. 13 lire en ligne
  71. Pascal Dupond 2017, p. 12 lire en ligne
  72. Renaud Barbaras 2011, p. 15 lire en ligne
  73. Le Visible et l'invisible, p. 303
  74. Jacques Garelli 1994, p. 70 lire en ligne
  75. Renaud Barbaras 2011, p. 15
  76. Marc Richir 1982, p. 139 lire en ligne
  77. Le Visible et l'invisible, p. 184

Notes

  1. « La Phénoménologie de la perception énumère trois sous-espèces de cet espace anthropologique : « l’espace du rêve, l’espace mythique, l’espace schizophrénique ». À côté de ses exemples puisés de l’onirique, voire du morbide, du monde du délire, bref, de l’« irrationnel », Merleau-Ponty renvoie à d’autres échantillons de la spatialité subjective, notamment celui qu’on rencontre dans l’art. Les gestes de l’organiste – écrit-il – « créent un espace expressif » . Dans la salle de concert, quand j’ouvre mes yeux une fois le concert fini, je me retrouve dans un « espace précis et mesquin » qui succède à « cet autre espace où tout à l’heure la musique se déployait ». Quant au tableau, « comme œuvre d’art », il « n’est pas dans l’espace où il habite comme chose physique ». Finalement, la danse – art spatial par excellence –, elle, « se déroule dans un espace sans buts et sans directions »-Miklós Vető 2008, p. 9 lire en ligne
  2. « Distances et directions dépendent du schéma corporel qui, seul, fonde l’orientation des objets du monde par rapport au sujet percevant. Le corps est bel et bien « le pivot du monde… le terme inaperçu vers lequel tous les objets tournent leur face » . Réalité préobjective, principe existentiel du monde de la perception , du monde « phénoménal », de « l’espace physique »  [...], le corps est au sens propre « une intentionnalité originelle » , principe ultime de toute noétique spatiale »-Miklós Vető 2008, p. 15 lire en ligne
  3. . Ainsi que l'écrit Pascal Dupond« La sensibilité ne vient pas au corps vivant par une âme qui descendrait dans le corps. Le corps vivant devient chair par l’émergence d’un nouveau champ qui se caractérise par une certaine réflexivité ou réversibilité. Le corps vivant devient un corps sensible au moment où il acquiert le pouvoir de se toucher soi-même (ou de se voir lui-même, par ’intermédiaire du congénère), c’est-à-dire de se séparer de soi en s’unissant à soi, de s’unir à soi en se séparant de soi, de telle sorte que le touchant et le touché, le voyant et le vu, sont à la fois mêmes et autres »Pascal Dupond 2017, p. 12 lire en ligne
  4. « La seule manière d’expliquer efficacement l’unité du corps, c’est de comprendre le schéma corporel comme ouverture à des buts, attitude envers les objets, fond d’une praxis, c’est-à-dire fond sur lequel se détachent nos projets moteurs et spatialité pré-objective sur fond de laquelle se dessinent les objets comme pôles d’action »-Lucia Angelino 2008, p. 5 lire en ligne
  5. « La branche d'arbre est pour le singe soit un point d'appui, soit un bâton pour attraper une banane, mais jamais une seule et même chose qu'il pourrait envisager comme identique sous ces deux points de vue pratiques »-Étienne Bimbenet 2011, p. 198
  6. « De même que les différents sens communiquent entre eux, ainsi les différentes parties du corps s'impliquent, s'enveloppent ou empiètent les unes sur les autres pour tisser des systèmes d'équivalence pratique [...] (Merleau-Ponty écrit) mon corps est, non une somme d'organes juxtaposés mais un système synergique dont toutes les fonctions sont reprises et liées dans le mouvement général de l' être-au-monde »-Rudolf Bernet 1992, p. 66
  7. Merleau-Ponty s'attarde sur l'exemple d'un malade psychiatrique qui trouve aisĂ©ment son nez si on lui demande de le saisir, mais qui est incapable de le viser si on lui demande de le montrer. L'auteur distingue ainsi, la fonction « saisir Â» de la fonction de monstration qui implique que les organes du corps relèvent moins d'une position objective dans l'espace gĂ©omĂ©trique que de leur situation dans le processus d'une action-PhĂ©nomĂ©nologie de la perception, p. 133-135
  8. « La perception n'est pas l'œuvre d'un esprit connaissant surplombant son expériencde et transformant les processus physiologiques en significations rationnelles ; elle est le fait d'un corps essentiellement agissant, situé au milieu de ce qu'il perçoit, et polarisant tout ce qui lui arrive depuis ses dimensions propres et non objectivables (le haut, le bas, la droite la gauche, etc.) [...] C'est un « motif » dit Merleau-Ponty, plutôt qu'une « cause » ou une « raison », qui justifie la prégnance des formes perçues »-Étienne Bimbenet 2011, p. 193-194

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Michel Blay, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse, , 880 p. (ISBN 978-2-03-585007-2).
  • Maurice Merleau-Ponty, PhĂ©nomĂ©nologie de la perception, Paris, Gallimard, coll. « Tel », , 537 p. (ISBN 2-07-029337-8).
  • Maurice Merleau-Ponty, Le Visible et l'invisible, Gallimard, coll. « Tel », , 360 p. (ISBN 2-07-028625-8).
  • Maurice Merleau-Ponty, Signes, Gallimard, coll. « folio-essais », , 562 p. (ISBN 978-2-07-041740-7).
  • Emmanuel Housset, Husserl et l’énigme du monde, Seuil, coll. « Points », , 263 p. (ISBN 978-2-02-033812-7).
  • Renaud Barbaras, Le Tournant de l'expĂ©rience : Recherches sur la philosophie de Merleau-Ponty, J.Vrin, coll. « Bibliothèque d'histoire de la philosophie », , 287 p. (ISBN 978-2-7116-1343-4, lire en ligne).
  • Renaud Barbaras, « MotricitĂ© et phĂ©nomĂ©nalitĂ© chez le dernier Merleau-Ponty », dans Merleau-Ponty, phĂ©nomĂ©nologie et expĂ©riences,directeurs Marc Richir,Étienne Tassin, JĂ©rĂ´me Millon, (ISBN 978-2905614681)
  • Étienne Bimbenet, Après Merleau-Ponty : Ă©tude sur la fĂ©conditĂ© d'une pensĂ©e, Paris, J.Vrin, coll. « Problèmes et Controverses », , 252 p. (ISBN 978-2-7116-2355-6, lire en ligne).
  • Rudolf Bernet, « Le sujet dans la nature. RĂ©flexions sur la phĂ©nomĂ©nologie de la perception chez Merleau-Ponty », dans Marc Richir,Étienne Tassin (directeurs), Merleau-Ponty, phĂ©nomĂ©nologie et expĂ©riences, JĂ©rĂ´me Millon, (ISBN 978-2905614681), p. 56-77.
  • Eugen Fink, « RĂ©flexions phĂ©nomĂ©nologiques sur la thĂ©orie du sujet », dans Le statut du phĂ©nomĂ©nologique, JĂ©rĂ´me Millon, coll. « EpokhĂ© » (no 1), (ISBN 2-905614-45-5), p. 11-43.
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